theophile blanchard ft. inès mendoza

un carnet d'adresses à rallonge ne faisait pas partie de ces choses qui définissaient inès. elle avait toujours vécu en marge et n'avait, de ce fait, jamais collectionné les relations. même les familles d'accueil qu'elle avait enchainé ne lui avaient pas permis d'apprendre à aimer les gens. quelque part, il y avait une fêlure en elle. une cicatrice qui peinait à se refermer et qui l'empêchait d'ouvrir son coeur. pourtant, elle faisait comme si de rien n'était. elle avait appris à marcher en solitaire. mais peut-être que parfois ça lui pesait un peu plus que ce qu'elle voulait bien montrer. et puis, il y avait eu lionel. face à lui, elle avait déposé les armes. comme ça, sans se poser de questions, comme une évidence, comme si c'était normal. or, c'était tout sauf légitime. inès n'avait peut-être pas tiré le bon numéro finalement. sauf qu'elle n'était plus maîtresse de rien. son coeur prenait le pas sur sa raison bien trop facilement. son palpitant dominait toutes ses réactions d'ordinaire logiques. inès n'était plus qu'une femme amoureuse. et dieu seul sait combien celles-ci sont vulnérables. en sautant à pieds joints dans la vie de son petit-ami, elle avait fait la connaissance de ses potes, de ses frères. et elle aimait penser qu'elle s'était fait sa place dans leur existence un peu torturée. ces gars avaient tant en commun, et si peu à la fois. theophile n'était pas le plus casse-cou, ni le plus impulsif. lui, c'était plutôt celui qui réglait les conflits, qui les sortait de leurs conneries et qui les rassemblait aussi. lui, c'était l'oreille attentive, l'épaule sur laquelle s'appuyer. inès, c'est ce qu'elle avait cru voir en lui. mais pouvait-elle vraiment s'y fier, elle qui n'avait aucune expérience en la matière ? les jours filant avaient fait leur oeuvre et theo s'était montré à la hauteur de ce qu'inès avait vu à travers lui. très vite, il lui était apparu comme un confident. parce qu'ils avaient un passé ensemble qui leur permettait de se faire confiance plus aisément. aux yeux de la petite mendoza, theo, c'était l'homme d'une autre vie. celui qui l'avait connu à toutes les étapes, même dans ses galères. elle se disait parfois que c'était peut-être le destin qui l'avait remis sur son chemin.
pourquoi avais-tu envoyé ce sms à theophile ? pourquoi lui avais-tu dit avoir besoin de lui parler ? qu'est-ce que tu pouvais bien avoir à lui raconter de plus que d'habitude ? tu te mentais à toi-même en essayant de te persuader que tu cherchais juste des nouvelles. tu n'y croyais même pas toi-même. la patience de theo l'honorait. il supportait tout de ses déboires et de ses émois. elle ne pensait pas à lui, inès. trop affectée qu'elle était par ce qui menaçait son semblant de paradis. c'est encore trop centrée sur elle-même qu'elle rejoignait ce parc en retrait que theo lui avait indiqué. il la comprenait décidément très bien. la brune avait tout sauf envie de se sentir oppressée. c'était déjà bien assez compliqué dans tout son être. par miracle, elle a les yeux partout inès. parce qu'une petite voix venue d'ailleurs lui soufflait que personne ne l'aurait arrêtée dans le cas contraire. parfois, il a l'air aussi ancré que toi dans la réalité, theo. peut-être encore une sorte d'harmonie que vous partagez. la demoiselle s'arrête à hauteur du jeune homme et s'assoit face à lui. t'étais parti où là ? inès essaie de capter son regard, son attention, quelque chose qui le fasse redescendre. et ça la fait sourire parce qu'elle se demande ce qu'il pouvait bien être en train de s'imaginer. c'est gentil d'être venu, ça me fait plaisir de voir une tête amicale. elle n'a pas l'impression de croiser que des gens qui lui veulent du bien, inès. souvent, elle a l'impression de pas être à sa place alors qu'elle s'y sent pourtant bien là où elle est. sûrement pour la première fois de sa vie.