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bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA)

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MessageSujet: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty20/4/2016, 00:15

bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera.
EMMA & ICARE

Lorsque je reçois l'enveloppe, elle est déjà lourde dans ma main. Mon nom est écrit, simplement, mais il n'y a rien d'autre, rien qui puisse identifier l'expéditeur. Je l'ouvre en arrachant la languette sans faire trop attention, je n'ai jamais été de ceux qui s'appliquent à ouvrir proprement leur courrier. A l'intérieur, il y a une simple feuille blanche pliée en trois. Je la sors, ayant un mauvais pressentiment, et la déplie. Le premier choc que je reçois est presque immédiat. Il y a le nom de mon père écrit noir sur blanc, en haut de la page. C'est la première chose que je vois. Papa ne représente plus grand-chose pour moi. Je n'ai pas d'animosité ou de haine emmagasinée. Il est juste quelqu'un qui a disparu de ma vie, quelqu'un que j'ai oublié plutôt facilement. Mais voir son nom écrit dans cette lettre qui m'est adressée, ça réveille quelque chose en moi. Je fais de mon mieux pour ne pas me laisser perturber par ça, et je commence à lire. Je lis, et je relis, et je relis encore. Je comprends que le courrier ne vient pas directement de lui. Je pense que malgré tout, il n'aurait jamais eu les couilles de m'envoyer ça. J'y lis que mon père a de gros problèmes financiers, qu'il ne peut plus subvenir à ses besoins après un gros souci de santé. Visiblement, le fait que je suis son fils signifie que je suis celui qui doit l'aider. Moi, qui vis seul, qui ai à peine 25 ans et essaye de me construire un avenir après tout ce qui est arrivé. Moi qui galère entre mes deux jobs. J'ai presque envie de rire. Ou de chialer. Je ne suis pas tout à fait sûr.

J'arrive dans le restaurant où j'ai donné rendez-vous à Emma. C'est un petit endroit qui se trouve dans mon quartier, étonnamment peu cher pour le lieu, peut-être parce qu'il se trouve dans une rue moins touristique. Le serveur me place, et je m'installe, prêt à l'attendre. La lettre est lourde dans ma poche. Il y a tellement de choses à propos de celle-ci qui me donnent envie de vomir, mais je me retiens. Je suis un grand garçon, la vie m'a appris à ne pas exposer mon coeur trop facilement. Peu après avoir lu le courrier, j'avais envoyé un sms à Emma, lui proposant de me retrouver pour déjeuner. La seule précision avait été que j'avais reçu un courrier important, que ça risquait de l'intéresser. Maintenant, assis là, je me dis qu'elle l'a sûrement reçu aussi, ce courrier. Que je ne suis pas le seul à devoir soi-disant "assumer ses devoirs d'enfant". Ca me donne la gerbe, vraiment. Le serveur arrive et me demande si je veux commander ou boire quelque chose en attendant mon rendez-vous. Je secoue lentement la tête avec un sourire que je force un peu, cherchant à être agréable malgré la guerre intérieure qui me déchire. Je préfère attendre Emma. Elle ne devrait plus tarder.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty24/4/2016, 16:43




Lettre
ft. Emma & Icare.


C'était le matin. D'habitude, je n'ai jamais de courrier. Les gens avec qui j'ai un contact envoient des messages, des mails. Mais là, pour la première fois depuis mon arrivée à Paris, ma boîte aux lettres était occupée. Une enveloppe normale, qui m'a serrée les tripes avant même que je ne l'ouvre. Pas d'adresse, pas de noms, hormis les miens. Je l'ai lue dans le hall, assise sur les marches de l'escalier avec cette vieille odeur de McDo. Je n'ai pas tout de suite compris. C'était d'une écriture qui me semblait familière et avec des "Emma chérie", des "Tu me manques tellement". Je n'ai pas saisi. Une question d'argent, de besoin vital, de survie. Et puis, en bas, sournoisement, comme une dernière pique, une signature. Pas un nom ; pire encore. "Papa". J'ai monté les escaliers en courant bruyamment et j'ai vomi du vide dans mes toilettes. Papa.

Le métro est trop chargé pour que je réfléchisse. Tans mieux. Depuis que j'ai ouvert la lettre, je fais tout pour ne pas réfléchir. Je sais que, si je me laisse ne serait-ce que deux secondes de répit, des souvenirs vont remonter, aussi douloureux que lointains. Je ne peux pas. La musique hurlant dans mes oreilles, je me concentre sur les paroles et j'arrive au restaurant. Tu es déjà, bien sûr. Vers le fond, comme la première fois qu'on s'est revu. Je m'avance, avec la sensation d'être un fantôme. Je sais que j'ai l'air malade, je n'ai rien avalé depuis longtemps. Je m'assoit immédiatement sur la chaise en face. J'ai l'impression que le moindre regard, la moindre parole, va me faire fondre en larme ou dégueuler sur la table. Je pose, un peu brutalement, la lettre. Elle est froissée, je l'ai balancée avant de la récupérer. Plusieurs fois.

J'aimerai tellement que ça ne m'atteigne pas autant. Mais c'est Papa. Papa, qui a détruit la famille, qui l'a faite exploser en vol. Qui a détruit Maman, aussi, qui a rendue cette femme si vive et si intelligente, comme une épave, un corps vide qui ne pleure que sur ma propre absence. Qui, quand j'avais seize ans, m'a dit des adieux sanglotants sur le quai de la gare, m'abandonnant à mon sort. Je ne le lui ai jamais pardonné. Je n'ai jamais pardonné quoi que ce soit à ma famille. Je lève les yeux vers toi. « Tu l'as aussi, hein ? » Même à toi, j'en veux encore. Si on avait tous joué nos rôles en pensant aux autres, on serait encore les Lecomte, heureux et indestructibles. J'essaye vainement de chasser cette pensée, mais ça fait bien des années qu'elle squatte mon esprit.

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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty27/4/2016, 18:13

Le serveur passe encore une fois à côté de ma table, me jetant un coup d'oeil. Il est plutôt mignon, à croire que ça fait partie des qualités demandées pour le poste, mais aujourd'hui je n'ai pas la tête à sourire aux garçons qui me plaisent. Je repense à la lettre, et ça me dégoûte plus que ça ne me fait mal. J'ai toujours porté beaucoup d'importance à des valeurs comme le respect, la justice, tous ces trucs là. Alors mon père qui disparaît de ma vie pour ensuite m'écrire une pauvre lettre qui essaye de me prendre par l'honneur, ça me donne envie de rire, ou peut-être d'aller le trouver là où il se cache et le frapper en pleine face. Ca, ça pourrait peut-être me défendre. Je ne suis pas particulièrement violent, mais j'ai toujours eu un petit côté bagarreur, qui s'est tout de même calmé en grandissant. Mais voilà, j'ai des pulsions et il y a des limites qu'il ne faut pas franchir. Aujourd'hui cependant, il n'y a plus uniquement moi, il y a aussi Emma. Emma qui est plus jeune, peut-être aussi plus sensible, plus vulnérable, je ne sais pas. Emma qui a sans doute moins de recul. Alors il faut que je fasse des efforts, que je sois le grand-frère pour une fois. Et c'est là qu'elle arrive. Elle entre et s'avance, et je me redresse un peu sur ma chaise. Elle n'a pas l'air bien, et je comprends, parce qu'elle aussi elle l'a eue cette lettre. Emma s'installe en face de moi, reste silencieuse, et je ne brise pas ce moment. Je me dis que c'est à elle de le faire, si elle en a envie. Elle pose l'enveloppe sur la table et mes yeux se concentrent directement sur le papier. On dirait que la lettre est passée trois fois au mixeur. J'imagine Emma s'acharner sur ce bout de papier, et ça me fait mal, ça me fait plus mal que la lettre. Ou alors c'est une autre douleur. Je ne sais pas trop.

Je quitte l'enveloppe des yeux et croise son regard. « Tu l'as aussi, hein ? » elle me dit, avec un peu d'animosité. Sa voix est encore différente de celle de nos retrouvailles. Elle m'en veut, je ne sais pas si c'est parce que je suis parti exactement, ou s'il y a autre chose que suggèrent ces lettres, quelque chose qui a un rapport avec moi. J'essaye de me convaincre que c'est simplement dû à mon départ, il y a des années. C'est plus simple à avaler. Je sors la lettre de ma poche et la pose sur la table, en face de la sienne. « Je pensais pas qu'il avait cette arrogance là » je lui réponds doucement, en tapant des doigts nerveusement sur le bois de la table. C'est vrai. J'avais effacé mon père de ma vie, l'avais placé dans une catégorie de mes souvenirs qui était à archiver et ne plus évoquer. Je lui avais trouvé un nombre infini de défauts. Mais ça, c'est encore autre chose. Il doit vraiment être dans la merde, ou alors les années lui ont fait perdre son égo. « On devrait en discuter, histoire d'être d'accord » je propose, me mordant un peu la lèvre. C'est pour ça que je lui ai donné rendez-vous, pour qu'on en parle, qu'on prenne une décision, quelque chose. On n'est pas seuls dans ce merdier, il faut qu'on soit tous les deux, sinon ça ne marchera pas. J'ai mes principes, mon avis bien tranchés sur la chose. Mais je sais qu'au final, je suivrai Emma dans son choix.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty1/5/2016, 17:32




Lettre
ft. Emma & Icare.


J'aimerai bien que ça m'atteigne pas. J'aurai bien aimé balancer la lettre à la poubelle, et ne plus y penser, chasser le douloureux souvenir de Papa de mon esprit. J'aurai bien aimé être assez forte pour supporter ça - et, de toutes évidences, je ne le suis pas. Je n'ai pas vraiment imaginé comment tu avais réagi, toi. Tu avais sans doute mille fois plus de colère dans le cœur que moi, quand tu es parti. Après dix ans passés loin de tout ça, de nous, des souvenirs, je ne sais pas vraiment comment tu as reçu ça, cette preuve de vie à vomir.

Si tu es aussi dégoûté que moi, tu le montre moins, et de loin. De toutes manières, tu as toujours été le plus présentable de nous deux. Ça, au moins, ça n'a pas l'air d'avoir changé. Ma voix est un brin trop chargée de rancœur. Je n'arriverai pas tout de suite à l'atténuer. Je m'en veux un peu de t'infliger ça, cette colère permanente. Mais dans la lettre, Papa, entre deux tentatives de me culpabiliser par les sentiments, glissait ton nom. "Icare m'aurait sans doute aidé, mais je ne sais pas où le trouver". En plus de mentir, il appuie là où ça fait mal, là où ça a toujours fait mal. T'étais l'enfant adoré, l'enfant roi. Des années après l'explosion de notre famille, tu restes le modèle. Tu sors, presque doucement, la lettre de ta poche. « Je pensais pas qu'il avait cette arrogance là » Ta voix est si calme, si rassurante. Tu n'imagines pas. J'ai les yeux fixés sur l'enveloppe posée entre nous. Finalement, c'est peut-être pire pour toi. Moi, la dernière fois que je l'ai vu, il était en larmes, sur le quai de la Gare, avec une énième copine. Il partait, me jurait qu'il m'aimait, me suppliait de ne jamais l'oublier. Mais toi... Toi, la dernière fois que tu l'as vu, il devait être en train de balancer de rage des assiettes dans le salon. Il devait être rouge de colère, je n'ose même pas imaginer le flot d'insultes qui devait couler de ses lèvres. Mais il revient, aussi, vers toi, quand même. Je n'arrive pas à répondre. Je suis presque bouchée bée, devant tant d'insolence, d'irrespect. « On devrait en discuter, histoire d'être d'accord » Je lève, lentement, aussi vite que je le peux, les yeux vers toi. Je hoche la tête - oui, il faut qu'on soit ensembles. De toutes façons, nos années dorées, elles étaient quand on étais quatre, un clan, plus qu'une famille. Une fois qu'on s'est séparé, on est, tous les quatre, partis en cacahuètes.

« Hors de question qu'on lui donne quoi que ce soit. », je réponds. J'hésite un peu. Il faudra bien aborder le sujet. « Déjà, je n'ai plus d'argent. », j'ajoute, à voix basse, honteuse. Maman ne peut plus me payer l'appartement. Je vais devoir partir, aller squatter chez quelqu'un - Adrien, en l’occurrence. « Et puis, je n'en ai pas envie. Il ne mérite pas un seul centime. » Je suis trop dure. On m'a éduquée, on nous a éduqué, dans l'idée qu'un jour ou l'autre, les enfants devraient s'occuper des parents. Théoriquement, on devrait lui répondre, lui envoyer de l'argent, des bisous. Mais l'idée même me donner envie de vomir le peu de nourriture que j'ai dans mon ventre aux pieds du serveur beau gosse. Je me stoppe. « Et toi, t'en penses quoi ? », je demande. Inconsciemment, t'es toujours le leader de notre relation. Et, ça, j'en suis consciente, le plus réfléchi.

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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty6/5/2016, 18:50

Je ne sais pas trop quoi faire, ni ce que ça veut dire au final. Qu'est-ce que ça implique. J'ai envie de suivre Emma dans ses décisions, je me dis que ce n'est pas vraiment ma place de décider de ce qui va se passer. Je pourrais comprendre qu'elle soit encore attachée à lui, qu'une part d'elle souhaite l'aider, peut-être en se disant que ça le ramènera, que ça nous sauvera tous et qu'avec ça, on renaîtra un peu de nos cendres. Je sais que c'est un peu naïf, mais on a le droit de l'être au moins un peu, non ? Je ne serai pas celui qui se moquerait d'elle si elle décidait d'être naïve. On nous a arraché notre enfance, alors on a le droit d'un petit moment d'espoir. Je lui dis simplement qu'on ne peut pas être divisés pour cette bataille. Nos intérêts sont les mêmes, elle le sait, et moi je suis juste prêt à faire ce qu'il faut pour la rendre heureuse. Elle lève les yeux vers moi, et hoche la tête. « Hors de question qu'on lui donne quoi que ce soit. » elle me dit, et ça me soulage. J'avoue que je préfère cette option là, et au moins, on est d'accord. Je me sens un peu mieux en sachant qu'elle refuse catégoriquement d'avoir pitié de lui. Les mots de la lettre, plutôt que me convaincre, m'avaient refroidi, repoussé. Je ne suis plus un enfant, et pourtant il s'adresse à moi comme s'il avait sur moi tout le pouvoir d'un parent, comme s'il portait en lui la vérité sur le bien et le mal, le juste et l'injuste. Ca me dégoûte. Mais toutes ces pensées sont vite interrompues, car Emma se lance. « Déjà, je n'ai plus d'argent. » elle dit d'une petite voix, comme si c'était honteux. Ca me fait drôle, parce que j'ai vécu des années avec des gens qui n'avaient pas leur langue dans leur poche, des gens qui parlaient de tous les sujets qui fâchent sans tabous. Je suis devenu un peu comme ça, dans le genre où avouer à voix haute que je n'ai pas de thunes et même m'en plaindre tout en souriant un peu, ça ne me dérange pas. C'est bizarre, parce que j'ai soudain l'impression qu'on ne vient pas du même milieu, que quelque chose d'étrange nous a foutus dans deux castes différentes. Encore un résultat palpable de la cassure qui s'est produite lorsque je suis parti. Je ne suis pas très riche, loin de là. Disons que je mène ma petite vie et que parfois je galère, mais ça va, c'est cool. Alors si Emma a besoin d'aide, bien évidemment que je suis là.

Je réfléchis à comment le lui dire sans être vexant, mais elle ajoute sans attendre « Et puis, je n'en ai pas envie. Il ne mérite pas un seul centime. » C'est un peu agressif, je ne m'y attendais pas vraiment, mais au final ça ne me choque pas. Emma n'a jamais été une petite fille fragile, et j'ai vite compris lors de nos retrouvailles qu'en grandissant, elle s'était forgé un caractère fort, quelque chose de brutal presque. On est un peu les mêmes, au fond, sauf que chez moi c'est plus enfoui. C'est l'âge qui fait ça, l'expérience, les années. Ca t'apprend un tas de choses sur comment te présenter aux autres. « Et toi, t'en penses quoi ? » elle me demande alors. Moi, moi je ne sais pas quoi penser. J'en suis encore au stade où j'essaye de réaliser qu'il a tout simplement osé. Je hausse les épaules avant de réaliser que ce geste ne correspond pas du tout à ce que j'en pense. « Il m'énerve, dans le genre j'ai envie de la lui faire bouffer, sa lettre » je réponds, honnêtement, dans un souffle qui s'échappe tout simplement de moi. J'essaye de rester neutre, de ne pas laisser mon coeur s'exprimer de trop, de voir la situation comme elle est et de prendre la bonne décision. « Sa nouvelle famille, ils ont qu'à l'aider, eux » j'ajoute doucement en commençant à jouer avec la fourchette posée près de moi. Je suis quelqu'un d'assez rationnel, alors la décision est simple à mes yeux. Il est parti, il a fait un choix, il n'a pas le droit de revenir en arrière. C'est injuste envers nous, et envers sa nouvelle famille. Enfin, ce n'est pas comme si je les connaissais, mais je le sais, et ça m'aide à me décider, alors tant mieux. « Tu sais pourquoi, toi ? Comment il en est arrivé là... » je demande à Emma, soudain, fronçant un peu les sourcils. Je ne comprends pas trop et peut-être qu'elle le sait, elle. Je ne sais pourquoi ça m'importe tout à coup, mais j'ai envie de savoir. J'ai envie de savoir s'il l'a cherché, ou si ça lui est tombé dessus, juste comme ça. Peut-être pour me réconforter dans mes choix.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty13/5/2016, 18:23




Lettre
ft. Emma & Icare.


Mon refus catégorique à l'air de te satisfaire, et ça me rassure aussi. Après tout, tu n'étais pas forcément obligé d'être aussi rancunier, aussi haineux, que je le suis. D'aussi loin que je me souviennes, tu prenais les bonnes décisions, toujours. Quelque part, même quand tu m'as laissée, c'était ta bonne décision. Et moi, je marchais et je marche encore à l'instinct, à la première impression. Icare m'aurait sans doute aidé., qu'il disait. Je serre le bois de la table entre mes doigts, mes jointures deviennent blanches.

Le seul fait d'avouer que je suis complètement fauchée me fait monter le rouge aux joues et les larmes aux yeux. Mais ça, tu peux pas comprendre, et je saisis trop tard. Parce que après, je suis devenue quelqu'un d'autre, une princesse tout droit sortie d'instagram, qui avait besoin d'argent, qui a toujours l'amour pur de l'argent. Je sais pas de qui j'ai hérité ça, mais c'est sans doute mon plus gros défaut. Tu réagis pas trop, mon honneur est un peu sauf. J'aurai détesté que tu me prennes en pitié. J'embraye, efface momentanément, te demande ce que t'en penses.

Tu ne réponds pas tout de suite, comme si tu n'avais pas encore encaissé. Et puis, soudain. « Il m'énerve, dans le genre j'ai envie de la lui faire bouffer, sa lettre. » Je réalise que c'est la première fois que je te vois t'emporter. C'est dingue, ça. Même quand j'ai débarqué chez toi à l'improviste en proclamant qui j'étais, t'es resté digne, presque calme, comme si c'était normal. Tu m'impressionnes toujours autant qu'avant, quand on était gamins, tu sais. « Sa nouvelle famille, ils ont qu'à l'aider, eux. » C'est vrai. Alors pourquoi j'ai l'impression qu'il n'en a plus, de famille ? Parce que je l'ai vu briser son couple avec Maman ou parce que j'ai fait la connaissance de sa vingtaine de petites copines à la suite ? « Tu sais pourquoi, toi ? Comment il en est arrivé là... » Je me mordille la lèvre. « Non. Quand il est parti, j'ai plus eut de nouvelles. Je crois qu'il payait Maman, comme ça a dû être convenu avec le divorce, au début. » Je ne sais pas s'il a continué. Je m'interromps. La lettre de Papa coïncide avec l'appel de Maman, qui m'annonce qu'elle n'a plus assez d'argent pour me payer mon loyer et le reste. « Je sais pas, peut-être qu'il s'est séparé de sa nouvelle famille aussi. Sinon, je ne pense pas qu'il aurait pensé à nous chercher. » Quelle tristesse. Et c'est vrai. Il nous a tous virés de sa vie, un par un, et s'il avait eut une autre solution, il l'aurait privilégiée, j'en suis convaincue.

Le serveur arrive. Je demande un verre d'eau, mais je sais que même à ça, j'y toucherai pas. Mes pensées continuent leur chemin dans mon esprit. « Tu crois que Maman a aussi reçu une lettre ? » Est-ce que notre géniteur est assez mesquin, ou désespéré, pour ça ?

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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty15/5/2016, 19:24

Papa ne sait plus qui je suis, il ne me connaît plus. La lettre est comme adressée à quelqu'un qui n'existe plus, au moi du passé. Il y a des choses qui me parlent dans ces paragraphes, mais certaines phrases n'ont simplement pas de sens. Je me demande ce qu'il dirait s'il me voyait aujourd'hui, s'il connaissait ma vie, savait celui que je suis devenu. S'il savait que son fils adoré, sportif et fier, est devenu quelqu'un d'autre. Employé dans une librairie et un sex-shop, plus intéressé par les garçons que les filles. Je ne sais pas s'il me regarderait de la même façon, s'il accepterait même de me regarder. Si celui que je suis devenu le dégoûterait. J'étais le fils parfait, quand on s'est quittés. Et aujourd'hui, peut-être qu'il refuserait simplement de me regarder, de me considérer comme son enfant. Je ne sais pas, on n'a jamais eu à parler de ces choses. Je me demande si son besoin d'argent serait plus fort, ou s'il serait trop fier pour se tourner vers moi, s'il savait. Puis je réalise qu'Emma non plus ne sait pas tout, que certains aspects de ma vie sont secrets. C'est peut-être mieux comme ça. J'en sais rien. Elle me parle très rapidement de ses problèmes d'argent, et ça a l'air de la gêner. Je ne commente pas, mais même si j'avais voulu dire quelque chose, c'est elle qui reprend sans attendre. Sa rage me fait du bien, me conforte dans mes décisions. On a été séparés si longtemps, et par ma faute, mais pour cette fois, on sera ensemble quoiqu'il advienne. Ca me fait du bien, me rassure. Je laisse ma propre colère sortir dans les réponses que je lui donne. La violence dont je suis capable s'exprime finalement, car j'ai beau me censurer, je suis toujours un peu le même, de ce côté là. J'ai mes pulsions et mes envies de vengeance, mais là, face à Emma, ça reste doux. Je ne peux pas vraiment me perdre là-dedans, je reste posé, concentré. Papa nous a quittés, il a tout détruit, et je ne suis peut-être pas innocent dans cette histoire... mais moi, je ne suis pas celui qui revient dix ans plus tard pour réclamer ce que je ne mérite pas. Je suis parti, et j'ai assumé. Si Emma est là aujourd'hui, c'est parce qu'elle a voulu de moi. Je ne me serais jamais permis d'aller réclamer son amour. Je pense à notre père, à ce qu'il a bien pu faire pour en arriver là, je pose cette question à ma soeur. Peut-être qu'elle sait, peut-être qu'il lui a dit quelque chose. Sa lèvre se coince un peu entre ses lèvres, je lui laisse le temps. « Non. Quand il est parti, j'ai plus eut de nouvelles. Je crois qu'il payait Maman, comme ça a dû être convenu avec le divorce, au début. » elle me répond. Je hôche un peu la tête, pour lui montrer que je l'écoute, que je comprends ce qu'elle me dit. Alors il a fait comme moi, il est parti comme un lâche sans rien dire. C'est un peu comme un poing dans l'estomac, de réaliser que lui et moi nous ne sommes pas si différents. Et pourtant je le déteste pour ce qu'il est en train de faire. Peut-être que je devrais me détester moi aussi. Je ne sais pas si c'est comparable, tout ça, si lui et moi, on rentre dans la même case, si on est le même genre de personnes. Peut-être que je suis bien le fils de mon père.

« Je sais pas, peut-être qu'il s'est séparé de sa nouvelle famille aussi. Sinon, je ne pense pas qu'il aurait pensé à nous chercher. » ajoute Emma, et ça me tire un peu de mes idées noires. Elle a sûrement raison. Ou peut-être qu'ils sont tout aussi ruinés que lui, peut-être même qu'il a donné tout son argent à cette famille, jusqu'à ce qu'ils soient tous dépouillés. Je ne sais pas. Imaginer mon père comme un homme généreux, dévoué à sa famille, même si ce n'est pas la nôtre... ça me rassure un peu. Ca me dégoûte aussi. Parce qu'on le méritait cet amour, on le méritait vraiment. Je n'aime pas me poser des questions sur ce qui aurait pu arriver si un détail avait été différent. L'effet papillon, ça m'angoisse. Me dire que j'aurais pu décider de rester, de ne jamais monter à Paris, de ne jamais partir, ne jamais rencontrer Aaron, ne jamais le perdre. Mais ça me donne envie de gerber, malgré la douleur, ça me donne envie de gerber de me dire que j'aurais pu ne jamais le rencontrer. « Tu penses qu'il en a mis combien en miettes... de familles ? » je demande avec un peu de sarcasme, sans réellement poser la question. J'imagine mon père aller d'une femme à une autre, et partir en laissant tout en plan. Le serveur revient, et Emma commande un verre d'eau. Moi, j'ai faim et l'angoisse me donne envie de manger tout ce qui me passe sous le nez. Alors je demande un plat de spaghetti bolognèse, avec supplément fromage, et un Coca. Certaines personnes se tournent vers l'alcool ou la drogue. Moi et la bouffe, on s'en sort plutôt bien. « Tu crois que Maman a aussi reçu une lettre ? » me demande Emma, alors que le serveur s'éloigne avec son petit carnet à la main. Ca, ça serait le pire. Qu'il ose ça. Je lève les yeux vers elle, garde le contact un long moment alors que je réfléchis, que j'essaye de m'imaginer la situation. Je crois que quelque chose passe entre Emma et moi, qu'on se comprend un peu là-dessus sans se parler. C'est ce que sous-entend la tension. Je me redresse finalement sur ma chaise. « J'pense qu'avec le divorce, il a pas le droit » Je ne sais pas vraiment, j'hésite un peu, mais je me dis que leur séparation devant la loi, elle veut dire qu'il n'y a plus rien entre eux. Même pas ça. « C'est pas de nous qu'il a divorcé... » j'ajoute après une pause. C'est vrai, il n'y a pas de papier qui certifie qu'il n'est plus notre père. Dans mon coeur, il ne l'est plus, et dans celui d'Emma... je ne sais pas, elle ne ressent sûrement pas les choses de la même manière. Mais aux yeux du monde, on reste ses enfants, et c'est injuste.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty27/5/2016, 18:43




Lettre
ft. Emma & Icare.


Et, impossibles à arrêter, des souvenirs douloureux remontent jusqu'à la surface de mon esprit. Je me rappelle des premières lettres. Il n'y avait plus que Maman et moi à la maison, et elle les redoutait autant qu'elle les attendait. Il lui arrivais de pleurer en les lisant, parfois même simplement en les ouvrant, quand le parfum de Papa s'échappait par bouffées de l'enveloppe. Ça a duré longtemps, plusieurs années. Après, je ne sais plus. Je ne sais pas où j'ai perdu le fil, quand est-ce que Maman a arrêté de pleurer tous les mois, quand est-ce qu'elle a arrêté d'en parler tout court. Je ne sais même pas si je l'écoutais, à l'époque. J'étais obnubilée par mon apparence, ma réputation, et j'avais relégué ma famille au millième plan. L'atroce gamine.

Tu me demandes si je sais ce qui s'est passé. Pendant que je réponds, mon esprit connecte de lui-même les informations. Peut-être que Papa, qui a perdu de l'argent d'une façon sans doute stupide et typiquement lui, ne peut plus approvisionner ma mère. Ma mère qui, par conséquent, ne peut plus m'aider, moi. Alors, par pur égoïsme, est-ce qu'aider Papa reviendrait à m'aider ? Je me tire de ces pensées. Non. Je ne peux pas l'aider. L'idée seule me donne envie de me fracasser la tête sur un mur. Je serre les poings, seule preuve que mon mauvais caractère, malgré les maquillages et talons hauts, ne m'a jamais quitté. Je pense à cette famille, qu'il a dû ruiner. Je vois d'ici la femme, un peu trop naïve, un peu trop amoureuse, comme l'étais et l'est encore notre mère. Peut-être que y a aussi un petit garçon, déjà si adorable, si mignon. Peut-être aussi une petite fille, qui le suit, trébuchante et admirative. Je me racle la gorge.

On reste un peu silencieux, je crois qu'on se ressasse des trucs qu'il faut pas remuer. « Tu penses qu'il en a mis combien en miettes... de familles ? » Le serveur me laisse le temps de réfléchir. La première réponse qui me vient, c'est des tas. Des tas de familles, des tas de frères et soeurs, des tas de femmes. C'est tellement plus facile de se dire que c'est lui le gros con de l'histoire, que c'est de sa faute, entièrement, mais au fond, je sais que c'est pas le cas. Parce que moi, quand je suis plus intéressée par mon mec, je lui fais des coups comme ça. Je brise pas sa famille, mais je devient insensible, comme si de rien n'était, et lui faire du mal, ça n'a pas d'importance. Je ne tiens pas ça de Maman. Je tiens ça de lui. J'ai son mauvais caractère et son vice. C'est mon père.

La question me brûle les lèvres, et je suis obligée de te demander. Si Maman a reçu une lettre, ça change tout. Parce que ce serait la guerre. Je l'imagine brusquement, repliée sur le grand canapé du salon, déserté par nous autres, avec une lettre posée sur la table, en face. Je l'imagine tourner dans la maison comme une torturée, comme si c'était à cause d'elle. « J'pense qu'avec le divorce, il a pas le droit. » Je sais pas. Je peux pas me détacher de ton regard, j'ai l'impression que c'est le seul truc qu'il nous reste. Je hoche lentement la tête, pas trop convaincue. On avait aucune idée des clauses du divorce, et on a aucun moyen de le savoir. Mais même s'il en existe une qui dit qu'ils ne doivent plus avoir de contacts, je connais assez mon père pour savoir que, par amour de l'argent, il est capable de survoler les lois. « C'est pas de nous qu'il a divorcé... » Et là, brusquement, je me dis que t'as peut-être plus souffert que moi. Parce que loin de tout ça, c'est facile de nous oublier. En moins d'un an à Paris, j'ai presque oublié ma vie d'avant. Alors dix ans... Et là, tu dois recevoir ça, notre vie, un passé qui m'est plus proche que pour toi, en pleine face. Dix ans après, un gros aperçu de nos anciens problèmes, de nos anciennes crises. C'est moi la mieux informée de nous deux, mais c'est peut-être aussi moi la plus habituée. « Ouais, c'est vrai. » Je ne sais pas quoi dire d'autre. C'est si triste. « Mais on ne peut pas ne rien faire », j'ajoute. « Je peux pas juste oublier la lettre. » Qu'est-ce que c'est, ça ? Un élan de tendresse d'une fille envers son père ? Un sens du devoir ? Je sais pas qui je veux protéger, si c'est toi, moi, Maman, ou lui. Si je dois protéger quelqu'un. Je me prend la tête entre les mains. « Il faut qu'on le retrouve. » Autant pour avoir des explications que pour terminer une bonne fois pour toute cette histoire.


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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty29/5/2016, 16:08

Ca fait 10 ans. Quand on s'est quittés j'étais un enfant, un gamin. Aujourd'hui je suis adulte, j'ai de l'expérience, j'ai vécu, voyagé, vu des choses. Certaines choses que je préférerais oublier. Ce sont peut-être les dix années les plus importantes de ma vie que ma famille a ratées, celles durant lesquelles je suis devenu un homme, avec des problèmes d'adulte, et des questionnements d'adulte, des ambitions et des envies d'adultes. Quelque chose de différent que les rêves d'un ado. Si mon père me voyait, il ne me reconnaîtrait sans doute pas. Je me suis débarrasser de l'ado un peu trop sûr de lui, qui pensait que le monde lui appartenait, qu'un jour il gagnerait des millions en mettant des coups de pieds dans un ballon. Toutes ces ambitions de gamin, balayées. Je suis sûre que mon père aurait aimé retrouver ce fils-là, et pas celui que je suis devenu. Une part de moi pense aussi qu'Emma aurait préféré elle aussi retrouver ce frère là, et pas moi. Je peux le comprendre. Même moi, parfois je me demande lequel des deux je préfère, lequel était le plus heureux. Je ne sais pas, je devrais éviter de me poser la question. Ma première remarque reste sans réponse, et c'est peut-être mieux comme ça. Je ne m'attendais pas à ce qu'Emma sache y répondre. Puis elle demande pour Maman, si je pense qu'elle en a aussi reçu une, de lettre. Je ne pense pas, et je lui réponds, un peu cynique. Au final, ça fait dix ans, et mon père ne sait plus qui je suis. Ca veut aussi dire que moi, je ne sais plus qui il est. Tellement de choses ont du se passer, tout le monde change en dix ans. Ce n'est peut-être pas radical ou violent, mais il se passe des choses en dix ans, la façon de voir les choses change, plein de détails qui font une personne évoluent un peu, légèrement, et le résultat final est contrasté. Le souvenir que j'ai de lui ne doit pas correspondre à la réalité de ce qu'il est devenu. Ca me terrifie, tout à coup. Quand je réalise subitement que le monde n'a pas arrêté de tourner, que ses cheveux sont sûrement complètement gris et sont visage un peu plus ridé, marqué par le temps.

« Ouais, c'est vrai. » se contente de répondre Emma. Je la regarde un peu, l'observe sans être trop insistant, j'essaye de mieux comparer les traits de son visage avec ceux gravés dans ma mémoire. « Mais on ne peut pas ne rien faire. Je peux pas juste oublier la lettre. » Ca m'intrigue, ça. Elle pense à quelque chose, je le sais, ça se lit dans sa manière de prendre ses décisions, dans la volonté qu'il ya dans tout son corps alors qu'elle forme ces deux phrases. Je suis curieux, et je sais que je suis prêt à la suivre. J'imagine un rituel, comme un sacrifice, nous deux en train de brûler nos lettres dans un grand feu de camp, et cette destruction effacerait nos problèmes. Ce ne serait pas un oubli, mais plutôt une conclusion. Mais je regarde Emma poser sa tête dans ses mains. « Il faut qu'on le retrouve. » Je la regarde avec de grands yeux, un peu surpris, ne m'attendant pas à ça. Je ne sais pas si je peux faire face à notre père. J'ai beau être fier de celui que je suis devenu, je sais que son regard ne sera pas flatteur. Peut-être que rien que ça suffira à lui faire changer d'avis. L'idée de prendre du temps pour le voir, de lui accorder un peu de mon attention, de lui faire face... ça me rend malade. « Qu'on le retrouve ? » je répète bêtement sa phrase, n'arrivant pas à me sortir de l'effet qu'a eu sa décision sur moi. J'ai envie d'expliquer à Emma ce que je ressens, ce qui se passe dans ma tête et dans mon ventre. Mais je me souviens alors qu'elle non plus ne me connaît pas vraiment. Elle sait quelques détails, mais je ne lui ai pas dit que tout ce qu'on partageait autrefois m'est aujourd'hui étranger. Que lorsque le match de foot commence à la télé, je zappe pour passer sur une autre chaîne, que j'ai donné une grande partie de mes affaires à des jeunes qui en ont quelque chose à faire, que ma passion s'est évaporée, et c'était avant mon départ pour les USA. Elle ne sait pas que j'aime les garçons autant que les filles, ou que j'ai rencontré l'homme de ma vie, mais que la vie a fait que j'étais destiné à n'avoir qu'un bonheur éphémère à ses côtés. Puis je me souviens qu'il n'y a pas que notre père qui a merdé. Y'a moi aussi. Je dois beaucoup à Emma, et je me suis juré de la suivre, que ce qui serait le mieux pour elle le serait aussi pour moi. Je me ressaisis, m'installe un peu mieux au fond de mon siège pour essayer de me détendre. Je hoche lentement la tête, acceptant peu à peu l'idée. Le fait que je vais me retrouver face à mon père. J'ai une boule dans le ventre, mais je l'ignore. « Okay » je dis. Je déplie alors la lettre que j'ai reçue, qui se trouve encore sur la table. Il y a deux numéros de téléphone, un fixe et un portable, juste là, dans l'en-tête, près de son nom. « Je peux appeler, si tu veux » je propose après avoir fixé les deux suites de chiffres. J'essaie de faire en sorte d'avoir l'air fort, sûr de moi. C'est en partie ma faute tout ça, et j'ai juré d'être là pour Emma. L'un de nous doit appeler, prendre contact, et aucun de nous ne va apprécier ce moment. Je préfère que ce soit moi. Si je peux faire ça pour Emma, ce sera sans hésiter.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty10/6/2016, 14:11




Lettre
ft. Emma & Icare.


Je ne sais pas vraiment pourquoi je veux avoir mon père en face de moi. Une grande partie de moi exige sa présence uniquement pour lui mettre un poing dans la figure, et le rouer de coups jusqu'à plus soif. J'ai envie de le brusquer, de l'agresser, de lui faire vomir ses excuses qu'on écoutera pas, de me venger, de lui montrer que nous deux, et bien, on est deux, et qu'on l'a toujours été - même si ce dernier point est faux. J'ai aussi envie de boucler la boucle, d'être sûre que c'est du passé, de pouvoir oublier que mon père, notre père, est quelque part, loin de moi. J'ai l'impression que son ombre a toujours plané au-dessus de ma vie. Je déglutit.

Et une infime partie de moi, timide et légère, veut juste revoir mon père. Parce que même si, il y a dix ans, il est brusquement devenu un étranger, c'est mon père. J'ai mille souvenirs avec lui, et la plupart sont pus qu'heureux. On était une famille idéale, et c'était aussi grâce à lui. Et aussitôt, je m'en veux atrocement de penser ça. Encore plus quand je te propose de le retrouver. « Qu'on le retrouve ? », tu répètes, avec une expression qui me donne envie de rembiner les cinq dernières secondes. Tu as beau être mon grand frère, il y aura toujours ce flou. Après dix ans loin l'un de l'autre, je devine aisément qu'il y a un tas de choses que j'ignore, dont je n'ai même pas idée. La réciproque est vraie, même si je pense qu'elle est moindre. La preuve, je ne t'ai pas encore parlé d'Adrien, de Jade, des cours, de mes ambitions. Je hoche la tête, lentement, penaude. « Okay », tu fais. Et tu déplies aussitôt ta lettre, comme si tu te souvenais de quelque chose. Je distingue un numéro, à côté de son nom. « Je peux appeler, si tu veux. » J'ai brusquement envie de te sauter dans les bras. Je m'étais dit que ça allait être moi, c'est mon idée, après tout, et c'est de moi dont il a le dernier souvenir. Mais je m'imaginais mal décrocher mon téléphone, et entendre sa voix à l'autre bout du fil. J'hésite, pourtant. « Tu es sûr ? » Y a un sous-entendu. Tu es sûr d'être d'accord, et tu es sûr d'avoir la force d'appeler ? « On peut le faire ensemble, si tu veux. » Comme des frères.

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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty11/6/2016, 17:55

Elle veut le retrouver. Ca me surprend, sur le coup, à tel point que je n'arrive pas à l'avaler de suite, cette révélation. Moi, le retrouver, ce n'était pas dans mes plans, et en fait je ne pensais pas que c'était  dans les siens. Mais je me suis trompé, et c'est peut-être normal, parce qu'au final, avec tout ce temps, ça aurait été trop bizarre que je sois encore capable de savoir exactement ce qui se passe à l'intérieur de sa tête ou dans son coeur. Alors il me faut un peu de temps, le temps d'accepter cette idée. Le temps de m'imaginer face à notre père, et de me convaincre que ça ne sera pas aussi horrible que je le pense. Même si je me mens, je ne sais pas... Je n'arrive pas à nous imaginer, de toute façon. Si je me peins la situation dans ma tête, ça me donne l'impression que ce n'est pas moi. Alors, je finis par dire un simple petit "okay". Juste après qu'Emma ait lentement, doucement, hoché la tête, pour m'assurer que c'est bien ça qu'elle veut, que j'ai bien compris. Mes doigts retrouvent la lettre posée au centre de la table, et la déplient, parce que je sais qu'il y a un numéro de téléphone dans le coin droit. Je décide d'être le grand frère responsable, je ne sais pas où j'ai trouvé le courage de prendre ce genre de décision, mais je lui dis que je veux bien appeler. Moi, appeler notre père. Passer ce foutu coup de fil. Je ne doute pas que j'en serai capable, mais à quel prix, c'est un peu ça la question. « Tu es sûr ? » Non. Je sais pas... « Oui » je réponds de suite, d'une petite voix mais avec assez de détermination pour convaincre que je suis capable de le passer, ce coup de fil. Je hoche un peu la tête en même temps, les yeux toujours rivés sur la lettre. C'est tellement hésitant que je pense qu'elle comprend direct que je ne suis sûr de rien du tout. « On peut le faire ensemble, si tu veux. » propose Emma, et je lève les yeux vers elle. C'est une bonne idée, et peut-être que c'est le mieux. Je suis prêt à coller le téléphone à mon oreille et à parler à notre père, tout ça, je suis prêt à le faire, et ce sera tellement plus simple si elle est là, au moins pour écouter, si les expressions de nos visages s'accordent là-dessus. Qu'on fasse au moins ça ensemble, qu'on lui montre que sur ce coup-là au moins, c'est Emma et Icare. Le serveur arrive juste à ce moment-là et dépose l'assiette de spaghetti devant moi accompagnée d'un "bon appétit" avant de repartir. Je glisse un peu l'assiette vers le centre de la table, une invitation sans voix, laissant comprendre à Emma que si elle veut piquer dans mon assiette, elle peut le faire. J'ai faim, et je plante ma fourchette dans mes pâtes. C'est un moyen de me distraire, et de me réconforter. « Après manger... j'vais avoir besoin d'une clope » je lui réponds avec un soupir caché dans un sourire. Ca aussi, c'est nouveau, l'ancien Icare n'aurait jamais touché une cigarette. Au final, je réalise que l'ancien Icare ne vivait pas vraiment, c'est vrai, il ne faisait pas beaucoup de choses dans sa vie. Ca me rassure un peu, même si ça devrait pas forcément. « On appellera à ce moment-là ? » je propose du coup, après avoir commencé à manger. Je mange vite, de grandes bouchées, ce n'est même pas que je me presse, c'est plus une habitude. J'essuie avec la serviette en papier la sauce qui reste sur mes lèvres, et je continue. « A moins que tu veuilles attendre un peu » Je suis du genre à vouloir me débarrasser au plus vite de mes problèmes, je n'aime pas laisser traîner. J'ai envie d'agir maintenant, de faire quelque chose, ça me rend nerveux de ne rien faire dans l'immédiat. Mon assiette est déjà presque vide, et je bois plusieurs gorgées de coca, la fraîcheur me faisant un bien fou.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty13/6/2016, 17:27




Lettre
ft. Emma & Icare.


Je peux pas m'empêcher de penser que là, c'est bon, on agit et on pense comme des frère et sœur. Depuis que j'ai remis la main sur toi, on ne s'est pas vus beaucoup - on a nos vies. Mais, attablés autour des lettres de notre père disparu, ça change tout. Pour la première fois depuis longtemps, je ne suis plus seule, quand il s'agit de la famille.

Je n'ai pas mis longtemps à te proposer d'être là quand tu appelleras. J'ai beau ne pas avoir le courage de le faire moi-même, je veux entendre. Je veux pouvoir me faire une idée de sa voix, imaginer son environnement, l'imaginer lui. Je veux pouvoir contrôler ça aussi. Et puis, tu n'es pas indestructible, et ma présence ne peut pas être de trop, dans ce cas-là. Le serveur arrive, pose un énorme plat devant toi. Mon envie de vomir est un peu passée, mais je me demande comment tu pourras engloutir ça. Tu glisses l'assiette au centre, mais je secoue la tête. J'ai l'estomac noué. « Après manger... j'vais avoir besoin d'une clope. » Ça m'étonne à moitié. Quand je t'ai connu, tu étais comme moi, à ne jamais toucher aux trucs qui pouvaient détruire la santé. On a été élevé comme ça, dans la sacralisation du bien-être et de l'hygiène -et maintenant, on ira sans doute tous les deux fumer. « On appellera à ce moment-là ? » Je hoche la tête, me force à verbaliser. « Oui. », je lâche, avec l'impression que c'est tout ce que j'ai en stock. Je te regarde manger, et mon portable vibre. C'est Adrien, qui, sans doute, me dit qu'il y a soirée et que toute la bande y va. Le portable est posé sur la table, et je me demande vaguement si tu vas voir l'expéditeur -dont je ne t'ai jamais parlé. Et, brusquement, j'ai envie de t'en parler, d'Adrien, et des autres -mais surtout de lui. « A moins que tu veuilles attendre un peu. » Je secoue négativement la tête. « Autant le faire le plus vite possible », je dis, pendant qu'un autre message sans doute moins soft arrive. « Et il faudrait appeler Maman, pour savoir si elle a reçu quelque chose, sans lui demander directement. » Parce que si elle n'a rien reçu, je ne sais pas comment elle prendrait la nouvelle. Mal, sans doute. Mais je dois savoir. C'est maladif. J'attends que tu aies fini de manger, et on se lève comme un seul homme.

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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty15/6/2016, 21:42

Le faire ensemble. C'est une bonne idée, je crois. Ca donnera l'illusion qu'on ne s'est jamais quittés, que c'est toujours Emma et Icare. Que ça a toujours été comme ça. Au final, après dix ans de séparation, si je regarde les choses sous cet angles, je me dis qu'on s'en sort bien. On est peut-être plus comme deux personnes qui se rencontrent, comme des amis en devenir que comme un frère et une soeur. Mais on a des souvenirs communs, et ça nous rend un peu différents. Ca nous attache l'un à l'autre. Le plat de spaghettis arrive, et merde, qu'est-ce que j'ai faim. J'avais presque oublié, mais la vue des pâtes emmêlées ainsi, et le rouge si appétissant de la sauce, ça me donne envie de me jeter dessus. Emma refuse doucement lorsque je lui propose de partager, sans pour autant ouvrir la bouche. Elle, elle secoue la tête. Je hausse les épaules, et cet échange rapide simplement gestuel, cette conversation naturelle qui ne nous a même pas demandé un seul mot, c'est terriblement réconfortant. Je crois que là, avec mon plat et l'évocation d'un geste si banal que celui d'aller fumer une cigarette, j'arrive un peu à me détendre. Ca donne un côté moins dramatique à ce qui est en train de se passer. Comme si ce n'était pas notre passé et notre futur et notre fierté qui se jouaient autour de cette table. C'est banal, trivial, prosaïque. Ca fait du bien. Quand je propose d'appeler au moment où je sortirai fumer ma clope, elle hoche la tête avant de me donner un simple « Oui. » alors que moi, j'avale mes pâtes comme si je n'avais pas mangé depuis des semaines. Son téléphone vibre sur la table. D'un côté, j'ai envie de regarder, de jeter un oeil pour en savoir plus sur sa vie, parce que je suis bien placé pour dire qu'un téléphone portable, c'est un peu le résumé d'une vie. Aussi idiot et superficiel que ça puisse paraître, ça reste vrai. J'ai toute ma vie dans mon téléphone. Mais je me retiens, je me retiens juste assez, je lis un prénom, très vaguement et à l'envers. Ca commence par A. Je ne cherche pas à en savoir plus, mais je me dis qu'elle a peut-être des plans, que peut-être elle souhaite attendre au final. Alors je reviens sur ma proposition. « Autant le faire le plus vite possible » elle répond direct. Ca me fait un peu sourire, parce qu'on est pareil sur ce point-là. C'est rassurant, ça aussi. Je hoche la tête, doucement, tout en portant le verre à mes lèvres. « Et il faudrait appeler Maman, pour savoir si elle a reçu quelque chose, sans lui demander directement. » et ça, ça me refroidit cash. Maman. D'un coup, c'est la douche froide, parce qu'on a beau blâmer Papa, je sais que j'ai un rôle plutôt horrible moi aussi, dans toute cette histoire. Maman, je l'ai abandonnée, je ne lui ai plus parlé depuis le jour où je suis parti. Putain, ça fait dix ans. Comment je pourrais oser ? Je lève les yeux vers Emma doucement, et je pense que ça se voit carrément sur mon visage. L'hésitation, le malaise, le dégoût. Je ne sais même pas comment commencer, comment lui dire ce que je pense. Elle m'en voudra de toute façon. « Je... Est-ce que tu as dit à Maman que tu m'as revu ? » je lui demande doucement, un peu hésitant. La fourchette est toujours dans ma main, mais j'ai arrêté de la tourner dans mon assiette. « Parce que... j'crois qu'elle sait pas que je suis à Paris et je sais pas si c'est une bonne idée qu'elle le sache » Ce n'est pas que je n'ai pas envie, et pourtant je sais que ça peut donner cette impression. Mais vraiment, je crois que je suis trop lâche, que je n'ai pas le courage de l'entendre, de lui faire face. Au fond de moi, je me dis très simplement, même si c'est horrible, que ça n'en vaut pas la peine. Ca fait dix ans, merde. En vérité, je ne crois pas en avoir envie. C'est vraiment horrible, dégueulasse même. Mais c'est la vérité. Je n'ai pas assez envie de renouer avec elle pour trouver la force d'essayer. Pour essayer d'oublier, je continue à manger, je vide mon assiette en vitesse, puis on se lève. On marche vers la porte qui donne sur la terrasse du restaurant, et j'ai déjà ma main sur mon paquet de cigarettes. A peine sortis, j'en extrais une et l'allume après l'avoir coincée entre mes lèvres. Je lance un regard à Emma, et j'hésite un quart de seconde, avant de tendre un peu le paquet ouvert vers elle. « T'en veux une ? » je lui demande. C'est moi le grand frère, et peut-être que je ne devrais pas. Ou peut-être que justement, je devrais être le grand frère cool qui est là pour la première clope, le premier joint, la première cuite. Sauf que là, je suis sûr qu'elle les a déjà vécues, toutes ces premières fois. Et puis de toute façon, on est des adultes. Alors je lui propose une cigarette, parce que je n'aurai jamais le culot de penser que non, c'est mauvais pour la santé. Je ne suis pas ce genre de mec, celui qui fait des conneries pour ensuite dire aux plus jeunes de ne pas faire les mêmes. Peut-être que nous bousiller les poumons ensemble, ça va recréer le lien... qui sait.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty22/6/2016, 15:49




Lettre
ft. Emma & Icare.


Une peur sourde me noue l'estomac. Mon esprit ne peut pas s'empêcher d'anticiper. J'entends déjà la voix de notre paternel, quand il va décrocher. Ou celle de sa nouvelle femme, de sa nouvelle famille. J'agrippe sans m'en rendre compte l'assise de la chaise. C'est trop douloureux. Beaucoup trop douloureux pour moi. Le simple fait de penser à lui, de me souvenir, est douloureux. Une partie de moi à envie de se casser et d'enterrer cette histoire. Ce serait tellement plus confortable, plus simple ; mais il faut croire que chez les Lecomte, on aime bien le compliqué. Et si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera pas. Je ne le ferais pas. J'inventerai des excuses, n'importe quoi, qui repoussent indéfiniment le moment. Et je peux pas. Je peux surtout pas te faire ça.

Je finis par évoquer Maman, dans, d'abord, un soucis de ne pas l'exclure une nouvelle fois. De ne pas la laisser potentiellement errer comme une âme en peine chez nous, dans notre ancien chez nous, si elle a reçu la lettre. J'ai encore envie de vomir. Tellement que je ne vois pas tout de suite ta réaction. Je me sens brusquement encore plus mal. Je t'en veux encore, atrocement, comme depuis dix ans. Mais je sais que je ne devrais pas pouvoir, parce qu'il n'y avait sans doute que ça à faire, et que si j'avais pu -si tu m'en avais laissé l'occasion- je serai partie avec toi. Tu lèves tes yeux vers moi, et mes tripes se tordent de plus belle. C'est tellement plus que la flamme de culpabilité à laquelle je m'attendais. J'aimerai te dire qu'on n'est pas obligé, que c'est pas ta faute, dire quelque chose, mais je suis immobile, j'attends nerveusement que tu dises quelque chose, toi. « Je... Est-ce que tu as dit à Maman que tu m'as revu ? » Je ne réagis pas tout de suite. Je ne comprends pas. Tu poursuis. « Parce que... j'crois qu'elle sait pas que je suis à Paris et je sais pas si c'est une bonne idée qu'elle le sache » Je me force à déglutir. Finalement, une partie enfantine de moi s'attendait à ce que, au bout de tout ce bordel, on se retrouve tous. Qu'on redevienne une famille. Qu'on soit plus des morceaux de Lecomte perdus dans l'Europe. Mon esprit ne met pas deux secondes à conclure que je suis la seule à en avoir envie. Que toi, tu n'en as peut-être rien à faire de cette famille, si lointaine. Que c'est moi qui suit venue te chercher, pas l'inverse. « Non. », je fais dans un souffle. « Je n'ai pas dit à Maman que tu étais ici. » Je n'ajoute rien d'autre. Ma voix me paraît très lointaine. Tu recommences à manger.

Retrouver l'air de ma chère ville me fais un bien fou. Presque autant que te voir me tendre le paquet. « T'en veux une ? » C'est incroyable, on arrive toujours à avoir des moments où, pour un peu, on dirait que rien ne s'est passé. Qu'on est deux frère et sœur, qui vivent sur Paris, qui ont grandi ensembles. « Ah oui, je veux bien. », je fais. Je sors mon briquet, et je me force à me détendre en tirant. Je fume de plus en plus. Moi qui avant, disait que c'était les imbéciles qui le faisaient, pour se donner un genre. Un petit soleil timide vient jouer sur ma joue. Une petite oasis au milieu du cyclone. Je suis tellement bien que j'en oublierai presque qu'on va renouer avec un passé infernal.

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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty25/6/2016, 21:49

Emma évoque notre mère, et là, je panique un peu. Je suis trop lâche pour ça, j'ai hérité ça de notre père sans doute. Moi qui ai abandonné Maman, alors que peut-être que si j'étais resté, les choses auraient été plus faciles pour tout le monde... je ne peux pas lui faire face. Et je crois tout simplement que c'est mieux si elle ne sait rien, si elle ignore tout de ma présence à Paris. Je pense qu'elle savait, quand j'étais encore adolescent, que je vivais à Paris, dans un endroit sûr. Elle savait. Puis elle a dû savoir qu'à mes 18 ans, je suis parti. C'est mieux si elle s'imagine que je suis encre à l'autre bout du monde. Parce que sinon, ça veut dire qu'il reste quelque chose, qu'il y a une possibilité. Si elle sait que je suis là, ça veut dire qu'on pourrait peut-être se revoir, essayer quelque chose. Et la vérité c'est que je ne suis pas sûr de vouloir essayer quelque chose. Je suis parti il y a dix ans et... je ne crois pas que j'ai envie de reconstruire la famille que j'ai quittée. C'est horrible, mais c'est la vérité. Alors je demande à Emma, aussi égoïste que ça soit, je lui demande si elle a parlé à Maman de ma présence ici. Et elle ne répond pas de suite. Je suis prêt à recevoir sa colère en pleine figure, mais au final, rien de tel ne vient. C'est plutôt, une sorte de déception mêlée à du dégoût, et encore, je ne suis pas sûr. C'est difficile de lire sur le visage de quelqu'un qu'on ne connaît pas si bien, au final. « Non. » elle me répond. J'ai presque l'impression qu'elle a envie de le vomir, ce non. Et pourtant, il est à peine soufflé hors d'elle. « Je n'ai pas dit à Maman que tu étais ici. » ajoute Emma. Et moi, je hoche la tête, doucement, deux fois, puis je plante ma fourchette dans mes spaghettis, et je mange, parce que c'est tout ce que je peux faire de toute façon. Une fois dehors, j'allume ma clope et lui en propose une. « Ah oui, je veux bien. » me répond Emma, et je la regarde un peu alors qu'elle coince la cigarette à son tour entre ses lèvres, et l'allume. Je regarde son visage se détendre alors que la première taffe l'envahit. Je souris vaguement, je ne sais pas pourquoi. Peut-être qu'il y a quelque chose de joyeux à nous voir tous les deux comme ça, j'en sais rien. Il y a de toute façon mon téléphone dans ma poche et cette foutue lettre dans ma main. Je la déplie pour à nouveau avoir le numéro sous les yeux, et avec mon autre main, je sors mon portable. Je commence à taper le numéro, et enfin... voilà, les chiffres sont tous entrés. Je regarde Emma un instant, échange un long regard avec elle, mon doigt survolant le bouton vert. Je lui souris, pour la rassurer et me rassurer moi-même, mais je crois que c'est crédible, je crois que tout à coup, ça me paraît plus facile. Alors mon sourire, j'espère qu'il lui donne un peu de force. « Ca va aller... » je dis tout doucement, sans savoir moi-même si c'est une question ou une affirmation. Puis je n'attends pas plus longtemps, et mon pouce effleure l'écran de mon téléphone au niveau du cercle vert. « Tu veux que je mette le haut-parleur ? » je demande soudain à Emma alors que mon téléphone est collé à mon oreille, la première sonnerie retentissant.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty17/8/2016, 15:01

Je peux pas m'empêcher de me demander pour la millième fois -sans exagérer- ce que je fous ici. Je devrais être avec les gars, ou avec Jade, en train de faire ou raconter des bêtises, une clope à la main et un verre dans l'autre. Au lieu de ça, je me prend la tête à essayer de canaliser le problème causé par une lettre -venue de nulle part- de mon père, qui m'a abandonnée, avec mon grand-frère, qui m'a tout autant abandonnée. J'ai pas signé pour ça. D'ailleurs, j'ai rien signé du tout. Ce qui fait que je ne peux malheureusement rien annuler.

Je tire sur ma cigarette comme si chaque bouffée pouvait faire baisser l'espèce de tension malsaine qui m'envahit le cerveau. J'hésite même carrément à fermer les yeux, mais je doute que ce soit vraiment poli. Mais ça m'aurait évité de te voir sortir ton portable. Mon ventre se tord de plus belle -si c'est possible. Je ne suis pas certaine d'avoir réellement envie d'entendre sa voix, de l'entendre, de savoir qu'il est là. Je sais ne pas avoir envie de l'entendre nous demander de l'argent, à nous, ses enfants. J'ai envie de m'enfuir d'ici. Égoïstement, je suis ravie que ce soit toi qui parle. Je suis probablement une lâche et une froussarde, mais au moins, je sais me préserver de certaines choses désagréables -comme reprendre contact avec son père, par exemple. J'ai l'impression que tout va trop vite. Je viens à peine de te retrouver, et, déjà, tu as fini de taper le numéro. Mes mains tremblent malgré moi, ça agite ma cigarette devant mon nez. Je croise ton regard. Tu me souris, rassurant, mais même si tu étais vraiment confiant, mon cerveau me hurle de me casser avant que ça soit trop tard. J'ai jamais été aussi tendue de ma vie. « Ça va aller... », tu fais. Je réponds rien. Tu appuies sur le bouton vert, j'ai envie de pleurer. C'est trop tard. J'ai laissé passer ma chance. « Tu veux que je mette le haut-parleur ? », tu demandes brusquement. « Euh, je... ouais. » En fait, non. D'ailleurs, j'aimerai bien qu'on arrête ce cirque tout de suite. Mais je veux entendre quand même. Je veux pas ne pas savoir ce qui se dit. Je déglutit. Les sonneries retentissent dans le vide, de l'autre côté. Et puis, soudain, y a un déclic. D'interminables secondes qui me donnent envie de me rouler en boule. « Allô ? », fait une voix. J'arrête de respirer. « Allô ? », répète le mec au bout de fil. J'avais vaguement pensé ne pas reconnaître sa voix. Genre, il aurait dû avoir une voix enrouée par la clope et l'alcool, rendue basse par le manque de thunes, avec un accent d'un pays quelconque où il s'est tiré. Mais non. Il a exactement la même voix que quand il était monsieur Christian Lecomte, avec toute sa ribambelle d'amis friqués et sa famille parfaite. Je voudrais bien croiser ton regard, mais j'arrive pas à détacher le mien du portable.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty21/8/2016, 20:05

J'essaye de la rassurer, même si je sais très bien que je n'en suis pas capable. Je suis tout aussi angoissé qu'elle, j'ai juste une autre façon de le montrer. Je fais de mon mieux pour avoir l'air fort et sûr de moi, les épaules solides. Je joue le rôle du grand-frère, pour une fois dans ma vie, une fois en dix ans. J'ai abandonné le poste  l'époque, et maintenant, c'est le moment de me rattraper. Je ne vais pas laisser tomber Emma une seconde fois. J'ai finis par comprendre maintenant qu'elle est tout ce que j'ai qui restera toujours, la seule personne qui me chercherait encore dix ans plus tard. Je devrais être reconnaissant de voir qu'elle veut encore de moi après tout ça. Je le suis. Alors je lui dois bien ça au moins, faire semblant de tout supporter, d'être un corps solide sur lequel elle peut se reposer. Quelqu'un qui peut la soutenir. Je lance l'appel, et lui demande si elle veut que je mette le son pour qu'elle puisse tout entendre. « Euh, je... ouais. » répond Emma. Je n'hésite pas avant de mettre le haut-parleur en fonction. Puis, ça sonne. Ca sonne encore. Je m'en veux d'espérer qu'il ne répondra pas. Ce serait bien ça, ça nous éviterait juste ça. La messagerie se mettrait en route, et je n'aurais pas à l'entendre, à avoir une conversation, juste à laisser un message. Ce serait tellement simple. Mais il décroche. Rien, puis « Allô ? » deux fois. Je n'arrive pas à répondre tout de suite. Je reste bloqué comme un con, les yeux sur le portable, comme si je craignais qu'il sorte du téléphone brusquement pour nous étrangler tous les deux. C'est le souvenir que j'ai de lui, un homme fort et imposant, autoritaire, un souvenir sous doute idéalisé, ou du moins, rapproché le plus possible de l'image qu'il voulait donner. Aujourd'hui, je suis peut-être aussi grand que lui, aussi fort, aussi imposant, ... je sais pas. « C'est Icare... Salut » je dis. Ca me fait bizarre de lui dire "salut", de lui parler comme si on se connaissait, alors qu'au final, on est deux inconnus. Mais en même temps, un bonjour aurait été trop formel, trop étrange, encore plus étrange. Merde. « J'suis avec Emma » j'ajoute, en essayant de ne pas trop réfléchir, de juste dire ce qu'il y a à dire. Mes yeux se lèvent vers elle brièvement. « On a eu ta lettre » je dis finalement. J'espère vaguement qu'il va comprendre, qu'il va entendre que je ne veux pas lui parler, que ce coup de fil me donne la gerbe, et qu'il va raccrocher. Il n'a encore rien dit, il m'a laissé parler, n'a pas essayé d'intervenir entre les pauses que j'ai marquées. Puis enfin, il parle. « Salut Icare. Salut ma chérie » Je m'estime heureux de ne pas avoir le droit à un surnom affectif. Juste mon prénom, c'est bien. Ca a toujours été comme ça, de toute façon. Moi, le grand garçon, l'homme de la famille, je n'ai pas besoin d'un surnom, je n'ai pas besoin d'affection... Rien que ça, ça me donne envie de le gifler à travers le téléphone. Mais je regarde Emma, je laisse ma main glisser vers la sienne et la serrer. On est tous les deux, on est inséparables pour cette fois au moins, et pour l'avenir, j'espère aussi.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty4/9/2016, 18:35

C'est à peu près à ce moment que je regrette. Ça m'arrive assez souvent dans les situations que je contrôle pas. Je me traite de tous les noms, et pour finir, puisque je suis Emma Lecomte, je rejette la faute sur quelqu'un d'autre. Mais là, je suis cuite. C'est moi qui suit le point commun entre tout ça. C'est moi qui ait accepté que tu appelles notre père. Et c'est moi qui suit venue te chercher. Je suis pas certaine de regretter ça. Mais le moment est mal venu pour que je me remette en cause pour la première fois depuis longtemps.

Quand j'entends sa voix, je suis à deux doigts de, au choix, fondre en larmes, et balancer la table d'à côté sur un passant au hasard. Mais je fais rien. Je reste figée, je sais même pas si je respire. C'est Icare... Salut. T'es tellement plus fort que moi, Icare. C'est dur de s'en rendre compte, et encore plus de l'admettre. D'ailleurs, je l'admets pas, là, hein. Je fais une réflexion. Mentale. J'suis avec Emma. Tu me regardes. Je reste toujours bloquée, mais cette fois, en te regardant aussi. On joue à quoi, là ? On a eu ta lettre. La fameuse lettre. Ta voix me prouve que tu n'aimes pas être là, peut-être encore plus que moi. Mais notre père le devinera jamais. Même quand il était à la maison, il voyait pas ce genre de trucs. Ça, c'était Maman. Un regard, un mouvement, et elle devinait tout ce qu'on avait en tête. Il reste silencieux un long moment. Et puis, le pire. Salut Icare. Salut ma chérie. Seigneur. Il l'a fait. Ma chérie. Je sais pas quoi faire. Je sais pas si je dois m'enfuir en courant, prendre le portable moi-même et lui balancer quelque chose à la figure par lignes interposées, ou faire autre chose de stupide. Et soudain, y a ta main autour de la mienne. Là, j'ai à cent pour cent envie de pleurer. Et comme à chaque fois que j'ai une émotion trop forte, je sors le couteau. On te payera pas. Ma voix me paraît trop dure et en même temps trop lointaine, à tel point que je me demande si c'est vraiment moi qui ait dit ça. J'ose pas te regarder, j'ai peur que tu lâche ma main en me trouvant complètement débile. Je fais rien, et puis, je continue. Tu te prends pour qui ? T'avais pas le droit de faire ça. T'as pas le droit de faire quoi que ce soit, d'ailleurs.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty7/9/2016, 11:15

Il décroche avec un Allô, puis un second,  et il me faut du temps pour arriver à parler, pour réaliser que c'est mon tour. Quand enfin j'ouvre la bouche, je me pésente, je le salue. Je ne sais pas comment l'appeler alors je ne l'appelle pas. Papa ne me traverse même pas l'esprit, tant je m'adresse à un inconnu. Mais l'appeler par son prénom serait bizarre, je ne l'ai jamais fait. Là où je n'hésite pas, c'est quand je me mets à le tutoyer. Parce que même si je le vois comme un inconnu, il ne mérite pas le respect d'un vous. Je lui dis que je suis avec Emma, qu'on appelle au sujet de la lettre, je marque des pauses longues et horribles qui s'étirent et j'échange des regards avec Emma qui semble tout aussi terrifiée que moi. Au final, je sais très bien que je suis parti avant la tempête, que c'est elle qui s'est tout pris dans la figure, et qu'aujourd'hui au téléphone, ce sera encore une fois elle qui se prendra tout, et moi qui aurait la chance d'avoir mis depuis longtemps de la distance entre nous. Bien sûr, il balance ce salut Icare, presque dur en comparaison avec la façon qu'il a d'appeler Emma ma chérie. Pourtant je suis loin de m'en plaindre. Au contraire ça me va tout à fait, je n'aurais rien voulu d'autre. Je regarde Emma, je vois que ça lui donne envie de gerber, et je serre sa main dans la mienne. « On te payera pas. » C'est Emma qui dit ça, et ça me surprend, c'est dur et inattendu. Jusque là je n'étais pas sûr, je ne savais pas si elle allait parler, mais il semble que sa façon de s'adresser à elle a réveillé quelque chose en Emma. Au moins, la bombe est larguée, ce ne sera pas à moi de le dire. C'est dur, c'est final, comme si elle ne comptait rien ajouter. « Tu te prends pour qui ? » Je ne sais pas à qui elle parle, mais je lâche sa main d'un coup, ayant l'impression d'avoir fait quelque chose qu'il ne fallait pas. Bien sûr, je n'ai pas le droit de faire ça, de prétendre qu'on est réellement liés. Comme si ma main autour de la sienne pouvait la réconforter alors que je suis en partie responsable de tout ça. Je retire ma main comme si elle avait été brûlée, tourne la tête vers Emma. « Pardon » je m'excuse en chuchotant juste au moment où notre père, à l'autre bout du fil, répond. « Votre père » il dit, réagissant à la question rhétorique d'Emma. « J'ai besoin d'argent. Vous allez me laisser crever, c'est ça ? » il ajoute, sans agressivité, au contraire. Il y a du pathos à souhait, ça pourrait presque me faire douter. Mais je reste solide, je réfléchis, je pense rationnellement. Je n'ai pas d'argent à lui donner, de toute façon. Et Emma non plus. Et même si on en avait, ce serait toujours non.  
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty12/9/2016, 18:20

C'est tellement plus confortable de te laisser la main. J'ose même pas imaginer ce qu'aurait été mon état, si j'avais dû parler, seule. J'aurai pas supporté. Je ressens une brutale envie de retrouver mes gars et d'évacuer cette saleté de lettre et son imbécile d'expéditeur de ma tête. Je grince des dents, balance qu'on le payera pas. Non seulement j'ai pas de thunes en ce moment, mais les rares qui traînent ne sont pas pour lui. Plutôt mourir. Dix fois.

Tu retires brusquement ta main de la mienne. Je comprends pas tout de suite, parce que ça me semble stupide de ne pas penser de la même manière que moi. Une fois que mon cerveau a fait le travail, j'hallucine. Mais non. Mais non. Et si. T'as cru que ça t'étais destiné. Ça a l'air d'un sketch, mais ça n'a rien de drôle. Tu lâches un Pardon qui m'irrite. Est-ce que y a une seule chose qui va se passer comme prévu, dans cette foutue vie ? J'ai vaguement l'intention de pas te regarder pour éviter le malaise, mais je peux pas m'empêcher de te lancer un regard noir, même si ça va sans doute te conforter dans ton idée.Votre père, est en train de répondre le paternel à l'autre bout du fil. Comme si j'avais besoin d'une réponse. C'est clairement de lui que je tiens mon cynisme. J'ai besoin d'argent. Vous allez me laisser crever, c'est ça ? J'aurai bien aimé être dure et froide, et insensible, et tout simplement raccrocher, et reprendre le cours de ma vie, mais je peux pas. Je suis bien une rejetonne Lecomte, à qui on a appris que la famille, c'est sacré. On a évidemment jamais eut de galères d'argent, mais ça paraissait évident qu'on allait se soutenir, si ça arrivait, parce qu'on était plus un clan qu'une famille, d'ailleurs. Et le doute s'insinue sournoisement. On sait rien de lui. Il en a peut-être besoin pour, je sais pas, un médicament vital. Je me dégoûte de douter, et il me dégoûte d'autant plus de m'obliger à le faire. On a rien, de toutes façons, je fais, et ces mots m'arrachent la gorge tant ils font mal. Peut-être que ça lui arrachera les oreilles aussi, d'entendre que plus personne n'est riche dans cette famille de tarés. Et qu'est-ce que tu crois, qu'on va te donner de l'argent parce que tu le demande, après m'avoir abandonnée ? Je m'en veux aussitôt de t'avoir exclu du "nous" qui s'imposait, mais c'est sorti tout seul. C'est moi qui ait été embrassée une dernière fois sur le quai. C'est moi qui ne suit pas rentrée à l'hôtel. C'est moi qui ait passé une nuit entière dans Paris, toute seule. Et égoïstement, j'me dit que c'est à moi que ça fait le plus mal.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty18/9/2016, 18:06

Emma lui balance qu'on ne paiera pas, elle le crache presque, et je ne sais pas si notre père l'entend, à l'autre bout de la ligne, ou si c'est seulement moi. Mais s'il avait été en face de nous, je crois qu'elle lui aurait sauté à la gorge. Puis elle enchaîne, alors que ma main serre la sienne, demande pour qui je me prends. Je sursaute presque, et lâche sa main de suite, ne voulant surtout pas prolonger ce moment, ayant l'impression d'avoir fait une erreur gigantesque. Sur le coup, ça me choque presque, je ne m'y attendais pas, mais dès le moment où je retire ma main, je réalise que j'ai été idiot de croire que je pouvais prétendre qu'on était ensemble dans ce merdier. On est peut-être unis contre notre père, mais là, dans l'intimité, on ne le sera jamais. Je m'excuse au moment où lui répond, et Emma me lance un regard qui veut tout dire. Ne t'approche pas de moi, ne me touche pas, t'as pas le droit de jouer au grand frère, t'as laissé tomber tout ça quand tu t'es barré de la maison et que tu m'as abandonnée. Je n'ai pas le temps de réagir, parce que notre père reprend, il parle, tente de nous convaincre, de nous prendre par les sentiments, de nous faire culpabiliser. Ce n'est peut-être pas la bonne technique pour me faire céder, et je crois qu'il s'adresse surtout à Emma, parce que moi j'ai toujours été un peu plus égoïste, un peu plus individualiste. Si ça me met mal sur le coup, je sais que dans quelques minutes, quand ce coup de fil sera terminé, j'oublierai. « On a rien, de toutes façons » répond Emma. Moi j'essaye encore d'oublier le petit moment de froid à cause de ma main sur la sienne. Ca me fait quelque chose, plus que je ne l'aurais cru. Mais il faut revenir au présent, à notre père qui nous parle à cet instant. J'ai envie que ce jeu prenne fin le plus rapidement possible, j'ai envie d'être clair et net, de lui dire les choses, et de ne plus jamais avoir à lui adresser la parole. Ne plus le revoir, ne plus l'entendre. « Et qu'est-ce que tu crois, qu'on va te donner de l'argent parce que tu le demande, après m'avoir abandonnée ? » ajoute Emma. On n'entend plus rien, il ne dit rien. Il y a un silence, et moi ça m'épuise, ça me gave, ça fait monter un truc en moi. J'ai envie de raccrocher, j'ai envie que ça se finisse. Et si j'étais seul, je l'aurais peut-être déjà fait. Mais il y a Emma, on est ensemble sur ce coup-là, et je ne peux pas être égoïste. « On a vécu dix ans sans toi, on peut continuer pour le reste de la vie » je dis, parce que c'est tellement logique pour moi. D'un côté je réalise que dire ça, surtout après qu'il ait suggéré qu'on voulait le laisser crever, c'est horrible, mais je n'écoute pas cette part de moi-même. « On sera pas plus là pour toi que toi tu l'as été pour nous » j'ajoute, et j'ai envie de faire mal. J'ai envie de faire mal avec quelque chose de vrai, quelque chose d'utile, qui nous fera avancer, mais je ne trouve rien, parce que tout ce qui me vient, c'est trop doux, c'est trop construit. Je veux quelque chose qui coupe. « Tu mérites d'être seul » je lâche finalement, sachant très bien ce que c'est, être seul.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty5/10/2016, 15:29

Spoiler:

Y a un million de sentiments qui traversent mon cerveau à toute vitesse. J'ai à la fois envie de partir et de rester régler cette histoire, j'ai envie de reprendre ta main pour avancer et de te mettre une gifle. Faut que je respire. Faut que je me calme. Parce que ce doute qui s'installe, qui serpente, ça me rend pas calme. Pas du tout, même.

Parce que je serai toujours une petite gamine capricieuse, je croise carrément les bras, histoire de mettre ma main hors de portée. C'est stupide mais je déteste que quelque chose se passe pas comme je l'avais prévu, et là, c'est bien plus que ça. Je balance des trucs qui me brûlent le cerveau et les lèvres, et que je pense. On a vécu dix ans sans toi, on peut continuer pour le reste de la vie. Ma gorge se serre. Est-ce que ça vaut aussi pour nous ? Je te jette un regard. Parce que toi aussi, t'es parti dix ans. Et que j'arriverai probablement jamais à me sortir de la tête que c'est moi qui suit venue te chercher et pas l'inverse, et que j'ai provoqué nos retrouvailles, et que je me suis imposée dans ta nouvelle vie. Un peu comme ce que notre père est en train de faire. Tu mérites d'être seul. Je te regarde derechef. Il y a une intonation particulière dans ta voix. Je sais rien de ce qui s'est passé pendant ces longues années. Mais t'as été seul, d'une manière ou d'une autre. Y a que les gens seuls qui savent ce que c'est. Moi, j'ai passé ma vie à éviter d'en être.

Il y a un bref silence, puis notre père change de tactique. Ecoutez, je sais que vous m'en voulez encore. Mais, un jour, vous me comprendrez, j'en suis sûr. Je reste votre père. Emma. Je reste ton Papa, tu te rappelles ? Je ferme les yeux pour retenir une larme mais c'est peine perdue. Y a que lui pour avoir le culot de faire allusion à cette nuit là. Quand il est parti, pour de bon, avec son imbécile de petite-amie et le quai sombre de la gare. J'avais eut le week-end à Paris offert pour l'occasion. J'étais déjà une grande petite fille, capable de rentrer à l'hôtel où on m'aiderait à prendre le train le lendemain. Mais j'étais pas rentrée, et chaque seconde passée cette nuit là, ici, à Paris, est restée gravée dans chaque centimètre de ma peau. C'est ça qu'il m'avait dit, en partant. Qu'il serait toujours mon Papa, qu'il m'aimerait toujours, que je devais jamais oublier. Il ajoute quelque chose que je comprend pas, j'imagine qu'il s'adresse à toi, mais mes oreilles bourdonnent et ma tête me lance. Je suis à deux doigts d'éclater en sanglots. J'essaye de me calmer, de penser à des choses simples. En partant, j'appellerai les gars. On ira fumer sur un toit. On trouvera une soirée. Cuite. Adrien. Ça m'évacuera l'esprit.
Je rouvre les yeux, en essayant de capter ton regard. C'est trop dur pour moi, j'ai besoin de toi, là.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty13/10/2016, 21:05

Emma est glaciale avec lui. Mais elle a raison, et même si ça me surprend, je me dis que ça ne devrait pas. Ce serait idiot de croire qu'elle est toujours la petite fille qu'elle était à l'époque, de croire qu'avoir été abandonnée ne l'avait pas changée, n'avait pas enfoncé quelque chose en elle qui l'avait rendue plus tranchante, plus violente dans ses paroles, dans ses pensées, dans son corps. Et moi, avec le silence qui s'installe alors, j'ai envie de dire quelque chose, j'ai envie de faire en sorte que cette conversation prenne fin. J'ai envie de dire quelque chose de clair, de tranchant, quelque chose à quoi il ne pourra pas répondre. Mais je ne sais pas si j'en suis vraiment capable. Pourtant, ça sort tout seul, et c'est surement horrible, mais c'est tellement vrai que je me laisse emporter par mes propres paroles. « Ecoutez, je sais que vous m'en voulez encore. Mais, un jour, vous me comprendrez, j'en suis sûr. Je reste votre père. Emma. Je reste ton Papa, tu te rappelles ? » il dit à l'autre bout du fil. Je suis insensible à ce qu'il dit, de toute façon, parce que moi j'ai réellement coupé les ponts. Ca fait dix ans, c'était il y a une éternité, dans une autre vie. Une vie qui n'a rien à voir avec celle que je mène aujourd'hui. Je ne réponds même pas, et Emma non plus, je lève un peu les yeux vers elle et je vois qu'elle n'a pas l'air bien. Mais j'hésite, je ne sais pas trop quoi faire. Est-ce que j'ai le droit de la consoler, de la rassurer ? Sa voix à lui interrompt mes pensées. « T'es devenu un égoïste, Icare ? Un lâche ? Je pensais t'avoir mieux élevé » et ça me choque presque, pas les mots qu'il me dit, mais à quel point on dirait qu'en quelques secondes, entre la phrase adressée à Emma et celle qu'il me destine, il était devenu une autre personne. Je ne réagis pas de suite, ça ne me blesse pas, non, mais je regarde Emma plutôt. Je me dis que s'il change à tel point de personnalité en si peu de temps, comme si tout était un jeu, alors... il n'y a peut-être rien de vrai dans ce qu'il dit. Ou peut-être que je cherche à me rassurer moi-même en me disant que non, il n'a pas besoin de cet argent, que je ne suis pas sans coeur, que je ne fais rien de terrible en refusant. Emma me regarde et je crois lire quelque chose dans ses yeux, alors j'hésite un moment avant de répondre à notre père tout en la regardant. « Non, faut croire que pour ça aussi t'as échoué » je dis. « Tu as ta réponse. Au revoir » Et je raccroche, avant de passer un bras maladroit autour d'Emma pour la coller à moi dans une étreinte.
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MessageSujet: Re: bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) bientôt ce sera nos coeurs qu'on arrachera. (EMMA) Empty24/10/2016, 12:15

Le temps s'étire, et le bourdonnement dans mes oreilles ne cesse pas ; il glisse, il envahit mon cerveau, il prend de l'ampleur. J'aimerai tellement garder ma dignité, préserver mon ego, et rester la emma lecomte que j'ai décidé d'être il y a mille ans, princesse chez les princesses, et ne pas lâcher des larmes comme un bébé. Je me persuade que ce serait plus simple s'il me gueulait dessus. J'ai toujours été résistante aux piques. Jamais à l'amour. Et sa voix, elle en est rempli, d'un amour mielleux et hypocrite que j'aurai jamais voulu entendre de nouveau. C'est comme faire le deuil de quelqu'un deux fois d'affilé. Et là, c'est mon père.

Toi, t'as le droit aux insultes, au mépris. Tu réalises pas la chance que t'as, et moi, je réalise à quel point c'est dingue de penser ça. J'arrive pas à parler, je sais même pas si je respire. Non, faut croire que pour ça aussi t'as échoué. Tu as ta réponse. Au revoir. Tu raccroches. Je ferme les yeux. C'est fini. Pas définitivement, c'est sûr. Mais pour le moment, oui. J'essaye de me détendre mais c'est foutu. Tu me serres dans tes bras, soudain, presque timidement. Je baisse cinq secondes les armes, y réponds. Cinq secondes. Et puis, je m'écarte, parce que je sais pas faire autrement, et surtout pas avec toi. Désolée, je dois y aller, je fais. C'est qu'un demi-mensonge, mais pas grave. J'essuie une larme téméraire qui s'attarde. Je...Je te rappelle, d'accord ?, je promet. J'hésite encore, mais je fais rien. Je tourne les talons, et je cours rejoindre un autre monde, le mien, beaucoup, beaucoup moins prise de tête.

(terminé).
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