votre carrosse de mademoiselle est avancé. il a le sourire aux lèvres, celui qui rassure et qui pourtant énerve à la fois. c'est pas de sa faute, à lui. il ne fait que son boulot. ambulancier. il a dû en voir des vertes et des pas mûres. il est gentil cela dit, il et fait la conversation sans pour autant insister sur ton état physique et mental. depuis le temps qu'il te trimbale pour tes rendez-vous médicaux, il a bien compris que de te parler de ta santé te tairait dans le mutisme plus qu'autre chose. tu l'aimes bien, t'apprécies les efforts qu'il fait pour te divertir même s'il doit probablement agir de la même manière avec tous les patients qu'il transporte. t'aimes à croire que t'es spéciale même s'il n'en n'est rien, comme si ça pouvait changer quelque chose. combien de tours de rond-point aujourd'hui ? que tu demandes une fois que'il t'a installée et sécurisée. la malice au fond de ses prunelles, t'en sauras rien jusqu'à ce que tu le découvres par toi-même. une connerie qui s'est installée entre vous. une idiotie de gamine que t'as voulu assouvir une fois et qui est pourtant restée, comme un jeu, une exception au règlement, un manquement notable à une journée monotone. il s'installe derrière le volant, boucle sa ceinture et met le contact. ça dépendra de votre humeur maribelle. du défi dans le ton de sa voix, t'entrouvres la bouche, comme si tu pouvais être choquée et croises les bras sur ta poitrine. un peu plus et tu lui aurais tiré la langue mais tu te retiens. t'es plus une enfant maribelle, grandis un peu.
( ... )
vous progressez vite mademoiselle verdier. votre jambe est en très bel état. nous pourrons commencer à parler des différentes prothèses qui pourraient vous convenir la prochaine fois. soyez encore un peu patiente, les choses vont changer rapidement maintenant. tu restes impassible, comme si tu n'entendais pas ce qu'il avait à te dire. c'est toujours le même discours, t'en as marre d'attendre. t'es comme un lion en cage sur ta chaise à roulettes, t'es un boulet pour le monde entier, un poids mort et ça t'agace. t'es pas libre de tes mouvements, t'es pas capable de te débrouiller entièrement toute seule et ça te gonfle. t'aimerai bien pouvoir y croire pour une fois, à ce qu'il te dit le médecin. mais tout ce que tu crois, c'est qu'il te baratine, encore et toujours. et toi, t'en vois pas la fin. t'aimerai croire que la semaine prochaine, les choses vont changer. t'aimerai croire que la semaine prochaine, il te proposera cette prothèse articulée qu'alba t'a présentée. mais t'y crois pas. t'y crois plus. ça traîne en longueur et t'es fatiguée de devoir compter sur les autres plutôt que sur toi-même. parce que, les autres, ils doivent avoir autre chose à foutre que de s'occuper de toi. y a pas de lumière qui brille au fond de ton regard éteint. comme si t'étais vide, juste un corps vissé sur ce putain de fauteuil roulant. et tu sors de son bureau les épaules basses avec cette envie de vomir qui a bien du mal à te quitter, comme à chaque fois. tu retrouves ton ambulancier à l'extérieur, adossé à son véhicule, la clope au bec. t'es pas vraiment là maribelle, t'es juste une figurante dans le film de ta vie. jusqu'à ce que tu relèves la tête et que tes prunelles accrochent les siennes. tu déglutis avec une certaine difficulté mais y a ce petit sourire qui vient illuminer ton visage l'espace d'une seconde. dites, vous êtes pressé aujourd'hui ? que tu demandes en arrivant à la hauteur de ton chauffeur de la journée. il jette un coup d'oeil à son téléphone, semble effectuer un rapide calcul mental avant de se pencher vers toi. vous avez une demi-heure. pas une minute de plus. qu'il te souffle, agrémentant sa remarque d'un clin d’œil entendu avant de poser sa main sur ton épaule et de remonter à l'intérieur du véhicule, comme si tu n'étais pas encore sortie de ta consultation. il a bien dû remarqué la présence du garçon. t'as pourtant beau lui dire que ce n'est pas la peine, il est toujours dans les parages. c'est sûr que tu lui ais reconnaissante de ce qu'il a pu faire, ce jour-là. mais maintenant ? que fait-il encore là, à tes côtés ? vous ne vous connaissez pas, qu'est-ce que ça peut bien lui foutre de savoir comment tu vas ? tu humidifies tes lèvres, pousses un soupire et te diriges vers lui. t'es vraiment pas obligé d'faire ça, tu sais ? que tu balances une fois arrivée à sa hauteur. j'vais finir par croire que t'es un psychopathe fou dangereux qui attend que je tienne debout pour me découper en morceaux, pour je ne sais quelle raison. tu plisses légèrement les yeux. t'es flippant matthieu, j'te jure. ton sourire trahi le ton de ta voix peu commode. t'as pas encore posé les yeux sur lui. comme une habitude, un rituel que tu t'évertues à suivre à la lettre. comme si vous n'étiez pas censés vous voir, vous côtoyer. c'est étrange cette sensation de douceur qui t'enveloppe aussitôt que tu te tiens près de lui. un des nombreux tour que te réserve ton cerveau parce que t'es pas capable de le remercier d'être resté auprès de toi du début à la fin. enfin, si, tu l'as déjà fait. mais c'était pas assez. parce que t'as balancé un pauvre merci pitoyable de femme en colère que tu étais. peut-être que c'est ce qu'il attend, peut-être pas. tu sais pas, t'arrives pas à deviner ses intentions et ça aussi ça t'agace. tiens bon maribelle, tiens bon.
tu dois creuser. tu dois comprendre. parce que rien ne t'agace plus que le fait de ne pas comprendre. sa présence te trouble au plus haut point. parce que tu ne sais pas ce qu'il fait là, à prendre soin de toi alors que tu cries pourtant haut et fort que tu n'as besoin de personne. tu refuses de te voir comme un oisillon tombé de son nid. t'es peut-être pas en accord avec ton état actuel, tu n'en restes pas moins maribelle verdier. déroger à ton propre caractère, c'est pas dans tes cordes. sa présence t'agace autant qu'elle te trouble finalement. cerveau embrouillé par les volutes de fumée de ta mémoire qui s'efface, qui ne veut pas se rappeler de ce jour-là. un bien trop mauvais souvenir pour le laisser t'envahir à nouveau. tu chasses la scène de ta boîte crânienne en balançant des mots en l'air. tu bouscules, tu évites le regard, t'es pas très avenante. t'agis comme ça depuis le début et pourtant, il est toujours là. c'est peut-être pas la bonne méthode finalement. tu devrais peut-être arrêter de jouer les femmes fortes pour le faire fuir. idée somme toute intéressante. tu te promets d'y songer à l'avenir. pour l'heure, tu le compares à un psychopathe en puissance. ce n'est pas très flatteur, tu le conçois. en même temps, qui a dit que tu étais ce genre de personne ? bonjour à toi aussi, je suis ravi de te voir. mais j’avoue que tu viens de me percer à jour ! tu secoues la tête, faiblement. tu connais la suite, tu la devines aisément, tu attends le coup de semonce. j’attends le bon moment pour te découper en morceaux. tu lèves le poing, victorieuse. j'le savais. que tu souffles, comme si t'avais résolu une énigme des plus complexes. tes yeux fixés sur tes mains, t'attends que le temps passe. un peu comme d'habitude. et arrêtes de jouer les dures, à force tu devrais savoir que je traîne toujours ici quand t’as un rendez-vous. tu te retiens de rire. un rire amer. t'as rien demandé toi. qu'est-ce qu'il fout là d'abord ? fais-moi penser à dire à mon chauffeur de cesser de se laisser soudoyer aussi facilement. que tu lâches sans avertissement. à moins que t'arrives à charmer l'infirmière et, dans ce cas là, va falloir que je lui remette les pendules à l'heure. allez donc savoir pourquoi t'es aussi agressive. faut vraiment qu't'arrêtes ça. que tu termines dans un souffle. il n'a rien à faire là, t'es déjà bien assez entourée, y a déjà bien trop de gens aux petits soins pour toi. t'es déjà assez mal à l'aise de devoir compter sur les autres, assez mal à l'aise de dépendre du monde entier. t'étais libre avant, t'étais heureuse avant. maintenant, t'es juste coincée, bloquée. y a pas d'porte de sortie, pas d'issue de secours. t'aimerais que ça change, que le monde se remette à tourner, que tu fasses enfin ce que tu veux. pour le coup, t'aurais le choix de partir ou de rester. comment tu vas maribelle ? la pression de ses doigts sous ton menton, le contact de sa peau contre la tienne. courant électrique qui parcourt ta colonne vertébrale. tes prunelles qui rencontrent les siennes. tu restes silencieuse un instant, juste le temps pour toi de capter ce simple besoin de connaître la vérité. qu'est-ce que ça peut bien te foutre ? que tu lâches dans un soupire, ta tête effectuant un léger mouvement de recul pour t'éloigner de son emprise. j'respire encore, c'est tout c'que t'as b'soin d'savoir et t'es bien capable de l'voir par toi-même. tu te renfermes comme une huître. tu fuis le contact visuel, tes prunelles se perdant sur le bitume. t'aimes pas ça. t'aimes pas l'effet que son regard peut avoir sur toi. il arrive à t'atteindre rien qu'en te regardant et ça t'agace. tout de lui t'agace. probablement autant que ça t'apaise de l'avoir près de toi.qu'est-ce que tu veux matthieu ? et pour une fois, c'est toi qui prend l'initiative de le regarder. c'est toi qui décide de ce que tu veux faire. tu veux comprendre et il ne t'en laisse même pas le droit. chienne de vie.
en aucun cas tu ne mettrais matthieu au courant de tes rendez-vous médicaux. t'es bien obligée de rendre des comptes à tes parents ou encore à lana. mais lui, surement pas. tu ne sais pas comment il obtient ses informations et tu ne veux même pas le savoir. quoi que tu te doutes fortement que ce soit ton chauffeur puisqu'il te laisse toujours l'occasion de passer quelques minutes en sa compagnie. il a pas l'air du type qui plante la tente devant l'hôpital juste dans l'espoir d'apercevoir ta chevelure rousse. il entre jamais. enfin, pas depuis ce jour-là. il reste loin, toujours. du moins de ce que tu en sais. tu t'autorises à balancer une remarque sur l'infirmière un peu trop coincée que tu croises souvent et qui t'regarde comme si t'étais une pauvre petite chose sans défense. elle a l'air fleur bleue, timide et tout à fait capable de balancer des informations confidentielles, protégées par le secret médical, au premier type un peu trop beau garçon qui passe et qui les lui demanderait avec un sourire. matthieu, il a la tête de l'emploi. alors t'agresses cette pauvre gamine sur son boulot qu'elle pourrait mal faire. elle en fera d'autres, des erreurs. mais tu refuses que ce soit à tes dépends. tu ne peux rien faire contre mon charme c’est comme ça. tu lèves les yeux au ciel, exaspérée par cette remarque typiquement masculine. pauvre infirmière, elle doit vraiment être désespérée. que tu soupires sans aucune once de gêne, de remords ou quoi que ce soit d'autre. tes pensées s'envolent vers un passé qui te semble déjà si lointain. il te ramène à cette époque où tout était beaucoup plus facile, beaucoup plus coloré et beaucoup moins monotone. la voix du garçon te ramène à l'instant présent. le contact de ses doigts sous ton menton, ce contact visuel qu'il cherche absolument à avoir pour te demander comment tu vas. et le pire, c'est que tu sens toute cette sincérité dans ses mots si simples. tu sens cette envie de réellement savoir et pas simplement de poser la question pour se moquer éperdument de la réponse. mais t'es pas dupe toi, tu ne veux pas rentrer dans son jeu toi, t'as peur de ce que tu pourrais trouver en cédant si facilement à cette tentation. parce que c'est une tentation de te trouver à ses côtés. une torture quasi insoutenable qui te fais douter de ta propre ténacité. tu ne veux pas exploser, tu ne veux pas imploser. t'essaies de contenir le torrent d'émotions qui s'empare de toi à chaque seconde de ton existence. et quand il est là, c'est comme si t'étais plus en mesure d'être toi-même, d'être aussi forte que d'habitude. tu te rends compte de la faiblesse de tes barrières et ça t'effraie. alors toi, tu recules, tu t'éloignes, tu bâtis des murs entre lui et toi. ou du moins, tu essaies. parce que t'as la sensation qu'il ne s'arrêtera pas de les démolir de si tôt. tu craches, t'es dure, t'es sèche. tu te défends comme tu peux. et puis tu finis par lui demander ce qu'il veut. parce qu'au fond, t'en sais rien. tu ne comprends pas pourquoi il est là et tu n'as de cesse de te poser cette même question, à chaque fois que ton regard croise le sien. t'as rien d'particulier toi, t'es juste en train de lutter pour ta propre survie. une lutte que tu dois mener seule. je ne veux rien du tout maribelle. t'es pas satisfaite malgré la sincérité qui s'est immiscée au cœur de ses prunelles. y a un truc qui déconne dans cette histoire et t'arrives pas à mettre le doigt dessus. agacement.tu veux savoir pourquoi je suis là ? j’en ai absolument aucune idée. mais ce que je sais c’est que tu auras beau m’envoyer chier sans arrêt je serais là quand même. tu soupires, tu croises tes bras sur ta poitrine. y a ton regard qui fait des allers et retours entre l'ambulance, le bitume et lui. tu sais pas c'que tu fais encore là, au fond, à l'écouter déblatérer des conneries bien plus grosses que vous deux réunis. parce que pour toi, c'est q'des conneries. t'arrives pas à prêcher le faux du vrai quand t'es face à lui et c'est bien ça qui t'ennuie aussi. je suis du genre têtu. et visiblement un peu masochiste aussi. une pointe d'amertume dans le ton de sa voix. tu peux aisément deviner que ce n'est pas son endroit favori de paname. alors pourquoi ? encore et toujours cette même question qui virevolte dans ta boîte crânienne. ah le masochisme ... phrase laissée en suspend bien trop volontairement. t'en sais quelque chose, du masochisme toi. y a qu'à te regarder, plantée là dans ta chaise à roulette, à ne pas avoir envie de quitter les lieux alors que tu scandes le contraire. arrête de v'nir si c'est si inconfortable. que tu conclus bien trop sèchement. comme si ça avait une quelconque importance. ce serait peut-être plus facile pour toi de faire demi-tour s'il décidait de partir le premier. sensation étrange qui se glisse en toi. roulette russe.est-ce que tu as fini de gueuler ? tu grognes. non. pas encore. j'fais c'que j'veux d'abord, c'pas toi qui va m'en empêcher. gamine boudeuse, gamine capricieuse. tu croises les bras sur ta poitrine. tu râles comme si c'était devenu ta raison de vivre depuis que t'es bloquée en position assise. si je te promets de plus te demander comment tu vas on peut aller boire un café plus loin ? cet endroit me fout le cafard. salopard. stop. que tu annonces en levant ta main pour qu'il n'ajoute rien de plus. tu rages intérieurement et pourtant, t'as les yeux qui brillent. t'as exactement ... un rapide coup d'oeil à ta montre. vingt-deux minutes et cinquante-quatre secondes. léger sourire en coin, t'as du mal à accepter la défaite mais t'as pas vraiment le choix. tu m'as eu au moment même où t'as prononcé le mot café. t'es en manque de caféine et tu rêvais justement de rentrer chez toi pour t'en préparer un le plus vite possible. tu jettes un coup d'oeil à ton chauffeur pour lui annoncer que tu reviens, de manière silencieuse, juste en un signe. il lève le pouce et tu te mets en route. avant de t'arrêter subitement pour fusiller matthieu du regard. j'te préviens qu'si tu m'pousses, j'te roule dessus. charmante. comme toujours.
dans. tes. rêves. trois mots lourds de sens et que tu ne veux pourtant pas prendre en considération. parce que t'es déjà assez mal à l'aise comme ça de ta condition. parce que t'es assez têtue pour continuer à faire chier le monde et trouver quelque chose à redire. y a vraiment qu'avec lana que t'es douce comme un agneau. y a vraiment qu'avec elle que tu fais tomber les barrières. ou du moins en partie. parce que tu ne serais pas capable de te laisser aller face à elle. ta petite-sœur, elle est bien trop importante pour que tu t'autorises à te montrer sous ta plus grande faiblesse. elle est déjà bien trop présente pour toi, tu peux pas lui en demander plus que ça. panser tes plaies, apprendre à vivre avec ça, c'est de ton ressort, pas du sien. t'as du mal à te confier à ton petit ange, ce n'est pas pour y arriver avec un parfait inconnu. dans mes rêves, ta route n'aurait jamais croisé la mienne. tu t'mords la lèvre inférieure, les yeux rivés sur le bitume. le ton de ta voix est pourtant moins froid, moins incisif. dans tes rêves, les choses seraient bien différentes. dans tes rêves, t'aurais encore tes deux jambes. dans tes rêves, tu serais pas aussi difficile et insupportable. dans tes rêves, sa route n'aurait jamais croisé la tienne pour la simple et bonne raison que, dans tes rêves, y aurait pas eu d'accident. dans tes rêves, tu ne serais pas cette enfant capricieuse que tu deviens et qui te hérisse les poils des bras. dans tes rêves, t'aurais l'humour que t'as perdu en percutant la voiture. dans tes rêves, t'aurais ton skate dans les bras et le sourire qui ne s'efface jamais. dans tes rêves, tu serais encore toi et pas juste cette enveloppe charnelle sans plus rien d'autre que de la moisissure à l'intérieur. et te voilà à nouveau en train de te flageller en silence d'avoir été aussi stupide et imprudente. la voix de matthieu te sort de ta rêverie momentanée. il te demande si t'as fini de gueuler et toi, tu rentres dans l'tas. piège que t'aurais dû voir venir à des kilomètres à la ronde mais dans lequel tu t'es engouffrée tête la première et allons-y gaiement. tu ressembles à ma petite sœur quand tu fais ça. c’est mignon. grognement qui monte au fond de ta gorge. il n'avait encore jamais évoqué la présence d'une petite sœur dans sa vie. en même temps, tu n'as pas posé la question non plus et puis, t'étais pas certaine d'avoir envie de le savoir. au fond, tu t'en fous un peu. t'enregistres l'information mais tu ne relèves pas. et toi tu r'sembles à la mienne quand t'écoutes pas c'que j'te dis. toujours en train de vouloir avoir le dernier mot, t'as bien du mal à lui concéder les dernières paroles. comme une envie d'asseoir ton autorité ou ton humeur de cabot des mauvais jours. faut bien admettre que, de ce point de vue-là, tu n'est pas une verdier pour rien. seulement, tu ne t'attendais pas à la proposition d'un café. comme quoi, les gens sont encore en mesure de te surprendre quand tu t'y attends le moins. la caféine, ta drogue à toi. il a prononcé le mot magique et t'as eu la bonne idée de le lui dire. je saurais me souvenir de cette addiction alors. tu lèves les yeux au ciel, poussant un soupir plus qu'explicite. tu t'mets en route, bien trop pressée de laisser la boisson sombre couler dans ta gorge. mais tu t'arrêtes, à peine deux mètre plus loin, stoppant le mouvement des roues de tes mains fragilisées d'autant les solliciter. tu le menaces de lui rouler dessus s'il ose te pousser. paroles en l'air mais qui ont pourtant l'effet escompté puisqu'il marche à côté de toi. t'as déjà du mal à supporter ta condition, faudrait pas non plus qu'il pose ses mains sur les poignées qui se trouvent dans ton dos. tu te laisserais mourir sur le champ si cela devait se produire. j’ai toujours rêvé de me faire rouler dessus par un fauteuil maribelle, comment tu l’as su ? haussement d'épaules, tu forces sur tes bras pour faire avancer ton engin de torture. j'sais pas, une intuition j'dirais. que tu balances, comme ça, sans vraiment chercher à avoir une réponse. tu ne sais même pas s'il a vraiment entendu ce que tu viens de dire. tu t'es plus parlée à toi-même qu'autre chose. aller viens j’ai besoin de caféine ! tu mimes un amen sur tes lippes préalablement humidifiées. tu l'suis, de pas trop loin mais sans pourtant être trop près. et tu les sens, les regards des gens. tu les sens qui s'posent sur toi. tu rassembles tout ce que t'as de courage pour enfiler ton armure et te protéger de tout ça. et tu sais pas pourquoi mais t'aimerais être en mesure de protéger matthieu de ces regards aussi. parce que tu sais pas c'que les gens pensent. parce que tu sais pas vraiment l'impact que ça pourrait avoir sur lui. ton instinct de grande-sœur qui prend la relève et qui aimerait bien protéger l'monde entier. t'aimerais pouvoir lui éviter les réflexions à la con, les regards gênés et gênants. malheureusement, tu ne pourras pas remédier à ce soucis technique tant que tu resteras près de lui. chienne de vie.je peux payer pour nous deux ou tu vas vouloir me rouler dessus aussi ? tu sors de ta rêverie, comme si on venait de te tirer de ton lit pour tes médocs. tu sembles paumée un instant, tu commandes ton café, un double, ça te fera le plus grand bien. tu restes silencieuse face à la remarque du garçon mais tu roules des yeux quand même quand tu percutes enfin le sens de ses mots. tu le laisses payer parce que t'as pas le temps de réagir que la nénette lui rend déjà la monnaie. fait chier. tu l'suis la gorge nouée jusqu'à la table qu'il aura choisit. un peu à l'écart, facile d'accès pour ton char d'assaut. t'apprécies l'effort mais tu ne le diras pas. t'es encore bien trop concentrée sur la façon de lui épargner la connerie humaine. je tiens à mes vingt-deux minutes mari ne m’en veux pas. tu sors à nouveau des tes questions sans réponses qui virevoltent dans ta caboche quand t'entends ton surnom s'échapper de sa bouche. t'arques un sourcil et tu le regardes de travers. sérieusement ? que tu lâches, le sourire au coin de tes lèvres rosées. mari' ? tu prends un air faussement sérieux. notre relation va beaucoup trop vite matthieu. l'emploi d'un surnom, c'est beaucoup trop lourd à porter tu comprends ? la petite voix de la gamine effrayée, de celle qui est désolée mais qui voudrait quand même rester un peu plus longtemps. ne l'prends pas mal, mais j'préfère qu'on en reste là où on en est. j'suis pas encore prête pour ça. la mine désolée, comme si tu venais de recaler un prétendant possible. ce n'est pourtant pas ce qui s'passe entre vous. ou alors t'y comprends rien, tu n'vois rien. pour toi, c'est rien d'plus que l'type qui t'a sauvé la vie. rien de plus que l'type qui veut qu'tu t'en sortes même si ses intrusions sont si maladroites. ce n'est que ça, hein, n'est-ce pas ?
la proposition d'aller boire un café, histoire de s'éloigner de l'hôpital. t'aurais jamais pensé à accepter si cela venait de sa part. tu passes ton temps à l'envoyer balader alors aller boire un café, ce n'est certainement pas ce que l'on aurait pensé que tu puisses faire. pourtant, tu ne peux résister à cette boisson que tu chéris depuis quelques années déjà. touché. t'es mal à l'aise quand tu pénètres dans le café en sa compagnie. toi qui est pourtant pleine d'assurance en règle générale, allez savoir pourquoi ça te dérange tant cette fois-ci. peut-être bien parce que t'es pas toute seule. que tu crains les regards qui se poseront inévitablement sur toi, mais aussi sur lui. parce que toi, tu sais comment gérer tout ça, t'as l'habitude depuis le temps que t'es clouée dans ton fauteuil. tu t'inquiètes de savoir l'impact que ça aura sur matthieu. t'es pas vraiment là depuis que vous êtes entrés dans ce café. tu sombres dans tes pensées les plus profondes, noirceur sur le tableau de ton âme. jusqu'à ce qu'il utilise un surnom. ça t'électrise, frisson qui court le long de ta colonne vertébrale. beaucoup t'appellent de la sorte, mais il ne l'avait encore jamais fait. c'est peut-être bien cette sorte de respect, qu'il employait à faire valoir en prononçant ton prénom en entier, qui te plaisait jusqu'à présent. entendre ton surnom s'échapper de sa bouche, c'est pas tant que ça te dérange, c'est juste que tu trouves ça étrange. comme si ça sonnait autrement avec lui qu'avec les autres. comme s'il n'était pas à sa place, soufflé entre ses lèvres. tu le recales, tu ne te gênes pas d'ailleurs. tu mets tes talents d'actrice en avant, même s'ils sont bien maigres, soyons honnêtes. tu joues celle qui n'est pas à l'aise avec l'idée que vous allez trop vite, comme s'il se passait quelque chose entre vous. tu joues celle qui est farouche, celle qui est sauvage. celle qui veut rien, celle qui comprend rien non plus. tu te doutes bien que ce n'était pas volontaire, pas fait exprès tout du moins. ça s'est lu dans ses yeux mais t'as fait comme si t'avais pas remarqué. t'as joué un rôle dans lequel on ne te voit que rarement. parce qu'au fond, ça t'amuse de faire tourner ton monde en bourrique, comme si tu t'accrochais à un semblant de passé que tu es persuadée de ne jamais retrouver. respire maribelle, je n’aurais pas dû t’appeler mari c’est vrai mais c’est loin d’avoir une quelconque ambiguïté pour moi. tu te mords l'intérieur de la joue pour te retenir de rire. ça ressemble à des excuses en bonne et due forme. t'en cherchais pas mais tu les prends tout de même sans rien ajouter. tu restes murée dans ton silence parce que tu ne voudrais pas trahir l'excès de connerie qui t'a prise quelques instants plus tôt. si déjà j’arrive à te faire arrêter de m’envoyer chier je serais le grand gagnant de l’histoire. tu croises tes bras sur ta poitrine, arques un sourcil et penches ta tête légèrement sur le côté. j'espère que t'as le temps parce que c'est pas demain la veille. les mots fusent, le faciès moqueur, rieur. tu n'es pas du genre à changer tes bonnes vieilles habitudes. et comme tu n'as de cesse de l'envoyer balader, ce n'est certainement pas pour renoncer à sa simple demande. et puis, ça ne te correspondrait pas non plus. t'envoies chier le monde, depuis toujours. de manière plus ou moins subtile, tout dépend de ce qui se trouve en face de toi. et il te semble que tu peux affirmer que matthieu n'a pas besoin de subtilité. la preuve en est qu'il est toujours là. malgré tes remarques acerbes et ton comportement peu avenant, il est toujours là, à prendre de tes nouvelles. il prend soin de toi à sa façon et c'est bien ça le problème. t'es convaincue que t'as pas besoin que l'on prenne soin de toi. tu peux très bien le faire toute seule, t'es assez grande, assez mature. mais oui, bien sûr. c'est bien d'essayer de s'en convaincre.mais je ne mentais pas tout à l’heure, je n’attends rien de toi. je n’attends aucun merci. je n’essaie de pas te séduire non plus. tes lèvres se pincent à l'entente de ses derniers mots. tes prunelles se foutent ouvertement de sa gueule mais tu te retiens. de toutes tes forces. surtout ne pas exploser de rire, cela reste ta principale préoccupation. et je n’ai pas pitié. au cas où tu te poserais la question. ton visage se terni un instant, un ombre voilant ton regard émeraude. tu devrais. ce serait plus simple. souffle audible que part lui. murmure qui se perd entre lui et toi. tu ne saurais dire en quoi ce serait plus simple mais ça te semble tout de même légitime. peut-être que ce serait plus simple pour toi de ne pas t'attacher. parce qu'il faut bien être réaliste, cette routine qui s'installe lentement, ça ressemble à une forme d'attachement que tu t'évertues pourtant à n'entretenir avec personne d'autre que ta sœur. alors comme ça … on a une relation ? c'en est trop, tu ne peux plus te retenir de rire plus longtemps, il faut que ça sorte. tu sens les regards des clients se braquer sur toi un instant à cause de cet éclat de rire soudain. y en a qui retournent à leur conversation, d'autres qui continuent à t'observer du coin de l’œil, ta condition devant sans doute les déranger. tu jures que, lorsque tu quitteras les lieux, tu auras une attention toute particulière à leur égard. ne va pas croire que pour une simple idiotie de ta part il se passe quelque chose entre toi et moi. tu portes la tasse de café brûlant à tes lèvres, tes iris émeraudes rieuses, ton regard planté dans le sien. te faire passer pour mon fiancé ? t'aurais pu trouver plus crédible quand même. que tu échappes en reposant la tasse sur la table. on est rien du tout et on ne sera jamais rien matthieu. détends-toi. que tu soupires. vas donc savoir qui tu essayes de convaincre. lui et toi, vous êtes déjà quelque chose. liés par cette journée cauchemardesque. si je ne peux même plus m'amuser maintenant, autant que je me jette dans la seine sans plus tarder. et tu lèves les yeux au ciel. insolence.
on dit toujours que l’espoir fait vivre non ? et j’ai beaucoup d’espoir en moi. tu secoues légèrement la tête de gauche à droite. tes yeux flirtent avec le plafond du café l'espace d'un court instant. t'as rien à répondre à ça. ou alors tu ne veux tout simplement continuer sur cette pente glissante. parce qu'il y a bien un truc qui s'cache derrière cette réplique. quelque chose d'autre que cette simple rencontre pas si inattendue que ça. mais tu veux pas savoir. comme si le fait de découvrir pourquoi y a cette ombre qu'est passée dans son regard pourrait te donner envie de t'attacher un peu plus au gamin que t'as en face de toi. parce qu'au fond, t'auras toujours beau l'envoyer chier, y a toujours quelque chose qui finit par te ramener vers lui. immanquablement. c'est à n'y rien comprendre. et, pour toi, maribelle verdier, tant que tu ne comprends pas, ça t'agace. et t'as besoin d'pouvoir donner une réponse à une question posée. sauf que là, t'as toujours pas trouvé la solution à tout ce manège. il te dit qu'il n'a aucune pitié à ton égard et toi, tu lui balances que tu trouverais ça tellement plus simple. pas besoin de s'attacher, pas besoin de se déchirer. le silence qui s'en suit reste la clé que tu cherchais. la pitié. les regards insistants, persistants. il ne t'offrira pas la joie de son départ prématuré. t'sais même pas si ce serait un mal pour un bien. t'sais même pas si tu ne ressentirais pas comme un vide, à l'intérieur de toi. parce que t'as beau faire ta tête de con en permanence, ces entrevues te font tout même bien plus de bien que tu ne serais capable d'avouer. pourtant, toi, tu continues de l'envoyer sur les roses. ton manque d'optimisme et tes remarques salées ne sauraient trahir ce que tu ressens véritablement. je suis blessé maribelle. vraiment. je ne vois pas en quoi je ne serais pas crédible dans le rôle de ton fiancé. t'arques un sourcil et tu retiens le rire qui semble vouloir s'échapper entre tes lèvres. oh matthieu, si t'es déjà blessé, mon argumentaire t'achèverait. tu bats des cils. poupée moqueuse. ton coude qui se pose sur la table, t'appuies ton menton sur ta main et tu le regardes, comme si tu ne voulais pas en perdre une miette. ce serait dommage, avouons-le tout de même. retirer une vie, c'est un acte bien trop lourd à porter. que tu conclus en te laisser retomber dans le dossier de ta chaise à roulettes. tu prends soin d'attraper ta tasse de café et d'en boire une gorgée avant de reprendre sur le fait que vous n'êtes rien l'un pour l'autre. à se demander qui tu essaies de persuader d'une telle chose. lui ? toi ? vous ? parce qu'en dehors du fait que vous n'êtes rien de bien concret, vous êtes visiblement bien quelque chose quand même. reste à trouver la définition exacte de ce que vous formez. vraiment ? on est rien du tout ? t'aurais dû t'y attendre. t'aurais dû te douter qu'il pousserait le vice jusque là. et pourtant, c'est comme si t'avais rien vu venir. alors t'avales une nouvelle gorgée de café pendant que le temps défile. tu chercherais presque à faire en sorte que son téléphone sonne la fin du temps imparti. finalement, tu pousses un soupir bien plus long que tu l'aurais probablement souhaité. et tu veux qu'on soit quoi au juste ? qu'tu demandes en déposant la tasse sur la table. parce que, clairement, t'es pas mon pote et encore moins mon fiancé. plutôt sèche, plutôt coupante. t'as jamais vraiment été d'une tendresse extrême avec lui et ce n'est certainement pas aujourd'hui que tu allais changer d'attitude. ce serait trop étrange. autant pour lui que pour toi. tout du moins, tu le supposes aisément. tu fais pas parti d'ma famille non plus. à moins que j'le sache pas et là, c'est le malaise assuré. que tu poursuis, osant sans complexe jouer sur l'humour. t'es pas non plus un indésirable. alors t'es quoi, hein ? on est quoi ? qu'tu conclus en croisant les bras sur ta poitrine, cherchant une réponse au fond de ses prunelles. c'est peut-être bien ça le fond du problème. ton acharnement incessant à le repousser. la peur qui s'matérialise au fond de ton ventre. tu sais pas qui il est. tu sais pas pourquoi il continue à s'assurer qu'tu vas bien. tu sais rien maribelle et ça te rend malade. pourtant, tu continues sur une nouvelle note d'humour en lui annonçant que si tu ne peux plus t'amuser, autant que tu t'ôtes la vie en faisant un plongeon dans la seine. toi, tu vois pas la connotation qui pourrait affecter le garçon. parce que tu sais pas toi. tu sais rien finalement. ce qui pourrait également être un problème à la compréhension de ce vous que vous êtes en train de former, doucement, avec le temps. je peux t’appeler mari alors ? puisque tu t’amuses à mes dépend je peux en faire de même non ? t'as l'sourire en coin qui se fait une nouvelle place sur tes lippes un peu moins ternes. tant que je ne saurais pas qui t'es, même pas en rêve matthieu. que tu rétorques. langue claquant contre ton palais, mots qui fusent et fendent l'air. tu devrais profiter d'ailleurs, j'crois qu'on arrive à la fin du temps réglementaire. que tu ajoutes en terminant ton café. la malice qui brille dans tes yeux. le jeu qui reprend sa place. tu l'sais pas encore, joli poupée, mais t'es en train d'sombrer. et, visiblement, y a que lui qui pourra te relever.
jolie poupée prise à son propre piège. t'es trop gourmande maribelle. tu as oublié que tu as un adversaire de taille qui s'tient en face de toi. tu aurais pitié de moi ? que c’est touchant. t'arques un sourcil. c'était pas vraiment ce que tu sous-entendais. je te manquerais si je n’étais pas là maribelle. bien trop tentant, t'éclates de rire. tu t'retiens pas princesse et certains regards s'posent sur toi. tu t'essuies l'coin d'l'œil droit avec ton pouce, comme si t'allais pleurer de cette affirmation catégorique. tu n'tardes pourtant pas à reprendre ton souffle et ton sérieux. oh j't'en prie. ne flatte pas ton ego de la sorte. la chute n'en serait que plus terrible. hors de question que tu admettes que son absence pourrait en effet te causer du tord. parce que malgré tout ce que tu dégages, tout ce que tu peux dire et ta façon d'agir, matthieu commence à prendre de la place dans ta vie. bien plus que tu ne l'aurais souhaité d'ailleurs. et puis, soyons honnêtes une instant. comment pourrais-tu me manquer alors que tu passes ton temps à m'prendre la tête ? ce qui n'est d'ailleurs pas complètement faux. matthieu, toujours sorti de nul part. matthieu, toujours là quand tu sors de l'hôpital. matthieu, toujours à l'affût de la moindre de tes réactions. ça t'pompe l'air, jolie rouquine. ça t'étouffe, princesse. et pourtant, faut croire que t'es maso à en redemander en acceptant le café qu'il t'a proposé. t'es toute en contradiction, c'est affligeant. tu noteras d'ailleurs te te remonter les bretelles d'avoir l'impression d'marcher sur des œufs, d'changer d'avis en un quart de secondes. ça t'ressemble pas ça, comme si c'était pas toi. âme ébranlée, instable, touchée. et pourtant, tu persistes à dire que vous n'êtes rien du tout. ce qui, en soit, n'est pas totalement erroné. vous n'êtes rien tant que tu n'auras pas réussi à mettre un nom sur ce qu'il semble représenter pour toi. le seul soucis, c'est que tu n'as pas la moindre idée de la place qu'il pourrait prendre. et ça, c'est tout d'même très fâcheux. tu énumères d'ailleurs tout un tas de possibilités qui ne te semble pas plausibles. pour, au final, te retrouver sans réponse concrète. imagine-moi comme une tique sur ton dos. tu grimaces, jolie poupée cabossée. oui. je trouve que c’est une image qui me correspond assez bien. et tu réfléchis à ses paroles. tu t'cales contre le dossier de ton fauteuil et tes doigts s'entremêlent sur tes genoux. les paupières légèrement plissées, tes prunelles qui n'se détachent pas du garçon. analyser chacun de ses mots, comprendre tous les sens possibles qui s'y cachent. ce n'est pas une mince affaire joli cœur. tu t'lances dans une quête périlleuse. mais après tout, c'est pas c'que tu recherches ? toi qu'es bloquée dans c'foutu fauteuil et qui rêve d'aventures. et si c'était lui, ton aventure ? ton inconnu ? ta quête ? ce but qu'on s'fixe, qu'est pas à portée d'main et qu'on cherche pourtant toujours à atteindre ? t'en sais rien maribelle. c'est bien ça l'problème. t'aimes pas quand tu sais pas, t'aimes pas quand les choses ne sont pas à leurs places. t'aimes pas ça. et lui, il met toujours un point d'honneur à venir foutre un grand coup d'pied dans ta vie bien ordonnée, ou presque. tu sais qu'on les brûle les tiques ? que tu demandes, à tout hasard. l'envie d'être bien sûr de ce qu'il avance. parce que, même si les sens sont nombreux, t'es prête à mettre ta main à couper qu'il n'a pas l'intention d'te laisser lui filer entre les doigts sans rien faire. question loin d'être anodine après tout. parce qu'il ne te connait pas. au même titre que tu ignores tout de lui. si ça s'trouve, c'est un psychopathe et toi, tu t'laisses aller à penser qu'il pourrait éventuellement devenir quelque chose. et pourtant, tu le recales quand il demande à utiliser un surnom. hors de question. je ne suis personne maribelle. juste un gamin de plus dans les rues de paris. tu lèves les yeux au ciel maribelle. réponse bateau, banale. mais bien sûr. on a tous une histoire matthieu. qu'elle soit belle ou pas. on est jamais personne. un semblant d'maturité, réflexion profonde et intense d'la gamine que t'es plus. gosse de riche qui a toujours eu la belle vie mais qui n'a jamais étalé son bonheur à la gueule du monde. on est tous quelqu'un, parce qu'on a tous quelqu'un pour qui on compte. c'est ça la vie matthieu. c'est ça de vivre. t'aurais pu le rajouter mais t'as préféré l'garder pour toi. parce que, si t'avais pas lana, t'aurais baissé les bras. on a tous quelqu'un pour qui on compte. c'est ça l'plus important. et toi, tu changes de sujet à parler du temps qui vous reste. c'est plus simple que d'penser à autre chose. c'est plus simple que d'penser à la douleur qui t'lance dans ta jambe meurtrie. et tu n'laisses rien paraître d'autre qu'un brin d'empressement à ce que cette entrevue s'achève. oh mais je profite de chaque seconde de ta présence en ce moment même. à nouveau, tes yeux qui flirtent avec le plafond, ta tête se balançant légèrement d'gauche à droite. t'en fais trop, c'est affreux. qu'tu lâches dans un sourire, mêlé à ton éternel soupir. vos cafés avalés, le coup d’œil à son téléphone et là, c'est le drame. qu’est-ce que tu veux savoir sur moi maribelle ? t'aurais pu t'attendre à tout. absolument tout. sauf à ça. t'étais pas préparée à une telle question. et puis, au fond, est-ce que tu veux vraiment savoir ? tu fronces les sourcils, jolie poupée aux cheveux de feu. la tête légèrement penchée sur le côté. question inattendue, déstabilisante. c'que tu voudras bien m'dire. c'est la seule réponse que t'es capable de sortir. parce qu'au fond, tu veux pas être intrusive non plus. y a qu'avec ta sœur que tu joues les détectives privés. mais c'est justement parce que c'est ta p'tite sœur. là, tu n'sais pas trop. t'avances à l'aveugle, comme d'habitude.
c’est ce que tu préfères chez moi, que je te tienne tête non ? le soupir facile qui s'échappe d'entre tes lippes, tes yeux levés au ciel, la tête qui s'balance de gauche à droite. tu ne lui feras pas le plaisir de lui répondre. ce serait beaucoup trop simple. tu laisses donc ton visage s'exprimer pour ne pas avoir à y mettre de mots concrets. plutôt crever que d'avouer que t'apprécies vos joutes verbales, que sa présence n'est pas désagréable non plus. tu as trop de fierté maribelle. tu ne t'abaisseras pas à ce genre de discours. ce n'est pas ton genre de déballer c'que tu ressens. jamais. même avec lana, il t'arrive d'avoir du mal. pourtant, tu lui donnerais ta vie, à lana. elle est celle qui te connait le mieux, celle qui te comprend le plus. tu t'demandes comment elle s'débrouille en ayant pas toutes les informations. et puis, tu finis par revenir bien vite à la raison. parce que lana, c'est pas n'importe que. lana, c'est ta p'tite sœur. et si y a bien quelqu'un qui peut t'déchiffrer dans toute ta complexité, c'est elle. elle et personne d'autre. alors quand il évoque cette métaphore de la tique sur ton dos, tu prends l'temps de réfléchir, d'analyser. parce que tu sens qu'c'est pas si anodin que ça. comme s'il y avait un sens caché à cette suggestion. tu lui demandes s'il est au courant du sort que l'on réserve généralement à cet insecte. ta question n'est pas hors de propos ni même dénuée de sens. comme si tu cherchais à vérifier ce que tu pouvais redouter. une quelconque forme d'attachement. c'est pas une bonne idée. ça non. j’ai jamais eu peur du feu. tu t'mords le bout de la langue, princesse. accord tacite dont tu ignores les termes. et pourtant, tu t'évertueras à l'foutre en l'air, son plan. ne pas s'attacher. jamais. pas comme ça. pas pour ça. parce que tu restes persuadée qu'tout ça, c'est que d'la pitié. poupée incapable de penser qu'on peut t'apprécier à ta juste valeur, même avec ton caractère de merde. l'gamin, il plaisante sur l'emploi d'un surnom à ton égard et toi, tu refuses, prétextant ne pas savoir qui il est pour lui permettre ce genre de fantaisie. de là, il te dit qu'c'est qu'un gamin d'plus dans les rues d'paname. sauf que toi, t'en crois pas un mot. aussi sombre, décousue ou même houleuse, qu'elle puisse être, chacun possède une histoire. sa propre histoire. après, libre à chacun de la partager, de la raconter ou simple de l'évoquer. il faut bien avouer que, pour le coup, tes cours de psychologie peuvent s'avérer forts utiles. t'avais jamais vraiment pensé non plus à devoir le prendre comme potentiel sujet d'étude. sauf que tu prends doucement conscience que cela pourrait peut-être bien tourner à ton avantage. d'ailleurs, tu décides même d'appliquer tout de suite la théorie qui s'fait une p'tite place dans ta boîte crânienne. parce qu'il te demande ce que tu veux savoir. sauf que ce n'est pas à toi d'imposer des conditions. et puis, tu ne t'y attendais pas non plus, à celle-là. depuis l'temps que monsieur joue les mystérieux de service. tu lui laisses donc la liberté de dévoiler ce qu'il souhaite. après tout, c'est lui qui désire s'accrocher. tu trouves normal que, à partir de ce constat, ce soit à lui de te donner envie de le laisser s'accrocher ou même, plus encore, te donner envie de t'accrocher à ton tour. ouais, enfin, ce serait valable si tu n'étais pas déjà un peu attachée à lui. merde. que des conneries tout ça. ton attention de nouveau happée par le garçon, tu vois son envie d'évasion. ou alors de protection. à l'extérieur du café. remarque, il va bien falloir que tu rejoignes ton chauffeur, il va être l'heure. je suis né à paris et j’ai toujours vécu ici. pause. une information comme une autre mais tu la notes tout de même dans un coin d'ton esprit. je dessine depuis que je suis en âge de tenir un crayon. je suis plutôt bon. un faible sourire en coin sur tes lippes, princesse. ça ne t'étonne pas vraiment d'ailleurs. le dessin, son talent. t'en sais rien, tu n'peux pas juger de ce que tu n'as pas vu. et pourtant, il a comme la tête de l'emploi. j’ai le bac mais je n’ai pas fait d’autres études. ouais, en soit, c'est pas important. mais c'est pas grave. ça compte quand même. ne serait-ce qu'un tout petit peu. j’élève ma sœur cadette seul depuis ma majorité. là. ça. cette toute petite vision d'un passé, présent et futur. le petit détail qu'il minimise et qui, pourtant, est bien plus grand qu'il ne l'imagine. tu sais c'que c'est, toi, la p'tite sœur. tu sais c'que c'est, toi, d'veiller sur elle. tu ne peux cependant pas te comparer à lui. parce que ce qu'il vient de te révéler, c'est l'absence plus que la présence. l'absence de parents, notamment. tu n'poseras pas de questions maribelle. ça ne te regarde pas. voilà le résumé de ma petite vie. rien de bien passionnant comme tu le vois. tu secoues la tête, de gauche à droite, encore. l'rire moqueur qui n'veut pourtant pas s'faire la malle. tu n'es pas objectif. personne ne l'est quand il s'agit de sa propre vie. la douceur de ta voix maribelle. elle n'est pas habituelle. et pourtant, tu ne peux pas être incisive, à cet instant. tu te sous-estime matthieu. c'est triste, je trouve. tu t'étais jurée de ne pas le faire et pourtant, t'en prends la direction princesse. les conseils de la grande-sœur. merde. l'impression d'changer d'avis sur une simple information balancée à demi mot. t'es fatigante maribelle. incapable de rester en place plus d'cinq minutes, toujours à changer d'avis, constamment. merci pour l'café. qu'tu balances, tout simplement, avant que tes mains ne viennent à nouveau se saisir ses roues de ton carrosse. oh et matthieu ? que tu ajoutes après avoir fait quelques mètres, te retournant vers lui avec plus d'aisance qu'à tes débuts. arrête ça ... vraiment. arrête de la suivre gamin, arrête de t'occuper d'elle, arrête de prendre de ses nouvelles. allez savoir lequel des deux brisera l'autre en premier. parce qu'à ce jeu-là, on est jamais vraiment sûr de rien. et encore, c'est quoi c'jeu, au juste ? c'est quoi cette mascarade ? tu sais pas princesse, t'en sais rien. t'es juste déstabilisée. et ça, ça t'plait pas. jamais.
FIN DE LA SCÈNE.
Contenu sponsorisé
Sujet: Re: (matthibelle) présent simple.
(matthibelle) présent simple.
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum