FLASHBACK. « T'as vu Quentin aujourd'hui ? » Tu fronces les sourcils à l'autre bout du fil. « Nan, pourquoi ? » Il est vrai que vous êtes bien souvent fourrés les uns chez les autres, mais ce n'est pas pour autant que vous aviez pour habitude de vous inquiétez lorsque vous restiez sans nouvelles quelques jours. Tes frères, tu les avais vu avant-hier et autant que tu saches, ils se portaient plutôt bien. Aussi, tu te demandes pourquoi ton cadet t'interroges à ce sujet. « Il est tendu comme un string j'te raconte même pas. » Tu secoues la tête pour toi-même alors que tu comprends aussitôt de quoi il s'agit. « A cause du concours ? », tu le questionnes réthoriquement. « Ouais bah il est stressé depuis un petit moment déjà », t'enchaînes afin de lui signifier qu'il n'y a rien de plus normal. « Nan nan nan, tu comprends pas ! » T'éloignes momentanément ton portable de ton oreille alors que Tim se met à hurler avec son insupportable voix de crécelle, celle-là-même qui ne présage jamais rien de bon. « Quand j'te dis qu'il est tendu comme un string, je te parle d'un string taille S sur le cul d'une meuf obèse, tu piges ? » Une alarme fictive se met à sonner dans ta tête alors que la métaphore de ton frère fait immédiatement sens. « Ok, ça sent le signal d'alerte ça », tu confirmes d'une voix grave. « On met en place le plan d'urgence ? » « J'allais le dire ! » Chez les Lannaud, c'est bien simple, on ne laisse jamais un de ses frères sombrer, stresser ou déprimer tout seul. Certes, le bonheur se partage, mais le malheur aussi. « Appelle-le et dis-lui qu'on débarque ce soir. Je ramène les bières. » FIN DU FLASHBACK.

Franchement, tu comprendras jamais pourquoi Tim est toujours en retard. Tu t'es souvent posé la question, te demandant sincèrement ce qui pouvait l'occuper sans arrêt, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Ses bandes-dessinées ? Les filles ? La flemme ? Autant de possibilités aussi plausibles les unes que les autres. Alors que tu songes une nouvelle fois à ce sujet, tu hausses finalement les épaules pour toi-même, te jurant dans le même temps de lui demander un jour. Quoi qu'il en soit, toi, tu fais pas grand chose de ta vie. Fumer une clope, ça te prend pas trois heures et c'est sans aucun doute l'activité à laquelle tu t'adonnes le plus souvent. De ce fait, t'es jamais en retard à un rendez-vous – du moins, tu l'as jamais été aussi loin que tu t'en souviennes. Du coup, rares sont les fois où t'attends Timothée pour aller quelque part. De toute façon, lorsque c'est pour aller chez Quentin, vous vous retrouvez toujours à bon port, seuls ou à deux. Il faut dire que vous y allez tellement souvent que tu serais bien incapable d'en oublier le chemin même si t'étais subitement pris d'amnésie. Pour l'heure, t'as encore toute ta tête alors c'est on ne peut plus machinalement que tu pénètres le bâtiment, que tu montes les escaliers et traverses le couloir jusqu'à sa porte avant d'y toquer de trois coups de poing. « ENTRE ! », te crie ton aîné de tu-ne-sais-pas-trop-où. Néanmoins, tu passes outre ce détail et ne te fais pas davantage prier pour t'exécuter. « T’es en avance, ou c’est moi qui suis à la bourre ? » Une légère moue indécise déforme tes lèvres alors que tu t'avances vers la modeste pièce à vivre et dépose ton pack de bières sur la table basse. « Tu sais très bien que le stress dérègle ta notion du temps », tu commences afin de le persuader que c'est effectivement lui qui est en retard. Tu n'ignores pas toutefois qu'il ne te croira pas plus de trente secondes environ, alors tu anticipes. « Mais c'est vrai, je suis peut-être un peu en retard », tu corriges en insistant bien sur le "un peu" histoire s'aléger ton tort comme tu le peux. « J'avais rien à foutre chez moi ! », tu te justifies presque aussitôt en levant les mains au ciel en signe d'innocence. Tu ris finalement avant d'aller t'installer sur le canapé. « Tu me laisses cinq minutes le temps de m’habiller ? » Tu te contentes d'aquiescer d'où tu es. « Fais comme chez toi en attendant. » Un sourire malin au coin des lèvres, tu entreprends de sortir de ta poche ton attirail de clopes à rouler, mais la remarque qui suit t'arrêtes net dans ton élan. « Oublie juste pas que t’es chez moi. » Tes épaules s'affaissent d'elles-mêmes en signe de dépit alors que tu lâhces un franc soupir. Il est pas idiot Quentin, il sait très bien que tu vas pas passer une soirée sans. Cependant, comme tu es plutôt du genre à prévoir le coup, tu préfères attendre que Tim soit là. S'il est dans ses bons jours, il te soutiendra. Le temps que Quentin termine de se doucher, tu te relèves et vas machinalement jeter un coeup d'oeil dans ses sacs de courses, juste histoire de t'occuper. Tu ne mets d'ailleurs pas de temps à repérer cet énorme paquet de chips familial. Sans gêne aucune, tu emmènes donc ce fameux butin avec toi jusqu'au canapé, butin dans lequel tu pioches de temps à autres en attendant le retour de Quentin ou l'arrivée de Timothée. Environ une quinzaine de minutes plus tard, c'est ton aîné qui remontre enfin le bout de son nez. « Ma parole, t'es une vraie princesse ! », tu ries avant de lui tendre le paquet de chips. En général, toi, c'est cinq minutes chrono alors évidemment, quinze minutes te paraissent une éternité. T'es sur le point de changer de sujet d'un coup d'un seul mais des coups contre la porte d'entrée t'interrompent. Sûrement Tim. Finalement, c'est pas plus mal ; vous ne serez pas trop de deux pour faire disparaître cette fichue anxiété à laquelle Quentin était en proie. Lorsqu'il était stressé, ce n'était jamais chose facile de le dérider. Pour autant, ton cadet et toi étiez plutôt doués pour ça, fort heureusement. Comme si t'étais chez toi - et aussi parce que Quentin ne prend pas la peine de le faire – tu te diriges vers l'entrée de manière à ouvrir au Lannaud retardataire. « Trop tard, la soirée est finie vieux » tu plaisantes d'un ton railleur. Sans rien ajouter toutefois, tu te décales de l'ouverture afin que Tim puisses entrer. Sourire aux lèvres, tu refermes la porte derrière lui.