Sujet: Go Against the Flow - (Maklie) 7/1/2018, 22:35
Go Against the Flow « Qui suis-je ? » ; « Que m’est-il arrivé ? » ; « Qu’est-ce que je fais ici ? ». Des questions en apparence toutes bêtes et dont les réponses sonnent comme une évidence. Pour le commun des mortels, peut-être, pour moi … c’est une énigme totale. Un casse-tête sans nul autre pareil, et qui me rend un peu plus fou chaque jour. Il n’existe pas un instant, sans que ces innombrables interrogations ne me quittent. Elles sont là. Elles me hantent et m’obsèdent. En permanence. Comme une marque au fer rouge. Je me lève en m’endors avec elles. Aucun élément de réponse me permet de dénouer ce gigantesque sac de nœuds. Au contraire, j’ai même plutôt l’impression qu’il ne fait que croître à mesure que les jours s’égrainent et se meurent. C’est un peu comme si je n’avais que les pièces constituant les contours d’un énorme puzzle. Cela fait un peu plus de deux semaines que j’ai repris conscience dans cet hôpital militaire, et pour l’instant je suis toujours au point mort. J’ai du mal à croire que j’ai accepté de mon plein gré, de subir cette opération. Une lobotomie partielle, comme ils disent. Officiellement, on m’a fait sous-entendre que c’était pour éradiquer des petits troubles visuels et auditifs constants, mais j’en doute. Quel homme peut-être assez fou pour encourir le risque de devenir un légume, uniquement pour annihiler de simples petits problèmes de vue et d’audition ?
Soit j’étais à l’époque une tête brûlée n’ayant aucune conscience du danger, soit on m’a contraint et forcé à endurer cette procédure. Personnellement, je pencherais plus pour la seconde hypothèse. En tout cas, j’ai le sentiment que les médecins se sont efforcés de me cacher quelque chose et de taire la vérité. J’ignore depuis combien de temps je suis à Paris, mais j’ai l’impression que personne ne s’est risqué à jouer franc jeu et cartes sur table avec moi. Avant tout, ce que je dois découvrir c’est pourquoi on a essayé de me tuer. Savais-je quelque que j’aurais mieux fait d’ignorer ? Un truc relevant du secret défense ou classé top secret. Qui est derrière tout ça ? L’État Major ukrainien ? Les Services Secrets français ? Y-a-il un lien entre cette opération et la tentative d’assassinat ? Constatant que je n’étais pas devenu un être en état végétatif, on aurait alors décidé d’employer les grands moyens ? Non … je ne crois pas. Cela ressemblait plus à une sorte de règlement de compte ou d’affaire personnelle. Ce que j’ai du mal à comprendre, c’est pourquoi le tireur a raté son but. Au vu du matériel qu’a utilisé cette personne, j’ai toute les raisons de croire qu’il s’agit d’un tireur d’élite ou quelque chose dans le genre. La finalité n’était pas de me descendre ? Etait-ce une mise en garde ou une sorte d’avertissement ? Bref, comme vous pouvez le constater ce ne sont pas les questions qui manquent.
Peut-être qu’une partie des réponses se trouve dans ce que recèle ce cylindre à musique, que j’avais sur moi à mon réveil ? Mais … je ne suis pas certain de réellement vouloir savoir ce qu’il renferme. Quelque chose me dit que c’est comme la boîte de Pandore. Si je l’ouvre, les choses iront de mal en pis. Et franchement, je n’ai pas spécialement besoin de cela pour le moment. Allez savoir si c’est une conséquence de l’intervention, mais depuis quelque temps, je ressens comme un besoin vital de toujours me laver les mains ou de prendre plusieurs douches par jour. Comme si l’on avait distillé en moi une souillure indélébile que rien n’efface. Ou alors, il s’agit d’un rituel de purification. Afin d’expier et de nettoyer des pêchés ou des fautes, que j’ai sûrement commis dans le passé et dont je ne me souviens plus. Sans doute qu’inconsciemment, je tente de revivre mon passé. Après tout, l’eau est en quelque sorte « mon élément de travail ». Il n’y a donc rien de bien surprenant si pour la quatrième fois dans la semaine, je me rends au complexe aquatique se situant dans le quartier dans lequel je tente de vivre caché. Du moins, pour l’instant. Comme d’habitude, la nana derrière le guichet à l’entrée me gratifie d’un regard que je ne connais que trop bien depuis que je suis ici. Ce type de regard qui dit tout bas : « Tu n’as rien à faire ici. » ; « On ne veut pas de gens comme toi. ».
D’accord je veux bien, mais que puis-je faire d’autre ? Si j’ai la bêtise de retourner en Ukraine, on m’arrêtera manu militari pour désertion. On m’accusera également de tout les maux de la Terre : trahison envers la nation, et pourquoi pas même intelligence et complicité avec l’ennemi. Le sort qu’on réserve aux personnes commettant ce genre d’impair n’est guère des plus reluisants. Si vous l’ignorez, j’aime autant vous dire que le régime de Porochenko est nettement moins regardant que la France, pour ce qui est du respect des droits de l’Homme. La vérité, c’est que je suis coincé ici. Homme libre et à la fois prisonnier de cette ville. Une fois délester d’une bonne dizaine d’euros, je prends la direction des vestiaire, pas mécontent de quitter cette femme au regard inquisiteur que je remercie néanmoins d’un signe tête ainsi que d’un sourire discret et forcé. Bon maintenant que la tenue de combat est revêtue, il est l’heure d’aller jouer les hommes grenouilles. Enfin « tenue de combat ... », c’est vite dit. Les shorts de bain étant interdits, nous autres messiers devons revêtir un … ah comment on dit … un shorty ? Oui voilà c’est ça, un shorty de bain. Hum, j’aurais sans doute dû prendre le mien une ou deux tailles plus grand. Bref. Dans le couloir embaumant l’eau chlorée, un rapide coup d’œil sur la droite me permet de constater que l’espace balnéo affiche complet. Contraste saisissant avec les alentours du grand bassin qui sont plus que clairsemés.
Remarque, on est en semaine et il est dix-sept heures passé. Ceci explique donc sûrement cela. Négligemment, je laisse ma serviette blanche sur une espèce de transat en toile jaune délavée. Mes lunettes de plongée chaussées, je prends place sur le plot de départ, comme on dit en natation. Une dernière grande inspiration, puis je me jette à l’eau. Au sens propre. Seulement, au lieu de remonter et faire quelques longueurs à la surface, je plonge vers le fond trois mètres plus bas. Ce n’est que lorsque mon ventre frôle le dallage que je commence à nager. L’obscurité engloutit tout. Seul quelques appliques sous-marines disposées de façon éparse, me rappellent que nous ne sommes pas encore en pleine nuit. Un aller. Un retour. Un aller. Je n’ai plus d’air à la moitié du second retour. Les yeux rivés en l’air, je m’assure qu’il n’y ait personne à proximité puis ondule frénétiquement des jambes afin d’émerger au plus vite. Chose qui se produit quelques secondes plus tard dans une profonde respiration à tout rompre, ainsi qu’un violent ressac de l’eau qui attire l’attention sur moi. A mon grand désespoir. J’en profite pour rabattre mes cheveux en arrière et remonter mes lunettes sur le sommet de mon front. Allongé sur le dos en surface, je me laisse ainsi porter au gré des flots tout en fixant la verrière sur laquelle la pluie de janvier joue des claquettes, et en tentant de reprendre haleine. Qu’est-ce que … oh non, ça recommence. Ce bourdonnement. Mes oreilles.
Argh ! Des images défilent à vive allure devant mes yeux. Un peu comme si on passait un film en accéléré. Des navires de guerre qui explosent ou coulent dans les abîmes. L’immensité marine qui vire à l’hémoglobine. Des balles traçantes. Des balles perdues. Des enfants qui pleurent. Des femmes qui crient et implorent le ciel. Des interrogatoires musclés. Des aveux arrachés sous des tortures moyenâgeuse. Повія ! Non, arrêtez ! Ce n’est que lorsque mon crâne heurte le rebord de la piscine que ce cauchemar éveillé prend fin. Tout s’arrête. Tout s’éteint. Tout se tait. De retour à la verticale, je manque de peu de boire la tasse. Cramponné fermement à la petite échelle métallique permettant de sortir ou d’entrer dans le bassin, je tente de retrouver une respiration neutre et normale. A me voir, on jurerait que je viens de me tirer la bourre avec Alexandr Popov sur un cent mètres papillon. Qu’est-ce que c’était que ces espèces de … de flashs ? Des choses dont j’ai été témoin ? Que j’ai faîtes endurer ? Que l’on m’a fait subir ? Je n’en sais rien. Depuis que j’ai repris connaissance, c’est bien la première fois qu’une chose pareille se produit. La mémoire commencerait-elle à me revenir ? Pfff, si seulement … . Tiens, on dirait qu’il y a plus de monde aux abords de l’eau. Les gamins sont partis et ont laissés la place à des trentenaires, des jeunes actifs sortant du travail et des étudiants. Лайно ! Je n’ai pas prêté attention au transat sur lequel j’avais laissé ma serviette. Celles étalées sur ces deux là se ressemblent en tout point. Je balaye les alentours du regard en me frottant la nuque, et surtout en espérant accrocher un regard offusqué qui m’indiquerait qu’unetelle ou unetelle n’est pas la mienne. Brrr, je commence à avoir froid. Les gouttes d’eau ruisselantes se prennent dans les pores saillant de ma peau frissonnante. Tant pis. J’attrape donc la première qui me tombe sous la main, priant dans mon for intérieur pour ne pas avoir à essuyer la colère d’un … comment vous dîtes en France … « un nageur du dimanche ».
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 14/1/2018, 15:29
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 14/1/2018, 19:21
Go Against the Flow Outch ! C’était prévisible. « Pas trop d’efforts physiques, et beaucoup de repos », qu’ils disaient. Les chairs s’étirent, l’épiderme réagi et les fils travaillent. Derniers stigmates de cette blessure par balle, qui a bien failli m’envoyer vers un ailleurs merveilleux. Ou pas. Sourcils froncés, je porte mes doigts au niveau de mon cou puis en regarde la pulpe, afin de m’assurer que les points de suture ne se sont pas rouverts. L’absence de sang m’indique que c’est bon, il n’y a rien à signaler. Toutefois, je pense qu’il s’en est fallu de peu. Une ou deux brasses de plus et j’aurais sûrement été bon pour tâter de nouveau de l’aiguille. Navré de prendre par dessus la jambe vos recommandations chers éminents médecins, mais un mois d’immobilisme c’est au-dessus de mes forces. Visiblement, j’ai comme qui dirait un problème avec les ordres et l’autorité. J’ignore quel genre de soldat j’étais dans l’armée, mais je pense que je ne devais pas être de ceux de plomb. Rébellion ? Insubordination ? Mise à l’écart ? Il y a certainement dû y en avoir. Si je cède aux sirènes de l’inertie, je deviendrais à coup sûr … зелена рослина. Euh … une p-plante verte ? Je crois que c’est comme ça qu’on dit. Bref, mieux vaut ne pas me tenter. De toute façon, je n’ai pas le temps de flemmarder. Retrouver la mémoire et découvrir ce qui m’est arrivé sont déjà en soi des boulots à plein temps. J’aimerais en disposer de plus, mais ce n’est pas le cas.
Oui, c’est véritablement une course contre la montre, dans laquelle j’ai accepté de me lancer à corps perdu. A tout instant, la ou les personnes ayant cherché à me supprimer retenteront leur chance. Et cette fois-ci, quelque chose me dit qu’elles ne se rateront pas. Alors avant qu’un point rouge ne vienne se poser sur mon front et que je donne mon âme à Dieu pour sa collection, je me mets en quatre pour lever le voile sur l’épais mystère que englobe ma vie. Rien n’est pire que de ne pas savoir pourquoi on va mourir. Hum … réflexion faîte, si. Ne pas savoir qui l’on est et d’où l’on vient : ça, c’est vraiment frustrant. Je n’ai pas appris grand-chose depuis mon réveil dans cet hôpital militaire parisien, hormis que je suis originaire de l’extrême nord-est de l’Ukraine et que j’ai combattu en Mer Noire, pour empêcher l’annexion de la Crimée par l’armée russe. A part cela, c’est le néant intégral. Je suis certain que bon nombre de questions trouveraient réponses, si j’avais accès à mon dossier médical. Dossier que l’on a catégoriquement refusé de me communiquer et de me laisser consulter. Y a-t-il quelque chose que je ne dois pas savoir ou découvrir ? Probable. En tout cas, cela éveille ma curiosité et me conforte dans l’idée que je tiens peut-être là une piste. Ma requête auprès du personnel soignant du Val-de-Grâce n’ayant été approuvée, j’ai donc essayé de « forcer les choses », en piratant leur serveur informatique.
Car oui, je me suis découvert, ou plutôt redécouvert des petits talents de hacker. Malheureusement, les dizaines de couches de pares-feu de leur système, rendent ce dernier encore plus inviolable que Fort Knox. Hum. Je pense qu’une petite visite nocturne dans le bureau du Professeur Barnier s’impose. Il faudra que j’aille en repérage dans les jours qui viennent pour évaluer les failles dans leur système de sécurité et de vidéosurveillance. Alors que je m’apprêtais à m’éponger tout en faisant dans ma tête la liste du matériel dont j’aurais besoin pour cette opération commando, une voix quelque peu familière me coupa dans mon élan. Une femme. Dans la seconde moitié de la vingtaine. Plutôt grande. Les cheveux à mi-chemin entre le blond et le châtain clair, les yeux azurs et de petites tâches de rousseur constellant très joliment son nez et ses pommettes. Julie. La pompiste travaillant dans la station service où je viens réapprovisionner ma moto en gazole. Rouler à tombeau ouvert la nuit sur le périph … je dois avouer que c’est vraiment quelque chose d’agréable. La seule et unique chose qui me fasse encore me sentir vivant. Voleur … . Bon, eh bien j’avais une chance sur deux. Mauvaise pioche. C’est donc en plissant légèrement les lèvres et en fuyant le regard taquin de la jeune blonde que je lui rends sa serviette : « P-pardon. ».
S’il est des personnes pour qui moins elles connaissent les gens mieux elles se portent, pour Julie, ce n’est pas vraiment le cas. Bon, ce n’est pas non plus une fo… une fouine, mais il est clair qu’elle aime savoir à qui elle a à faire. On a discuté à plusieurs reprises lorsque ses pauses clope le lui permettaient. Enfin « discuter » … . Disons qu’elle parlait et que j’écoutais la plupart du temps. Cependant, je doute que mes réponses l’aient totalement convaincu. Au contraire, je serais plus tenté de penser qu’elles n’ont fait que l’intriguer. Tout comme ma gueule de slave d’ailleurs. Récupérant cette fois-ci la serviette m’appartenant, je m’essuie tout d’abord le visage avant de passer l’étoffe en éponge sur mes avants-bras et mes mains. Après avoir passé une main dans mes cheveux dont de petites gouttes d’eau perlent encore aux pointes, j’imbrique mon regard dans celui de mon interlocutrice et sourcille très légèrement. Avec une neutralité, un self contrôle et un français à couper au couteau m’étant caractéristiques, je rebondis sur la remarque de Julie à mon encontre : « Je pourrais t-te … te dire la même de toi. Tu n’es pas non plus quelqu’un qui s’épanche beaucoup. ». La blonde aux traits de poupon me regarde en esquissant ce qui semble s’apparenter à un rictus. Pas le genre moqueur ou railleur, vis-à-vis du pauvre type qui ne sait pas aligner trois mots sans faire cinq fautes de syntaxe ou de grammaire.
Non, il s’agit là plutôt … d’un sourire affectueux voire attendri. Néanmoins, je décèle dans ses yeux comme une note d’exaspération. Pas de doute, elle commence a en avoir marre que je réponde à ses constatations par une autre constatation. Je ne cherche pas à me défiler, loin de là. J’essaye simplement de gagner du temps, afin de trouver quelque chose à dire de crédible, et surtout, qui n’attisera pas plus ses doutes naissants. C’est tout moi. Toujours à jouer les funambules et les équilibristes, dans l’espoir de passer hors des écrans radars et de la zone rouge. Après avoir étendu de nouveau ma serviette sur le transat avec un zèle et une minutie vraiment superflues, j’ajoute en me grattant le coin du sourcil : « Il n’y a pas grand-chose à savoir. Je suis un immigré ukrainien venu vivre le rêve parisien, et qui tente de joindre les deux bouts en passant de petits boulots en petits boulots. Fin de la histoire. ». Il n’y a pas une once de véhémence ou d’animosité dans le ton que j’ai usité. Juste une placidité et un stoïcisme pouvant paraître déconcertant. Qu’est-ce que j’aurais dû lui dire ? Que des chirurgiens se prenant pour des boucher m’ont retiré une partie du cerveau pour je ne sais quelles obscures raisons ? Qu’on m’a tiré dessus ? Que j’attire le danger aussi facilement qu’un aimant attire le fer ? Que j’ai sûrement été amené à tuer des innocents dans mon passé, au nom d’une guerre déchirant deux nations antagonistes depuis la nuit des temps ?
Si le but de la manœuvre était de l’effrayer et qu’elle prenne ses jambes à son cou, alors oui, c’est certainement ce que j’aurais dû lui dire. Au lieu de cela, je préfère rester évasif, flou et dans le vague afin de demeurer à ses yeux le client à l’accent ruskov qui vient tout les mardis faire le plein pour sa Ducati. C’est plus prudent et cela vaut mieux. La jeune femme aux yeux dont la teinte rappelle celle de l’eau de la piscine, se met à fixer mon épaule en plissant les yeux et fronçant les sourcils. Qu’est-ce qui peut bien retenir son attention de la sorte ? Ah … . Le tatouage. Avec de beaucoup de retenue et de maîtrise, je précise : « Une connerie de jeunesse. ». Mensonge. Une fois encore. Une série de chiffres incrustée dans la peau à l’encre de Chine. Un matricule aux allures de ceux que les malheureux juifs déportés pendant la seconde guerre mondiale, avaient tatoué sur le bras. 9263. Le même nombre que celui apposé sur mon dossier à l’hôpital. Qu’est-ce qu’ils ont bien pu me faire ? C’était quoi la finalité ? Me punir ? Me déshumaniser en me réduisant à un vulgaire numéro ? Je suis quoi ? Un cobaye ? Un prototype ? Une expérimentation ? Un petit secouage de tête me permet de quitter le fil de mes pensées, et de lâcher des yeux cette énigmatique tatouage. Essuyant mon front d’un revers de la main, j’ajoute afin de noyer le poisson et de fermer la porte à un interrogatoire sur la signification de cette décoration corporelle, si tant est qu’on puisse appeler cela ainsi : « Cela fait longtemps que tu vis ici ? J’ai vu que tu n’avais pas tout à fait le même accent que le majeure partie des parisiens. ». Il est vrai que l’intonation et la voix de Julie sont nettement plus chantantes que ceux des parisiens pure souche. Quand elle parle, on sent le soleil et entend presque les grillons chanter. Dans la voix atone et morne des gens d’ici, il n’y a que grisaille et monotonie. J’ignore si cette pirouette me permettra d’arrêter de faire en sorte que Julie me cuisine, mais en tout cas cela ne coûte rien d’essayer.
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 14/1/2018, 21:15
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 15/1/2018, 01:13
Go Against the Flow De prime abord, Julie semble faire partie de ces filles qui ont tout pour elles. La beauté. L’intelligence. Une situation, certes pas très prestigieuse, lucrative et épanouissante, mais qui à défaut a le mérite d’être relativement tranquille. Bref, tout les ingrédients sont là pour qu’aucun nuage n’obscurcisse son ciel et que le bonheur lui sourit d’une façon presque insolente, aux yeux des autres filles dépourvus de ses multiples atouts. Pourtant, il n’en est rien. Julie est indéniablement une écorchée vive. Une âme tourmentée. Une femme que la vie a brutalement brisé et meurtri au plus profond de sa chair. On ne sort pas indemne des revers que nous afflige le destin. D’autant plus quand ils vous tombent dessus en rafale, et que vous êtes victime de la loi des séries. Peut-on remonter la pente et entrevoir le bout du tunnel ? Probablement. Avec le temps. Le temps estompe et cicatrise tout, parait-il. L’abcès. L’absence. Comment les gens « normaux » font ? Parviennent-ils à oublier ? Ou apprennent-ils à vivre avec ? Oui, on apprend. Avec le temps. Ce temps qui court, tourne et qui se joue de nous. Combien en faut-il ? Allez savoir. Qui sait, il se peut qu’une vie toute entière ne suffise pas. Ce qui est clair, c’est qu’à un moment ou un autre de la sienne, la bonne étoile de Julie l’a momentanément quitté la plongeant dans un profond nadir. Quels affres a-t-elle bien dû traverser ? Mystère.
En tout cas, loin de moi l’idée de la passer au grill pour savoir quelles sont les raisons justifiant ce spleen et ce vague à l’âme permanents qui lui collent à la peau. Qui plus est, elle a pour l’instant eu la gentillesse de ne pas trop se monter intrusive envers moi. Ne dit-on pas : « ne fais pas à autrui ce qui tu n’aimerais que l’on te fasse. » ? C’est son histoire. Elle lui appartient et ne regarde qu’elle. Ce qui est sûr, c’est que les événements n’ont pas été tendres avec Julie, et ont laissé en elle une plaie ainsi qu’une béance encore à vif. Son mal-être, elle le noie dans l’alcool et l’enfume avec je-ne-sais-quelle substance illicite. La fuite, le déni et la dissimulation. Voilà ce que permettent ces genres de dérivatifs. D’échapper, de cacher ou de refuser d’affronter quelque chose. Certains y verront là le choix de la facilité ou de la lâcheté. Moi, je ne juge pas. Je ne connais pas l’ampleur des problèmes qui agitent Julie. Si mes tourments avaient été les mêmes que les siens, peut-être que moi aussi j’aurais cherché un semblant de réconfort dans ces produits permettant de tout oublié l’espace d’un éphémère et fugace instant. Et si, et si, et si … . Nos deux situations ne sont sans doute en rien comparables. Il est probablement plus simple de découvrir la genèse de ses emmerdes que de vivre, ou plutôt survivre, chaque jour avec les répercutions qu’elles ont sur votre existence. Qu’importe ce que je découvrirais, j’ai besoin de savoir. De comprendre.
Pourquoi. Pourquoi moi ? Pourquoi ça ? Je sais bien que je donne l’impression de jouer les gros durs infaillibles, mais qu’on ne s’y méprenne pas. Moi aussi je me cache et fuis. Des gens. Par méfiance et prudence la plupart du temps. Pour les protéger dans d’autres. Comme Julie l’a si justement fait remarquer, je l’ai déjà vu en dehors de son travail et … bien éméchée dira-t-on. Notamment ce fameux soir où elle est venue avec des amies s’amuser dans une boîte de nuit, où j’ai brièvement travaillé entant que videur. Elle est restée jusqu’à la fermeture, sur les coups de cinq six heures du matin. En plus de l’alcool, ses yeux explosés me disaient clairement qu’elle n’avait pas fumer que des cigarettes dans le petit fumoir en sous-sol. Au naturel Julie est une fille plutôt cash et brute de décoffrage, mais grisée par l’alcool et d’autres stupéfiants, je peux vous garantir qu’elle perd tout sens d’inhibition et est vraiment sans filtre. Dans mon for intérieur, j’espère qu’elle ne se souvient plus de ce qu’elle m’a dit et a tenté d’entreprendre avec moi ce jour là. Le lendemain, j’ai aussitôt démissionné. Sans cesse fuir, rester cacher et évoluer dans un milieu où je suis un parfait inconnu : ma vie. Dans un haussement d’épaules, je lui rétorque que : « Oui, probablement. ». Ma tentative pour éluder le propos et éviter à avoir à parler de moi, semble avoir été partiellement vaine.
La version quelque peu enjolivée et édulcorée du condensé de ma vie que je lui ai servi, ne semble ni être à son goût, ni la convaincre. La manière à peine perceptible qu’elle a de froncer les sourcils et d’avancer les lèvres, prouvent que la jeune femme est très dubitative. Cela se confirme : je suis définitivement un piètre menteur. Je m’en doutais déjà lorsque j’ai eu à avancer des excuses bidons à mes différents employeurs pour justifier mes retards, mais là j’en suis à présent persuadé. La réponse de Julie me fait sourire intérieurement. Une réponse très franchouillarde. Râleuse, bougonne et fataliste. Les bras croisés contre ma poitrine, j’effleure mes biceps afin de me réchauffer un temps soit peu. Avec détachement, je réponds à l’élancée jeune femme, non sans buter et hésiter sur certains mots bien difficiles pour un non francophone : « Crois-moi, comparé à la vie en Ukraine, Paris fait vraiment figure de euh … El-do-rado. C’est ici que j’ai découvert ce que sont les droits de l’Homme et les libel… les libertés individuelles. ». Non Julie, l’herbe n’est pas toujours plus verte dans le pré d’à côté. Tu vis ici depuis tellement longtemps que tu ne t’en rends probablement plus compte, mais je peux t’assurer qu’il n’y sans doute pas de plus beau pays que la France. Est-ce que je me rappelle des trente quatre années que j’ai passé dans mon pays natal ?
Oui et non. Je n’ai que de vagues réminiscences. Des souvenirs embrumés qui devraient logiquement me terroriser, si l’on ne m’avait pas ôté toute once d’humanité. Délation. Arrestation des opposants politiques. Exécutions sur la place publique pour servir d’exemple. Censure dans les médias. Presse cadenassée et sous contrôle. Ce que j’ai pu lire ou voir au sujet de ce pays, tend à confirmer que ce dont je me souviens n’est pas le fruit de mon imagination. Lasse et sans doute passablement énervée par les parties de poker menteur que revêtent nos discussions à chaque fois que nous nous voyons, Julie s’allonge sur son transat tandis que je m’adosse contre une espèce de colonne d’inspiration gréco-romaine non loin du mien. La blonde aux yeux cyans m’apprend qu’elle est originaire du sud de la France. Je n’ai peut-être plus la totalité de mon cerveau, mais au moins j’ai toujours l’oreille. C’est déjà cela. Dans la foulée, la pompiste ajoute à voix haute, et probablement sans s’en rendre compte, que l’immensité maritime lui manque. Scrutant la légère houle secouant le bassin, je rejoins mon interlocutrice sur ce point en déclarant dans un soupir lourd du sens : « A moi aussi … . ». Oui, cet élément qui était jadis l’espace où je laissais s’exprimer mes compétences de nageur de combat, me manque cruellement parfois. C’est d’ailleurs étrange. Je n’ai plus de désir, plus d’envie, plus d’aspiration, hormis celle de pouvoir un jour dérivée dans cette étendue d’eau iodée qu’est la mer.
Plonger à quinze, vingt mètres voire plus. Je crois … que c’est quelque chose qui me plaisait avant. Quelque chose qui me grisait. Après tout, si je viens si souvent à la piscine, il y a sûrement une bonne raison. Peut-être qu’inconsciemment, je cherche à revivre ces joies d’antan ? Guère concluant pour l’instant en tout cas. C’est incroyable de voir à quel point je suis bien et à l’aise dans l’eau. Parfois, j’en arrive naïvement à croire que j’ai sûrement dû apprendre à nager avant de marcher. Oui … à moi aussi la mer me manque, cela ne fait aucun doute. La fêtarde poursuit en me posant la question, qui doit sans doute lui brûler les lèvres depuis un bon moment, et que je redoute tant. Qu’est-ce que je viens faire ici ?. Aussitôt mon visage se ferme et se renfrogne. Je préfère ne pas regarder Julie et continue de fixer le bassin, de peur que mon air fort peu aimable ne la blesse. Alors, nous y voilà … . Je commence à être fatigué de mentir. Le silence s’installe et s’enracine. La jeune femme vêtue d’un bikini aux couleurs acidulées incline légèrement la tête. Je sens qu’elle tente d’attraper mon regard. Tête baissée, je déglutis ma salive et prends une grande inspiration avant de répondre à la question qui la taraude, et ce en jouant pour la première fois franc jeu. « J’étais soldat. Au départ, j’étais très fier de servir et défendre mon pays mais … . Plus les années passaient, et plus les conflits me semblaient absurdes. »
« J’avais l’impression d’être пішак … un p-pion se battant pour que les intérêts d’une poignée de puissants continuent à prospérer. Je n’avais pas signé pour ça. Je voulais protéger le plus grand nombre. Petit à petit, les missions, les ordres et les pratiques barbares de l’armée m’ont … ul-céré. J’ai fini par déserter. Tout laisser derrière moi. Partir en quête d’une terre meilleure. Paris m’a semblé être un bon choix. C’est vrai. Je ne suis pas quelqu’un de très … socié… sociable. J’étais dans la marine. Cela explique donc sûrement pourquoi je reviens toujours et … iné-lucta-blement ici. ». Bien sûr, c’est la version romancée, fantasmée et idéalisée de ma vie. Cependant, j’aime à croire que c’est ainsi que les choses se sont passées. Je refuse d’admettre que pour des raisons inconnues, je n’ai été qu’un maillon constituant une chaîne de trafic d’être humain. Un cobaye qu’on a estampillé et sur lequel on a pratiqué je ne sais combien d’expérimentations médicales, au nom de la recherche ou du progrès. Non … je ne suis pas ça. Je ne suis pas que cela. Je suis autre chose. Quelqu’un d’autre. Qui ? C’est ce que je veux savoir. D’ici là, je me berce d’illusion en considérant que ce que je viens de raconter est pour l’instant la version de mon histoire faisant foi. Est-ce que Julie va y croire ? Je n’en sais rien. Je l’espère en tout cas, sinon je vais devoir lui servir un énième mensonge, et je ne m’en sens clairement pas la force.
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 15/1/2018, 22:02
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 16/1/2018, 15:13
Go Against the Flow Dans le fond, ce qui m’arrive est en quelque sorte un mal pour un bien. Sans toutes les facéties et les multiples caprices du destin, jamais je n’aurais eu la chance de goûter au vent de liberté qui anime la patrie au drapeau tricolore. Est-ce qu’il m’arrive de songer à ce que serait ma vie, si elle n’avait pas pris la tournure d’un thriller policier ou d’un roman d’espionnage ? Bien sûr. Tout le temps. Quelle existence pouvait bien mener le Maksim « d’avant » ? Etait-il un mouton de Panurge exécutant aveuglement les ordres qu’il recevait, ou avait-il au contraire l’âme d’un dissident ? Coulait et sabordait-il les sous-marins et les portes-avions ennemis basaient dans les confins de la Mer d’Azanov sans même l’ombre d’un rebord ? Etait-il au contraire conscient de la peine et du chagrin que ses actes causaient aux femmes, aux mères ou aux enfants des hommes auxquels il arrachait le dernier souffle ? Je ne sais pas. Ce que je sais en revanche, pour avoir failli la perdre, c’est que la vie est bien trop précieuse pour qu’on laisse un tiers vous la prendre. C’est fini. Il n’y aura plus de balles perforant les chairs. Plus de cliquetis métalliques de douilles venant mourir au sol. Plus de sang ruisselant et dessinant une auréole, autour d’un gisant se refroidissant et luttant pour capturer de faibles bouffées d’air. Plus de vies qui chavirent. Plus d’yeux mouillés. C’est fini … .
Vraiment ? Non, pas tout à fait. Il me reste encore quelques chargeurs à liquider. Quelques chiennes de vies à faucher. Celles des personnes ayant fait de moi un être insensible et au cœur de pierre. Un corps désincarné. Vide. Sans flamme. Eteint. Qu’importe s’il s’agit de grands pontes de la médecine estimés par leurs confrères, ou de hauts gradés bardés de médailles et autres décorations : il y passeront tous. Jusqu’au dernier. La vengeance, c’est tout ce qui me reste. Et après ? Irais-je mieux ? Aurais-je obtenu satisfaction ? Non, bien évidemment. Le mal est fait, c’est trop tard. Le Maksim « d’avant » est mort, et ce n’est certainement pas une vendetta gorgée d’animosité et d’acrimonie qui le ramènera. Je le sais. Cependant … je sens que c’est quelque chose de nécessaire. Comme un besoin oppressant et presque vital. C’est triste à dire, mais cela donne presque un sens à ma nouvelle existence. Une bonne raison de me lever le matin. Quand la justice des Hommes à échouer, il ne vous reste plus qu’un ultime recours : vous faire justice vous-même. Tant de progrès et d’avancé dans l’humanité, pour finalement en revenir à la loi du Talion. Les lumières se retourneraient probablement dans leur tombe, si elles pouvaient lire dans mes pensées. Désolé. Vraiment. Mais ça sera œil pour œil et dent pour dent. Quoi qu’on en dise et quoi qu’il m’en compte. Rassurez-vous, c’est encore trop tôt.
Pour l’heure, je dois me reconnecter au monde des hommes. Me fondre dans la masse. Adopter les codes qui régissent cette société afin de ne pas éveiller les soupçons. Sans oublier que le tireur ayant chercher à m’abattre peut être n’importe où ,et qu’à ce titre chaque individu représente une menace potentielle. Je m’efforce donc de vivre comme le plus français des ukrainiens, et de jouir de cette incroyable liberté se déclinant sous des formes infinies. Liberté d’expression, d’opinion, d’entreprendre, de culte ou encore de sexualité. Dommage qu’il ait fallu que je devienne le patient, ou plutôt le cobaye 9263 pour découvrir ces inestimables trésors. Perdre son humanité, ses émotions et ses sentiments était-il le prix à payer pour que j’y ai le droit ? Il faut croire que oui. J’esquisse un revers de la main tout en fermant les yeux et hochant la tête de gauche à droite, prouvant ainsi à Julie qu’elle n’a nullement besoin d’être désolée ou de s’excuser. Avant de répondre à sa question, je jette un bref coup d’œil aux personnes barbotant dans l’eau ou étant allongées de tout leur long sur un transat. Reportant ensuite mon attention sur elle, je lui réponds alors sur un ton ne laissant hélas rien transparaître : « C’est vraiment le jour et la nuit. Ici, on ne vit pas dans la peur de voir à tout instant la police débarquer chez vous, sous prétexte que t… que vous avez soit disant critiquer le pouvoir en place. »
« Les gens ne passent pas leur temps à s’épier, à se regarder avec méfiance ou à craindre d’être dénoncés. Là, c’est limite si on euh … si on se fiche de vous ? C’est comme ça qu’on dit, hein ? On peut faire à peu près ce que l’on veut sans redouter des représailles. On est libre d’être qui on est. C’est quelque chose de nouveau. De différent. Et qui est aussi très pl… plaisant. ». J’ignore si je suis très clair. C’est vraiment frustrant de ne pas avoir les mots pour illustrer convenablement sa pensée. Voilà pourquoi en temps normal je préfère me taire ou répondre de façon sommaire. Etonnant d’ailleurs que je sois aussi volubile. Est-ce parce que … j’ai confiance en Julie ? Parce que d’une façon ou d’une autre, je me retrouve un peu en elle ? C’est une possibilité. En tout cas, je ne suis pas avare de paroles, lorsque je raconte mon histoire telle que j’aurais voulu qu’elle se déroule. Oui une fois de plus je me terre dans le mensonge. Oui je prends quelques liberté avec la réalité. Mais mettez-vous à ma place. Comment lui dire la vérité ? Une vérité que personne ne croirait ou n’est prêt à entendre. Est-ce le fait de le dire à voix haute ou tout autre chose mais, … . Pour la première fois depuis bien longtemps, je ressens quelque chose. Cependant, je suis bien incapable de dire ce dont il s’agit. Mon laïus s’interrompt aussitôt de manière abrupte, lorsque je sens une main fine et délicate se poser sur mon épaule.
Julie ? Je ne t’ai même pas vu ou entendu t’approcher. Un ange passe tandis que mes iris sombres souillent la clarté des siens. Une scène outrageusement cliché. Il ne manque plus que les sanglots longs d’un violon, pour que l’on se croit dans une mauvaise comédie romantique avec Katherine Heigl, au moment du french kiss en guise de happy end. La blonde aux yeux céruléens finit par détourner le regard. Puis, après s’être faite violence, elle décide à son tour de baisser le masque. La fêtarde fumant la vie par les deux bouts, laisse alors place à la femme morcelée et dans son nu le plus blême. Elle se raconte. Trouve la force et la confiance, de partager cet épisode douloureux de sa vie avec moi. Moi qui ne suis pourtant que le type austère et taiseux, venant tout les mardis soir faire le plein pour sa moto dans la petite station service où elle travaille. Les choses me semblent évidentes. Ce taedium vitae, cette mélancolie et ce dégoût pour la vie qu’arbore Julie prend soudainement tout son sens. Les relations conflictuelles avec ses parents, surtout sa mère. L’incendie. Les morts en cascade. Comment ne pas être rongé par la culpabilité jusqu’à la moelle après un pareil drame ? Si comme moi sa fierté et son orgueil la poussent à refuser les mains tendues, alors oui, alcool et drogues peuvent être de bonnes béquilles pour continuer à avancer. De guingois certes, mais continuer à avancer quoi qu’il en soit.
Sa voix oscille et vacille. Les mots deviennent plus sourds, plus étranglés. Ils ont de plus en plus de mal à franchir le seuil de ses lèvres. Qu’est-ce que les gens « normaux » disent dans ses moments là ? Qu’est-ce que l’on doit faire ? Enrouler un bras autour des épaules ? Donner une accolade réconfortante ? Je dois probablement être la dernière personne qui soit la mieux placée sur cette terre pour recueillir des confessions. Dessinant les pourtours de ma mâchoire, je me creuse la tête en quête des bons mots. Rien de bien sensationnel ne me vient à l’esprit. Tant pis, je prends quand même le risque de dire quelque chose qui soit d’une banalité affligeante : « On a sûrement déjà dû te le dire plus d’une fois et tu dois être fatiguée de l’entendre mais … ce n’était pas de ta faute. Ce que tu as vécu, je veux dire t’occuper et prendre soin d’une personne malade et déclinant de jour en jour, aucun adulte n’en est capable sans un minimum d’aide et de soutien. Comment une adolescente aurait-elle pu porter à bout de bras un tel fardeau ? A trop s’occuper des autres, il arrive un moment où l’on n’en peut plus et où l’on dit stop. Tu n’as pas à te sentir coupable. La façon dont tu as agi ce jour là … ce n’était pas de l’érgo… de l’égoïsme ou un caprice. Tu voulais seulement, l’espace d’un instant, avoir la vie qu’avaient toutes les filles de ton âge. C’est bien normal. Est-ce que le drame aurait pu être évité si tu avais été là ? »
« Peut-être. Peut-être pas. On ne pourra jamais le savoir. Toutes les personnes qui ont péris ce soir là, tu n’as pas à les avoir sur la conscience. Ton père a agi selon son instinct. La seule chose qui a dû importer pour lui, c’est que sa famille puisse être saine et sauve. Vous savoir en sécurité et à l’abri, c’était sûrement son vœu le plus cher. Je sais que je n’ai sûrement pas à te dire ça, mais je pense que où qu’ils soient à présent, tes parents n’aimeraient pas voir leur fille anno.. anéantie par le chagrin, et portant sur ses épaules ad vitam æternam la responsabilité de ce qui s’est passé ce soir là. Il n’est jamais trop tard pour renaître. ». Je n’ai pas envie d’entre moralisateur et pontifiant. J’essaye juste d’apporter un peu de réconfort et de baume au cœur, à une personne qui en a cruellement besoin. J’ai beau faire de mon mieux, je sais bien que j’ai été gauche, maladroit et sans doute pas très délicat. Tout ce que j’espère, c’est de ne pas avoir accru le mal-être qui bouffe et gangrène Julie de l’intérieur. Cet évènement a beau être loin à présent sur la frise du temps, émotionnellement il est toujours bien présent. Comme une trace indélébile. Un supplice qui la tiraille et la martyrise, toujours un peu plus chaque jour. On reste sur le terrain de la famille, sauf que cette fois-ci, la balle est dans mon camp. Est-ce que j’ai toujours de la famille en Ukraine ? J’aimerais le savoir. Au fond moi, j’espère que non.
S’il existe des gens pour qui je compte ; une femme, des parents, des enfants ; alors je n’ose imaginer l’inquiétude et le calvaire qu’ils doivent endurer, à ne pas avoir de mes nouvelles. Désarmé et pris de court, j’ânonne pitoyablement quelques mots : « N-non. Enfin, je ne crois pas. ». Mauvaise réponse. Une fois encore. Quiconque sait si oui ou non il lui reste de la famille. On répond à cette question de façon franche par oui ou non. Voilà un exemple parfait des multiples « gaffes » que j’effectue à chaque fois que je discute avec Julie, et qui ont le don pour exacerber sa curiosité. Elle va rebondir là-dessus, et c’est bien normal. N’importe qui le ferait. Une fois n’est pas coutume, je vais avoir besoin d’une bonne explication. Qui sonne horriblement faux pour moi, mais qui pour le commun des mortels reste plausible. Mentir. Affabuler. Encore et encore. Un homme courant les yeux bandés vers un précipice. Voilà ce que je suis. Je m’assois sur le transat et fomente en quatrième vitesse un justification qui tient la route. Lorsque je la tiens, je relève la tête en direction de la jeune femme se tenant debout face à moi. Une mise en scène sous-entendant que bon gré mal gré, j’accepte de me plier à ce cérémonial des présentations. En toute honnêteté ? Pas si sûr.
Lui coupant donc l’herbe sous le pied et anticipant son éventuelle question, j’ajoute alors : « J’ai eu un accident de moto il y a quelques temps. Rien de bien méchant. « Juste » un trauph… traumatisme crânien. Le seul problème, c’est qu’à mon réveil j’ai oublié plusieurs pans de ma vie. Des fois, il arrive que je me souvienne de deux ou trois petites choses. Malheureusement, c’est toujours un peu confus et chaotique. Parfois, il suffit d’un son, d’une odeur ou d’une saveur pour qu’un souvenir me revienne. Parait que ça fait cela au début, puis qu’à force et avec le temps, on finit par retrouver cent pourcents de sa mémoire à long terme. ». Évidemment, les choses ne se sont pas passées comme ça. Cependant cela reste un scenario envisageable et auquel Julie peut croire. J’ignore combien de temps je vais bien pouvoir encore tenir. Plus j’apprends à la connaître, et plus il m’est difficile de lui faire avaler des couleuvres. Pourquoi ? Est-ce … parce que je tiens à elle ? Pfff, comment pourrais-je le savoir, je ne ressens toujours strictement rien. Mon regard remonte le long des jambes de la pompiste, pour finalement se poser sur ses grands yeux clairs. Cette fois-ci, c’est moi qui détourne en premier le regard cherchant un échappatoire en direction du bassin. Par honte ? Par embarras ? Par dégoût de soi-même ? Là encore, je ne sais pas.
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 17/1/2018, 02:30
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 17/1/2018, 21:00
Go Against the Flow Formuler des jugements à l’emporte-pièce. Tout le temps. A tort et à travers. Comme une sorte de seconde nature chez l’être humain. Fait ou idée reçue ? Le si peu que j’ai vu et dont je me rappelle pour l’instant, me laisse à penser que c’est hélas un fait. D’ailleurs, j’en ai eu la preuve pas plus tard que tout à l’heure lorsque je suis arrivé ici. Avec la réceptionniste. Enfin, la nana travaillant à l’accueil. Bref, je ne sais pas comment il faut dire. Elle n’a pas eu besoin de dire quoi que ce soit, son regard s’en est chargé pour elle. Trop insistant pour relever de la politesse. Trop moraliste pour être innocent ou je-m’en-foutiste. Qui sont ces héliastes de la vie de tout les jours ? Ont-ils un profil type ? L’âge rentre-t-il en ligne de compte ? Pas sûr. Cette fille était bien plus jeune que moi, et pourtant cela ne l’empêchait pas d’avoir une façon de penser sectaire et réactionnaire. A mon sens, tout du moins. Est-ce donc une coquetterie ainsi qu’une singularité typiquement franco-française ? C’est peu probable. Ailleurs, ce n’est sans doute pas mieux. Où que l’on soit, il y a de la haine dans tout les yeux. La France pays des droit de l’Homme : ok. La France modèle de démocratie et terreau historique des libertés : ok. La France terre d’accueil : pas pour tout le monde apparemment. La remarque de Julie, vis-à-vis de la population parisienne, vient conforter ma première impression. Sourcils haussés et tête opinant avec approbation, seul un furtif « hum » rebondit contre mes lèvres celées.
Les parisiens auraient-ils perdu leur âme dans le rythme, l’effervescence et la frénésie urbaine qui les happent ? L’autre est-il devenu une menace ? Une source de peur, d’incertitude et d’insécurité ? Doit-on le briser et le reconstruire encore et encore, jusqu’à ce qu’il soit conforme à sa propre image et qu’il puisse être admis dans le cercle ? Si tel est le cas, c’est bien triste. Et assez inquiétant, je dois dire. Hum. Cet élitisme et ce caractère nombriliste, doivent sûrement être propres aux gens de la capitale. Il en va sans doute de même dans les grands centres névralgiques des autres pays. Les habitants de Kiev considèrent sûrement aussi qu’il n’existe pas mieux qu’eux, et que les autres n’ont d’autre choix que de les imiter, s’ils désirent réussir. Peut-être qu’il demeure en province, quelques derniers bastions où le brassage des cultures et la mixité des individus, s’élèvent en maîtres ? De petits havres de paix où il fait probablement bon vivre. De ce côté là, et si j’en crois les paroles de Julie, il y a peut-être de l’espoir. Les gens résidant dans les régions méridionales de l’hexagone, sont selon elle plus sympathiques. Ca, je veux bien le croire. Je me souviens qu’en Ukraine, nous avons un proverbe qui dit euh … . Bon, la traduction est probablement un peu approximative et cela rend sans doute mieux en ukrainien. « Bonté et gentillesse éclosent et croissent au soleil ». Comme quoi, il y a sans doute un peu de vrai là-dedans.
Acquiesçant de nouveau du chef et esquissant une illusion de sourire, je tapote ma tempe à l’aide de mon index. L’air de dire : « Je tâcherais de m’en souvenir ». Ou encore, « J’y ferais attention, si l’occasion m’est donnée de m’y rendre un jour ». Південь. Le Sud. Ce sud qui tente et attire les âmes aspirant à débarbouiller le gris du ciel. Synonyme de dolce vita, de lendemains qui chantent et de doux embruns. Ce même sud qui pourtant est devenu en un claquement de doigts pour Julie, un véritable enfer ainsi qu’une fournaise. Que peut-on faire après être rescapé d’un pareil cataclysme ? Partir. Tout laisser derrière soi. Appliquer la politique de la terre brûlée. C’est une possibilité. En tout cas, c’est humain et cela se comprend. Julie a fait ce choix. S’en aller loin. Là où les nébuleuses sont reines et où le chant des cigales laisse place aux vrombissements sourds des moteurs. Un exil qui pour elle prend également un amer goût de pénitence. Survivre, se reconstruire et tenter d’expier une faute qu’elle s’impute : tels sont les parfums de sa vie désormais. Non. Je refuse de croire en ce fataliste, et au fait qu’elle soit condamner à inexorablement couler, quoi qu’elle puisse faire. N’en démordant pas, je confirme mes propos tenus plus tôt sur un ton qui à défaut d’être persuasif ou convainquant, se veut neutre : « Évidemment que tu n’y es pour rien. ».
« Ce n’est pas comme si tu avais sciamm… volontairement mis le feu ou que tu étais officiellement responsable de cette personne âgée. Les personnes à blâmer sont celles travaillant dans un organisme de santé, si cette dame était sous tit.. tutelle, et sa famille qui l’a délaissé au lieu de prendre soin et veiller sur elle. Tu n’as rien fait de mal. Tu n’es pas coupable. Je… je pense qu’il est temps que tu t’en convainques. ». Bien sûr, tout ceci est nettement plus facile à dire qu’à faire, j’en conviens. Elle vit depuis tellement longtemps avec cet atroce sentiment d’autopunition, qu’il faudra beaucoup de temps avant qu’elle n’accepte de voir les choses sous cet angle. Ou pas ? Peut-être qu’elle avait simplement besoin de l’entendre de la bouche de quelqu’un pour avoir le déclic ? En tout cas, j’aurais au moins eu le mérite de planter une petite graine. A voir après si l’idée fait son chemin, ou si cella restera lettre morte. Je trouve simplement que … que ce n’est pas juste. Julie est quelqu’un de bien. Elle le cache et le dissimule derrière une carapace aux allures de bunker, mais je sais qu’elle est intrinsèquement et foncièrement gentille et humaine. Elle mérite tellement mieux que d’être en proie à des innombrables démons et autres fantômes du passé. Hum. Oui, il faudra beaucoup de temps j’imagine. Ce sentiment de culpabilité est en effet d’autant plus grand à cause de son frère.
Ce frère avec lequel elle était brouillée, et qui a rendu l’âme sans qu’elle n’ait pu faire la paix avec lui. Comment continuer à vivre lorsque vous êtes convaincu qu’une personne s’en est allée en vous haïssant de tout son être ? A mon tour, je souhaite poser une main lénifiante sur son épaule, mais décide finalement de me raviser, préférant les paroles seules : « On en veut toujours à ceux qui restent. Je… je pense qu’il a sans doute essayé plus d’une fois de faire table rase du passé et de reprendre contact avec toi, sans jamais trouver la manière et l’occasion. On ne peut pas ha… haïr aussi longtemps une personne avec laquelle on partage le même sang. ». Ah oui ? Qu’est-ce que j’en sais après tout. De quel droit j’ose lui dire une chose pareille ? Moi qui ne suis qu’une coquille vide. Un homme sans racine ni passé, comme créé ex nihilo. En tout cas, son vote de confiance à mon égard me fait plaisir. Du moins, il me le ferait si j’étais « comme tout le monde ». Est-ce par gêne que je baisse la tête et mire le dallage, lorsqu’elle me révèle que je suis la première personne à qui elle raconte cette histoire ? Sans doute. Honteux et confus qu’elle me donne du vrai, de l’authentique, du sincère, et qu’en échange, je ne lui propose que du toc, du factice et du contre-plaqué. Nos histoires sont si proches et pourtant si différentes. Les questions existentielles, Julie en a les réponses et préférerait pourtant les ignorer, tant elles lui sont douloureuses et insupportables.
Moi ? Oh eh bien moi, je donnerais tout pour pouvoir y répondre. J’ai beau les déclamer, les crier ou les hurler, il n’y a guère que l’écho qui me répond. Qu’y a-t-il de pire entre la peste et le choléra ? Entre savoir et ne pas savoir. Ce dilemme semble également tarauder Julie. Il me faut un certain temps avant de répondre à son interrogation. Comme si j’avais du mal à assimiler ses mots. Finalement et suite à un soupir et un haussement d’épaules, je me hasarde à dire : « Sincèrement, je n’en ai aucune idée. Je pense que … que l’on a besoin de savoir qui on est et d’où l’on vient pour pouvoir avancer, mais paradi… étrangement l’ignorance peut avoir du bon. On suit deux trajectoires opposées. Tu tentes d’oublier et d’échapper à ton passé, quand moi j’essaye de me le réapproprier. C’est un peu comme si tu dévalais à la hâte un escalier pour fuir ce qui se trouve au niveau supérieur, tandis que j’essaye de le gla… de le gravir, pour découvrir ce qu’il y a. ». Je n’ai jamais été très doué pour formuler des images ou des métaphores, mais celle-ci me semble coller parfaitement à la situation. Pour faire des choix non plus visiblement. A mon sens, je n’ai pas répondu de façon catégorique à sa question. C’est tout moi ça. Toujours le cul entre deux chaises, serpentant entre deux eaux. Adepte du « faut-il, faut-il pas ». Connaître son histoire, mais en même temps en redouter sa contenance.
Cela serait tellement plus simple de tirer un trait sur tout ça, et tout recommencer à zéro. Mais l’être humain est un chef-d’œuvre de complexité et a une sainte horreur de la simplicité. Je n’échappe pas à la règle. Boire ? Oui, j’imagine que c’est sans doute ce que les gens font, lorsque la situation pèse sur le plan psychologique et émotionnel. Nous sommes deux forteresses. On garde et intériorise tout. Si quelqu’un a le malheur de s’approcher trop prêt de nos défenses, on sort les pics et les hallebardes. Nerver complain, nerver explain. Aller contre notre nature a rendu les dernières minutes très éprouvantes. Aussi bien pour elle que pour moi. Une petite œillade vers la grande pendule numérique siégeant au dessus du bassin, m’apprend qu’il est un peu plus de dix-neuf heures. Les gens quittent tour à tour la piscine, comme s’il s’y jouait un remake des « Dents de la mer ». Maîtres nageurs et surveillants s’affairent à ranger les accessoires nautiques en plastique, ou je ne sais quelle matière. Tapant sur mes cuisses pour me donner du courage, je me relève en déclarant : « Ca, cela peut s’arranger. Tu connais l’Interplay ? Les avis sur internet le dépeignent comme étant le meilleur bar de tout le sud de Paris. ». Du moins, c’est ce que j’ai crû comprendre. Certains étant écrits dans un langage résolument jeun’s, je ne suis pas sûr d’avoir tout saisi. Je plie ma serviette en deux sur la largeur, l’enroule autour de mon cou laissant ainsi les deux pans reposer sur ma poitrine, puis demande à Julie sans sourire ni intonation montante, comme il est d’usage de le faire en français lorsqu’on pose une question : « Je t’invite ? ». Eh bien, que de surprises ! D’abord je parle et me confie comme jamais, puis maintenant, voilà que je recherche la compagnie de quelqu’un. On serait presque en droit de se demander où est passé le Maksim silencieux et solitaire.
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 19/1/2018, 15:40
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 20/1/2018, 21:00
Go Against the Flow A bien y regarder, le cerveau humain est vraiment une mécanique fascinante. Mystérieuse, certes capricieuse par moment, mais fascinante quoi qu’en dise. La liste des choses qu’il nous permet de faire est juste considérable. La nuit ne suffirait certainement pas, pour toutes les énumérer de manière exhaustive. Seulement, lorsqu’un grain de sable vient gripper la machine, lorsque l’organisme est confronté à un stress trop important : là, c’est le blackout complet. Le contrôle, que l’on croit sans doute à tort avoir, nous échappe pour de bon. Feindre la mort et le trépas semble être l’ultime parapet que peut ériger notre système cognitif, pour parer à une menace extérieure, qu’il perçoit comme étant fatale. Un processus d’autodéfense et de repli, qui prend des formes diverses et variées allant de l’amnésie temporaire au coma, en passant par les syndromes post-traumatiques. Sans oublier l’hyperactivité de l’inconscient, qui bien souvent se traduit par des cauchemars qui nous tirent de notre sommeil et nous arrachent des cris au beau milieu de la nuit. Et au milieu de tout cela, qu’en est-il pour moi me direz-vous. Eh bien, c’est encore tout autre chose. On m’a délibérément retiré la faculté d’espérer, de rêver, d’aimer ou d’abhorrer. A grands coups de bistouri et autres instruments chirurgicaux, des praticiens se prenant pour Dieu le Père dans leur bloc opératoire, ont jugé nécessaire d’extraire « l’écrin » recelant les émotions, les besoins, les envies et les désirs propres au genre humain.
Soit disant pour palier des problèmes de photophobie et de phonophobie. Je dis bien « soit disant », car puis-je me fier à ce l’on me raconte ? Ou plutôt, ce que l’on veut bien me raconter. Suis-je donc condamné à être un homme en marge de ses semblables ? Un être du troisième type. Medium hominum, medium machina. Y a-t-il au contraire une chance, même infime, pour que tout redevienne comme avant ? Pour que cette quintessence renaisse dans des lobs du cerveau étant initialement destinés à d’autres fonctionnalités ? Ca, seule l’avenir sera en mesure de me le dire. Savoir, ne pas savoir : telle est l’inextricable question. Viendra un jour où je comprendrais le point de vue de Julie, et où je regretterais le temps révolu de l’ignorance. Entant que soldat, j’imagine que j’ai sûrement dû ôter la vie à un nombre faramineux d’hommes et de femmes. Des hommes et des femmes probablement admirables, qui ont accepté de leur plein gré de servir de chair à canon sur l’autel de la diplomatie internationale. Je sais ce que j’encours et je ne minimise absolument pas, les tourments auxquels je serais en proie. Ma vie sera à n’en pas douter bien pire et insupportable qu’elle ne l’est actuellement. Tant pis si je sombre, me détruis ou m’étiole par la suite, dans le but de revivre cette ignorance que je cherche pour l’heure coûte que coûte à éradiquer. Je veux savoir. J’ai besoin de savoir. Quitter une galère pour s’embarquer sur un rafiot aux allures de vaisseau fantôme ?
Un risque que je suis prêt à prendre en toute connaissance de cause, et en mon âme et conscience. Retrouver la mémoire au compte goutte est-il vraiment ce qu’il y a de pire ? Hum. D’un point de vue purement rationnel, il y a probablement mieux c’est évidant, mais il doit également y avoir bien pire. N’ayant rien vécu ou connu de différent pour estimer et apprécier la situation qu’est la mienne, je me contente de hausser une nouvelle fois les épaules suite à la remarque de Julie. Une façon détournée d’éviter de la gratifier d’un énième « je ne sais pas », dont elle doit sûrement être lasse depuis le temps qu’elle me connaît. Ce qu’elle ne connaît pas en revanche, et que je découvre en même temps qu’elle, c’est ce Maksim sociable qui se prend à inviter les gens à boire un verre. Totalement à contre emploi de l’homme rugueux, plein d’aspérités et limite ours mal-léché que je suis en temps normal. La blonde aux yeux lapis s’en étonne d’ailleurs à voix haute. Que vaut l’honneur d’un tel retournement ? Les prémisses de la guérison ? Un concours de circonstances ? Du style le bon endroit, le bon moment et … et surtout en compagnie de la bonne personne. Oui. En tout cas, j’aime à le croire. Tête légèrement inclinée, je me frotte l’arête du nez. Si j’étais capable d’éprouver de la gêne ou de l’embarras, mes joues seraient sûrement empourprées à cet instant très précis. Finalement, et un peu contre toute attente, Julie accepte mon invitation tout en posant néanmoins une condition.
Que je lui fasse part des raisons justifiant mon départ de la boîte de nuit où j’ai brièvement travaillé, et où visiblement elle aime passer un peu de bon temps. Cela sera tout ? Dans ce cas affaire conclue. D’une voix et sur un ton moins ferme qu’à l’accoutumé, je rétorque à la jeune femme dont la plastique n’a rien à envier à celle que l’on trouve sur les couvertures des magazines, et en profite également pour répondre à sa question de tout à l’heure empreinte d’une certaine forme de malice : « Il … il se risque à s’aventurer hors de sa zone de confort, j’imagine. D’accord, si tu y tiens. En tout cas, sache que cela n’a rien à voir avec toi et que tu n’y es pour rien. ». Mensonge. Mensonge éhonté. Toutefois, d’ici à ce que nous sirotions un verre, j’ai le temps de réfléchir et d’échafauder un bobard qui tienne la route. Ce fameux jour, alors que l’aurore commençait à poindre le bout de son nez, Julie était dans un état … second. Elle ne pouvait pas faire trois mètres sans tituber et vaciller. J’ai donc appelé un taxi pour qu’elle puisse rentrer chez elle sans heur. Seulement, lorsque j’ai vu la tête patibulaire et l’air de prédateur du chauffeur, je n’étais pas vraiment rassuré. Je l’ai donc raccompagné jusque chez elle. Durant tout le trajet elle s’est cramponnée à moi et a décortiqué de ses doigts chaque centimètre carrée de mes bras et de torse, en me susurrant mille et une obscénités à l’oreille entre deux éclats de rire niais.
C’est à peine si elle arrivait à mettre la clef de son appartement dans la serrure. Je n’aurais probablement pas dû faire ce qui a suivi, mais je ne pouvais décemment pas la laisser cuver et entreprendre sa descente sur le pas de la porte. Ci tôt que je l’eus aidé à s’allonger sur son lit, elle s’est endormie comme une masse. Je savais que je devais retourner au club pour assurer la fermeture mais … je n’avais pas la conscience tranquille de la savoir seule et dans un état pareil. Initialement, je comptais rester quelques instants pour m’assurer que tout allait bien, puis repartir incognito vers la boîte avant que mon supérieur ne s’aperçoive de mon absence. Après tout il n’y allait pas y avoir mort d’homme, si je restais cinq petites minutes étendu sur le canapé, à regarder les premiers rayons du soleil danser sur le plafond du salon. Je pensais être en mesure de pouvoir lutter contre le sommeil, mais c’était peine perdue. Il faut dire que la nuit n’avait pas été de tout repos, et qu’il y a eu pas mal de grabuge ce soir. Traduction : nous autres « les gorilles », avons été mis à contribution à plus d’un titre. Ce sont les hurlements de Julie pourfendant le silence, qui m’ont réveillé en sursaut. Elle luttait, se débattait, donnait des coups dans le vide. Je me revois encore l’agripper par les poignets afin de l’aider à se relever, puis la tenir par les épaules en lui disant des trucs comme : « Julie, calme toi. » ; « Ce n’est qu’un cauchemar. » ou encore « Tout cela n’est pas réel. ».
Petit à petit, elle est finalement parvenue à retrouver ses esprits. Le visage enfoui dans mon cou et ses ongles incrustés dans ma peau, elle disait inlassablement entre deux sanglots : « Ils … ils sont morts. Ils sont tous morts. ». Au départ, j’ai mis ça sur le compte des derniers relents d’un mauvais tripe, mais … . Maintenant, je serais tenté de penser que son subconscient avait décidé de la mettre une nouvelle fois au supplice, en lui faisant revivre le drame qui entache sa vie. Je ne savais vraiment pas quoi faire. Dans un geste lent et horriblement hésitant, j’ai enroulé mes bras autour d’elle. Caressant doucement son dos et sa nuque, je lui ai murmuré des paroles toutes faites, dénuées de sens mais qui avaient, je l’espère, au moins le mérite d’être rassurantes. Des paroles du style : « C’est fini maintenant. » ; « Ca va aller. » ; « Tu n’as plus rien à craindre. ». Dès que j’ai voulu partir, elle s’est accrochée à mon bras avec la force du désespoir et s’est mise à paniquer. Je suis donc resté allongé à ses côtés. Ses pleurs ont finalement cessés, et c’est la tête reposant sur ma poitrine qu’elle s’en est allée rejoindre les bras de Morphée, au rythme des battements de mon cœur. Lorsque je me suis réveillé, l’après-midi commençait à décliner. Elle était toujours là. Endormie. Nichée contre le creux de mon épaule et les bras ligotant ma taille. Je ne l’ai jamais vu aussi paisible et sereine qu’à ce moment là. Elle avait presque l’air de sourire.
Bon an mal an, je me suis libéré de son étreinte sans la tirer de son sommeil, ai remonté la couverture sur elle puis suis parti discrètement. Visiblement, Julie ne semble avoir aucun souvenir de tout cela. Ce qui n’est sans doute pas plus mal. Toujours est-il que cet « abandon de poste » fut le prétexte parfait pour mon boss afin de me licencier, lui qui n’était déjà pas très chaud pour engager un immigré. Dans le fond, cela m’arrangeait bien. Plus d’une fois j’ai songé à démissionner, sans jamais le faire. Par manque de courage et de hardiesse ? Peut-être. J’opine de la tête lorsque la grande blonde s’enquiert de savoir si nous nous retrouvons dehors, puis pars en direction des douches. Là-bas, un groupe de jeunes parle en des termes crus et grivois de naïades ayant barboté dans l’eau, et qui de toute évidence semblaient à leur goût. Certains mots plus que vulgaires me font tiquer et grimacer. Désormais propre comme un sous neuf, je me change à la hâte dans une petite cabine. Que … . Pourquoi tout est flou et se distend ? Oh non, pas encre. Ce bourdonnement oppressant dans mes oreilles. Argh, ma tête … ! Où suis-je ? On dirait une espèce de baraquement, ou un hangar à l’abandon. Je suis là, pieds et poings liés. Tout comme des dizaines d’autres jeunes hommes, alignés en rang d’oignon et dans le plus simple appareil. Des dignitaires de l’État Major de l’armée nous font face.
Un sergent. Deux Majors. Un Maréchal. Leur accent … ils sont originaires du sud. Probablement de l’Oblast de Kherson. Ou même de Crimée, cela serait possible. Je n’arrive pas à lire leur nom sur leur uniforme. Certains prisonniers semblent être dans une étrange léthargie. D’autres, comme moi, tentent de se débattre. Ce petit mouvement de révolte prend fin lorsqu’un de mes compagnons d’infortune, se ramasse un coup de crosse de AK 47. Deux toubibs nous examinent sous toutes les coutures et consignent sur un dossier, des données physiques, anthropologiques et biométriques. Taille, évaluation de la masse musculaire, couleur des yeux et même état des dents. Rien n’est laissé au hasard. Les hommes en blouse blanche ne disent que deux mots. « Da » ou « Ne ». Lorsque c’est oui, un officier moins bien gradé vient tatouer à l’aide d’une aiguille cramée et avec autant de minutie qu’un boucher découpant un morceau de viande, quelque chose sur l’épaule de l’homme ayant terminé sa « visite médicale ». Lorsque c’est non, la personne est emmenée un peu plus loin dans le vaste bâtiment, à l’abri des regards. Deux bruits métalliques. Où … Où sont-ils ? Qu’est-il advenu d’eux ? Pourquoi ne reviennent-ils pas ? Mon examen est interrompu par des coups de feu venant de l’extérieur. Armes automatiques. Confection occidentale. Allemande, ou britannique. Un vent de panique gagne nos geôliers qui donnent l’ordre de lever le camp.
Qu’est-ce que … . НЕ ! зупинити, візьми що далеко ! J-je … j’étouffe. Arrêtez, enlevez-moi ça ! Tout cesse subitement. L’instant présent revient. Allongé sur le flanc, à moitié nu dans cette cabine, les mains serrant fermement mon cou. Lâcher prise. Assis par terre et adossé contre la porte en bois à la peinture écaillée. Respirant bruyamment et rapidement, en fixant le plafond effrité. Ca y est. C’est fini. Que m’ont-ils fait ? Pourquoi m’avoir rendu instable et dangereux ? Aussi bien pour les autres que pour moi-même. Ces questions me harcèlent tandis que je boucle la ceinture maintenant mon jean, et noue les lacets de mes chaussures. Julie est déjà dehors et m’attend. Pas depuis trop longtemps, j’espère. Les cendres ardentes de sa cigarettes fustigent l’obscurité. Des volutes de fumée s’échappent du mégot au bout de ses doigts, et s’envolent vers les cieux. Tout en m’avançant vers elle, je prends soin de zipper mon blouson en cuir usé et élimé afin de dissimuler les éventuelles marques d‘auto-strangulation, laissées par mes mains au niveau de la gorge. Elle me demande si à tout hasard, je n’aurais pas changé d’avis entre temps, et ajoute qu’il serait de bon ton que quelqu’un garde un œil sur elle ce soir. Au cas ou, comme on dit. Hochant la tête de droite en gauche, je lui réponds après m’être raclé la gorge et le visage certainement blême : « Non, non, je n’ai pas changé d’avis. Ah ? Raison de plus alors. ». J’étais à deux doigts de commettre une bévue en répondant : « Cela ne sera pas la première fois. ». Char… chaperonner. Est-ce le mot qui convient le mieux, pour décrire ce qu’il s’est passé ce jour là ? Probablement pas. A défaut, j’imagine qu’il s’en approche, bien que je ne suis pas certain d’être à cent pourcents sûr du sens. Mes lèvres se plissent et mes yeux se baissent, avant que je ne tourne la tête et désigne la rue descendante sur notre droite. « C’est par là, puis tout de suite залишилося. Enfin, je veux dire à gauche. ». Je le connais pourtant ce mot. Est-ce que ce qu’il s’est produit tout à l’heure me toucherait émotionnellement ? Tssss, mais bien sûr que non. Je parle français comme une vache espagnole de toute manière. Cela doit être dû à la fatigue alors. Nous nous mettons donc en route. A mi-chemin, je n’ai pas pipé mot. Rien de bien étonnant. Après tout, j’ai largement dépassé mon quota, ainsi que celui pour les jours à venir.
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 21/1/2018, 16:11
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 22/1/2018, 21:00
Go Against the Flow Une remontée à la surface de l’eau, sans prendre le temps de respecter les paliers de décompression. C’est à peu de chose près l’état dans lequel j’ai la sensation de me trouver, lorsqu’un flash du passé me revient en pleine figure, avec autant de force et de vitesse qu’un boomerang qui aurait achevé une rotation complète autour de la Terre. Chaque battement de ma pression intracrânienne martèle mes tympans, à tel point que je m’attends toujours à ce que le sang ruisselle de mes oreilles. Cette insoutenable céphalée, qui me rend fou à m’en fracasser la tête contre le bitume. L’acuité visuelle qui part en déliquescence. Comme si tout ce qui s’offrait à moi, n’était que des mirages ondulant et menaçant de disparaître à tout instant. Cette impression d’avoir la tête dans un bocal, tant les sons paraissent lointains, asphyxiés et oniriques. La silhouette de Julie ondoie. A la voir, je jurerais que nous sommes sur le pont d’un bateau prit en pleine tempête et tanguant sous la fureur de la houle. La fréquence de sa voix semble osciller et faire le yo-yo. Tantôt haute, et l’instant d’après basse. Si cela ne tenait qu’à moi, j’aurais certainement pris mes jambes à mon cou en hurlant comme le dernier des damnés depuis un bon moment. Par souci de n’être une menace pour personne. Car oui, elles sont là. Elles commencent à sortir de leur torpeur. Ces pulsions meurtrières et destructrices, qui accompagnent chaque réminiscence que je peux avoir de ma vie d’avant.
L’irrésistible et incontrôlable envie de démolir les choses qui m’entourent. Et pour ne plus me voir, éclater les miroirs. Parfois, j’écoute ce qu’elles ont à me dire. C’est inexorablement la même chose. Les laisser s’exprimer. Seule solution pour éradiquer le martyre que j’endure, et le sale quart d’heure que je passe. Voilà ce qu’elles me font miroiter. L’envie d’y céder est toujours plus forte, tant la douleur paraît aller crescendo à chaque « crise ». Non. C’est sans doute a dernière chose qu’il faut que je fasse. Craquer reviendrait à leur donner raison. A eux. A tout ces Docteurs Frankenstein qui ont exulté quand leur créature a repris connaissance, mais qui ont vite déchanté lorsqu’elle a échappé à leur contrôle. Si je cède … si je laisse ce torrent de rage et de bestialité déferler, j’aurais définitivement perdu l’insignifiante parcelle d’âme et d’humanité qu’il me reste. J’ignore pendant combien de temps encore, je serais en mesure de contenir ce magma en fusion de brutalité qui bouillonne en moi. Pour l’heure, la force avec laquelle je le maintiens sous scellés, égale celle avec laquelle je feins l’absence de douleur. Et pourtant, Dieu sait que je suis plutôt résistant au mal de nature. Le bon sens me hurle de partir. Loin. Très loin. Le plus loin possible. Pourquoi ? Pour des milliers de raisons. Non, c’est faux. Voilà que je me mens à moi-même maintenant. De mieux en mieux. La seule raison qui compte et importe vraiment, c’est celle de ne pas être un danger pour Julie.
Seulement, à défaut d’être un homme de parole, j’ai au moins le mérite de ne pas être une girouette changeant d’avis aussi facilement que ne tournent les vents. Si je reviens sur ma proposition, avançant je ne sais quel prétexte en carton pour remettre tout cela à plus tard, ça va bien évidemment ne faire qu’accroître la curiosité ainsi que les éventuels soupçons que la jeune femme peut avoir à mon égard. Qui plus est, mon syndrome du super héro ou du Saint-Bernard, m’interdit de lui faire faux bond lorsqu’elle me fait comprendre qu’elle compte sur moi pour lui servir de garde-fou, au cas où les sirènes de la dépravation tenteraient de l’engloutir vers de sombres profondeurs. Sur le chemin de l’Interplay, le climat de confiance de de demi franchise que nous sommes parvenus à instaurer un peu plus tôt, semble plombé par le silence monacale qui s’ancre et s’arrime. Il y a un hiatus. Une césure. Quelque chose de précieux est entrain de se désagréger. Le trajet pour ma part se fait en quasi apnée. Poings serrés et enfouis dans les poches. Mâchoire crispée et sourcils froncés. Tentative infortunée pour dompter et canaliser ces maux qui déchiquettent mon crâne. Mis à part cela, rien à signaler. Hormis un petit chat malingre qui miaule dans le vide ses complaintes, et décide de parcourir quelques mètres à nos côtés en se blottissant contre mon mollet, avant de disparaître dans une haie au feuillage dépouillé.
Coïncidence ou ironie du sort, tout cesse lorsque Julie m’attrape par le bras. Enfin j’y arrive. Je respire et sens l’air frais de Janvier circuler dans mes poumons. Comme si on m’ôtait de la tête un sac en plastique. Tout s’arrête. Tout revient à la normale. La cacophonie urbaine se fait plus audible. Les formes et les couleurs se stabilisent et redeviennent réelles. La douleur … elle se tait, agonise. Progressivement. Toutefois, cela ne suffit pas pour lever la muselière qui me bâillonne depuis un bon moment déjà. C’est donc dans un nouveau hochement de tête, que j’apporte satisfaction à la requête de Julie. Les mots sont pourtant juste là. Piégés et pris dans un filet au fond de ma gorge. Il est encore relativement tôt, mais le petit bar à l’ambiance cosy et cocooning affiche presque complet. Apparemment, les avis sur internet disaient la vérité. Une fois attablé, il m’est bien difficile de ne pas remarquer la horde de regards qui converge en direction de Julie. On y trouve de tout. Concupiscence, lubricité, admiration, lascivité. Elle ne semble laisser personne indifférent. Aussi bien chez la gente masculine que féminine. Ces multiples œillades guère discrètes tendent à confirmer ce que je pensais : l’écorchée vive est une très belle et séduisante femme. Une serveuse débarquant de nul part tel un diablotin sortant de sa boîte, s’empresse de prendre notre commande. Pris de court, je finis par choisir une Red Bull en ânonnant.
Avec mon style de vie digne d’un moine, je suis probablement la dernière personne à venir trouver si l’on souhaite s’amuser. Pas d’alcool, de tabac ou autres substances euphorisantes. Mes poumons étaient en quelque sorte « mon outil de travail », dans ma vie d’avant. Il y a bien des chances que je ne sois plus jamais amené à les solliciter autant que jadis, mais j’aimerais quoi qu’il en soit les préserver autant que possible. La blonde aux yeux pers reprend les rênes de la discussion. Au vu de sa nature relativement curieuse, pas étonnant que cette question finisse par lui effleurer l’esprit. Je suis juste étonné qu’elle ne l’ait pas posé plus tôt. Elle souhaite avoir toutes les pièces du puzzle, et c’est bien normal. Qui mieux que moi pour comprendre cette envie et ce besoin ? Hors de question de lui proposer cette fois-ci une version enjolivée de la réalité. Certaines de ses mimiques faciales me déconseillent instamment de le faire. Je cherche donc une manière de lui présenter la chose, en fixant la liste des cocktails à la carte sous mon nez. Puis lorsque c’est chose faîte, j’ose enfin croiser son regard en déclarant avec beaucoup de neutralité et de distance : « Eh bien … tu as probablement fait de sacrés mélanges ce soir là. Le type sur lequel tu avais jeté ton dés… dévolu a préféré finir la nuit avec une autre. Tu es ensuite restée au bar quasiment jusqu’à la fermeture. »
« Trouver la sortie de l’établissement était plus difficile pour toi que t’excro.. t’extirper d’un dédale. Je t’ai donc raccompagné en taxi jusque chez toi, et me suis assuré que tout allait bien avant de repartir. ». Pour une fois, c’est on ne peut plus vrai. D’accord, j’ai éludé et passé sous silence quelques détails de l’histoire, mais au moins elle connaît désormais les grandes lignes. J’ai le désagréable pressentiment que si Julie sait exactement ce qu’il s’est passé et qu’elle apprend que je l’ai vu dans un état d’extrême vulnérabilité …. d’horribles quiproquos, des malentendus et un certain malaise s’installeront entre nous. Je n’ai pas spécialement envie de cela. A tout choisir, je crois que je préfère encore resté à ses yeux une énigme enveloppée dans un épais brouillard. Au moins lorsqu’elle s’échine à en apprendre plus sur moi, elle n’est pas entrain de se faire du mal ou se détruire à petit feu. Certes, ce n’est pas très plaisant pour moi, mais … . Si quelqu’un doit nécessairement plonger et toucher le fond, alors mieux vaut moi qu’elle. Un léger coup de chaud s’empare de moi, lorsqu’elle cherche à savoir si elle a tenté d’entreprendre quelque chose avec moi. J’ignore pourquoi, mais cette fois-ci je me mords l’intérieur des joues en secouant négativement la tête. Peut-être qu’inconsciemment, je ne tiens pas à ce que les mots sortent ? Et pourtant … : « Non. Enfin, pas exactement. Disons plutôt que c’était l’alcool et … de toutes autres choses qui parlaient ce soir là. Pas toi. ».
J’avoue n’avoir accordé aucun crédit aux dires de Julie ce soir là. Du moins, cette matinée là pour être tout à fait exact. Sa perception de la réalité et son jugement étaient bien évidemment altérés. On agit bien souvent à contrario de sa véritable nature, lorsqu’on est sous influence. Enfin, j’imagine. Qui plus est, si je lui plaisais réellement, elle aurait sans doute tenté une approche bien avant cela. Non ? De toute manière, défoncée ou non, je l’en aurais dissuadé. Elle mérite bien mieux, même si ce n’est que pour un soir. Et puis … je me demande si en plus de la mémoire, ma libido ne s’est pas également fait la malle suite à cette « lobotomie partielle du cerveau ». Autant dire que je ne suis pas du tout enclin à faire des avances, et encore moins à apprécier à leur juste valeur celles que l’on peut m’adresser. Qu’elles puissent venir d’hommes ou de femmes. En état d’ébriété ou non. Comme je le présentais au fond de moi, mon attitude de tout à l’heure, en rupture totale avec celle que j’ai pu arborer à la piscine, n’a pas échappé à l’œil aiguisé de Julie qui se demande désormais ce qui peut bien justifier un tel changement de comportement. Par chance, si je puis dire, la serveuse nous apporte nos boissons m’offrant ainsi quelques brefs instants pour cogiter et trouver une explication valable. Après quelques secondes passées à contempler mon reflet déformé dans le liquide noirâtre de mon verre, j’honore l’interrogation de la jeune femme en lui répondant laborieusement « J’ai … j’ai eu comme une curieuse impression de déjà vu. Cela m’a un peu … comment on dit ? In… interloqué et tracassé sur le coup. Et un peu après aussi. Mais maintenant, ça va. ». J’ai beau agrémenter cette prise de parole d’un semblant de sourire, histoire de dire « Tout va bien, je t’assure » ou « tu n’as pas à t’en faire », je sais pertinemment que c’est peine perdue. Comment peut-elle gober cela, alors que moi-même je n’y crois pas ? Mentir. Encore et toujours. Mentir pour tenir les autres à l’écart. Pour les protéger. Ne pas les impliquer, ne pas faire d’eux des dommages collatéraux. Mon modus vivindi. Il perdurera pour ce soir. Au minimum, je dois encore m’acquitter d’un nouveau mensonge. Celui de mon renvoi de cette boîte de nuit où je travaillais. Hors de question d’éluder ou d’esquiver le propos. J’ai promis. La condition sine qua non qui nous réunit. Pour un verre. Pour une soirée. Pour quelques heures.
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 24/1/2018, 16:15
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 24/1/2018, 22:52
Go Against the Flow Encore aujourd’hui, je m’interroge sur les raisons qui m’ont poussé à agir en bon samaritain, ce fameux soir où Julie était dans un état dantesque. D’habitude, le sort des autres et ce qui peut bien leur arriver m’est complètement égal. Ai-je agi par pité ? Par peur qu’une catastrophe ne se produise, si elle errait seule dans les rues de Paris, à cette heure où les marginaux et les désaxés sont plus que jamais de sortis ? Par instinct ? Un savant mélange de tout cela ? Allez savoir. Ce qui est sûr, c’est que j’ai revêtu plusieurs casquettes ce jour là. Videur, évidemment. Chaperon, comme elle dit. Mais aussi … une espèce de doudou je dirais. Lorsqu’elle s’est retrouvée tétanisée et transie de peur, comme une gamine souhaitant dormir avec ses parents un soir d’orage. Des âmes en peine, des gens amers et des cœurs brisés j’en vois, ou plutôt j’en voyais, tout les soirs. Alors pourquoi elle plus qu’une autre ? Est-ce qu’inconsciemment, elle me rappelle quelqu’un que j’ai connu jadis ? Une femme que j’aurais estimé, apprécié, aimé et peut-être même plus encore ? Possible. En tout cas, cela expliquerait pourquoi il est si important pour moi de la savoir en sécurité, à défaut d’heureuse. Un furtif rictus étire mes lèvres et vient creuser la fossette sur ma joue. En soi, c’est vrai qu’il y a de quoi être rassuré. Rentrer d’une soirée bien arrosée escorté par le videur de la boîte, avouez qu’il y a de quoi se sentir intouchable ou comme Leonardo Di Caprio dans Titanic, lorsqu’il affirme être le roi du monde.
Une chance que je n’ai pas eu de »crise », sinon le bouclier aurait pu se transformer en arme létale. Je n’ose à peine imaginer ce qui aurait pu se passer, si j’avais honoré cette invitation à la destruction qui se manifeste en moi bien trop souvent. C’en est tel que je préfère baisser les yeux vers mes mains sur lesquelles le temps commence à tracer ses sillons, plutôt que de continuer de soutenir le regard de mon interlocutrice. J’ai peine à croire que la femme se plaisant à alimenter une sombre spirale, comme ce fut le cas en boîte de nuit, soit « la vraie Julie ». D’ailleurs, cette expression m’interpelle et me fait redresser la tête. Penser qu’on puisse être mesure de proposer des fac-similés de nous-même. Idée assez séduisante au demeurant. Et qui fait aussi échos en moi, je dois dire. Après tout, n’est-ce pas ce que je fais à longueur de journée ? Vivre de faux-semblant. Donner à voir ce que l’autre attend ou s’imagine. Se conformer à la vision qu’il se fait de nous. Un art dans lequel je commence à glaner quelque galons. Toutefois, il me faudra encore du temps avant d’arriver au niveau de Julie, qui elle excelle dans ce domaine. Dubitatif, je plisse les yeux et esquisse un moue de scepticisme en répondant : « La vraie Julie, ou celle que tu veux que les gens considèrent comme vraie ? Je pense que la vraie Julie, seule toi sais à quoi elle ressemble et que tu lui laisses libre cours, uniquement lorsque tu as la fer… la certitude d’être seule. ».
Dans le fond, tout les êtres humains sont un peu comme ça. A échelle et géométrie variable. Le visage que l’on montre au travail n’est pas le même que celui qu’on arbore en famille, qui lui même diffère de celui qu’on affiche avec l’être aimé, et qui n’a bien sûr rien à voir avec celui qu’on adopte avec ses amis. Et ainsi de suite. Pure logique. Le « vrai nous » dans le fond, on ne l’est qu’avec soi-même. Trésor d’égoïsme et assurance de ne pas souffrir. Un colocataire ? Ah d’accord. Je comprends mieux pourquoi certaines choses me laissaient à penser, qu’il y avait également une présence masculine dans l’appartement. Des baskets faisant au moins du 43 au pied d’un meuble dans l’entrée, et un blazer à l’envergure bien trop large pour appartenir à une femme accroché au porte-manteau, pour ni citer que cela. Qu’est-ce qui aurait été le pire ou le plus cocasse dans ce genre de situation ? Tomber sur un colocataire vous demandant farouchement des comptes, ou alors un petit ami jaloux et bagarreur ? Là franchement, j’avoue que je m’interroge. Remuant négativement de la tête, j’apporte alors un petit éclaircissement à mon explication de tout à l’heure. « Non, il n’y avait personne. Par contre, il t’avait laissé un mot sur la table basse du salon, dans lequel il disait qu’il serait toute la journée à Evry et où il te rappelait que vous deviez manger ensemble en ville le soir. Je l’ai déposé sur la тумбочка … tab-table de chevet à côté de ton lit, pour que tu puisses le voir à ton réveil. ».
Sa question prête à croire qu’elle ne l’a vraisemblablement pas remarqué, et qu’elle a donc sûrement manqué ce dîner avec son colocataire. A moins qu’il ait téléphoné lorsque je suis parti, pour le lui rappeler. La lumière faîte sur sa micro perte de conscience, l’oiseau de nuit cherche désormais à résoudre une équation me concernant. Pourquoi un facteur x a-t-il soudainement complètement changé la donne, au point de faire de moi un hérisson se roulant au boule et dardant ses piquants pour se protéger des prédateurs ? Entre temps, la serveuse avec un fort accent alsacien nous a apporté nos rafraîchissements. De mon côté, je clos avec fermeté les yeux. Histoire de m’assurer que ce qui s’est passé dans les vestiaires n’était pas un délire, ou je ne sais quelle séquelle due à l’opération que m’ont fait endurer ces bouchers. Non … . J’aurais jamais crû dire ça un jour, mais c’est hélas ce qu’il s’est passé. Ce baraquement. Cette odeur infâme. Mélange de poudre, d’humidité et de moisissure. J’arrive même à ressentir le latex des gants du médecin sur ma peau, lorsqu’il m’examine. Le hululement des chouettes engloutit par les tirs en rafale de Famas. C’est trop … trop précis pour ne pas être réel. Ces images défilant devant mes yeux m’arrachent un grondement sourd, étouffé et rauque. Ce n’est que lorsque Julie précise que c’est juste l’impression que ce souvenir m’a laissé qui l’intéresse, que je rouvre les yeux.
Ce souvenir digne d’une série noir laisse alors place au visage bienveillant, enjôleur et avare de curiosité de la native du sud de la France. Il me faut plusieurs grandes respirations avant de retrouver mon calme, ainsi qu’un self contrôle total. D’une main frémissante, j’attrape mon verre et avale une bonne gorgée de cette boisson énergisante saturée en sucre, afin de me donner du courage. C’est avec une voix faisant quelque peu les montagnes russes en matière d’intonation, que je réponds à Julie : « Eh bien euh … c’était assez confus et vague. On aurait dit comme … comme une sorte de remontrance militaire. Du style musclée et qui laisse des bleus, des hémé… hématomes ou des ecchymoses. Un mauvais moment donc. Mais bon, on ne choisit malheureusement pas. ». Ce n’est pas exactement ce qui m’est revenu, mais cela s’en approche en tout cas. Etant bien en mal pour déterminer avec exactitude ce dont il s’agit, je préfère décrire ce que « j’ai vu » de cette façon. Car oui, c’est un peu comme ça que je ressens ce qui m’est arrivé. Comme une punition, un châtiment. En réponse à quel méfait ? Ca, je ne l’ai pas encore découvert. Visiblement, Julie semble avoir une façon bien à elle pour que les souvenirs et leur signification ne tournent pas à l’obsession. Je hoche négativement la tête, quand elle me demande si j’ai ne serait-ce qu’une vague idée de ce dont il s’agit.
лайно ! Quel abruti ! A-t-on idée de boire en faisant cela ? Bon ça va, il n’y a pas de dégât majeur à déplorer. J’attrape une serviette en papier dans l’espèce de mini distributeur posé sur un des coins de la table, et regarde discrètement et brièvement la femme que me désigne Julie tout en essuyant les quelques gouttes de Red Bull prisonnières dans ma barbe de trois jours naissante au niveau du menton. J’avoue être assez impressionné et ébaubi. En plus d’être observatrice, elle a également un formidable don d’interprétation. Maintenant qu’elle le dit cela saute aux yeux, mais je suis quasiment certain que je n’aurais jamais remarqué un dixième de tout cela en temps normal. Mon regard fait la navette entre cette jeune divorcée et la blonde à l’œil de lynx, avant qu’il ne se stabilise sur cette dernière. Sur un ton plutôt admiratif, je rétorque : « Et tu arrives à déduire tout cela rien qu’en la regardant ? Eh bien, tu aurais sans doute fait une excellente euh … p-profiler dans la police. ». Remarquer et déceler des signaux c’est un chose, mais savoir les analyser et les interpréter en est une autre. En général, les gens détiennent soit l’une ou l’autre de ces aptitudes. Rares sont ceux et celles qui peuvent se venter d’avoir les deux. Ca, c’est « la vraie Julie ». Ou en tout cas, une partie d’elle. Une femme observatrice, intelligente et sensible. Une femme aux antipodes de celle volage et désinvolte qu’elle prétend être.
Ce n’est certainement pas moi qui pourrais en faire autant. Relever des détails qui échappent à la plupart des gens, ça à la rigueur d’accord, j’y arrive de temps en temps. Cependant, je doute être capable de les décortiquer et les décrypter avec autant de de clairvoyance que Julie. On va rapidement être fixé. Entre deux gorgées de bière, la jeune femme aux yeux bleus lagons me demande si je veux m’essayer à l’exercice. Ma foi, pourquoi pas ? Après tout ça ne coûte rien d’essayer. Qu’est-ce que j’ai à perdre ? Rien. Dans le pire des cas, je serais juste totalement à côté de la plaque. Bref, il n’y aura pas mort d’homme. Dans un haussement d’épaules et de sourcils simultanés, je réponds : « Euh … d’accord. ». En balayant la pièce du regard, un couple en tenue de sport retient mon attention. Lui doit sûrement en être à son troisième whisky, tandis qu’elle tente désespérément de lui faire entendre raison. Les scannant du regard de pied en cap, j’incline légèrement la tête, plisse les yeux et fronce les sourcils devant quelques petits éléments. Des éléments à priori insignifiants, mais qui en disent plus sur eux que n’importe quel discours de leur part. Mettant bout à bout chaque pièce afin de donner vie à une histoire plausible, je m’ose finalement à dire en les désignant à l’aide d’un coup de menton.
« Le couple là-bas, accoudé au comptoir près de la porte. Ils ont une espèce de poudre blanche sur leur survêtement. Au niveau des poignets et des chevilles. De la maf… magnésie. Ce sont des danseurs. Ca auraient pu être des gymnastes, mais lui est trop grand et possède trop de masse musculaire pour cela. Tout le poids de son corps à elle est réf… répartie sur sa jambe gauche. Elle s’est blessée lors d’un porté, et ne pourra sans doute pas danser avant un long moment. C’est pour cela qu’il gobe whisky sur whisky, comme si c’était du petit lait. Il se sent torr… affreusement coupable et a peur d’avoir définitivement perdu sa confiance. Avoir failli et mis en danger sa partenaire : il ne se le pardonne pas. Et il lui faudra sans doute un bon moment avant qu’il n’y arrive, vu qu’il reste pour l’instant sourd à tout ce qu’elle peut bien lui dire. ». Dans un sens, je comprends ce que peut ressentir ce type. Ouais, je me retrouve un peu en lui. Ayant moi aussi une haine de l’échec, je serais probablement aussi au trente-sixième dessous s’il arrivait malheur à quelqu’un par ma faute. La noyade dans l’alcool n’est cependant pas l’anesthésique que je choisirais. Me connaissant, je m’enfouirais sans doute comme un reclus. Ne souhaitant parler ou voir personne, par peur de commettre encore plus dégâts. Finalement ce petit « jeu », n’est pas si difficile que cela. Ok, ce n’est probablement pas la vérité avec un grand V, mais ça reste quoi qu’il en soit une petite vérité plausible parmi un océan d’autres.
En tentant de rééditer l’expérience en silence, c’est cette fois ci un homme blond et de taille moyenne qui m’interpelle. Cela fait un moment déjà qu’il regarde fixement dans notre direction. Le hic, c’est que d’où nous sommes, je n’arrive pas à savoir si c’est Julie ou moi qui est à l’origine de cette petite expression coquine dans son regard d’émeraude. Dans un sourire plus expressif que tout ceux que j’ai pu adresser jusqu’à présent, j’enchéris en reposant mon verre sur un sous-bock après l’avoir porté à mes lèvres : « En tout cas, vu la façon dont te regarde le petit blond là-bas, pas besoin d’avoir fait cinq ans de syc… psychologie comportementale pour savoir ce qu’il a derrière la tête. ». C’est clair que son œil qui frétille ôte toute équivoque. La grande question, c’est sur lequel de nous deux il a des vus. Elle ? Moi ? Après tout pourquoi pas. Vous avez une sacré réputation qui vous précède vous autres les français. Paris, ville du vice et de la luxure sous toutes ses formes. Ah ça pour sûr, vous êtes beaucoup plus ouverts d’esprit que les habitants des pays de l’est. Et si … et si c’était nous deux en fait ? Ca serait … plutôt amusant. Et en même temps terriblement gênant. Enfin, je crois.
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 25/1/2018, 01:00
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 25/1/2018, 23:53
Go Against the Flow Hum. Un faux pas. C’était prévisible. Inévitable, je dirais même. C’est d’ailleurs plutôt étonnant que cela ne soit pas survenu plus tôt, vu le temps depuis lequel je jongle avec le désir de dire la vérité, le mensonge pur et le mensonge par omission. C’est un peu comme si vous aviez pris la mauvaise habitude de dissimuler la poussière sous un tapis. Au bout d’un moment, le pot aux roses est découvert tant l’amas de particules est conséquent au point de déborder de sa cachette. Eh bien là, c’est pareil. A force de donner de ci de là quelques petites brides sur ce qui s’est passé, j’ai fini par sous-entendre plus de choses que je n’ai voulu le dire. Elle l’a très bien compris et étrangement, elle ne cherche pas à vouloir entendre de ma bouche ce qui est réellement advenu ce jour là. Peut-être qu’à force de solliciter sa mémoire, cela lui est revenu ? Peut-être qu’elle se dit que cela n’a pas d’importance et relève de l’anecdotique ? Peut-être aussi que cela lui est égale finalement et que tout compte fait, elle préfère ne pas savoir ? Ou … ou alors estime-t-elle qu’elle n’est pas prête, et que ce n’est ni le lieu ni le moment pour parler de cela ? Ce qui est plus ou moins certain en revanche, c’est qu’elle s’est perdue en route. Perdue à en devenir étrangère à elle-même. Cela me rappelle quelqu’un tiens … . Faisant tourner machinalement mon verre sur lui-même, j’avance une éventualité que je juge un peu niaise : « Peut-être que tu n’as tout simplement pas encore trouvé la ou les bonnes personnes, susceptibles de ranimer cette vrai Julie ? ».
Penser qu’il puisse exister ici bas des gens avec lesquels on puisse se montrer tel que l’on est. Sans masque, sans façade ni armure. Un vœu pieux, pour ne pas dire une chimère ridicule. La conviction des idéalistes et des âmes que la vie a plus gâté qu’éprouvé. C’est à se demander s’ils vivent bien dans le même monde que nous. Qu’est-ce qu’il y a de mal à percevoir les choses avec leurs yeux ? Rien, je suppose. C’est comme un placebo. Sur le coup on doit se sentir bien, puis à mesure que le temps passe on constate avec amertume que rien n’a changé. Pas d’embellie ou d’amélioration. Un zeste de paradis avant de regagner les tréfonds de l’enfer. Toujours plus irrespirables et invivables. Un enfer dont je commence à connaître les moindres recoins, et où chaque seconde passée à l’arpenter m’éloigne toujours un peu plus dans ma quête du « vrai Maksim ». Qui est-il ? Cela ne devait sûrement pas être un saint ou un ange mais … était-il pour autant un pourri, un salaud ou un barbare ? N’y avait-il donc aucune autre manière pour moi, de purger la peine de la faute ou du crime que l’on me reprochait ? Était-ce à point impardonnable ? Tuer quelqu’un de l’intérieur. Pire que la prison à vie, ou la mort par je ne sais quel biais. Il y a des jours où je maudis de ne pas avoir passer l’arme à gauche. De ne pas avoir clamsé sur cette table d’opération. Vivre dans de telles conditions … franchement, je ne le souhaite à personne. Pas même à mon pire ennemi.
Quoi que … . Un châtiment des plus vicieux, sadiques et pervers. Même les dieux de l’Antiquité Grecque n’auraient jamais songé à pareil supplice. Désolée ? Pourquoi donc ? Ce n’est pas comme si elle m’avait mis le couteau sous la gorge. Si j’ai accepté de repasser dans ma tête cet énigmatique moment de ma vie, c’est que dans le fond je n’étais pas totalement contre. Si une personne doit être désolée ici, c’est moi et moi seul. C’est en substance ce que je voudrais lui dire, mais une fois de plus les mots me manquent et me font défaut. Alors, je me contente d’agiter la main, l’air de dire : « Ce n’est rien, passons. ». J’ai beau refermer momentanément une porte, je sais pertinemment que tôt ou tard Julie trouvera une petite embrasure et s’y engouffrera, afin de me passer au crible et découvrir le pourquoi du comment. D’ici là, la jeune femme au bar lui fait office d’os à ronger, si j’ose dire. La façon dont elle est parvenue à la sonder est d’une telle sagacité que c’en est presque bluffant. A croire que ses yeux sont des rayons x, lui donnant accès à ce que tout à chacun chérit jalousement et garde pour lui. Elle est douée. Très douée. Dommage qu’elle soit la seule à ne pas en être convaincue, et qu’elle minimise cette précieuse qualité. Julie revêche, d’accord. Julie volubile, d’accord. Julie impulsive et cynique, d’accord. Julie modeste ? Voilà qui est nouveau. Nouveau, mais aussi diamétralement différent de ce qu’elle montre en temps normal. Serait-ce une facette de « la vrai Julie » ? Possible. Qui sait … .
J’incline la tête et laisse s’échapper un léger « hum », suite à sa remarque. Du style, « oui, ce n’est pas faux ». C’est clair que pour rentrer dans la police, mieux vaut monter patte blanche. Ses petites addictions constituent de fait un obstacle. Cela dit, elle est loin d’être une toxico qui serait prête à tuer pour avoir sa dose lorsqu’elle est en manque. Qui plus est, il n’y a pas que des agneaux dans la police. A mon avis, il doit y avoir un bon nombre d’hommes et de femmes travaillant dans les forces de l’ordre flirtant avec la légalité. Des êtres ayant besoin d’un petit quelque chose de prohibé pour relâcher la pression et décompresser. Peut-on leur en vouloir ? Avec tout ce qu’ils doivent voir dans une journée, cela semble on ne peut plus humain. Humain … le suis-je encore ? La remarque de Julie me laisse à penser que non. Ou alors, plus tout à fait. Mes yeux sont incapables de se défaire de ses lèvres, lorsqu’elle s’avance vers moi. Tant et si bien, que j’ai l’étrange sensation de faire totalement abstraction du brouhaha environnant, pour ne plus entendre que sa voix. Je me surprends à ne pas baisser la tête ou détourner le regard. Et c’est finalement en me raccrochant à ses iris aigue-marine, que je lui réponds dans un murmure : « C’est peut-être tout aussi bien. ». Comment peut-on lire un livre vierge de toute encre ? Ca peut paraître étrange mais … j’ai le sentiment d’être né deux fois.
Ma vie se résume à ce court laps de temps entre mon réveil à l’hôpital, et cet instant T. Un mois. Une période qui vous en conviendrez, est plus que restreinte pour se forger un passif et écrire l’histoire de sa vie. La seule façon pour que le don d’observation de Julie fonctionne sur moi, serait de faire renaître « l’ancien Maksim » de ses cendres. De remettre la main sur le tome un de ma vie. En espérant que mon cerveau atrophié, ne l’ait pas détruit comme dans un auto da fé. J’avoue par moment redouter son contenu. Roman d’aventure épique ? Thriller anxiogène et oppressant ? Ce livre Julie … il est peut-être préférable que tu n’en ai jamais connaissance. Les quelques chapitres que j’ai parcouru pour l’heure, ont presque réussi à ébranler ma volonté d’en apprendre plus. Si malgré tout tu souhaites quand même ardemment connaître mon histoire avec un grand H, alors … je suis désolé. Désolé de n’avoir qu’à te proposer ce modeste quatrain. Mélange de mal en prose et de vers brisés, retraçant mon mois d’errance dans la ville des lumières. Apparemment, j’ai mis dans le mil. Mes déductions et mon jugement ne sont peut-être pas aussi éclairés que ceux de Julie, mais force est de constater que je me débrouille. Plus elle m’en apprend sur ce fameux Marc, et moins je me sens proche de lui au final. L’amour et la jalousie sont deux choses qui me sont totalement étrangères, moi qui ne vis que de petites amourettes éphémères.
Sentiments et désir amoureux m’ont quitté, c’est vrai. Toutefois, il arrive parfois que je recherche une étreinte. Des courbes plantureuses, des formes pulpeuses, des bras musclés, des torses puissants : qu’importe, du moment qu’ils m’apportent quelques instants de chaleur. Un seul mot d’ordre : pas d’attache. Oui je le confesse, je suis de ceux qui s’en vont sur la pointe des pieds au petit jour, comme des voleurs et sans demander leur dû. Pourquoi ? Eh bien, tout simplement pour éviter d’avoir à parler de moi et me livrer. Comme c’est un peu le cas en ce moment. Que reste-t-il après s’être enlacés, entrelacés et possédés ? Rien, tout simplement. Désir et attirance vacillent et s’éteignent. Alors on se rattache à la dernière chose qui ait encore un semblant d’intérêt : répondre à la question « Qui es-tu ? ». C’est pour cette raison que je fuis, et passe dans le ciel de mes partenaires aussi rapidement que la comète de Halley. J’admets avoir cependant un petit peu plus de mal à aller vers les hommes. Sont-ce là quelques restes des mœurs ukrainiennes ? Probable. Là-bas, il ne fait pas bon d’être homosexuel. Au mieux vous écopez d’une peine de prison, au pire on vous fait définitivement et radicalement passer l’envie d’aimer les individus du même sexe. J’étouffe un rictus et lève les yeux au ciel, lorsque Julie prétend que c’est moi l’objet de toutes les convoitises du blondinet. Hypnotisé ; Beau brun : rien que ça !
Personnellement, je me trouve plutôt banal et quelconque, mais si elle le dit, alors soit. Je reconnais que depuis que je suis à Paris, je rencontre un certain succès auprès de la communauté gay. Cela ne me fout pas en rogne, mais cela ne fait pas sauter de joie non plus. A vrai dire, c’est comme pour beaucoup d’autres choses : cela m’indiffère. Je le sens pas ce type. Il y a quelque chose qui me déplaît chez lui. Pas tant physiquement. Plutôt au niveau de son attitude, je dirais. Une petite moue de dégoût vient métisser mon visage. Puis, après avoir terminé et reposé mon verre, je réponds comme si je m’adonnais encore au petit jeu dont Julie a posé les règles un peu plus tôt : « Il cherche une manière de nous ard… aborder afin de nous proposer une partie à trois. Je lui souhaite bien du courage. Ce n’est vraiment pas le genre de chose que l’on peut sortir comme ça, de but en blanc. S’il a le sourire c’est parce qu’il se dit que dans le meilleur des cas il fait coup double, et que dans le pire il aura deux fois plus de chances de ne pas finir seul ce soir, étant donné « qu’il ratisse large ». L’orch… l’arché-type parfait de l’opportuniste et du queutard invétéré. ». Difficile de ne pas déceler l’aversion et le mépris dans le ton de ma voix. Ce genre de mec se trouvant irrésistible et se prenant pour un dieu : non merci, très peu pour moi. A tout choisir, je crois que je préférerais encore dormir dans un lit plein de rats, plutôt que d’avoir à souffrir de la compagnie de ce genre de mégalomane.
Un relatif silence dans le bar me permet d’entendre une sorte de cliquetis permanent battant la mesure sur le toit de l’établissement. En tournant la tête vers la façade vitrée donnant sur l’extérieure, un épais rideau de pluie obstrue l’horizon. A tel point qu’on peine à distinguer les phares des voitures engluées dans le trafic. Dodinant de la tête et clignant des yeux pour quitter le fil aléatoire de mes pensées, je reporte finalement mon attention sur Julie et change de sujet en noyant le poisson de manière guère très subtile : « A propos, je n’ai toujours pas honoré les conditions de notre contrat. ». Je suis peut-être un fieffé menteur, mais lorsque je fais une promesse à quelqu’un, je m’y tiens. J’ignore s’il existe un mot en français pour désigner ce trait de caractère mais … je trouve que c’est quoi qu’il en soit une assez belle qualité. Apparemment, j’en possède au moins une, c’est déjà cela. Dessinant les pourtours de mon verre vide à l’aide de mon index, je feins de plisser les yeux afin de donne à croire que je tente de me remémorer quelque chose. Oui je dis bien feindre, car comment se souvenir de quelque chose qui n’a jamais eu lieu ? « Le lendemain, ou le sur-lendemain de ta venue au club je ne sais plus trop, il y a eu pas mal de … de grabuge. Un mec bien lourdingue s’est montré comment dire … très pressant avec une jeune femme qui de toute évidence n’était absolument pas sensible à ses avances. J’ai d’abord voulu mettre gentiment le holà, mais c’était le genre de gars à avoir facilement le sang chaud. Il a voulu frappé, j’ai paré puis répliqué. Je pensais qu’il aurait compris la leçon, mais au lieu de ça il a sorti un couteau. C’est ce qui m’a valu cette blessure et ses points de suture au niveau du cou. A mon sens, j’avais fait correctement mon boulot, mais visiblement, quand on a un oncle qui est le patron, on peut se voir ocu… octroyer quelques passes droit ainsi qu’un droit de cuissage. Apparemment, il n’a pas spécialement apprécié que son neveu se retrouve avec deux côtes pétées, une rotule explosée, la mâchoire fracturée et le poignet disloqué. Il s’est empressé de me virer dès qu’il l’a su, c’est à dire le lendemain. ». Encore, un mensonge ? Oui, je le confesse. Sur le fond peut-être, mais pas sur la forme. Après tout que ça soit dans cette version ou dans celle faisant foi, j’ai perdu mon job pour avoir eu le malheur de venir en aide à une femme. Qu’importe le décorum et les protagonistes. Du moment que la trame de l’histoire est sensiblement la même, c’est tout ce qui importe. Non ?
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 26/1/2018, 21:59
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 27/1/2018, 23:23
Go Against the Flow Heureux soit l’ignorant. Lui petit esprit, qui ne sachant rien, n’a donc pas lieu de souffrir. Simple principe de cause à effet. Est-il si heureux que cela ? Pas si sûr. Là où la souffrance s’arrête, commence la joie. S’il n’y a pas matière à s’attrister, il n’y en a donc logiquement pas à se réjouir. Ce qui est plutôt dommage. Les bons moments sont rares, et il n’y en a pas tant que ça dans une vie finalement. L’ignorant se contente de petites choses, c’est tout. On peut l’envier quoi qu’il en soit, certes. Mais, une vie aussi terne, aussi fade et insipide vaut-elle la peine d’être vécue ? De toute façon, quand bien même il souhaite se complaire dans son ignorance, il finit tôt ou tard par apprendre. Qu’on l’ait oublié ou que l’on tente de le refouler, notre passé demeure. C’est une erreur de croire qu’il n’est plus. Au mieux, on arrive à partiellement l’occulter. Il est là, en sommeil. Attendant patiemment son heure pour nous rattraper. Pas d’emprise, pas de contrôle. On est juste le spectateur. Ce n’est pas un tri sélectif ou un choix à la carte. Oh que non ! C’est tout un package qui nous tombe dessus. Je me suis toujours demandé, pourquoi les mauvais souvenirs avaient une place prépondérante. Chez moi, en tout cas. Peut-être qu’au final c’est ce que l’on retient et ce qui nous marque le plus ? Peut-être aussi que l’on est incapable d’apprécier les bons moments à leur juste valeur, et que ce n’est qu’à posteriori lorsqu’on est dans l’œil du cyclone qu’on se dit :
« Ah oui, c’était quand même pas si mal tout compte fait. ». Réfléchis. Que répondrait le parfait quidam à ce « pourquoi » ? Pourquoi rechignerait-il tant à ce que les autres entrevoient qui il est ? Que ressentirait-il en cet instant ? De la peur ? Oui, c’est une éventualité. Bien, alors agis entant que tel. « Parce que … je crains qu’il n’y ait plus de noir que de blanc. ». Comme je l’ai dit tout à l’heure, les allégories, les images et autres métaphores : ce n’est pas vraiment mon truc. Je ne suis donc pas tout à fait certain de m’être bien fait comprendre, en rétorquant de cette manière. A demi-mot. Malheureusement, c’est tout ce qui me vient pour l’instant et je n’ai rien de mieux à proposer. En parlant de proposition, c’est étonnant que l’autre espèce de playboy au sourire libidineux n’ait toujours rien tenté et soit resté au point mort. Peut-être que mon sacro-saint air austère et bourru l’en a finalement dissuadé ? Hum, non je ne pense pas. Quand ce genre de type à une idée derrière la tête, il ne l’a pas ailleurs. Quoi que … dans ce cas précis, c’est son second cerveau qui lui dicte sa conduite. Tsss, être esclave de ses envies et ses désirs : quelle tristesse ! S’il y a un risque que je devienne comme ça, alors je ne suis plus aussi certain de vouloir retrouver les miens. Garder le contrôle et être le seul maître à bord : ce n’est peut-être pas si mal ?
Le revers de la médaille ? La solitude, évidemment. Cela dit on s’y fait, et l’on n’en meurt pas. Du moins, pas dans l’immédiat. Si j’ai un abord froid et rugueux, je peux l’être encore bien plus dans mes propos, qui revêtent parfois un style très lapidaire. Des mots durs, acerbes et encore plus corrosifs que du vitriol. Faire la distinction entre le bien le mal : encore une chose dont le « nouveau Maksim » est incapable. Dans le fond, je suis un peu comme un enfant à qui il faut tout apprendre. Apprendre la demi-mesure, à arrondir les angles et mettre les formes. Je n’arrive pas à placer comme il se doit le curseur. Résultat des courses, je ne sais jamais si mes dires vont être bien perçus ou alors blessants. Si seulement j’avais l’intelligence d’esprit de me taire, ou de tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de l’ouvrir … . Non, au lieu de ça je dis les choses telles qu’elles me viennent, comme des tirs à brûle-pourpoint. Foncer tête baissée, puis constater après coup les éventuels dommages occasionnés. Des dommages qui auraient pu être évités, avec un semblant de jugeote et de discernement. C’est exactement ce qui vient de se passer. Bien malgré moi, j’ai tiré à boulet rouge sur ce type sans prendre garde qu’il pouvait y avoir une seconde cible dans la ligne de mire. Pas une seule seconde, l’idée que Julie puisse se reconnaître dans le portrait que j’ai dépeint, ne m’a traversé l’esprit.
J’imagine que je devrais avoir quelques remords, ou au minimum des regrets. Seulement une fois n’est pas coutume, je ne ressens strictement rien. Un désert, le néant, le zéro absolu. Bon an mal an, je tente de m’en sortir grâce à une pirouette. Une pirouette, ou une manière détournée et tirée par les cheveux de m’excuser ? Aller savoir. Toujours est-il que je rétorque dans un haussement d’épaules. « Peut-être que je suis vieux jeu alors. Après tout, j’ai trente quatre ans. ». Coincé, réac et frigide sont des adjectifs qui auraient pu convenir aussi. Pour moi, l’amour c’est une équation on ne peut plus simple. Un lit, un homme, une femme. Ou un lit, deux hommes : c’est selon. Le triolisme, les parties fines, les mises en scènes et accessoires ne sont vraiment pas des choses qui m’attirent. A tout choisir, je préfère encore les choses simples, épurées et éthérées. La fraîcheur de draps qu’on agrippe. Des baisers, des caresses et des étreintes dans toutes ces vagues de plis. Je fais l’amour, pas une parodie de film porno. Alors oui, peut-être qu’aux yeux de la jeunesse française, je passe pour un petit joueur. Une grenouille de bénitier. Quelqu’un de puritain ou pudibond. Ceci dit, mes accointances envers les hommes feraient de moi un dépravé ainsi qu’un monstre de débauche en Ukraine. Bon ok, peut-être que j’exagère un peu, mais c’est l’idée. Et si … et si c’était justement la raison pour laquelle on a crû bon de charcuter ma tête ?
Après tout dans des temps reculés, où la médecine moderne en était encore à ses balbutiements, c’est ainsi qu’on pensait pouvoir soigner les personnes ayant une attirance dite contre nature. Par lobotomie et électrochocs. On dit même que les nazis avaient recours à ce genre de sinistres traitements. Hum. Non, cela me paraît tout de même fort peu probable. Toutefois, il n’est pas impossible que l’État Major en ait eu vent Dieu sait comment. C’est donc une éventualité que je dois prendre en compte. La balayer d’un revers de la main serait une erreur. Si seulement je pouvais retrouver la trace de ces hommes, qui étaient avec moi dans ce hangar ce soir là. Connaître les raisons et les motifs de leur arrestation, me permettrait sûrement de remonter une piste. Mais comment faire ? Je ne sais pas par où commencer, ni même où chercher. N’empêche maintenant que j’y pense, je me dis que le « Maksim d’avant » devait probablement être quelqu’un de sulfureux. Quelqu’un pour qui les règles sont faîtes pour être transgressées et les interdits soulevés. Une tête brûlée qui défiait les risques et se riait de la bienséance ainsi que des gens trop bien pensants. Ca peut paraître étrange de dire ça, mais je crois que je l’aurais bien aimé. Ou tout du moins, ce pan de sa personnalité. Quant à celle du patron du D-Light, la boîte de nuit où j’ai travaillé, c’est désormais une certitude : c’est un con.
De ta faute ? Encore. Décidément, cette fille s’est mise dans la tête qu’elle n’était que culpabilité. Qu’elle sème le malheur et la désolation partout où elle passe, et qu’elle est responsable de tout les maux de la Terre. Ah, si seulement je pouvais dire ou faire quelque chose qui l’aiderait à ne plus se voir comme un fléau ambulant … . Hochant la tête de façon négative, je rétorque avec cette caractéristique placidité qui me colle à la peau. « Non tu n’y es pour rien. Je suis le seul à blâmer pour ce licenciement. Par chance, je suis rapidement retombé sur mes pieds et ai trouvé une nouvelle situation. Aujourd’hui, j’assure la protection du PDG d’une grande entreprise côtée au CAP… CAC 40. Un type complètement parano, qui en plus de croire à la théorie du complot, est convaincu que le monde entier essaye de l’empoisonner. Mis à part ça, il est plutôt sympa et semble de toute évidence n’avoir aucune notion de l’argent, puisqu’il me paye le double, si ce n’est le triple, de ce que je gagnais au D-Light. Au final, j’ai sou… sûrement gagné au change. ». J’ignore si je ferais ça toute ma vie, mais pour l’heure disons que ça va et que je m’y plais bien. Peut-être que je pourrais prétendre à un emploi plus valorisant et prestigieux, mais bon il en faut bien des larbins. Comme je le dis souvent, je préfère passer ma vie à regarder les oiseaux voler, plutôt que de la perdre à rêver que j’aurais un jour des ailes.
De plus, je doute qu’un étranger en situation semi-irrégulière sur le territoire français, puisse espérer trouver une situation meilleure, que celle que je suis parvenu à me dégotter. Avec le recul, et maintenant que Julie énumère la liste des blessures que je prétends avoir infligé à ce mec imaginaire, je me dis que j’ai sans doute vu un peu gros. J’acquiesce en silence et plisse les lèvres à chaque trauma. Comme si je tentais de m’excuser ou que je compatissais à la douleur que devait éprouver ce malheureux. Ridicule, n’est-ce pas ? La remarque, et surtout le ton relativement badin employé par Julie, me décoche un léger sourire. Plus un sourire nerveux ou de mimétisme, qu’un pur et authentique rictus d’amusement. Avec autant de légèreté qui m’est possible de témoigner, c’est à dire très peu, je rétorque quasiment du tac au tac : « Quand bien même tu serais tentée de le faire, j’utiliserais des moyens plus … pacifiques pour te convaincre d’arrêter. Frapper une femme, c’est contre mes principes. Ca l’a toujours été, et cela le sera toujours. Je laisse ça aux lâches. ». Bien sûr c’est comme pour tout, il n’y a pas d’absolu. Mettons que ma vie soit menacée. Que je sois tenu en joug, et que le doigt sur la gâchette du revolver soit celui d’une femme. Possible que je fasse une petite entorse à mes principes. Quand son instinct de survie est en alerte, à mon avis l’être humain passe très facilement outre ses principes. Il est clair que la violence et le combat occupent des places prédominantes, dans les différents métiers que j’exerce aujourd’hui. Dans celui de ma vie d’antan aussi d’ailleurs. Pourtant, je ne suis pas quelqu’un qui soit d’une nature belliqueuse ou bagarreuse. Les conflits, je préfère de loin les résoudre plutôt que de les faire naître ou les attiser. C’est donc le plus naturellement du monde que je réponds à la dernière question en date, pour l’heure, de Julie : « Oui, c’est exact. Comme on l’exige en Ukraine de tout les soldats constituant les différentes armées, je pratique le Sambo. C’est un art martial qui était très prim… prisé par les agents du KGB et qui est né durant la Guerre Froide. Depuis que je suis à Paris, je me suis aussi mis au Krav Maga. C’est sensiblement la même chose, sauf que cette discipline vient d’Israël et est généralement utilisée par les agents du Mossad. Les services secrets. ». Il est vrai que tout cela se ressemble beaucoup. Les techniques sont principalement accès sur le désarmement des opposants, les étranglements, les prises de soumission, la manière de briser les os et disloquer les articulations. Plutôt barbare pour le commun des mortels. Tout bien considéré, peut-être que je le suis un peu dans le fond : barbare.
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 28/1/2018, 16:17
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 31/1/2018, 01:09
Go Against the Flow Perdu. Un qualificatif qui me sied si bien, qu’il pourrait être apposé sur ma carte d’identité en lettres majuscules rouges écarlates. Pas de quoi s’offusquer ou chercher à nier. De toute manière, même si je le voulais, j’en serais incapable. Je sais bien que c’est la stricte vérité ainsi que la triste réalité mais … . L’entendre pour la première fois de vive voix … je ne sais pas. On dirait que cela n’a pas du tout la même résonance, que lorsque c’est moi qui m’en convaincs tout seul. Qui ou que suis-je ? Vous allez me dire que c’est du pareil au même, et que je joue sur les mots. Pas tant que cela. Tout est une question de point de vue. Le qui est égoïste. Personne d’autre qu’un individu sait mieux que lui, qui il est. Logique. Quant au que … je dirais que c’est l’image que l’on renvoie aux autres. L’idée qu’ils ont et l’opinion qu’ils peuvent se faire de nous. Si la première question reste pour moi une énigme en pointillés, j’ai en revanche quelques petits éléments de réponse pour ce qui est de la seconde. Une boussole sans nord. Une bouteille à la mer ballottée au gré des caprices des flots. Une anomalie au sein d’une communauté. Un dahlia noir au milieu d’un champs de boutons-d’or. Un crapaud souillant et dépréciant la valeur d’une pierre précieuse. Voilà ce que je suis. L’écrin d’un passé en ruine et morcelé. D’un présent vacillant et claudiquant. D’un avenir cadenassé et stérile.
Perdu. Tout comme mon combat. Le dernier. Un combat perdu d'avance. Celui des représailles et de la vengeance. Celui qui me pousse à m’aventurer sur ce sentier de tout les dangers, où les parfums entêtants et enivrants de Némésis me rendent chaque fois un peu plus fou. Il est des moments où j’ai l’impression d’être Don Quichotte se battant contre les moulins à vents. La grosse côte n’est pas en ma faveur. Je suis l’outsider. Il me manque des données élémentaires et capitales. Comme l’identité ainsi que le nombre de mes ennemis. Par ennemis, je fais bien évidemment allusion aux personnes, ayant fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Le chirurgien et chercheur m’ayant opéré, le Professeur Barnier … ce n’est qu’un exécutant. Une vulgaire marionnette. Il y a forcement une tête pensante derrière tout cela. Un esprit malin, fourbe et retors tirant les ficelles dans l’ombre, et probablement à bonne distance. Je suis prêt à parier que les stratèges ainsi que les tacticiens gèrent et coordonnent tout depuis l’Ukraine, tandis que les petites mains et les préposés aux basses besognes sont sur le terrain, ici en France. Hum, il va falloir que je change mon fusil d’épaule. Si je veux faire échec au roi, il ne va pas falloir que j’élimine d’emblée les pions. Non. Au préalable, je vais devoir leur arracher de précieuses informations. Du style, pour le compte de qui ils travaillent, combien sont-ils, quel est leur but et j’en passe.
Les techniques d’interrogatoires musclées et relevant de la torture, ces manières de procéder que j’ai tant réprimé par le passé … on dirait bien que je vais être forcé d’y avoir recours, si je compte extorquer des aveux et des confessions à mes opposants. Quelle ironie ! Oh rassurez-vous, je ne suis pas un sadique. Lorsque je saurais et aurais ce que je veux, je promets de rapidement mettre fin à leur calvaire, et ce de façon définitive. Lutter sur deux fronts, remonter toute une camarilla et la mettre hors d’état nuire, afin qu’elle ne puisse plus « créer » de monstre comme moi. Tel est le cap que je me fixe. Le nord que je donne à ma boussole. Pour l’heure, je suis toujours la proie dans cette chasse à l’homme. Les pions sont à mes trousses et sur ma piste. Cette blessure par balle au niveau de mon cou, témoigne qu’ils ont bien failli remporter la partie et que le temps presse. Je dois faire vite. Me dépêcher. Repousser ce contre la montre et inverser le rapport de force. La vengeance comme moteur ? Oui. A la fois nécessaire, vital et autodestructeur. Un éclat de rire m’arrache à mes digressions intérieures. Le contraste entre la nature de ces dernières et le caractère quelque peu ingénu de ce rire, est pour le moins saisissant. Ce rire n’a rien à voir avec tout ceux grinçants et jaunes, que Julie a pu me témoigner jusqu’à présent. Non, celui-ci … on dirait qu’il vient du cœur. Il est clair, limpide, cristallin. Gorgé de malice et d’espièglerie.
On serait à deux doigts de se méprendre, et croire qu’il s’agit là du rire d’une petite fille. C’est sûrement ainsi que riait, ou plutôt que doit rire, « la vrai Julie ». Je sens mes lèvres se tordre et se déformer suite à sa remarque. Est-ce une grimace ? Une moue ? Un rictus ? Je ne saurais le dire. Si j’en crois ce qu’elle me raconte, nos abords différents de la chose n’ont strictement rien à voir avec mon grand âge. Après tout, ça aurait pu. Dans nos sociétés modernes qui prônent le jeunisme à outrance, lorsque vous franchissez le cap de la trentaine, on vous fait plus ou moins gentiment comprendre que vous êtes dépassé et plus bon à rien ou presque. Statistiquement parlant, je peux avancer sans prendre trop risque, qu’un bon tiers de ma vie est derrière moi. Mes accomplissements furent-ils bons, mauvais ou mitigés ? Ca, Dieu seul le sait. Ainsi que les limbes de mon cerveau embrumé. Je n’entends pas être un saint ou un modèle de vertu, pour le temps qu’il me reste. Juste faire les choses de façon … pas trop mal on va dire. Il y aura du répréhensible et du contestable, c’est évidant. J’ai juste le secret espoir qu’au final, on dénombrera cette fois-ci plus de blanc que de noir. C’est tout. Un subreptice sourire passe sur le visage de Julie aussi vite qu’une étoile filante fendant les cieux, lorsque je lui brosse rapidement le portrait de mon nouvel employeur. La suite me laisse quelque peu pantois.
Je comprends parfaitement le sens des paroles de Julie, seulement je ne suis pas certain de la façon dont je dois les interpréter. Ironise-t-elle ou alors est-elle sérieuse ? Apparemment, il semblerait que j’ai désormais également du mal à déceler le second degré. De mieux en mieux … . Je bégaie une amorce de réponse, avant de finalement me taire afin de ne pas être davantage ridicule. Un silence et un demi-soupir plus tard, je me contente finalement de lui promettre dans un ton d’une banalité affligeante, que je ferais mon possible pour l’éviter à l’avenir, si je la croise lorsque je serais « en service ». Qu’est-ce que l’homme qui m’emploie attend de moi ? Tout et rien, je dirais. Question d’équilibre. Etre à bonne distance mais en même temps pas trop loin. Détaché, évaltonné et concerné à la fois. Consciencieux, vigilent et surtout silencieux. Bref, un job taillé pour moi sur mesure, si j’ose dire. Ici aussi, ce Monsieur, qui n’est autre que le dirigeant des filiales de Nissan en France, était plus que frileux à l’idée de m’engager. Bah oui, comment allait-il justifier aux yeux du FISC qui l’a dans le collimateur, l’emploi d’un salarié étranger en situation irrégulière. Pauvre petite chose … ! C’est finalement l’interpellation et la maîtrise d’un militant écolo forcené, avant qu’il n’ait eu le temps de s’acquitter de son macabre forfait, qui a signé la fin de ma « période d’essai » et le début de mon embauche à plein temps définitive. D’un coup d’un seul, je suis étrangement devenu indispensable à ses yeux, passant par la même occasion dans son estime de je cite, « le ruskov » à « son paladin ». Aller savoir pourquoi … .
Rémunération en liquide. Du black en quelque sorte. Cela arrange tout le monde. Il truande joyeusement l’administration, tandis que je dispose du moyen de paiement le plus sûr et le plus intraçable qu’il soit. Hum, je suis peut-être tout aussi parano que lui au final. Bon dans un monde parfait, il ne s’obstinerait pas à m’appeler Dmitri et à croire que je suis russe, mais dans l’ensemble j’estime que je n’ai pas à me plaindre et que je suis plutôt bien tombé. Fort heureusement, j’arrive encore à faire la part des choses. Traduction : je ne vais pas faire ce que l’on attend de moi de la même façon avec une femme ou un gringalet faisant cinquante kilos tout mouillé, qu’avec un malabar tout en muscles. Simple question de réglage et d’intensité. A quel point frapper une femme révulse ? Cette question me laisse interdit et coi. Enfin, devrait me laisser. Du moins, je suppose. J’allais pour objecter quelque chose, mais Julie me coupe l’herbe sous le pied en me faisant part de son raisonnement. Alors, c’est pour ça. Moui, ça peut se faire. Après tout, ce n’est pas comme si je ne savais pas quoi faire de mon temps libre. Entre deux escapades sur les chemins de la vengeance, je peux bien trouver quelques moments pour l’initier aux b-a ba du self défense, à raison d’une ou plusieurs fois par semaine. N’ayant donc aucun prétexte ni excuse pour décliner sa requête, je lui réponds en acquiesçant :
« Oui, bien sûr. Au contraire, si cela peut t’aider dans ton processus de sevrage, je … je serais ravi de pouvoir faire quelque chose. Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faudra qu’on fasse un peu de footing, de cardio et de renforcement musculaire pour lancer la machine. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus marrant et intéressant, mais je pense que ça sera essentiel pour éviter les petits bobos, les mauvaises surprises le lendemain comme les crou… cour-ba-tures, ou encore les blessures plus graves du genre claquage ou élongation. Après, on pourra passer à des petites mises en situation agresseur/agressé. Puis si tu le désires, je pourrais t’apprendre quelques techniques plus poussées. Je t’expliquerais et te montrerais comment faire en shadow boxing comme on dit, puis tu essayeras de les reproduire jusqu’à ce que tu les maîtrises parfaitement en t’entraînant sur moi. Ne t’en fais pas, j’ai le cuir aussi dur qu’un rhinocéros. Vois-moi comme un puching-ball et n’aies pas peur de retenir tes coups le cas éph… échéant. ». A ce qu’on dit, la pratique sportive permet à l’organisme de sécréter des endorphines qui donnent meilleur moral, et apporte sur le coup une espèce d’état d’euphorie. Un peu comme les effets des drogues, mais dans des proportions nettement moindres, évidemment. Si elle souhaite décrocher de ses addictions, un sport de combat peut être un bon dérivatif en plus d’un parfait exutoire. Conclusion, c’est tout bénéf pour elle. Pour elle seulement ? Peut-être pas. Peut-être que moi aussi, j’ai quelque chose à y gager ? Peut-être, peut-être … . On verra le moment avenu. D’ici là, j’ajoute en inclinant quelque peu la tête et en haussant les épaules : « Et puis … cela peut sans doute être une bonne chance pour moi aussi. On me dit associable alors … te voir régulièrement et entretenir des rapports humains avec toi, pourrait peut-être me permettre de ne plus vivre comme un emr… ermite. ». C’est ce que m’avait invité à faire le Docteur Roucka. La psychologue s’étant entretenue avec moi après mon opération. Elle m’a martelé à maintes et maintes reprises de me faire violence, et d’aller au maximum possible vers les gens. Selon elle, cela pourrait être une solution pour éradiquer l’amnésie, l’apathie ainsi que « les crises ». J’ai toujours considéré ça comme étant une perte de temps ainsi qu’une hérésie, mais … je me dis qu’il est probablement temps de sauter le pas, et de voir ce que cela peut donner. 2981 12289 0
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 1/2/2018, 18:42
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 2/2/2018, 22:00
Go Against the Flow J’ai un rapport au fatalisme pour le moins ambigu. Par moments, je me dis à quoi bon. A quoi bon lutter, se débattre et s’époumoner dans le vide ? L’impression que les dés sont pipés et que l’on n’échappe pas à ce qui nous arrive. Au karma, au destin, au sort. A cette espèce de force invisible qui régenterait tout, et dont le nom diffère selon l’endroit où l’on se trouve sur le globe. Et puis des fois, je refuse d’adhérer ou de dire amen à ce déterminisme et ce sentiment de résignation. Alors, j’essaye de me convaincre que rien n’est figé ou gravé dans le marbre. Bien sûr, il est idiot et naïf d’imaginer que l’on puisse avoir une emprise complète sur notre vie. Seulement … je crois que dans l’océan de décisions que nous sommes amenés à prendre, il y en a quelques unes dans le lot de pas trop mal et qui ont le mérite de changer les choses, ou au minimum de les faire avancer. Tout dépend d’un certain concours de circonstances, je dirais. Les gens ont à cœur d’être acteur de leur propre vie à certaines périodes, et à d’autres, ils préfèrent se positionner entant que spectateurs restant bien sagement assis et regardant le film défiler sous leurs yeux. Enfin, je présume. Moi ? Oh moi, je suis complètement largué. L’intrigue m’échappe totalement, les protagonistes me paraissent flous et les dialogues semblent n’avoir ni queue ni tête. Bref, c’est comme si je regardais un film de série B coréen sous-titré en finnois. Hé, tout compte fait, je ne suis pas si mauvais que ça pour filer les métaphores.
En revanche, s’il y a bien un domaine dans lequel je reste pour l’heure mauvais et médiocre, c’est bien la constance. Je suis incapable d’avoir un positionnement net ou un avis bien tranché. Je joue sur tout les tableaux et oscille entre les extrêmes, comme si je voulais exploiter tout les dégradés d’un nuancier ou d’un camaïeu. Faire des choix est une chose qui m’est bien difficile, pour ne pas dire impossible. S’il est vrai que l’être humain est par définition tout et son contraire, alors j’en suis la preuve par trois. Égoïsme et abnégation. Libre et prisonnier. Galvanisé et plein d’énergie, puis d’un coup d’un seul sans savoir pourquoi ni crier gare, amorphe et asthénique. Même pour ce qui est de ma sexualité, je suis incapable de me positionner et de choisir. Si ça se trouve, il y a peut-être un lien de cause à effet avec ces « crises » ? A jouer tout le temps les balances, à être un adepte du faut-il faut-il pas, à sans arrêt gamberger, cogiter, se tâter : il doit arriver un moment où l’on devient fou. Ouais, va savoir … . J’ignore si parmi la longue liste des concepts et des idées existant il y en a une ou un auquel je crois, mais en tout cas force est de constater que les absolus n’en font pas partis. C’est une bien sotte pensée que celle qui prétend que l’Homme est un être immuable. Evidemment, il est rare voire improbable que son caractère et sa nature profonde changent. Même si l’histoire m’a prouvé que quelques petits coups de bistouri dans la boite crânienne sont vraisemblablement capables du contraire.
On grandit, vieillit, évolue. Il en va de même pour certaines choses. Les goûts, les idées, les opinions et même la manière d’écrire quand on y pense. Alors oui, ça me fait doucement rigoler quand untel ou unetelle affirme que ça sera toujours comme ci, ou jamais comme ça. Toujours et jamais. Voilà bien deux mots qui ont le don de me faire grincer des dents. Les chefs de fil du déterminisme et du fatalisme, sussent mentionnés plus tôt. Vous en doutez encore ? Eh bien, regardez Julie dans ce cas. Elle est la preuve vivante de ce que j’avance. Elle aspire au changement. Ou en tout cas, elle essaye de tout mettre en œuvre pour. Pourtant, elle pourrait tout aussi bien faire le choix de facilité. Considérer la situation actuelle comme étant acquise et définitive. Continuer à consommer toutes sortes de stupéfiants, dans des quantités dont elle seule connaît le nombre exact. Ne rien faire est tellement plus simple. Au lieu de ça, elle préfère prendre un risque. Briser le cercle sur lequel elle tournicote pour en définir un nouveau. Peut-être qu’elle y arrivera, peut-être qu’elle reviendra au point de départ, mais au moins elle aura la satisfaction de se dire qu’elle aura essayé. Qu’elle aura tenté d’explorer toutes les possibilités. Eh puis, si le résultat escompté n’est pas au rendez-vous, rien ne l’empêchera de recommencer lorsqu’elle le désirera. C’est sûr qui si l’on ne prend pas de risque, on n’a rarement l’occasion de tomber, de se tromper ou d’émettre des regrets. Mais la vie est-elle meilleure et satisfaisante pour autant ?
Bien entendu, seule Julie peut faire bouger les lignes. Personne ne peut avoir la volonté à sa place. Toutefois, il est possible qu’un tiers l’aide, la soutienne, l’accompagne et lui insuffle de la motivation. Cependant, je doute être la meilleure personne qui soit pour cela. Comment une personne évoluant déjà elle-même de guingois, peut-elle servir d’appui à une autre ? Seulement, je ne me voyais absolument pas répondre à cette demande par la négative. Pourquoi ? Ca, je n’en ai foutrement aucune idée. De vieux restes inconscients de ma carrière désormais révolue de militaire ? Un credo du style : « On n’abandonne pas un Homme à terre. » ? Possible. En tout cas, c’est une explication rationnelle et qui se tient. La même serveuse à l’accent prononcé caractéristique de celui que l’on rencontre dans les régions frontalières allemandes, revient vers nous et s’enquiert de savoir si nous avons besoin de quoi que ce soit. Julie se laisse tenter par une seconde tournée. Quant à moi, je décline poliment. Je suis le chaperon dans l’affaire, ne l’oublions pas. Mieux vaut donc que j’ai les idées claires au cas où. Si je reprends de ce breuvage qui n’est ni plus ni moi que du sucre à l’état liquide, je risque de ne pas fermer l’œil de la nuit. Ce qui serait problématique, surtout quand on sait que je suis censé aller récupérer l’autre espèce d’excité de la théorie du complot, aux aurores demain à Roissy.
Non, il n’a pas tenu à m’emmener dans sa valise. Apparemment les japonais voient dans les gardes du corps, le signe manifeste que les personnes faisant appel à leurs services, témoignent de la méfiance ainsi qu’un manque cruel de confiance envers leurs interlocuteurs. Je suis donc resté au bercail afin d’éviter tout malentendu. Je n’ai pas chômé pour autant. Entant par conséquence au service de Madame durant l’absence de son cher mari, j’ai endossé le rôle de laqué et de valet portant ses paquets et ses colifichets, lors de ses folles virées shopping où elle a fait chauffer comme il se doit la Gold Master Card de sa vache à lait d’époux. Je ne pensais pas dire ça un jour, mais je ne vais pas être mécontent de retrouver mon parano névrosé d’employeur ainsi que mes attributions originelles. En revanche, le programme des réjouissances que je propose à Julie est loin de l’emballer. Ca peut se comprendre. J’imagine que ses poumons doivent être bien encrassés et qu’elle risque de pas mal tirer la langue au début, si je puis m’exprimer ainsi. Bien que je sois loin d’être très doué pour cela, j’essaye tout de même de la rassurer et de dédramatiser : « Rassure-toi, il n’y aura d’intensif ou qui puisse relever du programme d’entraînement d’un soldat des forces spéciales, ou d’une mora… marathonienne. On prendra le temps qu’il faut et ira à ton rythme. ».
Evidemment. Il ne s’agit pas de repousser ses limites ou de jouer les coureurs de demi fond. C’est une simple remise en forme. On ne va pas aller chercher des chronos ou je ne sais quoi. Un retour aux bases. Pratiquer une activité physique, permettant à l’organisme de fabriquer de nouveaux globules rouges et capillaires, ainsi que d’évacuer les toxines. Il n’y a aucune contrainte de date butoir ou d’obligation de résultat. Même si je ne cache pas que je serais sûrement fier, si un jour elle devient abstinente. Je pourrais me dire que d’une certaine façon, j’ai contribué à son succès. On ne peut pas être totalement abstinent. Même s’il a décroché, un fumeur peut refumer, un alcoolique peut boire de nouveau et un drogué peut retomber le nez dans la neige. L’addiction ne disparaît jamais totalement. Elle est simplement en sommeil, et peut se réveiller au moindre coup dur pour le moral. L’idée que je puisse lui servir de défouloir ne semble guère être à son goût. Au contraire, elle paraît même plutôt craindre le fait que cela puisse lui être préjudiciable. Hum. Je veux bien essayer de mettre le holà, si je constate que son corps n’est pas loin d’atteindre son point de rupture mais … je doute que Julie soit le genre de fille qui entende facilement raison. D’autant plus lorsqu’elle doit être dans le feu de l’action, ou aux prises avec une petite montée d’adrénaline. Qu’importe, on verra et avisera en fonction le moment venu. Merci. Stupéfaction, incompréhension, sidération.
Comme si le ciel me tombait sur la tête. Je crois bien que c’est la première fois qu’on me dit ce mot et que l’on me témoigne de la gratitude, depuis que je suis ici en France. Ca me fait … bizarre. Une impression si bizarre, que je suis tout bonnement incapable de mettre des mots dessus pour la décrire. Avec ce flegme olympien et cette retenue m’étant propres, je rétorque sans effusion aucune : « Pas de quoi. Si l’on peut s’entraider et se serrer les coudes pour art… entrevoir le bout du tunnel, cela serait dommage de s’en priver. ». C’est sûr qu’à deux, les défis paraissent tout de suite nettement moins insurmontables. On trouve un second souffle. En faisant bloc et s’unissant, on a moins peur des loups qui guettent le trappeur. Hors de question cependant, de l’impliquer dans mon défi. Que je joue les braves la mort et mette ma vie en danger soit, que je fasse de même avec celle de quelqu’un d’autre qui n’a rien à voir là-dedans … non, non et trois fois non. Il y a neuf chances sur dix que l’issue me soit défavorable et fatale. Inutile donc d’entraîner avec moi dans la tombe d’autres personnes. Tiens, on dirait qu’il y a du rififi du côté du comptoir. Le couple, que j’ai visiblement bien cerné, est entrain de se déchirer et de faire monter les décibels. J’entends … « va te faire foutre » ; « t’es qu’un pauvre con » ; « barre-toi ». A vrai dire, ce n’est pas très clair et audible d’où je me trouve.
Elle jette finalement avec hargne son sac sur l’épaule et quitte très remontée le bar. Petite moue dubitative sur le visage, je sors du time-out et reprends part au jeu de Julie : « Mon pronostic. Isabelle va rentrer chez elle pleurer toutes les larmes de son corps, avant de se mettre au lit. Avec peut-être même un petit coup de pouce médical. Marc va rester assis sur son cul et boire tout son soul jusqu’à la fermeture. Lorsqu’il rentrera aux aurores, il se confondra en excuses et lui promettra qu’il va changer. Même s’il n’en croira pas un mot. Isabelle lui pardonnera, bien qu’au fond d’elle, elle saura pertinemment que rien ne bougera d’un lo… iota et que ce genre d’accrochage sera amené à se reproduire. Bref, on appose un pansement sur une plaie béante et on recommence. ». Oui. Ca doit être ça l’amour. Celui qui n’est que passion et qui oscille entre haine et tendresse. On se blesse, on s’assassine et au final on se retrouve et se cajole. Ils se détestent tout autant qu’ils s’aiment. Eh pourtant, ils sont incapables de vivre l’un sans l’autre. Quoi qu’il puisse faire, quoi qu’il puisse dire, tout ramènera sempiternellement Marc à Isabelle et inversement. Est-ce beau, romantique ou alors carrément pathétique ? J’avoue que là, je m’interroge. 2981 12289 0
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 3/2/2018, 16:46
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Sujet: Re: Go Against the Flow - (Maklie) 5/2/2018, 22:02
Go Against the Flow Concrètement, qu’a fait le nourrisson que je suis au cours du premier mois de sa seconde vie ? Il s’est caché. S’est terré comme un rat d’égout. Il a tenté de se faire plus petit qu’une souris. A vécu comme un prisonnier en cavale, sans réellement savoir ce qu’on lui reproche. Il ignore tout de l’identité des accusateurs qui l’accablent de charges, dont les natures lui sont tout aussi inconnues. Si accusateurs et charges il y a. Ce qui dans le fond reste à prouver, vu que cela pourrait très bien être de la curiosité scientifique et médicale élevée au nom de la recherche ou du progrès. Pas très morales et déontologiques comme pratiques, mais pas impossibles pour autant. Après tout, les grandes avancées et découvertes médicales reposent sur le sacrifice d’une poignée d’individus. Un sacrifice contestable, mais indispensable quoi qui l’en soit pour l’intérêt général du plus grand nombre. Pour faire simple et être plus clair : on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Ne dit-on pas que l’Homme est un loup pour l’Homme ? Entant que bon mammifère qui se respecte, il est donc capable de faire preuve de cruauté et de barbarie envers ses semblables. Ca peut paraître dingue mais … je crois que j’arriverais davantage à accepter ce que l’on m’a fait, si j’avais la garantie que cela possède un sens. Que cela a été fait pour servir une cause ou un but précis. Savoir qu’il s’agirait en réalité d’un acte gratuit, injustifié et relevant presque du divertissement du style taillons dans le cerveau à l’aveuglette et voyons ce qui se passe … je crois qu’il n’y aurait rien de pire.
D’emblée, je me suis sentis menacé. L’instinct de survie m’a poussé à me fondre dans la masse, à vivre comme Monsieur tout-le-monde afin de ne pas éveiller les soupçons, et surtout pour ne pas être repéré par mes ennemis. Enfin de mes ennemis, c’est un bien grand mot. Au minimum, j’ai tenté d’échapper à la ou aux personnes ayant cherché à attenter à ma vie lors de ma sortie de l’hôpital. Et si … et si depuis tout ce temps, j’étais dans le faux ? Que je n’avais pas la bonne grille de lecture. Et si c’était moi la menace ? Admettons que j’ai pu voir, entendre ou avoir accès à quelque chose. Quelque chose de suffisamment explosif et confidentiel pour que l’on puisse tuer. Cela voudrait que cette lobotomie digne de Mengele, n’était pas une punition ou un châtiment. Non, cela serait plutôt un moyen subtil et détourné de me faire taire en supprimant de ma mémoire, ces précieuses informations qui n’auraient jamais dû tomber entre mes mains ou parvenir jusqu’à mes oreilles. D’accord, c’est complètement tordu comme raisonnement, mais ce n’est pas … . Attendez une minute. Et si les choses ne s’étaient pas déroulées comme prévues ? Si le but de la manœuvre était plutôt de faire moi un légume, ou un être catatonique qui baverait en permanence et qui serait incapable de pouvoir communiquer par quelque moyen que ce soit. Ils n’auraient que des avantages. D’un côté l’assurance que leur secret ne sera jamais ébruité, et de l’autre ils n’auraient pas une goutte de sang sur les mains.
Me rendre amnésique n’était clairement pas dans leurs plans. Si cela aurait été le cas, leur mission aurait été accomplie. Ils m’auraient foutu une paix royale, et n’auraient rien eu à gagner en m’abattant. Bien sûr, c’est ça. Ils paniquent et sont sur des charbons ardents. Ce que craignent plus que tout ces gens, c’est que la mémoire me revienne et que je fasse un grand déballage qui sèmerait un joyeux bordel. A leurs yeux, je suis une grenade dégoupillée qui menace d’exploser à tout instant, occasionnant ainsi des dommages considérables et irréparables. C’est pour cela qu’on cherche à tout prix à me liquider au plus vite, avant qu’il ne soit trop tard. On dirait que les pièces du puzzle commencent à s’imbriquer. Ca peut paraître improbable et absurde, mais c’est la seule explication que j’ai trouvé qui me satisfasse. Bordel ! Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? En supposant que ce cas de figure où je suis la force de dissuasion, le flingue sans cran de sécurité soit le bon : je n’ai donc aucune raison de rester planqué. Je peux faire à peu près tout ce que je veux. Qui plus est, le fait que plus personne n’ait retenté de me faire passer de vie à trépas laisse à penser qu’ils ont perdu ma trace, et qu’ils doivent écumer chaque recoin des rues parisiennes pour me retrouver. Conclusion, cela voudrait dire que c’est moi qui bénéficierais de l’effet de surprise. Ca serait bête de ne pas en profiter, autant frapper un grand coup.
On ne gagne pas un combat en restant en défense. Stratégie élémentaire de tactique militaire. Retourner en Ukraine ? Non. Aussi tentant cela puisse paraître, agir de la sorte reviendrait à être un kamikaze se faisant hara-kiri. En toute logique, si une opération de nettoyage est en cours, ils doivent forcément avoir une zone de repli ou une espèce de base ici même à Paris. L’ambassade. C’est le seul confetti dans cette ville où le pouvoir Ukrainien s’applique sans être soumis à la juridiction française. Il n’y a pas de meilleur endroit pour relayer et faire transiter des infos en toute discrétion. Hum, un petit changement de plan s’impose. Exit le sac du bureau de ce cher Professeur Barnier. Je vais frapper plus haut. Bien plus haut. Comment vais-je bien pouvoir m’y prendre ? Là est toute la question. J’imagine que le dispositif de sécurité d’un hôpital, c’est de la gnognotte comparé à celui d’une ambassade. Je sens que je n’ai pas fini de passer des nuits blanches à m’arracher les cheveux, dans le but de trouver un moyen d’entrer dans ce bâtiment qui doit être encore mieux gardé et sécurisé que Guantanamo. Peut-être que l’inspiration me tombera dessus au moment où je m’y attendrais le moins ? Comme lors d’un footing ou d’un mano à mano avec Julie par exemple. Quelques brèves paroles, sonnant comme une imploration sur un ton supplicier, me font sortir de l’étrange état de léthargie et de torpeur dans lequel m’a plongé ce défilé de supputations.
D’un coup, l’agitation régnant dans le bar me paraît plus distincte. Comme si des boules Quies quittaient soudainement mes oreilles. « Te détruire ». Voilà les deux seuls mots, que je suis aux trois quarts sûr d’avoir saisi. Julie, ou l’autre nom pour l’abjection et la culpabilité. Je n’ai pas la naïveté de croire qu’une simple conversation un tant soit peu à cœur ouvert, puisse agir sur elle tel un processus de réassurance narcissique, mais j’avais néanmoins quelques espoirs que cela puisse l’aider à voir les choses sous un tout autre angle. Force est de constater, qu’elle ne mentait pas tout à l’heure lorsqu’elle affirmait être têtue. A croire que l’image qu’elle a d’elle-même, serait le reflet que lui renverrait un miroir déformant. Je secoue la tête de droite à gauche, puis laisse s’échapper quelques mots à voix si basse que l’on jurerait que je tiens à les garder égoïstement pour moi : « Il n’y a rien à détruite. ». Pour la simple et bonne raison que je suis une coquille vide. On m’a tout pris. Tout ravi. Tout arraché. Tout confisqué. Quand bien même on s’acharne et se donne du mal pour détruire des ruines et des gravas, au final cela restera à l’état de ruines et de gravas. Je n’ai strictement plus rien à perdre. Rien qui ne vaille la peine d’être saccagé. Ce qui n’est pas le cas de nos amis accoudés au bar. Pas besoin d’être un fin spécialiste des relations humaines pour deviner ce qui risque d’advenir, s’ils ne se ressaisissent pas et décident tout deux de camper sur leurs positions.
En plus d’aller une énième fois au clash et droit dans le mur, ils risquent de perdre gros si cette embrouille est la petite goutte d’eau faisant déborder le vase, qui doit déjà être bien rempli. C’est grosso modo ce que je dis à Julie, en lui exposant le fond de ma pensée de manière très détachée voire désinvolte, après que la demoiselle se soit fait la malle en claquant violemment la porte du bar derrière elle. Même si elle semble partager mon point de vue, Julie prend toute cette histoire beaucoup plus à cœur. Il n’y a qu’à lire la colère consumant et assombrissant ses beaux yeux clairs, pour en être convaincu. Outch, j’ai soudainement un mauvais pressentiment. De fait, il y avait de quoi. La blonde quitte la table afin d’aller mettre les points sur les i et les barres sur les t, à ce cher Marc. Jusqu’ici rien d’anormal, d’autant plus lorsqu’on connaît le caractère volcanique de la noceuse. Quand soudain, semblant crever le ciel et venant de nulle part, surgit une baffe magistrale. Ce Marc n’a pas l’air d’être un mauvais bougre, mais quelque chose me dit qu’il doit faire partir de ces gens ayant « l’alcool mauvais », comme on dit. Pas de videur ni de Monsieur muscles censé faire respecter l’ordre, et je vois mal le fluet barman ou les serveuses en jupe droite endosser ce rôle. Redoutant le pire, je me lève à mon tour et me poste à l’autre bout du comptoir, tel un Cerbère s’apprêtant à bondir sur un inconscient souhaitant s’aventurer dans les Enfers sans y avoir était invité.
A bonne distance et dans le dos de Julie, mais en plein dans le champ de vision de l’homme montant sur ses grands chevaux. J’espère seulement que cela suffira pour le dissuader de commettre une énorme bêtise, qui lui vaudrait à lui aussi plusieurs mois sans avoir le bonheur de faire des entre-chats ou des pointes. Sont-ce les mots virulents de la pompiste, ma présence guère sympathique et somme toute intimidante, ou un savant mélange des deux, mais toujours est-il que Marc baisse son poing rageur et ravale son acrimonie. Ne souhaitant pas davantage me mêler de ce qui ne me regarde pas, et n’ayant plus de raison de jouer les Kevin Costner prêt à défendre Whitney Houston, je retourne donc m’asseoir. Dos avachi et avant-bras posé sur le dossier de la chaise, je fais mine d’ignorer l’immanquable en regardant partout ailleurs. Ce qui est vraiment inutile, vu qu’il faudrait être sourd ou habiter en Uruguay pour ne pas entendre ce qu’ils se braillent dessus. Le danseur abdique en premier. Ses derniers mots avant qu’il ne prenne ses cliques et ses claques, me sont destinés. MST ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Pourquoi les français utilisent-ils tant d’acronymes et de sigles ? Ok, pour eux c’est sans doute plus pratique, mais pour nous autres les étrangers qui ne sommes pas livrés avec le décodeur, c’est quand même tout sauf commode. Le calme reprend petit à petit ses droits, et Julie revient s’asseoir comme si de rien n’était.
Elle serait de retour dans la salle après un passage par la case toilettes, ça serait la même chose. J’incline furtivement la tête suite à sa remarque, puis rétorque avec impassibilité : « Il n’est pas si différent du mien. Sauf peut-être pour ce qui est de la moindre part accordée à l’imper… l’intériorité. ». Oui, elle est incontestablement là, la différence principale entre Julie est moi. Elle est feu sous la glace, tandis que je suis l’inverse. Une dualité et une dichotomie parfaite. Les deux côtés d’une même pièce. C’est peut-être pour cette raison que l’on s’entend plutôt bien, alors que de prime abord, nos caractères sont diamétralement opposés. Mais ne dit-on pas que les contraires s’attirent ? Je pense que d’une certain façon … on admire ce que l’autre est, tout en sachant que jamais on ne pourra l’être. Une bien singulière et étrange complémentarité. Le bar semble doucement mais sûrement se désengorger. La pendule au-dessus de la porte d’entrée indique vingt-trois heures passées. Apparemment, le before vient de se terminer et la soirée peut commencer dans je ne sais quel boîte à la mode. J’ignore si c’est le fait d’être en plus petit comité qui y est pour quelque chose, mais voilà que soudain l’armure se craquelle : « Je crois que la mémoire n’est pas la seule chose que j’ai perdu suite à cet accident. La colère dont toi et Marc avez fait preuve. La manière qu’à cette fille là-bas, de rougir et de se sentir embarrassée par les compliments du mec en face d’elle. Les éclats de rires de ces businessmen, suite à la blague que vient de leur raconter celui qui n’a pas de cravate. Toutes ces choses je … je n’arrive plus à les éprouver ou les ressentir. ». Bon, vu depuis le temps que Julie me fréquente, j’imagine que j’enfonce des portes ouvertes en disant cela. Mon comportement abonde en ce sens. Elle devait donc forcément s’en douter, ou s’en être aperçue. Mais … cela fait tellement longtemps que je m’efforce de tout dissimuler et de garder le contrôle, que j’ai l’impression d’avoir partagé avec elle un secret inavouable. Une chose est sûre, je viens de lui fournir un bon marteau piqueur pour l’inviter à creuser encore plus. 2981 12289 0