la honte de ta vie

(by anaëlle)

Même sans le serre tête, Jaesun aurait accepté la requête de son amie mais il avait pris un malin plaisir à refuser rien que pour l’embêter. Il savait à quel point son emploi du temps était compliqué, s’ils parvenaient à se voir cinq minutes par ci par là c’était déjà bien. Alors s’il pouvait l’aider il le ferait avec plaisir. Puis il allait pouvoir passer un peu de temps avec elle avant qu’elle ne commence son show au moulin rouge. Cinq minutes de plus à ajouter mais il prenait volontiers. Il la connaissait depuis si longtemps qu’il ne se rappelait plus de la vie sans elle à ses côtés. Ça avait toujours été simple entre eux et il adorait leurs moments de complicités. Ils passaient parfois pour des gamins aux yeux d’autres mais ils s’en fichaient, eux s’éclataient dans leur petit monde et c’était tout ce qui comptait.

Profitant d’une journée libre, sans les remontrances de Victor, Jaesun s’était d’abord défoulé en faisant un footing avant de rentrer et se préparer pour sa mission du jour : aller chercher les précieux costumes d’Elsa. Il aurait pu y aller en fin de journée pour ensuite aller les apporter au Moulin Rouge mais il préféra assurer le coup et les prendre dès la fin de matinée. En récupérant les costumes Jaesun leva un sourcil devant l’air perturbé de la personne au comptoir. Croyait-elle qu’il était le propriétaire de ces vêtements ? N’avait-elle pas vu Elsa déposer les costumes avant ? Il aurait pu éclairer sa pensée mais n’en fit rien. Qu’elle s’imagine ce qu’elle voulait, ça n’était pas son problème.

Le sac dans les mains, Jae prit le chemin du retour, flânant comme à son habitude. Le soleil était enfin là et sa douce chaleur lui faisait du bien. Il rêvait déjà aux vacances et à la plage sur laquelle il s’étalerait en compagnie de ses amis. Seulement son rêve se retrouva bien vite effacé par une vision déplaisante. Devant lui s’éparpillaient les vêtements de son amie alors que le sac venait de lâcher. « Putain de merde, le sombre crétin ! » Horrifié, il se pencha pour récupérer les costumes affriolants. « Lui on sait ce qu’il fait de ses soirées… » entendit-il distinctement à ses côtés. Relevant vivement la tête, il croisa le regard de deux hommes leurs visages déformés par des moues dégoutées. « N..non mais c’est… c’est pas… oh et pourquoi j’me justifie ? » Ce n’était pas la première fois qu’il subissait ce genre de traitement. Les gens qui ne le connaissaient pas le regardaient souvent de travers lorsqu’il arborait des couronnes de fleurs ou des bijoux de tête. A force, il était habitué mais ça ne faisait jamais plaisir. Il n’avait pas honte de ce qu’il était. « Encore une folle de plus, quel ville de tordus » « Mais je vous emmerde ! » cracha-t-il à l’attention des hommes qui ne prirent même pas la peine de se retourner. Il n'avait rien d'une folle justement. Jamais il n'avait eu un comportement qui laisserait deviner sa sexualité. Les gens qui ne le connaissaient pas ne pouvaient absolument pas dire qu'il était autant attiré par les hommes que par les femmes. Il aimait juste s'amuser et laisser libre cours à son excentricité en portant des serre tête ou vêtements très colorés.

D'habitude très souriant, Jaesun était à présent énervé. En plus d’avoir été agressé par des abrutis, il venait de faire tomber les vêtements propres de son amie sur le trottoir. Il espérait vraiment qu’ils n’étaient pas tachés. Bon sang, il allait se faire tuer.

la honte de ta vie

(by anaëlle)

« Gabichounet ? » Un frisson parcoure son échine alors que la voix de sa petite sœur résonne dans le salon de thé. Il déteste les surnoms et encore plus quand c’est son abrutie de sœur qui lui donne. Lilas a toujours le chic pour trouver des trucs débiles et pas glamour du tout. Qui appellerait son frère Gabichounet à 21 ans ? Personne, sauf, la sienne parce qu’elle sait que ça l’emmerde mais qui lui dira rien. « Quoi Lily ? » répond-il les dents serrées. Gabriel ne veut pas s’engueuler avec elle sur son lieu de travail, et ce même s’il est quasiment vide à cette heure de la journée. Il n’y a qu’un habitué et lui. Le type ne semble même pas prêter attention à ce qui se passe autour de lui. « J’ai plus de thé à la mangue et fraise, tu veux quoi d’autre ? » Non mais c’est pour ça qu’elle l’appelle par ce sobriquet ridicule ! Encore une fois, il serre les dents et soupire. Gabriel ne comprendra jamais pourquoi elle continue de lui donner des surnoms ridicules alors qu’elle n’a plus quatre ans. Il pouvait lui pardonner lorsqu’elle était plus jeune mais maintenant c’était une autre paire de manches. « Bah fais moi un thé aux agrumes alors. Et pour l’amour de Dieu, arrête de m’appeler Gabichounet, ou tout autre surnom débile. » Alors qu’elle est à l’arrière-boutique, il l’entend glapir outrée par ses paroles. Il vient de jurer en utilisant le nom du Seigneur. Pour une pratiquante comme Lilas, le fait de dire ça est un blasphème. Pour Gabriel aussi, c’était le cas, avant qu’il ne se rende compte qu’il était gay. Même si sa famille l’avait accepté pour ce qu’il était, un homme qui aime les autres hommes, Gaby s’était éloigné de la religion. Il n’y trouvait plus ce qu’il cherchait quand il était plus jeune. Ça ne l’empêche pourtant pas d’aller de temps en temps se confesser parce qu’il a besoin de parler à quelqu’un et qu’il a toujours trouvé que les prêtres étaient des gens de confiance en dehors de leur devoir de silence après une confession. Gaby voit donc sa sœur revenir avec son thé et le poser assez violemment sur la table de sorte à l’éclabousser d’eau chaude pour se venger de son juron, parce qu’elle, contrairement à lui, elle ne s’était pas détournée de Dieu. Lilas a même fait vœu de chasteté. Truc que bien entendu son frère trouve bien dans un sens, mais complètement old fashion dans l’autre. Dans un sens, ça lui évite de tomber sur un connard, mais dans l’autre, elle se prive de sa jeunesse à cause de ça. Ses petits amis ne restent jamais assez longtemps parce qu’il les fait fuir, mais aussi parce qu’elle n’écarte pas les cuisses pour leur donner ce qu’ils cherchent. Gabriel remercie sa sœur et replonge dans les dossiers qu’il a amenés avec lui. Jean étant absent, il ne doit pas forcément passer toutes ses journées coincées derrière son bureau, mais il lui faut quand même travailler. Alors, il vient là où il se sent le mieux, dans le salon de thé de sa sœur. D’ailleurs, elle s’assoit en face de lui, un thé à la main et le regarde plancher sur les différents projets qu’il a sous les yeux. C’est apaisant de l’avoir si près de lui et ce même s’ils passent leur temps à se disputer. Au bout de quelques minutes, peut-être une heure, Gaby a fini et décide de laisser sa sœur bosser tranquillement. Le salon se remplit petit à petit et il libère sa place pour les futurs clients. « A plus la grosse. » la salue-t-il en partant avant qu’elle ne puisse répliquer. Un immense sourire s’affiche sur ses lèvres alors qu’il décide de marcher un peu avant de rentrer au bureau et de déposer son boulot devant l’ordinateur de son boss. Ses pieds le mènent dans le quatorzième arrondissement et il se retrouve à être le spectateur d’une scène qui le laisse sans voix. Comment peut-on être aussi abruti ? Il claque sa langue et bouscule les hommes qui se moquent gratuitement du jeune homme en détresse. Peut-être que cette histoire le touche plus que nécessaire parce qu’il est gay ? Non sûrement pas. Il a été élevé dans la tolérance et l’amour de son prochain, alors il l’aurait probablement aidé quand même. « Vous avez besoin d’aide ? » Gaby demande quand même avant de faire quelque chose et se penche pour récupérer un soutien-gorge affriolant bleu marine. Il le regarde avant d’observer le jeune homme en face de lui. « Sérieusement, avant de faire des conclusions hâtives, ils devraient regarder ce qu’il y a par terre. Ça se voit que c’est pas à vous… Parce que bon, sinon vous les cacher bien vos seins. » Même s’il se travesti ça fait beaucoup trop pour remplir simplement avec des seins artificiels.

la honte de ta vie

(by anaëlle)

En fonction des jours, Jaesun prenait plus ou moins bien les attaques. A force, il s'était habitué à entendre des murmures sur son passage et ça ne l’empêchait pas de continuer d’être fier de ce qu’il pouvait être ou porter. Lorsqu’il s’affichait avec un homme, il voyait les regards changer, quand il portait des vêtements trop colorés, certains rigolaient ou le critiquaient vivement, et si par malheur, il ajoutait à sa tenue quelques accessoires dans ses cheveux, les gens l’observaient comme s’il était une bête étrange. Lui, ça le faisait rire de voir à quel point ils pouvaient être coincés. Au début, il avait eu mal qu’on le juge rien qu’à son apparence mais après les années à vouloir s’assumer, il ne craignait plus rien. Il ne faisait même plus vraiment attention à ce que les autres pouvaient bien penser. Ses amis l’appréciaient et l’avaient accepté comme il le voulait, c’était tout ce qui comptait à ses yeux.

Aujourd’hui, Jae n’avait pas la patience de passer outre les remarques. Il était plus fatigué que d’habitude à cause de son travail et même s’il était de bonne humeur à l’idée de voir Elsa rien que cinq minutes, faire tomber ses affaires venait de tout ruiner. Il avait surtout peur de les avoir abimées. Puis voir les tenues aussi légères le perturbait. Parfois il oubliait que son amie dansait presque nue devant des yeux peu innocents. Les commentaires déplaisants n’avaient fait qu’accentuer son malaise même si, dans une autre situation, il aurait assumé. Là, tout s’embrouillait en lui.

« Vous avez besoin d’aide ? » Se pensant seul, Jaesun sursauta vivement en entendant ces quelques mots. Ses yeux se posèrent sur un homme blond avec un visage respirant la sympathie ce qui contrastait avec tous les autres passants présents dans cette rue. « C’est pas de refus… Merci beaucoup » dit-il tout en récupérant délicatement les affaires. « Sérieusement, avant de faire des conclusions hâtives, ils devraient regarder ce qu’il y a par terre. Ça se voit que c’est pas à vous… Parce que bon, sinon vous les cacher bien vos seins. » Relevant de nouveau le regard vers cet inconnu, Jaesun ne put retenir un rire. Il s’imagina directement avec les fringues sur lui et grimaça. Il était peut-être bisexuel, très fortement attiré par les hommes, jamais il n’était allé jusqu’à se travestir. Les seuls accessoires féminins qu’il possédait étaient des serre-têtes et un far à paupières noir pour maquiller ses yeux. Ça lui permettait de les agrandir un peu, les rendre plus intenses. « Quand j’enfile mes soutiens-gorge je les fourre avec des melons mais chut c’est un secret » dit-il en lissant son pull sur son torse tout plat.

Pliant les fameux vêtements avec une délicatesse forcée, il tenta comme il put de les remettre dans le sac abimé, ensuite, il se débrouillerait pour rejoindre son appartement sans plus faire de bêtise. « Plus sérieusement… J’vous invite à mon spectacle de transformiste pour vous remercier, ça vous tente ? » dit-il tout en essayant de ne pas rire. Il ne connaissait pas cet homme mais il avait réussi à rendre la situation un peu plus amusante et Jaesun lui en était vraiment reconnaissant alors il se laissa aller à une petite boutade. S'il venait à faire fuir le blond, il le regretterait sûrement, il avait l'air vraiment sympathique. « Mais avant, il faudrait que j’aille acheter des melons… J’ai mangé les derniers hier, j’suis dans la merde pour mon spectacle… » Doucement, il tenta un sourire et se redressa en tenant les vêtements précautionneusement. Il fallait qu’il vérifie qu'ils n'étaient pas tachés et un rapide coup d’œil à sa montre le rassura un peu. S’il devait les nettoyer, il avait encore un peu de temps avant de devoir les rapporter à Elsa. Encore fallait-il qu’il réussisse à effacer les tâches s’il y en avait.