Sujet: They're not gonna get us - (ft. Sofia) 5/4/2017, 16:39
THEY'RE NOT GONNA GET US
Sofia Delacour ft. Kuan-Yi Hsieh
Ah les garces ! Comme si ma présence pour ce meeting avec la Delacour Corporation était indispensable. Si c'est pour déblatérer et parler porte-feuilles, actions, gestion d'actif ou je ne sais quoi, j'aime autant rester chez moi. Dire que j'ai dû annuler une entrevue avec les représentants de Mauboussin, tous ça pour faire le pied de grue dans une réunion entre Business Women et cols blancs. Rien que d'y penser, ça me fout en rogne. Je vois d'ici le but de la manœuvre. Prouver que l'on est une famille unie et soudée. Tsss, alors là, comptez pas sur moi ! Pfff, non mais regardez les. Engoncées dans leurs fourreaux Dolce, Fendi, Armani, Valentino. Du rouge, du vert, du bleu, du jaune, du violet. On jurerait voir le drapeau gay. Et c'est qu'elles ne se prennent pas pour de la merde en plus de cela. Il n'y a qu'à les voir, perchées sur leur escarpins Alexander Wang. Droites, fières, altières, les cheveux noirs corbeaux et raides comme la justice. Remarque, je ne peux pas le blâmer pour cela. Moi aussi, ce n'est pas la modestie qui m’étouffe. A elle cinq, elle ont facilement l'équivalent du PIB du Nigeria sur le dos. Et encore, j'ai pas passé en revue les bijoux. Une fois n'est pas coutume, mère à tout savamment mis en scène. Sa majesté trône en première ligne et s'impose avec sa robe en satin rouge sang. A sa droite, April, qui en sa qualité de vice PDG devrait mener les négociations avec elle. A sa gauche May, qui ne dira mot, mais qui écoutera d'une oreille très attentive tous ce qui va se dire. Sûrement au cas où, un litige éclaterait par la suite. Entant qu'avocate d'affaire, j'imagine qu'il est important qu'elle dispose d'un maximum d'informations. Rien de mieux que d'aller les chercher à la source, et de les entendre de la bouche « de la partie adverse ». June et July sont comme je m'y attendais en seconde ligne. Cette dernière est une véritable boule de nerfs. La faute sans doute à son audition à l'Opéra de Paris, pour briguer une place de contrebassiste. J'avoue que j'aimerais bien qu'elle réussisse. Si elle est retenue, exit le rôle de la petite assistante devant exhausser le moindre désir de la « Reine Mère ». Bon aller, je ferais mieux d'essayer de la calmer. Cela serait la moindre des choses, vu qu'elle est juste devant moi. D'une manière réconfortante et apaisante, je m'efforce de la rassurer en lui frottant doucement les épaules et les biceps. Penché, je murmure dès lors à son oreille : « Tout va très bien se passer, ne t'en fais pas. Ton calvaire dans cette boîte de pourris est sur le point de toucher à sa fin. J'en suis certain. ». Je ne sais pas si mes paroles l'ont décrispé, mais en tout cas elles ont au moins eu le mérite de lui redonner le sourire. En guise de remerciement, elle se contente de déposer à la hâte un rapide baiser sur ma joue. Ses amandes de jais retrouvent le peps et l'innocence de ses vingt-deux ans. En relevant la tête, je croise le regard haineux de June. Mâchoire serrée, Nagasaki dans l’œil Gauche et Hiroshima dans l’œil droit. J'entends d'ici ce qu'elle pense. « Laisse ma sœur tranquille et tâche de te tenir à carreau, espèce de dégénéré sexuel. ». Ce qui est, vous en conviendrez, le comble venant de la part d'un femme qui change de mec comme de chemise. Je ne vais même pas m'abaisser à la tacler avec un bon mot d'esprit. Un petit coup de menton hautin, ça devrait faire l'affaire. Ok, c'est bon ça va, je me recule, je me tais et je me contente de faire tapisserie. La suite des événements, je peux facilement vous la prédire. Dès que les Delacour auront franchi l'imposante porte tambour du bâtiment, elles vont s'empresser de leur sauter à la gorge. C'est comme ça qu'elles fonctionnent. Profiter de l'effet de surprise, afin d'empêcher leurs interlocuteurs de peaufiner leur stratégie et d'accorder leur violons. Tiens bah justement quand on parle du loup … ! Les Delacour. Pile à l'heure. La quarantaine bien sonnée. Peut-être même la petite cinquantaine. Tirés à quatre épingles. Genre bobos bien pensant. Costard Smalto pour Monsieur. Trois rangs en perles et tailleur Prada pour Madame. Hum, ça fleure bon la poudre aux yeux, la magouille et la corruption. Pas de doute, ils vont bien s'entendre avec les « Dragons Taïwanais ». Ah, et ils ne sont pas venus seuls. A en juger par la confiance qui émane de ces deux golden boy en herbe de la finance, je pense pouvoir affirmer non sans mal qu'il s'agit de cadres hauts placés dans la hiérarchie de la Delacour Corporation. Tiens, elle par contre, elle n'a vraiment pas la gueule de l'emploi. Qui plus est, elle a l'air bien jeune pour un requin d'affaire. Une chose est sûre, c'est qu'elle a autant envie d'être ici que de se pendre. Ce que je peux tout à fait comprendre. Cela doit sûrement être la fille de ce couple qui se la joue baron et baronne de Rothschild. On dirait bien qu'elle fulmine et qu'elle bouillonne intérieurement. Quelque chose me dit que le jour où toute cette colère qu'elle semble contenir explosera au grand jour, il ne voudra mieux pas être dans les parages. Aller, c'est parti ! Vas-y que je te serre la paluche, vas-y que je te cire les pompes. Elles s'y prennent mal en plus de cela. La flagornerie, c'est tout un art. Il faut que cela soit subtil, utilisé à bon escient et toujours teinté d'une pointe de vérité. Là, elle y vont avec la délicatesse d'un éléphant thaïlandais de huit tonnes cinq, dans un magasin de porcelaine chinoise. C'est quand même dingue, à croire que je suis le seul dans cette famille de tarés à savoir faire de la lèche comme il se doit. Aucune surprise. Comme je le présentais Mère et April mènent les négociations. Gnagnagna dividendes, plus-values de tant. Pffff, qu'est-ce qu'on s'en carre ! Encore une fois, je ne vois vraiment pas ce que je fous là. Du moment que j'ai toujours mon chèque à la fin du mois, c'est ce qui m'importe. Qu'est-ce que … . Pourquoi May triture sa boucle d'oreille ? Ah sa y est j'y suis ! C'est la « mike earing » qu'elles ont lancées le mois dernier. Un minuscule micro dissimulé dans le fermoir d'un pendant d'oreille en jade. Hahaha, c'est malin je dois le reconnaître. Non seulement, elle recueille toutes les informations dont elle a besoin, mais en plus l'enregistrement peut également faire office de preuve si d'aventure un procès serait à l'ordre du jour. La sournoiserie et la perfidie de cette femme n'aura de cesse de m'étonner. Ohlalala, ça fait même pas cinq minutes qu'ils sont en pourparler que je décroche déjà. A ce train là, je ne vais pas tarder à … « Mouhaaa ! ». A bailler au corneille ! Roh, et puis alors là, niveau discrétion zéro ! Faut dire aussi que quand je m'emmerde, je ne fais guère d'effort pour le cacher. Oh, mais qu'ils sont mignons tout pleins, à me regarder tous autant qu'ils sont, avec leur air outré de bonnes gens respectables. On dirait une ribambelle de tournesols attirés par le soleil que je suis. Bah dit donc il en tire une gueule de six pieds de long le patriochka Delacour. Ah, ça commence à devenir intéressant. Tel Sébastien Chabal, le voilà qui fend la muraille humaine érigée par les harpies qui me servent de mère et de cousines. Il se présente à moi avec un ton de sergent instructeur de l'armée, et en profite pour m’étaler son pedigree d'homme d'affaire soit disant accomplis. Je lorgne un bref sur la main qu'il me tend, avant de le regarder dans droit les yeux avec un aplomb insolant, tout en haussant les sourcils. Sourire narquois sur le visage, je fourgue mes mains dans les poches de mon blazer, et lui réponds du tac au tac lorsqu'il me donne l'occasion d'en placer une. « Ne vous fatiguez pas, et gardez donc votre salive pour ces dames. Si vous souhaitez parler affaires et business, c'est avec elles, et elle seules, que vous aller devoir traiter. Moi, je ne suis qu'un playboy. ». Doux euphémise pour dire que je ne suis que le gars, que l'on vient trouver pour les campagnes publicitaires de la marque. On dirait que j'ai jeté un froid. April serre le poing, et se contient afin ne pas me le mettre en pleine face. May et July étouffent un rictus. Le léger bruissement de bouche de leur tante leur redonne aussitôt leur sérieux. June quant à elle, me fait payer ma condescendance à l'égard de notre invité en m'écrasant le pied à l'aide de son talon de douze. Après avoir esquissé une infime moue de douleur, j'enchaîne en ajoutant sur un ton faussement avenant. « Ceci dit, j'apprécierais de pouvoir me rendre utile en faisant visiter à Mademoiselle Delacour les locaux de notre Quartier Général. Si toutefois elle y consent, bien entendu. ». Hop, ni une ni deux, toute l’assistance se retourne tel un seul homme vers la jeune femme, qui s'ennuie de pied ferme depuis son arrivée. Je profite du fait que personne ne me regarde, pour lui adresser un clin d’œil complice. Je pense que je ne pourrais pas supporter une bride supplémentaire, de cette conversation soporifique à souhait. C'est le seul prétexte relativement recevable qui m'est venu à l'esprit pour me soustraire à cette réunion. Peut-être que je m'avance, mais il se pourrait bien que cette idée soit la meilleure que j'ai eu depuis longtemps. Quelque chose me dit même que je risque même de faire une heureuse. <
Sujet: Re: They're not gonna get us - (ft. Sofia) 6/4/2017, 12:13
They're not gonna get us
kuan & sofia
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Qu'est-ce que j'aillai y faire moi à ce foutu rendez-vous ! La réponse je l'ai sur les lèvres depuis que mes parents m'ont annoncé la veille que je les y accompagnerai. Le seul moyen que j'ai trouvé pour ne pas vivre dans la rue et gagner un minimum ma vie est d'accepter les demandes de mes parents : être actionnaire de la société familiale, ne rien dire par rapport à ce qui s'est passé ces trois dernières années à qui que ce soit et en échange ils me logent dans un appartement magnifique et me payent tous les mois. Alors qu'au final je ne fais pas grand chose pour Delacour Corporation. À part donner l'imagine de la gentille petite famille lors de ce genre de réunion. Nous avons donc pris une longue limousine noire pour nous y rendre, mon père ne voulant jamais passer inaperçu. Je regarde vaguement ma mère qui parle tout en faisant gesticuler ses mains, j'ai toujours trouvé cela très impressionnant : ma mère a beau avoir de nombreux défauts on ne peut pas lui enlever ses manières dignes, sa prestance et sa classe naturelle dans ce tailleur noir de chez Prada qui met en valeur sa silhouette mince. Ses cheveux bruns sont relevés dans un chignon sophistiqué et son maquillage est parfait. À côté, j'ai de quoi complexer car même si elle m'a forcé à enfiler cette robe rouge Dior pour l'occasion je ne dégage pas cette assurance qu'elle a. Alors que nous allons vers le lieu de rendez-vous ma mère continue de m'expliquer ce que je dois faire, dire ou pas, etc. Si j'ai bien compris il s'agit de THH Corporation spécialisée dans le high-tech et ce genre de chose. J'avoue que je suis aussi calée en finances qu'en technologie : j'ai tout de même passé plusieurs années sans le moindre appareil électronique et j'ai l'impression d'être un extraterrestre dans ce monde.
Nous descendons finalement et je suis silencieusement mes parents, ne supportant pas les escarpins Louboutin blancs que je porte, assortis à mon minuscule sac mais beaucoup trop hauts à mon goût, inutile de préciser que je ne les ai pas choisis. Deux hommes en costards identiques nous attendent, le regard sévère, l'un doit être plus âgé que moi de quelques années à peine. Le plus âgé est celui considéré comme le bras droit de mon père, Philippe, je crois le connaître depuis toute petite. Avant de rentrer dans la pièce mon père me lance un regard légèrement méprisant : « N'oublie pas que tu es là pour faire bonne impression : tiens-toi plus droite, la tête plus haute, tu es une Delacour. » Comme si je pouvais l'oublier ! Je vois le plus jeune des hommes qui nous accompagnent pouffer de rire le plus discrètement possible. Cela ne m'empêche pas de lui lancer un regard noir, il cesse de rire la seconde d'après.
Mon père a la main sur la poignée quand ma mère me murmure à l'oreille : « Il paraîtrait que le fils Hsieh est célibataire. » Je la regarde, l'interrogeant silencieusement, elle me souffle une dernière fois avant de rentrer : « Il faudra un jour que tu y penses tout de même ! » Elle n'aurait rien pu dire de pire pour me mettre de mauvaise humeur, déjà que je n'ai aucune envie d'être là ! Si en plus elle espère me caser avec un de ses petits bourgeois ! Maintenant j'ai carrément envie de leur faire une scène et de m'enfuir en courant, pieds nus dans Paris. Mon père rentre en tapotant sa montre incrusté de diamants comme pour lancer un chronomètre. Ma mère le suit, de sa démarche fière et unique, comment fait-elle ? Un mystère ... Ses boucles d'oreilles incrustées de pierres précieuses se balançant doucement. Pour ma part je reste derrière, à l'écart, comme toujours. Triturant par tic tour à tour mes bijoux : mes deux bracelets, ma bague et mon pendentif. Ce sont les seules choses que je porte qui sont vraiment "de moi", tout le reste c'est de ma mère, c'est elle a qui a décidé, choisi, pas de moi. Les femmes qui se tiennent face à nous en impose au moins autant que ma mère, je reste ébahie devant leurs ports de tête, serais-je donc le saule fille "normale" ici ? Toutes vêtues d'une couleur différentes, elles m'effraient plus qu'une armée de soldats. Celle du centre est vêtue d'une robe magnifique du même rouge que moi, je m'en sens d'un coup mal, je ne sais pas pourquoi.
Je commence déjà à me lasser de toute cette histoire lorsque j'entame ma tournée de salutations. Mes sourires sont aussi faux que les ongles de ma mère. Pourtant je fais ce qu'on me dit comme toujours, petite fille obéissante des Delacour. Les Hsieh en font des tonnes mais mes parents aussi. Je lève discrètement les yeux au ciel, pitié que cela se finisse vite. Puis les discussions sérieuses commencent doucement, je reste en recul comme prévu, m'ennuyant royalement. Cependant l'attention générale se porte soudainement sur le seul homme Hsieh de la pièce. Il vient de bailler à s'en décrocher la mâchoire d'une façon qui est loin d'être discrète, synonyme de son ennui visible. Si ma mère manque de s'évanouir et que mon père fronce d'une manière étrange ses sourcils je ne peux pour ma part m'empêcher d'afficher un large sourire : enfin une personne qui me comprend ! Mon père semble seulement remarquer maintenant cette présence masculine et s'avance donc vers "le bailleur". Je vois de là où je suis placée que la rencontre est loin de bien se passer : le jeune homme ne fait aucun effort pour serrer la main que lui tend mon père. J'entends également vaguement ce qu'il répond à mon père et cela ne fait qu'élargir mon sourire.
« Ceci dit, j'apprécierais de pouvoir me rendre utile en faisant visiter à Mademoiselle Delacour les locaux de notre Quartier Général. Si toutefois elle y consent, bien entendu. »
Je sursaute en entendant le "Mademoiselle Delacour", habituée à être désignée de cette façon. Bien sûr tous les regards se portent maintenant sur moi. Mon regard reste fixé sur celui qui passe du statut de "bailleur" à "sauveur". Ce dernier m'adresse d'ailleurs un clin qui me fait à peine rougir. Comme à son habitude quand il s'agit de ce genre de chose ma mère prend les devants alors que je commençais à ouvrir la bouche. Elle s'avance donc vers mon sauveur, me poussant d'une main derrière mon dos, affichant un sourire que je ne lui connais que trop bien. « Comme c'est aimable de votre part, je suis persuadée que ma fille sera tout à fait honorée de visiter vos impressionnants locaux. N'est-ce pas ? » Si elle lance un regard milieux au jeune homme, je n'ai sûrement pas le droit à ce regard. Au contraire ses yeux me lancent des éclairs, signe que j'ai intérêt à ne pas la décevoir. Haussant les épaules je réponds d'une façon simple voir assez "vulgaire" comme le dirait ma mère :
« Et bien ce sera avec plaisir ! »
Je ne porte pas plus d'attention à ma mère qui semble vouloir encore le parler de quelque chose, sûrement pour le dire de mettre toutes les chances de mon côté avec cet homme, elle peut toujours rêver : je suis assez grande pour savoir ce que je veux faire et avec qui. Je me place donc aux côtés de mon sauveur et le suit alors qu'il sort de la pièce.
Dès que tous ces regards ne pèsent plus sur moi je ne peux m'empêcher de souffler un bon coup. Il m'a sans aucun doute entendu mais je m'en fiche totalement. Quelque chose me dit que lui aussi rêvait de s'éclipser de cette réunion plus que barbante ! Je ne baisse cependant pas ma garde et l'observe à nouveau et lui fit un petit sourire en coin en lui sortant la première chose qu'il me vient à l'esprit :
Sujet: Re: They're not gonna get us - (ft. Sofia) 7/4/2017, 18:30
THEY'RE NOT GONNA GET US
Sofia Delacour ft. Kuan-Yi Hsieh
J'en ai trop fait ? J'ai dépassé les limites et cracher sur les principes de base de la politesse ainsi que de l'hospitalité ? Peut-être bien que oui. C'est en tout cas ce que laisse à penser l'air consterné et furibond qu'arborent Monsieur Delacour. Madame, quant à elle, ne sait guère sur quel pied danser visiblement. Toutefois, son visage s'illumine et ses yeux noisettes étincellent, lorsque je propose à sa fille de faire une petite visite guidée. Sans grand ménagement, elle enroule un bras autour de sa taille et la force à la suivre. D'une main à la fois tendre et autoritaire posée sur l'épaule de son mari, elle oblige ce dernier à se décaler légèrement sur le côté afin qu'elle et sa fille puissent me faire face. Sauvé par le gong si je puis dire. Un peu de plus et je risquais de me prendre un sermon de la part de ce puissant patriarche, qui n'est sûrement pas habitué à être traité avec autant d’insolence et d’impertinence. Que voulez-vous, c'est ma nature. Je ne vais certainement pas changé qui je suis, sous prétexte que j'ai à faire à un homme qui pèse je ne sais combien de millions. La ressemblance entre les deux femmes est plus que frappante. Même couleur de yeux, même forme de visage, même petit nez fripon. Par contre, c'est clairement le jour et la nuit niveau attitude. L'une est assurée et sûre d'elle, tandis que l'autre semble comme prise au piège dans un rôle qui lui est de toute évidence imposé. Nul doute que le monde clinquant et bienséant, dans lequel ses parents veulent qu'elle évolue, est aux antipodes de ce dont elle aspire. Elle n'a pas l'air très grande, mais ses escarpins Louboutin donnent à sa silhouette un bel élancement. La façon dont elle agrippe sa minaudière Chanel laisse transparaître une petite pointe de nervosité. Non, à bien y regarder, c'est plus de l'agacement que de la nervosité. Sa robe Dior rouge carmin tombe à la perfection. Vu la façon dont elle épouse ses formes, je ne serais pas étonné que cela soit du sur-mesure. J'imagine qu'elle préférerait certainement troquer cet accoutrement contre des vêtements qui seraient plus confortables. Un jean slim, un crop top et une paire de kickers par exemple. Sa déconcertante jeunesse me saute soudainement au yeux. Elle doit avoir approximativement le même âge que July. Autrement dit, vingt-deux ou vingt-trois ans. Peut-être même mois. Ses yeux débordent de candeur et d'une tendre naïveté. Toutefois, dès que sa mère s'exprime, ils s’obscurcissent et se muent en une sorte de rage et d'animosité. Ceci dit, je me mets à sa place. C'est jamais facile d'être une fille ou un fils de. Toute notre vie durant, on lutte pour se faire un prénom. J'en sais quelque chose. Parfois, on se dit que nos vies seraient nettement mieux, si nos géniteurs pouvaient disparaître de la surface de la terre. On serait enfin libre. On serait enfin nous même. On suivrait notre propre voie, et non une que l'on nous a préalablement tracée et balisée. La façon dont la mère coupe l'herbe sous le pied de sa fille afin de biaiser la réponse de celle-ci, me rappelle bien des souvenirs. Madame Delacour, semble avoir des projets bien définis en tête. Comme unir les noms Hsieh et Delacour. C'est tellement évidant et à peine dissimulé, que cela se voit aux œillades qu'elle m'adresse. Cela se divine aussi dans le ton enjôleur de sa voix. Conscient qu'il m'est absolument impossible, même avec toute la bonne volonté du monde, de lui faire cette joie, mon sourire devient légèrement plus crispé et mécanique. J'ai l'impression d'assister à un vieux cliché de la mama juive cherchant par tout les moyens à caser sa fille avec un beau parti. C'est donc plus que résignée face à la pression mise par son aînée, que l'unique héritière de l'auguste famille Delacour apporte une réponse favorable à ma requête. En guise de salutation, je donne à cette femme aux airs de reine, un baise main en bonne et due forme que je ponctue d'un solennel « Madame ». Etant donné que le père m'a déjà dans le nez, inutile que je me foute à dos toute la smala. En tout cas, elle semble enchantée d'être considérée avec autant d'égards. Afin de me jouer et de bercer d'illusions cette dame se réclamant de la haute, je présente et offre mon bras à la toute jeune femme se tenant à ses côtés. Comprenant très vite au petit air farceur qui clairsème mon visage, qu'il s'agit en réalité d'une mascarade pour duper et berner les siens, elle finit par l’accepter dans un divin sourire. Nous nous éloignons, laissant ainsi tout ce beau monde poursuivre leur discussion alambiquée suintant le fric et magouille. Ça y est, nous voilà enfin hors de leur champs de vision. Lorsqu'elle en prend conscience à son tour, elle me lâche aussitôt le bras. Nous poussons de concert, un profond soupir de soulagement. Suite à cette réaction d'une parfaite synchronisation, nous échangeons un regard amusé et partageons un bref éclat de rire. On dirait deux gamins jubilant d'un mauvais tour qu'ils auraient fait aux « grandes personnes ». Dans la foulée, elle s'empresse de me témoigner sa gratitude. « Sauveur inespéré ». Il n'en fallait pas moins pour flatter mon ego surdimensionné. Tu me plais bien toi ! « Oh mais je t'en prie, c'est bien peu de chose. Cela fait des jours que je me creuse la tête à la recherche d'un prétexte, pour échapper à cette séance de ronds de jambes sur fond de politiquement correct. Quitte à m'éclipser, je me suis dis autant en faire profiter quelqu'un qui en a tout autant envie que moi, si ce n'est plus. ». Pour être franc, c'est plus par opportunisme que par bonté d'âme que j'ai agis à la base. Ceci dit, si pour une fois dans ma vie, je devais rendre service à quelqu'un et faire une bonne action, c'est dorénavant chose faite. Arrivé devant le colossal ascenseur de verre attenant à une des façades entièrement vitrées du bâtiment, j'appuie sur le bouton afin de le faire venir à nous. La ressemblance avec celui des tours jumelles de Petronas en Malaisie est plus qu’évidente. Je savais que mère était nostalgique de son pays par moment, mais à ce point là … . L'intérieur est spacieux, mais plutôt bas de plafond pour quelqu'un comme moi qui avoisine les deux mètres. Vite, vite, par pitié ! J'ai horreur de me retrouver dans des espaces exigus et entièrement clos. Ouais, pas de doute, je suis un brin claustrophobe sur les bords. Respire, respire. Pfff, c'est vraiment de la foutaise leurs exercices pour rester calme à tous ces mordus de yoga ! Ohlala, s'il y a un quelconque Dieu là-haut, faite que l'on soit bientôt arrivé. Ce n'est pas ce silence de cathédrale qui m'aide en quoi que ce soit. Il faut que je trouve quelque chose à dire, pour empêcher mon esprit d'imaginer une montagne de scenarii catastrophes.« Cela ne te déranges pas si l'on se tutoie ? Les usages, le protocole et toutes ces choses rasoirs, qui sont si chères à ma famille, cela n'a jamais été mon truc. Au fait, je m'appelle Kuan. Si je puis me permettre, tes parents m'ont l'air d'être des gens qui … aiment tout maîtriser d'une main de maître et mener leur monde la baguette. Je pense qu'ils risquent de bien s'entendre avec ma mère et mes cousines. Qui se rassemblent s'assemblent comme on dit. ». Ça y est, on est arrivé. Il était temps ! Le toit, ou l'autre nom pour l'espace détente de la société. C'est ici que la majeure partie des employés prennent leur pause cigarette. Avec le retour des beaux jours, ils en profitent également pour se retrouver afin de savourer leur pause méridionale. C'est de loin mon endroit préféré de ce bâtiment. A égalité peut-être avec le bureau de May. Oui, parce que c'est là-bas que je cache mon herbe. Derrière le Code Civile de sa bibliothèque ! Je me suis dis qu'il y avait rarement des descentes de flics dans le bureau des avocates d'affaires. Sinon, on serait tous en cabale ! Ici, sur les cimes du QG, il y a tout pour se la couler douce. Des transats, des tables et des chaises de jardins en fer forgé, une fontaine au centre, des petits coins de verdures ici et là. Et surtout, une vue imprenable sur la capitale. Le temps est d'ailleurs parfait pour profiter du panorama. Le ciel est bien dégagé, et le soleil digne d'un mois de Juillet. Seule une petite brise légère rappelle que nous ne sommes pourtant qu'en Avril. Il y a dans ce lieu un petit quelque chose qui fait très « country club » britannique. On dirait bien que ce petit havre de paix semble au goût de mon invité. Je désigne du doigt une petite pergola un peu plus loin, abritant des distributeurs automatiques fonctionnant sans électricité. Ces automates font parti des premiers produits à avoir été conçus par mon défunt père. Ils sont capables de réguler eux-même leur température, et ne dépendent d'aucune source d'énergie. Aujourd’hui, on en trouve quasiment à tous les coins de rue à Taipei. Ceci dit, à l'époque où ils ont été mis en service – au début des années 80, il me semble – ce fut une véritable révolution à Taïwan. « Puis-je t'offrir quelque chose à boire ? Café, thé, chocolat ? Ou peut-être préfères tu quelque chose de frais ? Surtout n'hésite pas, et fais comme chez toi. On est en zone libre ici. Si l'envie, aussi saugrenue soit-elle, te prend de vouloir fouler pieds nus la pelouse ou barboter dans la fontaine, ne t'en prive pas. Ce toit est sûrement le dernier bastion de cette entreprise, où l'on peut réellement être qui l'on est, sans craindre les "on dit", le "qu'en dira-t-on" ainsi que les remontrances. Et puis cerise sur le gâteau : exit nos vieux qui nous serrent la vis et nous tiennent la bride, haha ! ».