Sujet: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 9/2/2016, 23:43
c'est le passé qui sonne à ta porte. EMMA & ICARE
Appuyé à la balustrade en fer forgé, je fume tranquillement ma clope, posté à ma fenêtre, en train de regarder les passants. J'expire la fumée, tout en observant un homme sur le trottoir d'en-face. Il est serveur dans un café, et il en est sorti il y a cinq bonnes minutes pour prendre un appel. Je le regarde perdre patience, il commence à piétiner. Ma curiosité maladive fait irruption et j'avoue que ça m'intéresse, j'aimerais bien être une petite souris et pouvoir écouter de quoi il s'agit. Je sors de ma rêverie et mes yeux se posent sur un groupe de pigeons qui s'entre-tuent pour un bout de pain. Je souris. Une fois ma cigarette terminée, je l'écrase dans le cendrier que je garde toujours sur le bord de ma fenêtre, puis je la ferme et me dirige vers le centre de la pièce.
Je vis dans un 20m², au quatrième étage d'un vieil immeuble en plein centre du Marais. C'est plutôt sympa, si ce n'est que l'absence d'ascenseur y est pour beaucoup dans le prix relativement correct de mon loyer. Mais bon, on ne peut pas tout avoir, et je les aime bien mes escaliers en bois aux marches inégales. Sur la liste des avantages, on peut mentionner l'existence d'un vrai lit, et non d'un clic-clac pourri. Les murs blancs ont été repeint juste avant mon arrivée, et il y a même quelques moulures au plafond. Le coin cuisine est plutôt bien séparé du reste, et le studio est assez spacieux étant donné que je voyage léger. Il y a peu de meubles, juste une table basse et quatre petits poufs qui l'entourent, et ma bibliothèque, remplie de bouquins. Il y a une vieille cheminée hors d'usage sur laquelle est posée ma télé, la grande fenêtre qui laisse entrer la lumière, et un tapis que j'ai acheté en arrivant, étalé sur mon parquet.
Alors je m'installe sur mon lit, mon ordinateur posé sur mes cuisses, et je fais le tri dans mes photos. J'en ai des tonnes, dans des dossiers éparpillés. Et peut-être que c'est le moment de ranger mon bordel, par lieux, par dates. Les photos de New York, celles du Québec, celles de Vegas... Je fais ça pendant une demie heure, quand j'entends sonner à la porte. Je n'attends personne, alors je me hisse simplement pour pouvoir regarder par la fenêtre. Sur le trottoir, devant mon entrée, je vois une jeune femme. Je presse le bouton qui ouvre la porte de l'immeuble. Revenant à mon ordinateur, je ferme celui-ci et le mets de côté, puis je prends rapidement un t-shirt blanc -qui ne jurera pas avec mon jogging bleu marine- dans mon armoire et l'enfile. Lorsqu'on toque à ma porte, je fais quelques pas vers celle-ci et l'ouvre, et je me retrouve nez-à-nez avec la jeune femme. Je lui adresse un petit sourire à la fois accueillant et interrogateur. Je ne crois pas la connaître, elle a des traits que j'ai l'impression d'avoir déjà vus, mais je suis certain que je ne la connais pas. J'ai tendance à bien me souvenir des personnes que je rencontre, mais cette fille est une inconnue.
PSEUDO : flingueur. (mais on m'appelle lily dans le stème-sy)
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 10/2/2016, 15:18
Retrouvailles
ft. Emma & Icare.
Je pianote sur mon portable, frénétiquement. Je ne sais même pas sur quel réseau social je suis. Le mec assis à côté de moi me lance un regard noir, signe évident que mes mouvements incessants le dérangent. Je fais comme si je n'avais rien vu - de toutes manières, je suis incapable d'arrêter. Je me mordille la lèvre, fait tressauter ma jambe, tripote mes cheveux, tout, pourvu que je ne reste pas immobile à attendre. Attendre. Ce que j'ai fait pendant dix ans. Et puis, d'un seul coup, tout s'est accéléré. Ça me donnerait presque mal à la tête, si seulement je savais ce qui allait arriver.
Le métro s'arrête dans un crissement familier, et je bondis dehors. Je suis impatiente et, en même temps, j'ai envie de retourner dans mon appartement, au chaud dans le seizième, et d'éviter la suite. Le Marais, je connais comme ma poche - comme tout paris - mais j'ai l'impression de ne plus reconnaître les rues, les bâtiments. L'air glacé hivernal me calme un peu, momentanément, le temps que je regarde pour la millième fois le sms de mon illustre cousin - j'aurai toujours du mal à me dire que Ménard, le grand Ménard dont je connaissais toute la vie, est de ma famille - m'a envoyé. Une adresse, cinq mots tout au plus, rien d'autre. Cette seule vision suffit à accélérer à nouveau les battements de mon cœur, et à me faire rater quelques respirations. Je marche, bizarrement, oscillant entre la course et le ralenti. Je finis par arriver devant l'immeuble. Je cherche l'étage, le front couvert de sueur. Lecomte. C'est marqué noir sur blanc, et je presse le bouton à côté. On m'ouvre.
Pas d'ascenseur, comme chez moi. Je grimpe les étages quatre à quatre, et l'adrénaline qui ne manque jamais de me gagner à chaque exercice physique me détend. Et puis, j'arrive sur le palier. Je respire, longuement, essaye d'avoir l'air sereine. Je sonne, prise d'une soudaine envie de partir en courant. Et s'il est différent ? Et s'il ne se rappelle pas de moi ? Et si -pire encore- il ne souhaite pas que je revienne dans sa vie ?
Un garçon ouvre. Il est brun, en jogging et T-shirt. Sa peau est étrange, comme s'il avait parcouru des kilomètres sous un soleil que, de toutes évidences, on ne trouve pas en france. Je croise son regard. Il ne me reconnaît pas, c'est clair. Mais c'est pas ça qui me fait rater ma respiration. Il a les yeux de la famille. « Icare ?»
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 10/2/2016, 19:35
Ses cheveux sont longs, jusqu'au milieu de son dos, et d'un brun soyeux. Elle a l'air très jeune, peut-être tout juste majeure, et je me demande bien où je pourrais l'avoir croisée. Je la regarde, elle semble être essoufflée, son corps tendu, presque crispé dans l'attente. On dirait qu'elle est en train de vivre un évènement exceptionnel, juste là, devant ma porte. Je me demande si elle ne s'est pas trompée, si c'est bien moi qu'elle voulait voir. Je vis seul, et le nom Lecomte figure sur la sonnette. J'imagine que des Lecomte il y en a un paquet à Paris, mais tout de même. Elle a obtenu cette adresse quelque part, et lorsqu'elle me regarde, j'ai l'impression de voir quelque chose de familier. Il faut croire qu'elle me connait, et que j'étais bien celui qu'elle cherchait. C'est une adolescente, juste là sur le palier, et je me creuse l'esprit, mais rien ne vient. J'essaye de sourire en attendant qu'elle dise quelque chose. N'importe quoi, mais quelque chose.
« Icare ? » J'entends sa voix prononcer mon prénom, et le son m'est inconnu lui aussi. Il y a pourtant quelque chose, dans l'articulation, la façon de s'envelopper autour des mots, le rythme des paroles et l'accentuation. Ca me rappelle le passé, quelque chose de lointain et de bien enfoui, et je n'arrive pas à y mettre des mots. Les images non plus ne vienne pas. Je n'ai que ce flou de paroles, et je ne sais pas d'où il vient. Mais clairement, cette fille me connait, et c'est bien moi qu'elle cherche. Je suis un peu déstabilisé. Si elle s'échappe de mon passé, comme je le pense, alors elle appartient à une autre vie, et je crains les minutes qui viennent. « Oui... ? » lui répondis-je, et l'interrogeant à la fois. Mon sourire s'efface un peu, et je la regarde en essayant de me concentrer, sans trop laisser paraître ma confusion.
Si je la connais, ça date d'avant mon départ, soit 7 ans au minimum, ayant quitté Paris à l'âge de 18 ans. Mais elle me semble si jeune, et rien n'a de sens à cet instant. Je suis perdu. « Je suis désolé » Je m'excuse. Sur son visage, je lis plusieurs émotions, comme si ce moment était important pour elle, et je m'en veux de ne pas être à la hauteur, de ne pas pouvoir lui donner quelque chose qui puisse égaler ce qu'elle ressent. « Est-ce qu'on se connait ? » Ca sort difficilement, comme si j'avais peur de la blesser avec ces paroles. Ce n'est pas le genre de phrase qu'on apprécie recevoir en pleine tronche, et pourtant je me dois de poser cette question. Je voudrais bien avoir un peu plus confiance en moi à ce moment-là, pouvoir admettre clairement que je ne connais pas son visage, et que c'est compréhensible. Que si elle faisait vraiment partie de ma vie, je saurais la reconnaître. Mais je m'en veux, et la tension qui est en possession de son corps semble raconter une toute autre histoire. Alors je garde la main sur la poignée de la porte, mais je m'écarte pour laisser un passage, lui donnant implicitement l'autorisation de pénétrer dans mon humble demeure.
PSEUDO : flingueur. (mais on m'appelle lily dans le stème-sy)
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 11/2/2016, 14:10
Retrouvailles
ft. Emma & Icare.
J'ai mal à la tête. Les scénarios stupides qui ont tournés dans mon cerveau depuis que je sais qu'il est là reviennent en force ; je t'ai imaginé mort, je t'ai imaginé en costard-cravate avec un flingue entre les doigts, j'ai même imaginé que tu ne serais pas là, et qu'une petite vieille allait m'ouvrir en grognant. Mais non. T'es là, devant moi. T'es encore plus beau qu'avant - et pourtant, personne n'aurait parié que c'était possible. Adolescent, tu avais été le modèle de ma vie, je me serai tuée pour mon frère. Tu as une courte barbe, t'es plus musclé, plus grand, trois fois plus grand au moins. Tu as vieilli, et ça me fait quelque chose de m'en rendre compte. Dix ans.
Tu as un sourire, interrogateur, qui me brise le cœur. « Oui... ?» Ta voix, elle, n'est pas si différente. Tu avais déjà mué quand tu es...parti. Je n'arrive pas, plus, à décrocher un mot. C'est vraiment trop cruel, comme situation. Je suis plantée sur le palier de mon frère, disparu de mon horizon depuis une décennie entière, et tu ne sais même pas qui je suis. Je ferme les yeux, trois secondes, le temps de m'y faire. « Je suis désolé. » Je sais que tu parles du fait que tu ne me reconnaisse pas, mais j'ai attendu ces trois mots depuis que j'ai deviné que je ne te reverrai pas, quand j'avais à peu près quatorze ans. « Est-ce qu'on se connaît ?» Tu as l'air de s'en vouloir de me poser cette question. Tu t'écartes même, comme si tu voulais se faire pardonner, pour que j'entre. L'unique seconde où on se frôle me donne envie de pleurer.
Je jette un coup d’œil à l'intérieur, rapidement. C'est simplement meublé, un peu à l'arrache. Je me retourne vers toi avec une boule dans la gorge. Je suis censée répondre quoi ? "Je suis ta sœur" ? Je respire. « Je, euh... je m'appelle Emma. » Le compte-goutte d'informations m'a toujours horripilée, mais je veux, j'ai besoin, de voir une lueur de compréhension dans tes yeux. « Tu es mon frère. » J'ai une douceur dans la voix que je n'aime pas. Tu es mon frère, et tu m'as abandonnée.
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 11/2/2016, 23:33
Je suis là, devant ma porte ouverte, face à cette inconnue, et j'ai l'impression de me retrouver dans un film. Ce genre de film indépendant à la fois romantique et dramatique et plein d'espoir et de mélancolie, et de quelques rires. Quand je m'écarte pour la laisser entrer, elle fait quelques pas et son épaule touche la mienne. C'est une proximité qui ne la gêne pas, et je me dis que c'est étrange, à quel point elle est confortable, à quel point elle semble être à sa place. Je la regarde observer mon intérieur, passer son regard sur mes quatre murs et les meubles qui se trouvent dans mon studio. Elle se tourne alors brusquement vers moi, et je plonge une fois de plus mon regard dans le sien. Elle semble mal à l'aise, comme si quelque chose devait sortir de sa bouche, mais ça ne venait pas, ça ne voulait pas. « Je, euh... je m'appelle Emma. » Elle lâche enfin sa bombe, et elle n'a pas besoin d'en dire plus. Il y en a des milliers, des Emma. Mais le prénom amène à moi l'image de ma soeur, ma soeur de 9 ans, le soir où je l'ai lâchement abandonnée. Je revois Emma, ses yeux si bleus et ses cheveux foncés, et cette image se superpose soudain à la réalité, et je comprends. Ma soeur est là. Ma soeur que j'ai abandonnée, que je n'ai pas vue depuis 10 ans.
« Tu es mon frère. » Je ne sais quoi dire, je l'avais deviné, mais entendre ces mots sert de confirmation. Je referme la porte derrière moi sans quitter Emma des yeux. Je la regarde, je vois comment elle a changé. Comment j'ai quitté une enfant et je retrouve une femme. Je ne me pose aucune question, je n'y arrive pas. Je ne cherche pas à savoir comment elle est arrivée ici, comment elle a eu mon adresse. Ma soeur est là. « Je... Je sais pas trop quoi dire » je lui avoue en passant une main dans mes cheveux pour me donner un peu de contenance. C'est horrible, et je m'en rends compte. Je l'ai abandonnée. « Tu m'as manqué » dis-je, et le pire, c'est que je ne suis pas certain que ce soit vrai. Elle m'a manqué, terriblement, mais j'ai une autre vie aujourd'hui. Je ne sais pas où elle se place dans ce que j'ai construit.
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Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 13/2/2016, 14:25
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ft. Emma & Icare.
J'ai envie de partir. De tout planter là, de lâcher un désolée, c'est une erreur et de pas avoir à affronter la réalité, cette réalité. Mais je reste là. Immobile dans ton salon, le salon de mon frère. Quand j'avoue à mi-voix mon prénom, je distingue ce quelque chose, dans tes yeux, qui fait si mal et si plaisir à la fois. Ma seconde phrase est inutile, tu as déjà compris. Tu refermes la porte et je ne peux qu'attendre, qu'essayer vainement de soutenir ce regard dont j'ai rêvé, même longtemps après ce petit matin, à la gare, quand tu es parti. « Je... Je sais pas trop quoi dire. » Je hoche la tête, compréhensive. On est censé faire quoi, là ? Se serrer dans les bras et se prendre un café ?
« Tu m'as manqué ». Un joli mensonge. Un joli demi-mensonge, d'accord. Toi aussi, tu m'as manqué, au début. J'attendais, naïve comme l'enfant que j'étais alors, que tu reviennes. Un voyage, dans mon esprit, ça durait deux semaines maximum, la durée où on partait avant en famille aux quatre coins du pays et du continent ; alors, le soir de la fin de la deuxième semaine, j'avais même préparé le repas, du haut de mes neuf ans, un truc pas très compliqué qui m'avait pris l'après-midi. J'avais insisté pour laisser la télé allumée, y avait un match, ce soir-là. Maman avait souri, elle y croyait déjà plus, je crois. Et j'avais attendu. Longtemps. Les heures s'étaient transformées en jours, en semaines, en mois. En années. J'avais arrêté d'attendre. T'avais arrêté de me manquer. J'ai bâti ma vie, comme je l'entendais, comme je la rêvais, et j'avais gardé une place pour toi, dans mon inconscient, mais sans y croire. Et je n'osais pas imaginer que moi, j'aurai pu te manquer plus que ça. Au début, oui, bien sûr, comme, sans doute, la maison, la bretagne, les soirées avec la cheminée et le chien, les après-midi télé ou jeux de société en famille, les matches au stade. Et puis, ça avait dû se dissiper, comme le reste. Comme moi, au final.
J'ai un sourire douloureux. « C'est gentil » C'est là que je me rends compte que je t'en veux encore. Je baisse les yeux, cherche un point où accrocher mon regard. Je m'éclaircis la voix. « Tu es devenu quoi, depuis...depuis le temps ? » "Depuis dix ans" aurait sans doute été trop agressif. Je sais que je suis à deux doigts de fondre en larmes, et je joue ma plus familière carte, la sans-cœur sûre d'elle.
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 13/2/2016, 16:23
Tu m'as manqué, que je lui dis. Mais pas le genre de manque qui te brûle les entrailles et te bouffe le coeur, si bien que tu n'as qu'une envie, c'est de sauter dans un avion pour voir la personne qui te manque tant. Non, c'était un manque différent, des situations qui me rappelaient Emma, une chanson à la radio qui me transportait en enfance, un match de foot à la télé, deux gosses qui nous ressemblent. Ce genre de moments qui font surgir des souvenirs, et là je me retrouve à regretter de ne plus être à ses côtés. Ou quelque chose qui survient, et je me dis "il faut que je raconte ça à Emma !" avant de me souvenir qu'Emma ne fait plus partie de ma vie. Alors je suis déçu pendant quelques heures, mais je m'en remets rapidement.
Alors, ce que je lui dis, ce n'est pas l'exacte vérité, mais je n'ose pas faire face au fait que je l'ai laissée seule, et que j'ai refait ma vie sans grande difficulté. Au fait que n'ai pas souffert de son absence. C'est terrible, c'est horrible, mais c'est la vérité. Elle m'a manqué, un peu comme un ami de lycée qu'on perd de vue parce qu'on emprunte chacun notre propre voie. J'avais emprunté ma voie, et j'avais du laisser Emma derrière. « C'est gentil » elle me dit, un sourire étrange sur le visage. Puis elle baisse le regard. Je m'en veux terriblement, j'ai l'impression de l'avoir frappée en plein coeur. Même si son expression ne le dit pas, il y a une tension dans son corps,et ça me tue. Je ne connais pas cette jeune femme, mais je connais très bien la fillette de 9 ans, et je suis vraiment le pire des enfoirés pour lui avoir fait ça.
« Tu es devenu quoi, depuis...depuis le temps ? » me demande-t-elle alors. Je me mords la lèvre inférieure. Ca fait dix ans que je suis parti comme un voleur, dix ans qu'on ne s'est pas vus. Ce que je suis devenu ? Je suis une autre personne, j'ai une autre vie, je suis un adulte, un homme. je passe ma langue sur mes lèvres, essayant de trouver mes mots, ne sachant pas par où commencer. Dix ans. Je pourrais lui écrire un roman, ce serait peut-être plus simple. J'attrape à nouveau ma lèvre entre mes dents, hésitant toujours et encore, passant nerveusement mon pouce sur l'ongle de mon index. « J'ai vécu un peu à New York, j'ai voyagé, je suis tombé amoureux mais... c'est fini maintenant » Je termine là-dessus, les souvenirs se collant à moi et m'empêchant d'élaborer. Le manque, c'est ça le vrai manque. Je ne sais même pas comment j'ai pu, comment j'ai été capable de l'évoquer, de penser à lui et de parler à haute voix de nous. J'ai l'impression de me faire violence, alors je regarde à nouveau Emma avec un peu plus de concentration, sans laisser mon regard partir dans le vide. « Et toi, tu... Tu fais quoi ? Des études ? » Je lui adresse un sourire, essayant de me tirer des pensées peu joyeuses qui venaient de m'atteindre. Je suis réellement intéressé. Emma est ma soeur, et elle est juste là, alors mon dernier souhait serait de la perdre.
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Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 14/2/2016, 16:46
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C'est fou ce que les souvenirs remontent quand la boucle est bouclée. En temps normal, je n'aurai jamais repensé à tout ça, aux soirées où j'ai attendu, à celle où j'avais préparé le repas. C'est fou d'être au milieu de la situation qui a guidé votre vie pendant si longtemps, et de se remémorer tant de détails insignifiants.
C'est à peu près là que je me demande si tu sais. Si tu as conscience que je t'ai cherché, moi, que j'ai traqué une famille dans Paris sans être sûre qu'ils aient un lien avec toi, que j'ai amadoué l'un des footballeurs que j'admire le plus au monde pour qu'il accouche de ton adresse. Que j'ai fait la moitié du chemin qui mène ici, des dizaines de fois, mais que j'ai jamais eut le courage de venir frapper à ta porte.
En posant cette question, du "tu es devenu quoi", je ne sais pas à quoi m'attendre. Je sais juste que tu as quitté la France, ce qui a expliqué partiellement la difficulté de mettre la main sur toi ou sur quelqu'un qui te connaît, de près ou de loin. Tu cherches tes mots en t'humidifiant et en te mordant les lèvres. Tu faisais déjà ça ado, et ça faisait enrager notre mère. « J'ai vécu un peu à New York, j'ai voyagé, je suis tombé amoureux mais... c'est fini maintenant » Je dois me retenir pour ne pas lever un sourcil interrogateur. Amoureux, ça, je m'en doutais, mais pourquoi est-ce que ça a l'air si douloureux ? Je ne sais pas ce que ça fait. J'ai jamais souffert avec les mecs. Enfin, à part avec toi, bien entendu.
Je pose pas de questions. C'est pas le moment, et on est pas assez proches pour que je puisse t'aider d'une façon ou d'une autre. « Et toi, tu... Tu fais quoi ? Des études ? » Tu as un sourire qui sonne faux. Ça a dû être dur. Quoi qu'il se soit passé, tu t'en es de toutes évidences pris plein la gueule. « Oui. Je veux devenir journaliste », je dis avec un sourire. Je te regarde un moment, et je sens les larmes, de rage, de tristesse, de manque, se presser derrière mes paupières. Faut que je parte d'ici. « Tu veux pas sortir ? Je connais un café pas loin. » Même si être attablée avec toi dans un café parisien ressemble à une situation assez risible, je e pleurerais pas en public, et je ne te mettrai pas une gifle non plus.
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 14/2/2016, 22:41
Parler de lui me tue un peu, mais ça va, ça va aller. Ca me fait mal de l'évoquer ainsi, si brièvement, au milieu de cette conversation avec une Emma qui je ne connais pas. Je me dis qu'il mérite tellement mieux que ça, il mérite qu'on parle de lui à longueur de journée, qu'on écrive des chansons à propos de lui, qu'on parle de lui, encore et encore. Mais je reviens à la réalité. Ma soeur est là, et je ne peux pas lui parler, je ne la connais pas. Je ne sais pas qui est cette fille. Elle pourrait très bien me détester à présent. Détester ce que je suis devenu. Ma vie la regarde à peine. Et je ne peux pas étaler devant elle mes blessures. Je fais bref, je lui réponds honnêtement mais de la manière la plus courte possible, sans aucun détail. Je ne mentionne même pas son prénom, rien. Juste que ça a existé, et que maintenant ça n'existe plus. Je crois que c'est assez pour définir les dix dernières années de ma vie.
Elle ne réagit pas, ne répond pas. Je ne sais pas où me mettre, cette fille est une inconnue et pourtant elle essaye de creuser au fond de moi pour savoir ce qu'elle pourrait y trouver. Peut-être qu'elle cherche le regret et le chagrin ? Je ne sais pas. Elle reste là silencieuse, et j'imagine qu'à sa place je ferais la même chose. Il n'y a rien à dire, rien à ajouter. Elle ne peut pas commenter, il n'y a pas d'avis à donner sur ma vie, ou de mots de confort. C'est un peu trop tard pour ça, de toute façon. Alors je lui pose la question à elle cette fois-ci, essayant de sourire pour masquer -non, effacer- ma peine. « Oui. Je veux devenir journaliste » qu'elle me répond. Mon sourire s'élargit. Elle a de l'ambition ma soeur, et elle sait ce qu'elle veut. Je la reconnais un peu, et ça me rassure. Je réalise que je suis heureux pour elle, de savoir qu'elle a un but, et que clairement, il n'y a aucune raison pour qu'elle ne l'atteigne pas. Et quand elle me regarde, elle n'a pas l'air tout à fait bien. Elle ne dit rien à ce sujet, et je ne veux pas la brusquer ou la mettre mal à l'aise, alors je fais comme si je ne voyais rien. Je lui laisse son moment, bien évidemment. Et j'attends qu'elle parle. « Tu veux pas sortir ? Je connais un café pas loin. » Ca me surprend un peu, mais au final, je comprend qu'il faut de l'air entre nous. J'en avais besoin, et s'asseoir dans un café peut être une bonne idée. Je hoche la tête. « Oui bien sûr, je connais bien le quartier, mais si t'as ton lieu de prédilection, je te suis » je lui réponds, essayant de la faire sourire. « Deux secondes » lui dis-je. Je cours dans la salle de bain et enfile un jean à la place de mon pantalon de jogging. Je resort de la pièce, mets des chaussettes et mes bottes, puis je me glisse rapidement dans mon manteau. J'enfonce mes papiers et mon téléphone dans mes poches, attrape la poignée de la porte que j'ouvre en grand, et je me décale pour la laisser passer. « Honneur aux dames ? » Je souris, un peu gêné, tentant avec toute la maladresse que je porte de détendre l'atmosphère.
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Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 19/2/2016, 16:06
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Une partie de moi, la plus malsaine et la plus journalistique sans doute, voudrait savoir dans l'immédiat ce qui s'est passé. J'ai voyagé, tu as dit. Il ne m'en faut pas beaucoup plus pour imaginer une histoire digne d'un film, avec rebondissements épiques et histoire d'amour en fond sonore. La fin a dû être atroce, mais je n'arrive pas à être déjà assez attachée à toi pour réellement en éprouver de la compassion.
Ma proposition de sortir, et surtout ton accord, me soulagent. J'étouffe intérieurement, brusquement, dans cet appart. C'est atroce. Tu finis par t'échapper, et je dois retenir de toutes mes forces cette fameuse "part" manipulatrice et commère pour ne pas fouiller. N'importe quel objet peut me donner des infos, rien que sur l'endroit où tu t'étais caché durant tout ce temps. Mais je ne peux pas. Une barrière m'en empêche. C'est mon frère. Tu n'es pas un de ces étudiants aux secrets inavouables mais insignifiants, qui ne m'intéressent que trois secondes. Si je suis là, à affronter un passé qui ne me plaît pas plus qu'à toi, c'est en partie parce que je veux retrouver cette ombre rassurante, ce gardien protecteur que tu avais été dans le temps. Je n'ai plus besoin d'un modèle, juste d'un frère, et ce n'est pas en tripatouillant tes papiers que je vais y arriver.
Tu finis par revenir. « Honneur aux dames ?» Je ris doucement. Ça sonne un peu faux, un peu blessé et blessant, mais tans pis. Une fois à l'extérieur, je respire, avec l'impression de m'être retenue tout le temps qu'à duré notre échange. On marche côte à côte dans les rues presque désertées à cause du froid, comme un vieux couple d'amis. Le café auquel je pensais n'est pas bien loin, à cinq minutes. Il est minuscule, constamment bondé, et les serveurs sont beaux gosses. J'ai une brutale envie de parler de nos parents, et je me demande ce que tu sais d'eux. Tu étais leur préféré, autrefois, et ça ne m'étonnerai presque pas que Papa t'ait recontacté après être parti. Moi, je l'ai perdue de vue. J'ai perdu de vue deux des trois membres de ma famille, et c'est moi qui ai abandonné la troisième. J'ai une boule dans la gorge, que je tente maladroitement de dissimuler. « C'est là. Ça te va ? » Mais ça ne suffit évidemment pas à effacer la culpabilité.
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 20/2/2016, 23:37
J'aurais aimé être à l'aise face à elle. Emma, ma soeur. J'aurais aimé pouvoir la regarder comme je regardais ma petite soeur dix ans plus tôt. Mais elle est une autre personne, et moi aussi j'ai changé. C'est une situation impossible dans laquelle je me retrouve. Je me change en vitesse, la laissant là en plan, au milieu de mon studio, ne craignant pas vraiment son regard sur mes affaires, sur ma vie. Il n'y a rien d'intéressant à voir ici. Pas de posters de foot, comme sur les murs de ma chambre, la chambre qu'elle a connue. Pas de ballon signé posé sur une étagère, pas de bibliothèque s'effondrant sous le poids des coupes gagnées à divers championnats. Puis je reviens, je traverse la pièce et lui ouvre la porte. Elle rit. Je ne sais pas quoi en faire, de ce rire. Il sonne un peu faux, une réponse en cohérence avec ma tentative de détendre l'atmosphère. J'aimerais pouvoir rire moi aussi, mais même moi je n'y crois pas, au comique de ma remarque. Alors on sort, on passe la porte de l'immeuble et une fois sur le trottoir, c'est un peu plus facile. Le trottoir, c'est un endroit neutre. Il y a les autres, les trucs crades sur les pavés, les poubelles qui débordent, les pigeons qui se battent, et ça fait du bien. Il y a peu de monde dehors, il fait froid. Je ferme mon manteau, serre mon écharpe. Et je marche à côté d'elle, en silence, sans rien dire. On marche cinq minutes. Je la suis, et j'avoue que je suis curieux de savoir où elle me traîne. Je connais le quartier, c'est le mien après tout. Mais cette fille, c'est Emma, et je veux savoir le genre d'endroits qu'elle fréquente Emma.
« C'est là. Ça te va ? » Je jette un oeil au café, je le connais de vue, mais je n'y ai jamais mis les pieds. Je me tourne vers Emma et je lui souris. « C'est parfait » je réponds en ouvrant la porte. J'entre, et je tiens la porte pour la laisser passer à son tour. Je regarde derrière le bar, et je croise le regard du serveur. Il a un tablier noir serré à sa taille, et je remonte mon regard vers son visage. Je me retiens de me tourner vers Emma et de faire un commentaire pour complimenter le physique du jeune homme. Puis je me souviens que c'est ma petite soeur, juste là, et que non je n'ai pas envie de lui faire partager mes goûts en matière d'hommes. « On se met au fond ? » je lui demande, en me dirigeant vers une table disponible. Je m'y installe, et à nouveau je me mets à mater le barman et j'apprécie de le voir tripoter la machine à café. Et je regarde Emma, et je vois cette jeune femme et je me dis pendant un instant qu'elle aussi, elle doit regarder les garçons de cette façon. Et c'est étrange, c'est dingue, parce qu'elle n'est qu'une gamine de neuf ans dans mes souvenirs, et là... Emma est une jeune femme, et j'ai tout raté, toute sa vie, son premier petit ami, ses chagrins d'amour, les conversations le soir alors qu'elle me demande des conseils sur tout et n'importe quoi. C'est terrifiant. Le serveur vient à notre table. « Un expresso s'il vous plait » je lui commande, avec un sourire, et je me tourne vers Emma, l'interrogeant du regard.
PSEUDO : flingueur. (mais on m'appelle lily dans le stème-sy)
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 22/2/2016, 18:05
Retrouvailles
ft. Emma & Icare.
La situation est étrange. Comme une chaise bancale mais qu'on a réparée, on sent que quelque chose cloche, que c'est pas naturel, mais on ne peut pas vraiment mettre le doigt dessus. Une fois dans le café, protégés du froid polaire de paris en hiver, je me détends encore plus, mais sans parvenir à effacer ce quelque chose de gênant. Au final, c'est pas compliqué. Je suis assise dans un café parisien, avec mon frère. Dans un café avec mon frère. Un regard vers le serveur me confirme que le gérant n'a pas changé d'avis. Toujours aussi mignons. Et je tourne les yeux vers toi, et je capte ton regard vers le mec. Des mecs qui en regardent d'autres, ça n'a rien de spécial, mon propre meilleur pote le fait, même si c'est pour se plaindre que "paris a changé" derrière. Mais c'est pas ce genre de regards. Là, c'est pas un regard qui se demande pourquoi il est là alors qu'il a l'air plutôt jeune, ou qui s'agace - c'est tellement fréquent dans cette ville - de son manque de réactivité. C'est plutôt un regard intéressé. Je balaye la conclusion naissante de mon cerveau. Toi, le si populaire Icare Lecomte, roi de tous les établissements que t'as fréquenté, les filles de toute la ville à tes pieds, homosexuel ? L'idée ne me dérange pas, mais elle me paraît si saugrenue que je me convainc, en moins d'une seconde, que je me fais des films.
On est installé au fond. Vu qu'on est bien, mon envie de te questionner sur nos parents me reprend. Le beau gosse finit par arriver. « Un expresso, s'il vous plaît. » Tu te tournes vers moi. Je souris au serveur, déjà dans le jeu de la séduction. « Un cappuccino pour moi. » Il repart, et je me surprend à penser que, si ces dix années s'étaient déroulées normalement, on serait peut-être quand même assis ici, l'un en face de l'autre, moi déjà étudiante, et toi encore supérieur dans l'expérience. On aurait parlé de n'importe quoi, de football, de sport tout court, des études, si longues, de nos petits soucis pas vraiment importants. Au lieu de ça, on se regarde comme deux inconnus, et le pire, c'est que c'est pile ce qu'on est.
Je finis par me jeter à l'eau, incapable de me retenir. « Est-ce que tu as revu Papa ces dernières années ? » Ma voix a un fond plaintif, douloureux. Le brutal souvenir de cette nuit-là, où, au lieu de rentrer à l'hôtel comme convenu, je suis restée dans paris en traînant mes larmes de rage de voir ma famille se diviser depuis tant de temps, me revient. J'en ai gardé un souvenir si douloureux et si intense que je serre inconsciemment le bord de la table de mes doigts, je sens même mes jointures blanchir. C'est de cette nuit que je tiens mon amour de paris. Toi, tu étais déjà loin, tu n'avais même pas connu les petites-amies qui défilaient. Je ne sais pas à quoi m'attendre, comme réponse. Je ne sais même pas ce qui serait le pire : que notre père t'ait aussi oublié, ou qu'il ait daigné te contacter et pas moi.
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 23/2/2016, 20:55
Je souris au jeune homme, je ne peux m'en empêcher. Puis je me souviens soudain qu'Emma est là, ma petite soeur, et ça me fait bizarre. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression de faire quelque chose qui défie les lois de ce qui est bien ou non de faire sous les yeux de sa soeur. Je l'interroge du regard, la laissant passer sa commande. Je veux que ça aille vite, j'ai besoin de me débarrasser du serveur. C'est un élément perturbateur, quelque chose qui ne fait pas partie du tableau. Un personnage qui n'a rien à faire dans l'histoire. Cette histoire, c'est celle de notre famille. Emma et Icare. Ce gars n'a rien à y faire. Je reviendrai un autre jour pour m'occuper de lui, lui adresser des sourires et demander un chocolat avec beaucoup beaucoup de chantilly. « Un cappuccino pour moi. » commande Emma. Il y a quelque chose de rassurant là-dedans, je ne sais pas pourquoi. Un cappuccino, c'est rassurant. Et pourtant je la vois sourire au serveur, et tout à coup c'est un scénario catastrophe. Je crois que quelque part sur le chemin j'ai oublié qu'elle n'était plus une enfant. Mais ça me choque, de la voir agir avec lui comme je le fais moi. Je baisse les yeux, perturbé, puis je souris une dernière fois au serveur qui s'éloigne, comme voulant effacer les regards d'Emma.
« Est-ce que tu as revu Papa ces dernières années ? » La question me fait oublier ce petit moment de panique, et à la place s'installe une ambiance lourde, et une boule dans mon estomac. Quelque chose d'inconfortable, autant entre nous deux, qu'au fond de moi. Je me mordille la lèvre, et je sais que ça doit l'agacer, mais ça m'importe peu. Papa. J'aurais pu ricaner si mes entrailles ne se tordaient pas si atrocement. Je ne sais pas ce qui est pire, que lui n'ait pas cherché à me revoir, ou que ce soit moi qui ai disparu, refusé de même essayer. Je secoue lentement la tête. « Non, je... » Je ne sais pas quoi dire et ma voix s'éteint. Puis je tente de formuler quelque chose. « J'ai coupé les ponts avec tout le monde » je lui dis, et je sais que ça doit faire mal, car ce tout le monde, c'est elle. Mais je lui dois au moins l'honnêteté. Je ne veux pas lui mentir, elle mérite mieux que ça. Je chuchote la suite, ayant du mal à l'avouer. « J'ai été égoïste » et je baisse le regard, avant de brusquement le relever vers ses yeux azurs. Je n'ai pas le droit d'éviter son jugement. Je suis un grand garçon, capable d'assumer mes erreurs. « Et toi... tu... tu es restée ? » J'ai du mal à poser la question, à me dire que peu importe la réponse, ça fera mal. Si elle a abandonné ma mère comme je l'ai fait moi-même, ou si elle est restée, s'est battue. Ce que je n'ai pas eu le courage de faire. Pendant que je me perds dans mes souvenirs, le serveur revient et dépose nos deux tasses sur la table. Il sourit à chacun de nous, un sourire honnête, poli. Puis il repart se cacher derrière le bar, et je le suis des yeux, le regard un peu vide.
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Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 25/2/2016, 12:42
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Je ne le perçois pas réellement, mais je sais que tu fais attention à ce que tu fais devant moi. Il faut dire, j'ai pas essayé de t'empêcher de culpabiliser, en grande partie parce que je t'en veux. Une partie de moi, minuscule mais réelle, voudrait te mettre une gifle et ne plus entendre parler de toi, parce que je sais d'avance, et tu dois t'en douter aussi, qu'on est à un croisement de nos vies respectives et qu'elles changeront après ces retrouvailles. Je n'ai pas ces scrupules. J'ai passé dix ans à me convaincre que ce n'était pas de ma faute, sauf pour Maman. Je sais que si je la joue naturelle, je garderai une façade à peu près présentable. Question d'habitude.
Ma question te stoppe brusquement. Même moi, je m'arrête de respirer, je crains la réponse autant que je la désire. Elle se fait attendre, ta réponse. « Non, je... » Ta voix s'éteint et je recommence à inspirer. Non. On est à égalité. « J'ai coupé les ponts avec tout le monde. » Je hausse un sourcil presque railleur. Oui, je m'en suis rendue compte.« J'ai été égoïste. » Quelque chose se révolte en moi, je n'ai pas le droit de te torturer comme ça. Tu t'en veux, je l'ai vu, maintenant, et pourtant, je te laisse patauger dans tes justifications. Si tu savais. Si tu savais que, si j'avais été plus âgée, je serai partie avec toi aussi. Que je t'en veux aussi parce qu'en plus de me laisser dans le bordel monstre de la maison, tu ne m'as pas emmenée avec toi. Je reste dure, muette. « Et toi... tu... tu es restée ? » Le serveur revient pendant que je cherche mes mots. Il m'adresse un sourire que je ne vois pas. Mes doigts s'enroulent d'eux-mêmes autour de la tasse brûlante. « Oui. Je suis restée. » Ma voix est trop tranchante. Je tousse pour l'éclaircir, reprend. « Papa est parti avec une de ses copines, pas... pas longtemps après toi. » Je bois pour me donner une contenance en me félicitant de ne pas avoir pris d'alcool. Les larmes me montent aux yeux, autant à cause de la boisson brûlante qu'à cause de ce que je vais dire. « Je n'ai quitté Maman qu'il y a quelques mois, pour venir ici. » Je plante mes yeux dans les tiens, j'essaye de trouver un brin de courage. « Moi aussi, je l'ai abandonnée. » Et moi aussi, grand-frère, j'ai des choses à me reprocher. Tellement, tellement de choses.
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 28/2/2016, 21:15
Elle me demande si j’ai revu notre père, et je n’arrive pas à lui répondre. Pas tout de suite. Ca me fait mal, parce qu’au fond, je sais d’avance ce que ça veut dire pour elle. Elle non plus, elle ne l’a pas revu. Je le sais déjà. Au moins, elle ne m’en voudra pas pour ça, pour avoir continué à lui parler à lui. Lui qui a été la cause de tout ça, lui qui a tout cassé. Lui, la raison pour laquelle je suis parti et la raison pour laquelle on est là aujourd’hui, tous les deux. S’il n’y avait qu’une personne à blâmer dans cette histoire, ce serait lui. Mais ce serait bien trop simple, et si je n’avais pas ma part de responsabilité, je ne sentirais pas cette espèce de boule dans mon ventre, comme un poids, quelque chose qui m’empêche d’être moi-même, qui m’empêche de m’ouvrir à elle comme j’aurais pu le faire si j’avais été libre. Je m’excuse, je lui dois bien ça. Au moins ça. Encore des excuses. C’est comme si je ne faisais que ça depuis que je l’ai trouvée à ma porte. Mais elle le mérite, et je m’excuse. Et toi tu es restée, je lui demande. Comme si elle avait eu le choix. Je suis un imbécile. Bien sûr qu’elle est restée. Elle n’était qu’une gosse et je l’ai abandonnée au pire des âges, et je n’étais pas là pour elle quand elle en avait besoin, et qu’est-ce que j’ai été con. J’aurais dû l’emmener avec moi. Je ne sais pas si on serait allés bien loin, tous les deux, on aurait sans doute jamais pu mettre les pieds dans le train. Mais au moins j’aurais fait tout ce que je pouvais. Et peut-être que moi aussi je me serais retrouvé coincé avec eux, mais on aurait été tous les deux. J’aurais été là pour elle, et là, tout de suite, je me demande pourquoi je suis parti. Est-ce que ça valait vraiment le coup, sans elle ? Je ne sais plus. Je la regarde hésiter un peu, comme moi il y a quelques secondes. « Oui. Je suis restée. » Elle m’offre une réponse que je connais déjà. Et elle tousse. Comme pour faire passer la chose un peu plus facilement, comme si cette réponse ne cachait pas si ridiculement le fait qu’elle n’avait pas eu le choix. Que je l’avais laissée enfermée là-bas.
« Papa est parti avec une de ses copines, pas… pas longtemps après toi. » Ca ne me surprend pas. A vrai dire, je m’y étais attendu, avant même de partir, je savais que ça arriverait. Je crois que si je suis parti au moment où je l’ai fait, c’était pour éviter de voir ça. Pour emporter avec moi l’illusion que ma famille était entière. Alors ce qu’elle me dit ne brise pas le rêve, je m’y attendais. Elle boit, je la regarde en silence. Puis je l’imite. Ses yeux sont humides et je fais comme si je ne voyais rien. Une part de moi se doute qu’elle préfère ça comme ça. « Je n’ai quitté Maman qu’il y a quelques mois, pour venir ici. Moi aussi, je l’ai abandonnée. » Son regard est plongé dans le mien, et ses yeux n’ont pas changé. C’est peut-être la partie d’elle que je reconnais le mieux. « Pourquoi… Pourquoi tu es venue jusqu’ici ? » je lui demande. Ma voix n’est pas tranchante, je ne lui en veux pas d’être partie, pas du tout. Je n’en ai pas le droit de toute façon. Mais il y a une pièce qui manque dans le puzzle. Je crois que la vraie question, c’est comment tu es arrivée de chez nous, jusqu’à chez moi. Devant ma porte, le doigt sur la sonnette de mon immeuble. Je sais que quelque part dans cette histoire, le nom de Vincent a sa place. Mais toi… Emma, pourquoi ? J’ai envie de préciser ma question, mais je n’ose pas. Je ne sais pas comment la formuler sans qu’elle me donne l’impression d’être imbu de moi-même. « Je… Est-ce que tu m’as cherché ? » et c’est stupide, comme si j’avais le droit de me placer ainsi au centre de tout, alors qu’elle est probablement tombée sur mon adresse par hasard. Je me mords la lèvre, j’attends le coup en pleine face.
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Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 4/3/2016, 19:06
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Je ne sais pas trop comment interpréter ta réaction. Tu n'as pas l'air d'être franchement étonné, mais en même temps, ça ne devait pas être très dur à deviner. J'étais trop jeune pour comprendre d'où venaient les disputes, mais, depuis, je me doute que ça vient du penchant de Papa pour le sexe, l'alcool et la vie facile. Penchant dont j'ai hérité, soit dit en passant. Et dont je profite autant que lui devait le faire. Mais, une fois de plus, je me convainc que ça n'est pas du tout la même chose. Une fois posée, je ne continuerai pas à faire quatre cents coups dans Paris. Il est parti. C'est lui, le grand méchant de l'histoire qui a planté un couteau dans le dos de notre famille parfaite.
J'ai imaginé tant de fois, durant toutes ces années, quand ça criait, puis ça pleurait en silence, dans la maison, partir à mon tour. Prendre un sac à dos, de la musique, me casser de cette ville qui renfermait tant de choses. Mais je n'ai jamais eut ton audace, ton courage, tu sais. Je n'ai jamais osé franchir le pas de la porte en sachant que je ne reviendrais pas. Je n'ai jamais osé laissé Maman seule dans l'immense baraque vidée de ses habitants par la seule force de disputes conjugales.
Parce qu'une famille parfaite, nous l'étions. Et toi, tu n'as connu que la descente aux enfers. Tu as connu cette longue et lente agonie, silencieuse mais si violente. Tu t'es épargné le feu. Tu t'es épargné les nuits, et, pire, les matins. Les anniversaires tristes. Les moments où le lycée demandait un papier signé par les deux parents. Les soirs où je sortais, avec des garçons, et que je savais que Maman était seule à la maison. Je déglutit.
« Pourquoi... Pourquoi tu es venue jusqu'ici ? » Je hausse un sourcil. Ici, où ? A Paris ? Chez toi ? Je tapote nerveusement le bois lustré de la table, incapable de répondre, alors que les mots se pressent derrière mes lèvres. Ils ne sont jamais sortis ; je n'ai jamais raconté ça à quelqu'un, jamais. « Je... Est-ce que tu m'as cherché ? » Je lève les yeux vers toi. Évidemment que je t'ai cherché. Je toussote encore. « Hum, oui. Quand je suis arrivée à Paris, je n'ai pas tout de suite pensé à toi. Mais avec le temps, j'ai fini par m'y mettre, et j'ai, euh, disons que j'ai fini par tomber sur Vincent. Vincent Ménard. » Je t'épargne mes pensées, en réalisant que l'un des sportifs que j'aimais le plus au monde était de ma famille. Je t'épargne les longs stratagèmes, les plans tordus pour lui faire cracher le morceau. Il n'a obtempéré que récemment, et encore, qu'en parti. Une adresse, quelques conseils, quelques anecdotes lâchées dans un murmure. « Et puis, il m'a donné ton adresse. Et je suis venue. » Je ne veux pas parler de tout ça, de Vincent. Ça, ça viendra après. Quand on aura reposé les bases d'une relation. Je ne veux pas gâcher un moment pareil. Je cherche, frénétiquement, comme un animal pris au piège, à dévier la conversation sur toi. « Euh, sinon, tu travailles, maintenant que tu es de retour en France ? » Un sujet neutre. Qui ne concerne pas de douleurs, de larmes, d'injures que seuls nos murs ont entendues. J'ai envie de tout savoir, chaque seconde depuis que tu es parti, mais je suis incapable d'y faire face.
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 6/3/2016, 01:08
Je lui demande ce qu'elle fait là. Pourquoi elle est là. Je ne sais pas si, à sa place, j'aurais cherché à revoir celui qui m'a abandonné. Je suis parti, et je ne mérite certainement pas une seconde chance. Mais à vrai dire, elle ne me la donne pas encore cette chance. Je sais qu'il faut que je lui prouve que je vaux tout ça, tous ces efforts. Et même si elle est prête à me pardonner, je ne suis pas sûr que je puisse la laisser faire. Pas tout de suite, pas comme ça, si facilement. Je sais que j'ai quelque chose à prouver, si je veux une place dans sa vie aujourd'hui. Et je me dis que je suis là, tout seul, et qu'avoir une soeur, ce serait une bonne idée. Je me suis créé une vie et elle a été balayée juste comme ça, sous mes yeux, et je me retrouve ici, seul. Alors oui, avoir Emma de mon côté, c'est peut-être le début de ma nouvelle vie. Une nouvelle vie qui durera pour toujours, je l'espère, parce que je ne suis sûr que j'aurai la force de recommencer une fois de plus. Elle tousse un peu, me regarde et répond. Je retiens mon souffle. « Hum, oui. Quand je suis arrivée à Paris, je n'ai pas tout de suite pensé à toi. Mais avec le temps, j'ai fini par m'y mettre, et j'ai, euh, disons que j'ai fini par tomber sur Vincent. Vincent Ménard. » Je gomme toute réaction de la surface de mon visage, essaye de simplement l'écouter, lui sourire un peu. Elle évoque Vincent, et ça ne m'étonne pas. Pas du tout. Ca me rapelle notre enfance, tout à coup. Le club de foot, les coupes du monde sur l'écran du salon, les posters dans nos chambres et le ballon signé que j'aimais plus que tout. Ca me fait presque rire. Je lui dois beaucoup à Vincent, alors je ne lui en veux pas, d'avoir donné mes coordonnées à Emma. Je me souviens lui avoir dit de ne pas le faire, de me cacher du monde, mais Emma est là, et sous l'inconfort, il y a quelque chose de doux et réconfortant. Un peu comme de l'espoir. « Et puis, il m'a donné ton adresse. Et je suis venue. » Je lui souris et baisse le regard, gêné. Je ne sais pas trop quoi lui dire. J'ai envie de lui dire qu'elle a bien fait, que je suis heureux qu'elle soit là. Mais j'ai peur. Je suis idiot.
« Euh, sinon, tu travailles, maintenant que tu es de retour en France ? » Je sens qu'elle cherche à éviter quelque chose, et je la laisse faire. Je la laisse guider la conversation, je n'ose pas la mettre mal à l'aise en lui posant trop de questions. Je sais que j'ai moi-même des secrets, des parts de moi-même que je ne veux pas révéler, des choses que je ne veux pas évoquer, dont je ne veux même pas me souvenir. Mais je lui dois au moins la vérité. « Ouais je suis à mi-temps dans une librairie anglaise, Shakespeare&co... » Je lève les yeux vers elle, une lueur de malice dans mon regard et un sourire se dessinant sur mes lèvres. « L'autre moitié du temps dans un sex-shop ». C'est bizarre, et j'espère que ça ne la gênera pas. Je ne pense pas qu'elle soit le genre de fille à être facilement choquée, mais au final, je ne sais rien d'elle. Alors j'essaie juste d'être honnête, d'être vrai. « J'ai pas fait d'études, mais je parle anglais couramment maintenant, et j'ai beaucoup bossé dans le commerce et tout... » Je ne veux pas l'embêter avec des questions, mais je ne peux m'empêcher de m'inquiéter un peu. « Tu es bien ici ? Tu... tu connais du monde ? » Tu n'es pas toute seule, tu as des amis... C'était tellement con comme question, alors que j'ai été le tout premier à l'abandonner. Je pourrais me frapper en pleine face.
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Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 10/3/2016, 16:42
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C'est marrant, mais je ne peux pas m'empêcher de te regarder. J'ai du mal à me dire que tu es ce garçon que j'admirais autant que je craignais, parce qu'on craint toujours ses modèles, que j'ai connu, mille ans plus tôt. J'ai du mal à me dire que tu es mon frère. En fait, si je ne prenais pas garde, je me dirais plutôt que tu es un rendez-vous bizarre, genre, le mec traumatisé qui essaye de rencontrer des filles. Je ne sais pas ce qu'on a en commun. Je ne sais même pas si on a toujours quelque chose en commun. Je me dis vaguement que c'est normal, que ça viendra, après tout, on ne peut pas se sauter dans les bras après ce qui s'est passé. Mais...
« Ouais je suis à mi-temps dans une librairie anglaise, Shakespeare&co... » Je hoche d'abord la tête. Je t'imaginais plus dans une boutique de sport à faire miroiter tes abdos pour attirer de jolies clientes. Mais une librairie, pourquoi pas, après tout. Je capte ton regard, il a quelque chose de très vivant. « L'autre moitié du temps dans un sex-shop. » Je suis bouche bée. J'ai mal entendu, c'est pas possible. Et, j'éclate de rire. C'est excellent, ça dépasse toutes mes espérances. Un sex-shop pour l'enfant chéri des Lecomte, c'est splen-di-de. « J'ai pas fait d'études, mais je parle anglais couramment maintenant, et j'ai beaucoup bossé dans le commerce et tout... » Bien sûr, tu n'as pas fait d'études. J'ai beau le savoir, ça me fait bizarre. C'était toi, normalement, qui devait finir dans un monde friqué et élitiste. Personne ne pariait sur moi, on m'imaginait monitrice d'une colo, seul endroit où j'allais pouvoir me dépenser, faire bouger les gens. Et celui de nos parents qui était là ne pouvait s'empêcher d'ajouter que j'étais faite pour le grand air. Je m'appuie sur ma paume avec un sourire. Je me sens plus proche de toi, là, tu sais. Comme si l'inversion de nos rôles était en fait la mise à zéro. « Et bah, tu m'impressionnes. » Je ne pense pas vraiment que tu puisses le prendre mal.
« Tu es bien ici ? Tu... tu connais du monde ? » Je fais mine de réfléchir pendant que les visages auxquels je suis attachée dans la capitale défilent dans mon esprit. Adrien, les princes, Sacha, Jade, bien sûr, il y en a tellement. Je me vois mal te décrire mes relations avec tous ces gens. C'est trop intime pour que je me livre à ça. Et puis, comment t'expliquer ? « Ouais, je me suis fait quelques...amis. » Argh, l'hésitation. Je pense que tu vas tout de suite deviner qu'il y a un garçon derrière cette suspension - en fait, il y en a plusieurs - mais j'enchaîne, soudain active. « D'ailleurs, si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas. » Après avoir vu ton appartement, je sais qu'on a pas la même vie. Si tu voyais le mien, d'appartement, dans le seizième, avec la Tour Eiffel en ligne de mire et la Seine aux pieds, tu devinerais tout de suite que moi, je ne me suis jamais détachée du luxe confortable et hautain dans lequel on a vécu, gamins. Que cette part-là de notre famille, si détestable, elle survit encore.
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 12/3/2016, 19:16
Ca doit être étrange pour elle. Retrouver son frère sportif, égocentrique, transformé en... peu importe ce que je suis, à quel stéréotype bidon je colle parfaitement. Quel cliché je satisfais. Je ne sais pas qu'est-ce qui m'a changé, à quel moment et pourquoi j'ai arrêté d'être celui qu'elle connaissait, et je suis devenu moi. Arriver à Paris peut-être, dans un monde différent, ou tu peux être n'importe qui, où il y a de quoi faire, de quoi découvrir. Partir à New York, rencontrer l'amour, le perdre. Je ne sais pas. Comment le footballer s'est transformé en littéraire. J'ai un peu peur qu'elle me rejette, qu'elle considère que je ne suis pas à la hauteur, qu'elle préfère garder de moi l'image qu'elle avait conservée toutes ces années. Qu'au final, je suis nul comparé à ce qu'elle s'était imaginé. Je parle de mon job, de mon autre job, et j'espère que ça ne la fera pas fuir. Il y a un moment de vide, puis elle rit. Elle rit et c'est magique et je réalise qu'elle m'a manqué, et que si j'étais resté, on aurait pu rire comme ça des milliers de fois. Puis je continue, je parle, je termine et la regarde se détendre un peu, s'appuyer sur sa main, comme si elle était chez elle. Du coup, moi aussi je fais baisser le malaise, la tension. Quelque chose se dénoue en moi. « Et bah, tu m'impressionnes. » Ca fait du bien, et je hausse les épaules, ne sachant pas trop quoi répondre à ça. Je lui demande si elle est bien à Paris, si elle s'est intégrée, si elle n'est pas seule. J'aurais du mal à l'accepter ça, qu'elle soit toute seule, même ici. « Ouais, je me suis fait quelques...amis. » elle répond, hésitante, et je ne sais pas si l'hésitation suggère que ce sont plutôt de vagues connaissances... ou au contraire qu'il y a là-dedans plus que de simples amis. Elle évite le sujet, d'un coup, en enchaînant, et je crois du coup que j'ai ma réponse. « D'ailleurs, si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas. » Je secoue lentement la tête avant même qu'elle ait fini. J'ai besoin de beaucoup de choses mais rien qu'elle pourrait me donner, malheureusement.
Je me retrouve perdu dans mes pensées, et quelque chose me pousse, me donne terriblement envie de lui parler honnêtement, à coeur ouvert. Elle est ma soeur, et je ne l'ai pas vue depuis si longtemps, et nous ne sommes plus les mêmes personnes, et ce serait complètement con de prétendre que rien n'a changé. Pourtant, je me sens proche d'elle, là tout de suite. Alors j'arrive à m'exprimer, plus ou moins. « Non, non, c'est gentil mais... tout va bien, je suis en train de remettre ma vie sur les rails en fait » je me gratte la nuque en disant tout ça, un peu gêné. Je ne suis pas sûr au final qu'on soit arrivés au stade où je peux me permettre de parler de ça, de ce qui est plus profond. « Je suis seulement de retour à Paris depuis novembre, en fait, mais... ça fait du bien » j'ajoute, comme si ça expliquait quelque chose, comme si c'était plus qu'une tentative de ma part de faire sortir quelque chose. Je suis avec Emma, et peut-être qu'au moins avec elle, je peux être vrai, sans passer par quatre chemins. Je ne sais pas.
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Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 19/3/2016, 18:58
Retrouvailles
ft. Emma & Icare.
Je devine que tu n'étais pas spécialement confiant à l'idée de me dévoiler ton second job, et, je ne sais pas pourquoi, ça m'attendrit. Et même, quelques secondes, l'espèce de rancœur sourde s'efface, et je nous croirais presque liés d'une relation normale. Comme si on pouvait deviner ce que l'autre pense, cache, élude. Ce que je fais sur mes amis, en fait. Une partie de moi, la plus romantique et romancée, aimerait bien te parler d'adrien, de sacha, de jade. Il y a tellement de choses à dire et si peu de mots que je me tais ; je ne suis pas certaine non plus que tu veuilles entendre ça.
Je te propose de l'aide, confiante et assurée comme si j'avais tout paris à mes pieds. Tu secoues la tête, je ne sais pas comment le prendre. « Non, non, c'est gentil mais... tout va bien, je suis en train de remettre ma vie sur les rails en fait ». Et là, fugitivement, je me rend compte que tu souffres peut-être plus que moi. Que peut-être que tu as connu pire, largement pire, qu'une douleur sourde sur une décennie. Moi, j'ai eut Maman, au moins. Maman, qui se laissait sombrer lentement, pleurant les deux hommes de sa vie partis si loin, mais Maman quand même. J'ai eut une vie normale, heureuse, même. Mais toi, qu'est-ce que j'en sais ? Je me fais violence pour ne pas réagir, pour ne pas flancher. Je t'en veux encore, tu sais. « Je suis seulement de retour à Paris depuis novembre, en fait, mais... ça fait du bien » Je hoche la tête, cette fois. Pourquoi ta voix est-elle devenue si triste ? Et puis, comment est-ce seulement possible que ta voix devienne aussi triste ? Je ne te force pas à parler, même si ça me tente pas mal. « Ouais, je vois. », je dis sans méchanceté. Je cherche un sujet de conversation, mais je ne sais pas quels terrains sont glissants. Dans l'appartement, mille ans plus tôt, tu as juste dit que tu avais voyagé, que tu étais tombé amoureux. Je ne veux pas parler de Maman, je ne veux pas me rappeler de son regard triste, de ses pleurs quand on arrivait au jour de ton anniversaire. Je ne veux pas parler de Vincent, des efforts qu'il a fallu déployer. Je voudrais bien que tu parles de toi, pour que je reconnaisse le garçon qui m'a abandonné dans cet homme en face de moi. Mais je ne sais pas par où passer, et ça m'irrite. J'ai le contrôle, normalement. Je mène les conversations comme des danses, en temps normal.
Mon portable vibre sur le bois de la table, mais je ne regarde pas qui c'est. Je finis par changer de sujet. « C'est quoi tes projets, maintenant ? » Genre, est-ce que tu vas devenir un homme connu de Paris, est-ce que tu vas t'installer ici, ou repartir, ou même, revenir en Bretagne ? Est-ce que j'aurai une place?
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 25/3/2016, 16:47
« Ouais, je vois. » elle me répond. Ce n'est pas comme s'il y avait quelque chose à dire. Je sens presque le malaise s'installer à nouveau. On oscille étrangement entre deux monde, d'un côté le bonheur et la curiosité. L'envie de construire quelque chose, d'être quelque chose. L'envie d'être un frère et sa soeur à nouveau. On ne sera plus jamais Emma et Icare comme quand on était gosses, mais on peut être Emma et Icare aujourd'hui. J'ai de l'espoir pour nous. Je me dis que c'est possible qu'après aujourd'hui, on se perde de vue, parce qu'on ne sait pas quoi se dire, qu'on ne trouve pas de prétexte pour se voir. Parce qu'on a chacun notre vie et nos amis et qu'on a plus besoin l'un de l'autre. Mais en débarquant dans ma vie aujourd'hui, elle a déjà creusé un petit trou, un petit trou qui ne cesse de s'agrandir au fur et à mesure du temps passé avec elle. Il y a un espace rien que pour elle dans ma vie, et j'en ai confiance. J'espère que c'est pareil pour elle, qu'elle décidera de nous donner une chance. Parce que de l'autre côté, il y a 10 ans. La moitié de sa vie, je réalise. Alors je me demande comment on va faire, comment on peut même communiquer. Parce que chaque silence fait mal, mais je l'ai mérité. C'est de ma faute. es vibrations de son portable me tirent de mes pensées et je tourne mon regard vers le téléphone qui s'excite tout seul, là, sur la table, sans qu'elle lui porte la moindre attention. Elle parle. « C'est quoi tes projets, maintenant ? » qu'elle me demande et je la regarde un moment, un peu surpris, parce que je n'en sais absolument rien. Comme toujours, je sais ce que je ne veux pas, ce qui ne fait pas partie de mes projets. Mais ce que je veux, c'est une bonne question.
Je joue nerveusement avec l'ourlet de ma veste, faisant frotter le tissu entre mes doigts. Mes projets... ce serait avoir une vie simple et sans trop d'emmerdes. Exister sans avoir une pierre au fond du ventre. Rencontrer quelqu'un. Emménager avec lui dans un deux pièces sympa, avoir une vie simple et vivre des choses exceptionnelle. Je crois que je désire ce truc impossible dont tout le monde rêve. « Je sais pas. Je vais rester ici, essayer de faire en sorte d'être heureux » je lui réponds finalement en haussant les épaules. Puis je me mords la lèvre, car il y a quelque chose que j'aimerais rajouter mais je ne sais pas si j'en ai le droit. Il y a son téléphone qui vibre encore, ou de nouveau, je ne sais pas. Je n'ai pas fait attention. « J'aimerais beaucoup qu'on... je veux faire partie de ta vie » je lui dis, un peu hésitant. Mais je sors tout de même un vieux ticket de caisse froissé de ma poche, et je note mon numéro de portable dessus. « Tiens » je dis simplement, en faisant glisser le papier vers elle.
PSEUDO : flingueur. (mais on m'appelle lily dans le stème-sy)
Sujet: Re: c'est le passé qui sonne à ta porte (EMMA) 3/4/2016, 16:22
Retrouvailles
ft. Emma & Icare.
Chaque seconde est un calvaire. Une grande partie de mon cerveau me hurle que t'es un imbécile qui m'a abandonnée dans l'enfer de la maison, qui s'est cassé, sans même me laisser entendre que ce serait définitif, qui a fui. Et une plus petite, beaucoup plus petite, chuchote qu'après tout, j'aurai fait la même chose, malgré le fait que j'essaye de me convaincre du contraire. A la guerre comme à la guerre, et j'aurai sans doute, dans un cas d'urgence pareil, où la famille menaçait d'exploser en emportant tout sur son passage, j'aurai sans doute sauvé ma peau sans me préoccuper de la tienne. Question de survie, même si je n'ai sans doute pas l'air trop amochée, en façade.
Tu as l'air surpris par ma question et ça me fait une étrange sensation. Moi, je sais parfaitement ce que je veux faire. C'est une des seules satisfactions de mon existence compliquée, c'est que je sais où je veux aller, et je sais comment y parvenir. Toi, de toutes évidences, ce n'est pas le cas. « Je sais pas. Je vais rester ici, essayer de faire en sorte d'être heureux. » Je souris, mais ça m'inquiète, parce que le Icare dont je garde malgré moi le souvenir n'aurait jamais répondu ça. T'étais l'ambitieux, le prometteur, tu aspirais à tellement plus qu'essayer d'être heureux. Je hoche quand même la tête comme si je te comprenais, pour éviter de te blesser, peut-être, en affichant clairement qu'on est devenus différents, et pire, qu'on a échangé non seulement de rôles mais aussi de mental. Mon portable n'arrête pas de vibrer, et je baisse presque sans le vouloir les yeux.
Évidemment, c'est Adrien, qui me reproche déjà un retard imaginaire. J'ai une brutale envie de te le dire, de te parler de lui, même. Bien sûr, je ne le fais pas - mais un jour, je me promet, tu sauras tout, de moi, de ma vie, de tout ça. Je sais d'avance que je ne serais pas capable, après tant de recherches, de te laisser t'échapper de ma vie. Je ne suis pas certaine d'avoir une réelle place dans la tienne, et même si je t'en veux encore, tellement, j'ai besoin de mon frère, comme j'en ai eut besoin pendant ces dix ans, et comme j'en ai eut besoin quand on étais gosses.« J'aimerais beaucoup qu'on... je veux faire partie de ta vie. » Tu as l'air hésitant, comme si tu n'étais pas sûr de ma réaction, ou de ce que tu dis. Je te regarde noter ton numéro, sans doute, sur un papier, que tu me tends. « Tiens. » Je ne retiens pas mon sourire, mais ne réponds toujours rien. Je ne suis pas vraiment douée pour combler ce genre de vides. « Merci. », je dis juste. Je paye pour nous deux sans vraiment m'assurer que ça ne te dérange pas, et puis, presque penaude, je m'excuse. « Je suis désolée, on m'attends. » C'est moi qui suis venue et c'est moi qui part la première. Je me lève, et, juste avant de partir vraiment, sans le prévoir et sans pouvoir l'empêcher, je te serre très brièvement dans mes bras. Cette seule étreinte d'à peine une seconde me fait monter les larmes aux yeux. « Je te rappelle. », je dis. Et je me tire, incapable de rester, parce que si je reste, crois-moi, je ne réussirai jamais à ne pas nous blesser tous les deux.