Trois jours exactement. 72 heures que j'étais revenue travailler à l'hôpital. Le début fut difficile. Entre les regards indiscrets, les commentaires chuchotés et la pitié de certains, j'avais appris à rester calme, à ne pas répliquer à chaque fois que je croisais un soignant qui me dévisageait. C’est fou comme les nouvelles vont vite dans un hôpital. J’avais annoncé à deux ou trois collègues et amies la nouvelle de ma maladie. C’était sans compter sur les oreilles qui trainent. J’aurais dû m’en douter mais j’avais tellement besoin de me confier. Julian n’allait pas rentrer tout de suite et cette annonce m’avait rendu folle de rage. Il fallait que je m’occupe de notre fille et mon oncologue m’avait précisé que les séances de chimio devaient commencer le plus vite possible. J’avais décidé, avec son accord de continuer à travailler le plus longtemps possible. Rester en congés, ce n'était pas pour moi. Je me sentais moi-même à l'hôpital. Après ma garde, et malgré des bourdonnements d'oreilles et une douleur lancinante, je décide quand même d'emmener evana chez le pédiatre, pour son rendez-vous de contrôle. J'aurais pu demander à charlotte, ma voisine, ou à un de mes frères. Mais j'étais têtue, j'ai toujours fait ce que je voulais et quand je le voulais. Après avoir fait le point sur sa journée avec sa nourrice, je l'attachais dans son siège auto puis commença à chanter sa chanson préférée : "ani couni chaouani." en espérant qu'elle dorme un peu. Mais elle était comme sa mère, têtue comme une mule. Elle ne voulait pas dormir et chantonnait à tue-tête. En arrivant dans la salle d'attente, je poussais un soupir. Il y avait au moins quatre mamans avec six ou sept enfants. Je m'assieds et murmura à evana d'aller jouer. Le bruit devenait de plus en plus insupportable et je mis ma tête entre mes mains. "Maman ? Maman ?" Evana me tirai sur la manche mais j'étais incapable de bouger.
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Sujet: Re: lovely children | zenah 12/12/2016, 22:03
You gonna go far, Kid.
Lovely children
Elle aimait pas ça, les toubibs. Elle pouvait pas les encadrer, avec leur blouse blanche immaculée, parfaite, leur stéthoscope vissé autour du cou, et leur air un peu guindé et faussement compatissant quand ils vous annonçaient de mauvaises nouvelles. Toutes les salles d'attente avaient la même odeur. Aseptisée, stérile, qui pue la mort et l'absence d'humanité. Aller voir un médecin, ça la mettait franchement pas en joie, Zeno. Elle aimait pas ça. Les hôpitaux non plus d'ailleurs. Ça lui filait des frissons et lui glaçait le sang, tout en lui rappelant de sales souvenirs qu'elle aurait préféré oublier. Elle était pas bien, dans l'instant. Les coudes sur les cuisses, les mains jointes, les jambes tremblotantes de nervosité, elle fixait le vide. Elle se sentait vraiment mal. Elle y pouvait rien, Zeno. Ça lui faisait chaque fois cet effet quand elle venait voir l'assassin du genre humain. Et c'était assez ironique quand on savait qu'elle attendait chez le pédiatre, pour la gamine. Max avait passé sa crève il y avait un moment déjà. Mais le doc' avait insisté pour revoir sa patiente histoire de faire le point. Avec l'hiver qui approchait, les épidémies de grippes et de gastros se multipliaient comme des lapins catholiques nymphomanes. C'était dire.
Elle dessinait, Max. Tranquille, paisible cette gosse. À s'appliquer, la langue tirée. Elle coloriait au crayon un perroquet aux couleurs franchement psychédéliques. Et le tout sans dépasser, oui messieurs dames ! Zeno, elle en était fière de sa gamine qui dépassait pas. Y'avait pas à dire, le talent artistique, c'était de famille.
Dans un tremblement valétudinaire, la techos se passa une main dans ses cheveux décolorés. Elle sortit de son sac sa blague à tabac, ne captant pas le regard de la bourgeoise pince-sans-rire qui la dévisageait d'un œil mauvais, visiblement outrée qu'une mère puisse rouler son cancer des poumons en pleine salle d'attente. Sans même s'en rendre compte, la jeune femme porta la roulée à ses lèvres et sortit son briquet. Ce ne fut que lorsqu'elle entendit un râle à mi chemin entre la protestation et la consternation qu'elle releva les yeux. Elle se sentit con, l'espace d'une seconde. Sa cigarette en bouche, la flamme à quelques centimètres du bout. Vieille manie, mauvaise habitude.
« Oh ça va, me regardez pas comme ça. Vous avez jamais eu de sale réflexe, vous, peut-être ? Allez pas m'faire croire que vous êtes parfaite. »
Elle roula des yeux, claqua rageusement son zippo qu'elle fourra dans sa poche avant de remballer sa clope. Fallait qu'elle se calme, la ménagère austère. Ou qu'elle se fasse troncher plus souvent, ça aide à la détente. M'enfin, vu la gueule du mouflet, l'accouchement avait dû faire des dégâts, là en bas ; ce qui pourrait expliquer que madame soit mal-baisée, et donc d'humeur morose.
La modèle alternative se redressa dans son assise pour mieux s'installer contre le dossier. Bras croisés sous sa poitrine, jambes croisées, l'envie de râler et de maugréer qui lui piquait la langue. Elle jeta un coup d’œil alentours pour voir où en était l'attente. À force de se ronger les sangs par peur d'être ici, elle n'avait pas fais attention à l'ordre de passage. Fallait espérer que personne n'ait eu l'indécence d'essayer de la gratter. Elle risquait d'être de mauvais poil, la demoiselle, si elle restait un peu trop longtemps dans cette salle d'attente parce qu'une enflure ou une autre avait décidé de l'entuber.
Une petite voix à sa gauche la sortit de ses pensées. Zeno darda ses prunelles glaciales vers la petite qui appelait sa génitrice, juste à côté d'elle. Une jolie blonde, qu'avait pas l'air dans son assiette.
« C'est pour vous ou pour votre Mini-Monstre que vous êtes là ? Vous êtes un peu … pâlotte. »
Ouais, pâlotte, c'était l'euphémisme de circonstance. La décolorée se pencha vers son sac à dos et en sortit un tupperware rempli de biscuits aux fruits secs.
« Vous en voulez ? C'est mon voisin qui les a fait. Sans gluten, et vegan, paraît que c'est tendance. Ça ressemble un peu à du carton, vu de loin, mais c'est franchement pas mauvais ces trucs-là. »
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Sujet: Re: lovely children | zenah 5/2/2017, 21:01
lovely children
“make some beautiful meetings”
C'était un mardi, le mardi vingt-neuf novembre très exactement, que tout a commencé. j'avais déjà eu des maux de tête, même si le doliprane ne faisait plus effet, un simple anti-inflammatoire me calmait dans les vingt minutes. il était vingt-deux heures, evana dormait à poings fermés et c'était tant mieux. parce que, assise dans mon canapé, la douleur me vrilla la tête d'un seul coup, comme un coup de poignard enfoncé vivement dans chacun de mes yeux. et ensuite, les martelations sur mes tempes comme si un boxeur me frappait avec des gants en pierre. j'avais littéralement envie de m'arracher les yeux ou de me fracasser la tête contre un mur. je me contenta de me scarifier les avant bras avec mes ongles. forcément, mon mari était en mission. une heure comme ça et ça en devint insupportable. Après avoir pris des anti-migraineux, aucuns changements, je vomi même mon repas de douleur. je pensais à une simple migraine quand je me rendis compte que j'avais perdu connaissance durant quelques minutes. Les urgences en pleine nuit. Scanner, IRM, bilan sanguin et le verdict. tumeur au cerveau.
J'étais habituée à ces symptômes, bien qu'étrangement, ils se manifestent très peu dans les lieux publics. Sauf aujourd'hui. J'entendais bien la voix de ma fille mais c'était comme un écho lointain et je ne pouvais bouger sans avoir envie de crier de douleur. C'est quand je sentis les sanglots et l'angoisse dans sa voix que je pris sur moi. "Oui ma chérie ?" murmurais-je sur un ton que j'essayais le plus possible serein. Affublée d'un sourire forcé, je l'écoutais discrètement m'expliquer que le petit garçon lui avait piqué sa voiture. « C'est pour vous ou pour votre Mini-Monstre que vous êtes là ? Vous êtes un peu … pâlotte. ». Je ferma les yeux une demi-seconde avant de me tourner vers la femme à ma droite. Ses cheveux étaient étranges, étranges mais très jolis. C'est bizarrement la première pensée que j'eu à cet instant. " Oui, je ... c'est pour ma fille, mais j'ai juste un peu mal à la tête, merci." Evana me regardait toujours avec son air apeuré. " Maman tu as encore bobo comme ce matin ?". C'est dans ces moments là où je voulais que mon mari soit à mes côtés. La jeune femme avait l'air sincèrement inquiète pour moi et ne me regardait pas avec un air de pitié de comme les autres mères assises autour de nous. « Vous en voulez ? C'est mon voisin qui les a fait. Sans gluten, et vegan, paraît que c'est tendance. Ça ressemble un peu à du carton, vu de loin, mais c'est franchement pas mauvais ces trucs-là. » Je baissa doucement le regard vers ses mains qui portait ce tupperware bleu avec, comme elle le disait, ces petits bouts de gâteaux aux allures de carton. Aussitôt, j'eu un haut le cœur suivi d'un soubresaut. Mettant la main devant ma bouche, je m'excusais : "ce ne sont pas vos biscuits, désolée, c'est la douleur qui me donne des nausées..". Je tourna alors la tête vers les autres femmes et dans un effort, augmenta le son de ma voix pour que toutes puissent m'entendre : "Ca dérange quelqu'un si je passe avant vous ?" Je n'avais pas pour habitude de faire ce genre de chose. Profiter de mon état, de ma maladie. Seule une dame austère me répondit, sur un ton condescendant qui plus est, que je n'étais pas la seule malade et que je devais penser aux enfants avant tout. Je n'avais pas la force de lui répondre, mais si j'avais pu, je lui aurait fait ravaler son chignon à cette mégère.
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Sujet: Re: lovely children | zenah
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