T'as les mains dans la farine. T'as envie de bien faire. T'adores cuisiner. Et pis ça fera plaisir à Nicolas. T'en es sûre. Quand il rentrera une bonne odeur embaumera votre maison. La tartre aux fraises, ça a toujours été sa préférée. Et pis toi tu résistes pas aux fraises. Sentir leur gout fruité dans ta bouche. Découvrir l'explosion dans ton estomac. C'était ce que tu préférais. D'ailleurs tu ne les cuisais jamais. Tu détestais ça. Cuire une fraise serait comme un sacrilège pour toi. Ça devient pâteux, amer. Immangeable en somme. Alors tu t'appliques. Tu malaxes la pâte comme tu peux avec tes petits bras. Faut bien l'étaler. Qu'elle soit bien régulière. Tu finis par frotter un peu ton front avec ton haut de poignet. Ça fatigue la cuisine. Bientôt ta jolie pâte orne ton plat. Tu places des haricots dessus pis tu l'enfournes. Vingt minutes, c'est parfait. Tu commences à te laver les mains. Quand tu entends la porte. Nicholas. Ça ne peut être que lui. Tu souris. Un peu. En ce moment, c'est compliqué entre vous. Vous avez du mal à vous comprendre. Vous divergez. Mais tu refuses de le voir. Parce que ça te tuerait. T'as l'impression de l'avoir toujours aimé. Alors tu te voiles la face. Et pis tout ne va pas si mal. Tu t'en convaincs chaque jour qui passe. Il te le prouve parfois. Comme en déposant un baiser sur ton front en rentrant. Tu te tournes vers lui tandis qu'il s’assoit à une des chaises de la cuisine.
« Tu as passé une bonne journée ? » Il releva un instant sa tête des quelques pubs que t'avais déposé en revenant à la maison.
« Bien. On a réussi à avoir un nouveau client. Ça pesait un peu. » T'acquiesces doucement même si à vrai dire t'y comprends pas grand chose. T'as l'impression qu'il joue à un homme d'affaires enrôlé dans la finance. Pourtant c'est juste un expert comptable dans un cabinet. Rien de bien intéressant. Il s'en plaint parfois. Tu tentes de le rassurer. Toujours.
« Et toi ta journée ? Pas trop fatiguée avec Liv ? C'était aujourd'hui que vous alliez au parc non ? » Liv. Celle que tu gardes. Par amitié pour tes voisins. Tu penches un peu la tête. Toujours quand tu réfléchis. Il semble parler d'une voix monocorde. Rien de palpitant à ce que tu pourrais lui raconter.
« Oui, ça va. Elle n'a pas arrêté d'être émerveillée par les feuilles qui tombent. Elle m'a même souri aujourd'hui. Par contre mon jean est foutu. » Tu fais alors une petite moue. Une conversation banale pour un couple banal. Vous êtes pas un couple nouveau ou alors toujours empreint d'originalité. Non. Il était juste Nicolas et toi Ariane. Tout simplement. Après des années, la monotonie commencent à s'installer. Ça te fait peur. Tu vois l'impasse qui arrive. Et pis t'as envie d'autres choses. Lui voit rien. Enfin t'en as l'impression. Il se lève et s'approche de toi. Il entoure ta taille. T'es bien dans ses bras. T'as l'impression de pouvoir conquérir le monde. Tu sens lire le monde sur ses lèvres. Alors tu t'y blottis un peu. T'entends son rire. T'aimes son rire. Depuis le premier jour.
« T'as de la farine dans les cheveux. C'est mignon. » Tu souris à ton tour. Faut pas que t'oublies ta tarte d'ailleurs. Mais c'est loin de tes pensées pour le moment. T'oublies l'univers là, ta tête contre son torse. Pis tu te souviens d'un truc. Juste un truc.
« Oh. J'ai oublié de te dire. Juliet a appelé. Elle tient absolument à ce qu'on vienne la voir cet été. » Rien qu'en en parlant, tu te sens heureuse. Parce que ta soeur ça fait un moment que tu l'as pas vue. Faut dire qu'elle s'est exilée loin la petite. Paris. C'est presque le bout du monde pour toi. T'as l'impression que ça fait une éternité.
« Oh. C'est bien. » c'est tout ce qu'il te dit. Vous avez déjà abordé le sujet. Et ça s'est mal terminé. T'aimerais bien qu'il comprenne, que t'as besoin de voir ta soeur. Celle avec qui tu étais si proche autrefois. Car sinon vous allez dans le mur. Tu le comprends pas. Tu l'as toujours vu protecteur avec sa soeur. Sa très jeune soeur. Presque comme un père. Mais il semblait se fermer avec toi. Comme une huître. Ça te faisait mal. Trop. Il ne t'avait jamais écartée de quelque chose. Jusqu'à aujourd'hui. Alors t'essayes encore un peu. Juste un tout petit peu.
« Tu sais peut-être qu'on pourrait... » tu finis pas ta phrase. Parce que t'es comme une enfant. T'as peur de la suite. De ses paroles. Et ça ne se fait pas attendre. Il soupire et se détache de toi. Tu te sens vide.
« Ne commences pas Ariane. On en a déjà parlé. Je viens à peine de commencer mon boulot. Je ne peux pas prendre de vacances. Le sujet est clos. C'est pas le moment. » Il s'éloigne de toi. Comme toujours. Son ton est devenu froid. Toi tu te pétrifies.
« On en a pas parlé. Tu en as parlé. Pas avec moi. C'est toi qui fermes le sujet. Mais tu vois, moi je veux en parler. » Tu dis. Ça commence à t'énerver. Toujours ces mêmes paroles. Pas le moment. Pas maintenant. Le sujet est clos. Tu commences à en avoir marre. Toutes ces divergences, ça te mine. Parce que le sujet de ta soeur n'est pas le sujet réel. C'est plutôt le principe. Malheureusement. Vous pouvez vous quereller à propos du sel parfois. D'autres fois à cause du programme à la télévision. Pour un rien en fait. Et ça se finissait en cris. Lui d'abord.
« Pour dire quoi, Ariane hein ? Pour dire que je ne peux pas, que toute cette discussion mènera à rien. Que l'on va juste s’engueuler à cause de ça ? C'est ce que tu veux ? » le ton commence à monter. Mais toi, tu ne te démontes. Pas toi aussi tu commences à voir rouge. T'aimes pas ça. Mais c'est plus fort que toi. Ton côté euphorique s'éteint.
« Je veux juste qu'on en parle ! C'est trop te demander hein ? » Tu le regardes. Presque avec espoir. Mais il semble s'être refermé. Comme une huître. Tu soupires.
« Tu sais quoi ? Laisse tomber. Oublie. » Tu veux juste partir. Parce que tu sens que ça monte entre vous. T'aimes pas ça. T'aimerais tellement que tout cela cesse. Que tout redevienne comme avant. Mais c'est pas possible. Vous êtes trop lancés pour vous arrêter. Ton coeur s'affole. Il tente de t'avertir. Mais t'es aveugle. L'agacement et l'irritation t'agace. Alors tu commences à partir. Vers le salon. Tu pourras te calmer là-bas. Lui aussi. Surtout lui. Mais il attrape ton bras. T'as presque un espoir dans les yeux. Il ne le voit pas. Ses paroles sont tranchantes.
« Je croyais que tu voulais en parler. Mais tu préfères fuir. C'est mieux t'as raison. » Tu tentas de dégager son bras. En vain. Il avait une sacré poigne Nicolas. Plus que ta pauvre force de libellule tiens.
« Je fuis ? Moi ? T'es sérieux ou tu le fais exprès ? C'est pas moi qui fuis tout le temps le sujet. C'est toi le lâche dans cette affaire. C'est toi Nicolas ! » Tu répliques. Tu vois rouge. Lui aussi. Et pis tu la vois pas arriver celle-là. La baffe. Il a osé porter la main sur toi. T'es surprise. Presque autant que lui. Tu portes ta main à ta joue. C'est presque encore chaud. Il s'éloigne déjà lui. Tu vois pas dans ses yeux qu'il regrette déjà. T'es choquée. T'aurais jamais pensé. Alors tu fais quelques pas en arrière alors qu'il en fait un vers toi. Il semble désolé. Tu le vois pas.
« Ariane... » Tu lèves la main. Pouce. Temps mort.
« Ne m'approche pas. » Tu sens déjà les larmes venir. Tu les retiens. Tant bien que mal. Pis tu t'enfuis. Tu te précipites vers la porte. Tu n'entends même pas t'appeler. Non. Rien. Il cherche même pas à te retenir. Il reste encore bouche bée. Toi tu t'enfuis. Tu te réfugies dans la rue. Loin de ta maison. Votre maison. T'as de la chance. Elle est dénuée de gens. Là tes larmes coulent. Tu peux pas les retenir. Tout s'est passé si vite. En quelques phrases simplement. T'aurais jamais pensé que ça arrive. Nicolas était un ange. Un véritable petit angelot. Pourquoi. Cette question tourne en boucle dans ta tête. Pas de réponses. Et ça te rend folle. Alors t'essuies tes larmes. T'as pas fière allure. T'entoures ton buste de tes bras. Tu te sens pas bien. Mais tu tiens bon. T'essaies de te faire un visage. Si on te voit comme ça dans la rue. Ça va jaser. Tu t'en fous dans un sens. Dans l'autre non. T'essuies encore tes joues. T'es bien pathétique à vrai dire. Tu souffles un coup. T'es bien ici. Dans ce cocon. Ça te rassurerait presque. Pourtant, ça n'a pas duré. Tu fais quelques pas dans l'allée. T'as réussi à ne pas t'effondrer. Tu resserres les pans de ton gilet autour de toi. T'as besoin de marcher. De prendre l'air. Tu refais encore quelques pas. En espérant que tu croiseras personne. En vain. En effet, t'as à peine atterri devant ta boite aux lettres que la voiture du voisin s'ouvre. T'entends les cris d'un enfant et la voix réconfortante d'un père. Tu préfères faire mine de prendre ton courrier. Heureusement t'avais tes clefs dans ta poche de gilet. Tu ouvres alors la petite porte. Il y a quelques lettres dedans. Sans doute des pubs. Mais tu t'y intéresses comme jamais. C'est alors que t'entends sa voix. Posée. Calme.
« Bonjour. » Tu relèves le visage vers lui. Tu souris. Comme tu peux. Ton voisin. Tu le connais que très peu. Juste quelques paroles échangés. Des services par-ci par-là.
« Oh. Bonjour. » ton ton est enjoué. Même si ton coeur n'y est pas. Il s'éloigne déjà avec sa fille. Il se doute de rien. T'as toujours espéré que les récentes disputes avec Nicholas ne traversent pas les murs. Apparemment pas. Ou alors il a la politesse de ne rien demander. Tu l'en remercierais presque. Quand enfin il a disparu dans son chez-soi. Tu souffles un bon coup. T'as pas envie de remonter. Mais tu sais que tu le feras. Parce que tu l'aimes. Parce que tu le crois pas capable de recommencer. Mais t'as toujours peur. T'auras toujours peur. Parce que les disputes vont encore persévérer. Et la baffe ça sera pas la dernière. Parce que ça va encore fuser dans sa bouche à lui. Et toi tu pourras rien faire. Tu supporteras. Pour lui. Pour toi. Pour ton enfant. Encore et encore. T'es dans une impasse. T'as besoin d'un sauveur. Et vite.
Ton coeur bat encore la chamade. Il tambourine dans ta poitrine. Encore un peu plus il pourrait sortir de ta cage thoracique. C'est sans doute trop pour toi. Presque étrange. Parce que tout ça tu l'as fait sur un coup de tête. T'as attrapé tes affaires. Et en une heure de temps, t'étais déjà parti. Tu ne pouvais décemment pas resté plus. C'était au dessus de tes forces. Pourtant t'en as eu des forces. T'en as supporté pendant des mois. Mais la goutte qui a fait déborder le vase. Ce n'était plus possible. Alors t'as pas hésité. C'est tout toi ça. Tu te surprends toi-même parfois. Parce que tu ne te savais pas téméraire. Ou courageuse comme ça. Parce que peu de femmes auraient pu avoir ce coup de folie comme ça. Tu le vois souvent aux informations. Tous ces cas de femmes qui ont peur, qui subissent et qui se taisent. T'en as marre d'être de ces femmes-là. T'en as marre d'être celle qui baisse la tête. T'as envie de la relever. De montrer au monde que tu vaux bien plus que ça. Parce que t'as pas supporter. Qu'il lève la main sur toi passe encore. Mais il a atteint le point de non retour. Il aurait jamais du. C'était le geste de trop. C'est ce qui t'as décidé. T'as pas besoin de plus pour ça. C'était juste le truc qui t'a fait réalisé. Enfin. Tu t'étais enfermée dans ta propre folie. Pendant des années presque. A attendre après un homme qui ne serait plus jamais celui que tu as connu. Mais tu te voilais la face. Tu pensais que s'il existait encore une pauvre folle pour y croire, il y avait un espoir. Mais ça n'a fait que te rendre plus folle encore. Tu t'y accrochais à cette espoir, à cette promesse d'un avenir plus radieux. Mais t'as fini par te brûler les ailes. Il a piteuse allure l'oiseau à présent. Alors t'as préféré partir. Pour arrêter le carnage. Pour éviter d'avoir la tête toute retournée. C'est ce que tu penses. Les yeux perdus dans le vide. Tu la cherches. Elle semble introuvable. Perdue dans cette masse de foule. T'as jamais aimé les aéroports. De ceux qui témoignent des adieux déchirants. Tu ne sais pas trop pourquoi au final.
« Ca va aller, ça va aller. » Tu peux pas t'empêcher de te parler. Presque pour te rassurer toi au final. T'es assise à côté d'un enfant. T'en as croisé pas mal des gamins qui hurlaient à la mort. Elle, elle regarde le monde. Elle découvre les lieux. Lieux qu'elle n'a jamais vu probablement. Après tout, elle est si jeune. T'aurais aimé avoir ses yeux. Ses yeux d'enfant. T'avais jamais voulu ça. Toi, avant, t'avais toujours vu une jolie famille heureuse. Un peu comme celle que tes parents ont construite. Pourtant la tienne, à peine esquissée, elle tombe en morceaux. Alors que t'aurais tellement voulu que ça se passe autrement. C'est une cassure que surement ton coeur aura du mal à s'en remettre. Parce que tu pourras jamais retaper le beau tableau. Il est gâché à jamais. Et ça te fait un mal de chien. Tout est parti en vrille. Comme ta vie à présent. Tu soupires un instant. Bon sang. Où était-elle ? T'avais l'impression que ça stagnait. Que t'arrivais pas à avancer. Comme un poids qui t'écrase les épaules. Qu'une tornade ravageait ton coeur. Pourtant, d'un autre côté, un autre s'en était allé. T'avais l'impression de mieux respirer. Là, assise sur ton siège d'aéroport, tout te semblait si confus. Encore pris dans la tornade du départ. Faut dire que t'as fait si vite. T'as eu peur. T'étais perdue. Et t'as fui. Non. Pas cette fois-ci. T'as pris la meilleure décision pour toi. C'est tout. Faut que t'arrêtes de retourner le problème dans tous les sens. Vraiment. Ton regard se pose doucement sur la petite fille à côté de toi. Elle serre dans sa petite menotte une oreille de son lapin en peluche. Si innocente. Si naive de la vie.
« Ariane ! » Tu relèves la tête. Cette voix. Instinctivement tu te relèves. Ca y est. Elle est là. Ta soeur. Juliette. Elle semble essoufflée. Sans doute un trajet mouvementé. Ou bien l'heure. Tu ne t'étais même pas rendue compte qu'il était six heures du matin. T'avais fait fort. Bien vite, tu lui tombes dans les bras. Cela te faisait tellement du bien de voir une tête familière.
« Ariane, est-ce que tu peux m'expliquer... » Elle commence alors en te serrant doucement dans ses bras. Tu te mords un peu la lèvre. C'est vrai que tu ne lui as rien dit. C'est encore douloureux. Cela le sera encore pour longtemps. Mais c'était bien trop pour le moment. Avais-tu réellement besoin de lui parler de tout ça ? Cela n'en valait pas la peine. Il n'en valait pas la peine. T'étais là. En France. A Paris. C'était le principal au final.
« Pas maintenant, c'est une longue histoire.. » Tu commences. Il valait mieux ça. Parce que tu savais qu'elle voudrait des explications. Ce que tu comprends. Juliette, est le style de filles à ne pas lâcher. Tu ne le savais que trop bien. Mais tu tiendrais cette fois-ci. Elle n'avait pas besoin de savoir. Pas maintenant. T'avais besoin de digérer tout ça avant. Parce que ça a été tellement rapide. T'en as encore le tournis tiens.
« Nicolas, n'est pas avec toi ? Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? Il est six heures du mat', Ariane. » Tu vois l'inquiétude dans son regard. Elle aimerait des réponses. Toi tu restes muette sur ce sujet. Tu pouvais pas lui en donner. Pas encore.
« Non, il est resté là-haut. » Même prononcer son nom te soulevait le coeur à présent. Le penser était difficile. Mais alors le dire... C'était encore une autre histoire. T'avais passé des heures à tout ressasser. A laisser les larmes couler en silence. Si t'avais pu. T'aurais hurlé. T'aurais tout dévaster. Aussi bien que ton coeur l'était. Pourtant, t'étais restée inerte sur le canapé. Alors que la nuit tombait. Il n'a pas fait attention à toi. Il est parti dormir sans se soucier de quoi que ce soit. Toi ça tournait dans ta tête. C'était la folie totale. Jusqu'à ce que t'aies cet état de conscience. Ce sursaut de courage qui ne te quitta plus. T'en es encore toute ébranlée. Si tu ne te contrôlais pas, tu tremblerais certainement. L'adrénaline du moment sans aucun doute.
« Il s'est passé quelque chose entre vous ? Tu m'as paru un peu paniquée au téléphone. » Non. C'était presque un euphémisme. Pourtant t'avais essayé d'avoir une voix posée tout en faisait ta valise. Mais ça semblait un peu infaisable. Tu hausses alors doucement les épaules, tout en berçant contre ton coeur un nouvel espoir.
« Il est tard, on rentre plutôt à la maison, d'accord ? On en parlera là-bas. » Tu préfères dire. Parce que sinon tu sais que ça peut durer des heures. Et à vrai dire, t'attends juste une chose : te poser dans un lit et ne jamais te réveiller. Ça t'a totalement vidée. Tu pourrais presque dormir sur ce siège si peu confortable là maintenant tout de suite. Ça fait presque une journée entière que t'as pas dormi. T'as les traits tirés du visage, sans compter sur tes yeux rouges. Tu dois pas avoir encore fière allure. Tu t'en fiches pas mal d'ailleurs. Ta soeur se penche pour récupérer ton chariot de valises. Tu ne sais même pas comment t'as pu ramener tout ça jusqu'ici tiens. Presque un miracle.
« Très bien alors. En route. » Elle sait que ça sert à rien de discuter avec toi. C'est presque comme le faire avec un mur. Alors vous commencez à avancer toutes les deux vers l'extérieur. Ça commence à moins t’oppresser tout ça. Tu respires un peu mieux. Cette nuit a été sans doute la plus folle de toute ta vie sans conteste. C'est presque un miracle que tu sois arrivée en morceaux jusqu'ici. Mais tout va bien. T'étais ici, et tout irait bien. C'est ce que t'essayes de te dire depuis tout à l'heure. Que l'avenir ne peut pas être plus sombre que ça ne l'est à présent. Non, il s'ouvre plutôt à toi. Néanmoins, tu sais que ça va être dur. Que tu finiras pas douter. Par ne plus en pouvoir. Mais tu te rappelleras que t'as pris la meilleure décision de ta vie. Toujours. Pour toi. Et tu pourras avancer à nouveau. C'est comme ça que tu marches. Ca te rassure un peu tout ça. Ton coeur s'apaise peu à peu. Il en a fallu au final. Evidemment, rien ne pourra jamais combler la fissure qui y trône à présent. T'en es bien consciente. Mais tu sais que t'apprendras à vivre avec. Tout le monde a sa croix. Toi tu viens de la planter. Elle est lourde. Certes. Mais ça ira. Tu n'es pas seule. Tu pourras rebondir. Tu étais bien plus forte que cela. Oh que oui.
« Tu sais, tu m'as manqué, Juliette. » Tu murmures presque ces deux mots. L'intéressée tourne la tête vers toi. Et un sourire se dessine sur ses lèvres. Et ça te réchauffe un peu le coeur. C'est rien mais pour toi c'est beaucoup. Tu sens encore le poids de ton alliance à ton doigt. Celle qui pèse une tonne. Tu ne l'as pas retirée. Pas encore. Mais tu finiras par le faire. Parce que ce n'est plus possible. Tu penses déjà aux papiers que tu vas envoyer. A cette bague que tu finiras par poser sur la table. Pour le bien de tous. Surtout pour toi au final. Pour te libérer de cet étau qui t'a enserré pendant des années. Et qui se libère à présent. Pour que tu vives enfin.
Et si je m'en sors, un peu plus forte. Etre normale pour être bien, effacer quelques lignes de ma main. Mais si je m'en sors, je peux encore sentir la chaleur de ce beau matin, ensemble, alliés contre un drôle de destin. Et si je m'en sors, sans bleu au corps...