Ah les Galeries Lafayette. Les gens en font tout un foin, mais je ne vois vraiment pas ce qu'on leur trouve. Franchement, c'est la foire aux bestiaux ici. On laisse vraiment entrer de tout et n'importe quoi. Pour un lieu qui se réclame être la Mecque parisienne du bon goût et du chic, on repassera. J'appellerais plus cela, le repère de la populace et de la fine fleur des raclures. Bref, publicité mensongère. Non mais c'est vrai, regardez-moi ça ! Des gros, des petits, des boutonneux, des lardions. Bienvenue à la Cour des Miracles 2.0 ! Ou au Cirque Bouglione. Je ne sais pas, j'hésite encore. Bon, le seul point positif dans toute cette histoire, c'est qu'au moins maintenant je sais à quoi ressemble ces fameuses Galeries. Je ne crèverais pas idiot, c'est déjà ça. Ceci dit, je risque de passer l'arme à gauche plus tôt que prévue à ce train là. Si je sors de cette fourmilière humaine en un seul morceau, cela sera déjà un bel exploit. A côté de ça, le métro de Taipei aux heures de pointes c'est de la rigolade ! Roh, c'est bien ma chance, pour une fois que je porte du Roberto Cavalli. Bas les pattes sale plouc ! Ce costume vaut plus de fric que tu n'en verras jamais dans toute ta misérable vie. Non vraiment il n'y a pas à dire, je suis déçu, déçu et même trois fois déçu. Les points de vente de chaque marque sont ridiculement petits, et tout ce qui est en vente est soit has-been, soit hideux comme ce n'est pas permis. Oh et puis les prix … . Qu'est-ce qu'on fait ? On prend deux minutes pour en parler, ou bien … ? Ils sont dérisoirement bas, et à la porté du premier péquenaud venu, que cela en devient grotesque. Limite vulgaire. Je vous jure que c'est bien la première et la dernière fois, que je mets les pieds dans un endroit grouillant de rats d’égout ! Toutes ces âmes en peines, ces biatch en bois et ces tocards qui veulent clairement vivre au dessus de leur moyens, me donnent des palpitations. On ne m’enlèvera pas de l'esprit que le must en terme de luxe à la française reste l'Avenue Montaigne et le Faubourg Saint-Honoré. Ce sont peut-être bien les deux seuls endroits de Paris, où l'on ne côtoie pas tout ces traînes misères et ces va-nu pieds. Il n'y a que là-bas que l'on trouve de vraies boutiques dignes de ce nom. Elles sont pour ainsi dire comme des oasis en plein désert. Rien là bas, ou presque ne vaux moins de dix-mille euros. Les vendeuses se mettent en quatre pour combler vos souhaits et vos attentes. Chaque chef-d’œuvre des grands créateurs, peut-être retouché selon vos désirs. Mieux encore, on peut, et on se doit, d'exiger du sur-mesure. Sincèrement pour moi, c'est la base et le minimum syndical en matière d'habillement. Cet endroit est une véritable hérésie. Comment peut-on concevoir de démocratiser le luxe et la haute-couture ? Franchement, c'est quelque chose qui me dépasse complètement ! Par définition, cela se doit d'être réservé à une poignée de privilégiés. A l'intelligentsia de la mode, l'élite, le gratin, la crème de la crème. Bref, appelez-ça comme vous voulez. Comment voulez-vous que … Quoi, qu'est-ce qu'elles me veulent ces deux gamines ? Un selfie ? Bon ok mais rapide alors. Voilà. Oui, oui c'est ça, « Arigato ». Aller, de l'air maintenant ! Mine de rien, on commence à me reconnaître. Ah, ce que c'est grisant ! Tiens, « Louis Vuitton ». Je me demande si … . Mais oui, elle y est. L'affiche de la collection Printemps/Eté de cette année. Devinez qui trône sur le mur au format trois mètres par deux ? Oui, c'est moi, moi, et encore moi ! Mon premier coup de maître dans la capitale. Mérédith Delmare ne doit certainement pas regretter son choix. Roh, c'est tellement magnifique que ça m'en ferait presque monter les larmes aux yeux. Faut dire aussi que je suis beau là dessus, mais alors à un point … . Plus, ça serait carrément de la provocation. Oh, il faut à tout prix que je prenne une photo de cette pure merveille. Et … voilà ! Whoo whoo whoo, que me vaut cet attroupement ? Mais qu'est-ce que c'est que tout ces gens ? D'où ça sort ? Ah bah oui forcément, ils ont fait le rapprochement. Ravi de voir qu'en dépit du fait qu'ils ne savent pas s'habiller, ces gueux sont physionomistes. Ah j'adore les bains de foule ! Ça m'avait presque manqué. Tout le monde me veut. Enfin façon de parler. La seule et unique chose qu'ils auront de moi, c'est une photo souvenir. Voilà. Suivant. Encore. On continue. Enlève ta main de ma hanche, espèce de nid de peroxyde ! J'ai pas souvenir qu'on a élevé les cochons ensemble. C'est bon, on a fait le tour ? A la bonne heure ! J'ai les zygomatiques complétement défoncés. J'aurais pas pu sourire une minute de plus. Eh bien, ce fut fort distrayant ! Cet élan d'intérêt autour de ma sublime personne pourrait bien faire remonter la cote de cet endroit dans mon estime. J'ai bien dit « pourrait ». Il en va falloir beaucoup plus que cela, pour me faire changer d'avis et revoir mes certitudes. Quoiqu'il en soit, si je devais garder une seule raison qui serait susceptible de me motiver pour revenir à l'avenir, cella pourrait bien être celle-ci. Pfff, c'est dingue ça. On dit que les parisiens sont toujours speed. Eh bien, force est de constater que les Galeries Lafayette doivent être l'exception qui confirme la règle. Les gens ici traînent leur disgracieuses carcasses avec une lenteur qui atteint des sommets ! Cela fait à peine une heure que je suis là, et je suis déjà tanné. En même temps, j'ai de quoi en avoir plein les Jimmy Choo, vu qu'on ne fait que piétiner et faire du surplace ici. Quelle plaie ! En plus de cela, je commence à avoir l'estomac dans les talons. Il est quelle heure au juste ? 12H30. Ah oui, quand même ! Bon, j'ose espérer que la gastronomie est de meilleur goût que ce qui est proposé à la vente. Sinon, bonjour le fiasco ! Putain, il y a une queue longue comme la muraille de Chine sur ces escalators. Je me serais bien laissé tenter par l’ascenseur, si ma phobie des petits espaces confinés n'était pas si forte. Que faire ? Dilemme quand tu nous tiens ! Bon, aller Kuan. Tu es grand garçon de trente deux ans, qui culmine quasiment à deux mètres. Ce n'est pas un insignifiant ascenseur qui va te flanquer les fois ! Ohlala, mais pourquoi est-ce que les cabines sont toujours si basses de plafond ? Calme. Respire, tout va très bien se passer. Aller, c'est parti on déco… . Oui, oui, c'est bon ça va ! Je retiens la porte. Pas la peine de brailler et de hurler à la mort ! Ah, enfin une femme qui a de l'allure, de la classe et surtout qui sait s'habiller ! Hallelujah ! Je commençais à désespérer. C'est avec une petite moue admirative sur le visage que je désigne la tenue de cette jeune femme. « Sympa ce petit combi-short Givenchy ! Je le reconnais, c'est celui que portait Lily Aldridge, lors du défilé pour la collection Printemps/Eté de cette saison. ». Et il n'y a pas que ça qui est sympa ! Tout chez cette femme est à la pointe des dernières tendances. Escarpins Manolo Blanhik. Très smart, très chic. Petit sac signé Nancy Gonzalez. On adore ! Lunettes de soleil Dolce & Gabbana sur le front, pour apporter une petite touche décontractée. Bijoux de chez … Cartier je dirais. Ou peut-être Tiffany ? Cheveux hairdressés à la perfection. Petit maquillage nude by Guerlain. Simple mais efficace. Eh bien dites, moi on frôle le sans faute ! Il est clair qui si j'étais un homme attiré par les femmes, celle-ci ne me laisserait pas indifférent. Mais bon c'est bien connu : « Avec des si, on mettrait Paris en bouteille » comme dirait l'autre ! Oh mon Dieu ça y est, on monte ! L'angoisse. Peut-être qui si je ferme les yeux ça passera plus vite ? Je suis tellement anxieux, que j'en retiens ma respiration et remue nerveusement le genou. Ah, il est beau Monsieur Vuitton 2017 ! Hein ?! Qu'est-ce que c'est ?! Vous avez entendu ce bruit ? La lumière ! Remettez la lumière ! Bordel, aucun bouton ne fonctionne. « Oh non, non, non ! Pitié, pas ça ! Ouvrez, ouvrez ! OUVREZ !!! ». Crois-tu qu'il y en a un qui va m'entendre ! Tsss, ça ne sert à rien de tambouriner comme un bœuf à cette porte de toute manière. Cela m'étonnerait grandement que l'on puisse m'entendre du dehors, compte tenu de tout le ramdam qu'il doit y avoir. Oh mon Dieu, je suis pris au piège. Il n'y a aucune autre issue. En plus, il n'y a pas d'air ici. Ohlala ça y est, j'hyperventile. A défaut de pouvoir m'allonger, il faut au moins que je m'assois. Ma dernière heure est arrivée. D'ici peu de temps, je vais voir toute ma vie défilée devant mes yeux. Quelque chose me dit que cela ne sera pas joli à voir ! »