Ce n'était pas la première fois, qu'Alice sortait seulement pour éviter les remarques de ses amis. De Baptiste surtout. Il ne cessait de l'appeler mamie car la plupart du temps, lorsqu'il débarquait chez elle au beau milieu de la nuit, un peu éméché et très énervant, il l'a trouvait emmitouflée dans un plaid, livre et tasse de thé à proximité. Alors, c'est à lui qu'Alice pensa en premier lieu lorsque son amie lui proposa de sortir. Elle n'était pas trop sûre d'où, de quelle heure, ni même de ce qu'elle avait prévu avant, ou après, mais elle avait dit oui, parce qu'elle n'était pas une petite vieille et qu'en plus, elle s'était dit que ça serait l'occasion de fermer sa bouche à Baptiste. Qui sait, elle le croiserait peut-être ce soir, et pourrait se faire une joie de lui montrer que, même en aimant la lecture, et le thé, on pouvait apprécier les soirées.
Elle jeta un dernier coup d’œil dans le miroir, juste avant d'attraper sa veste. Nina était encore entrain d'enfiler ses chaussures, et lui offrit un sifflement approbateur. Alice vérifia chaque détail, de ses talons un peu trop hauts à son goûts, à ses cheveux bruns lâchés contrastants avec son rouge à lèvres rouge, en passant par sa robe noire sans doute trop moulante et bien peu pratique. Elle fit la moue, puis se tourna vers son amie, désormais debout. - T'es sûre que c'est pas trop ? Pour toute réponse, la jeune femme secoua frénétiquement la tête dans un signe négatif. Plissant les yeux, Alice hésita un moment avant de hausser les épaules. Elles enfilèrent leurs vestes et quittèrent un appartement dévasté par les mille et unes tenues de soirée que Nina avait fait essayer à Alice.
C'est seulement en entrant dans le club, un endroit très branché, selon la blonde, et où Alice n'avait jamais mis les pieds avant ce soir, qu'elle remarqua le panneau juste après la porte. Soirée mousse. Elle s'arrêta net, attrapant son amie par le bras. - Hm, Nina ? T'es sûre que tu m'avais précisé cette histoire de mousse ? La blonde fit les gros yeux, souriant maladroitement, et lui offrit un regard qui voulait dire t'inquiètes, ça va être cool. Alice soupira, et se laissa traîner avec un peu moins d'enthousiasme vers le bar, où l'amas de clients lui donna envie de rentrer chez elle. Elle s'arrêta à quelques mètres, laissant Nina s'occuper des verres. Elle avait assez confiance pour savoir qu'elle lui prendrait quelque chose d'assez fort pour lui faire oublier l'histoire de la mousse. C'est fun, les soirées mousse. Quand on est au courant, et qu'on s'habille en conséquence. Elle patienta dans un coin, tentant d'accrocher le bracelet fluo qu'une serveuse venait de lui donner, sans raison particulière. Elle adorait ces trucs, Alice, et aurait voulu qu'ils restent illuminés pendant des mois. Trop concentrée sur sa tâche, elle ne remarqua pas la silhouette qui s'approchait, jusqu'à ce qu'il soit assez près pour qu'elle le sente. Elle leva la tête au moment où il parla, sourire en coin, charme dégainé comme la première fois. Hadrien. Elle garda sa main sur le bracelet, qu'elle n'avait toujours pas réussi à attacher, et plissa les paupières. - Ne prends pas tes rêves pour des réalités, Delauney. Puis, dans un sourire en coin, aussi arrogant que le sien, elle se pencha pour ne pas avoir à crier et ajouta : - Tu risquerais d'être déçu.
Pourtant, elle était presque soulagée de le voir ici. Visage familier parmi tous ceux qu'elle ne reconnaissait pas. Et puis, sa présence annonçait une soirée haute en couleur, et très, très amusante pour Alice. Ils ne cessaient de se croiser, comme si, depuis la fameuse nuit, ils étaient constamment posés sur les chemins de l'un et de l'autre. Alice releva les yeux vers le jeune homme, qui la surplombait de presque une tête, même avec ses talons. Il avait le charme insupportable des gosses de riches, l'arrogance d'un sourire en coin qui l'exaspérait autant qu'elle la charmait. Parce qu'elle ne le cachait pas, ce n'était pas pour rien qu'elle avait terminé entre ses draps. - T'es venu avec quelqu'un, ou tu compte te servir de l'excuse de la mousse pour ajouter un nom à ton tableau de chasse ?

Elle le détestait. Lui et ses sourires en coin, lui et son arrogance sans limite, la prétention de son milieu social, ses yeux bleus et sa carrure qui l'avait étreinte lors d'une nuit. Une banale soirée, quelques heures dans les bras l'un de l'autre, il n'y avais jamais eu plus que ça, entre eux. N'est-ce pas? Et pourtant, quand il attrapa son poignet pour l'aider avec ce fichu bracelet, elle frissonna. Elle balaya la sensation dans son ventre d'un coup de fierté, et releva le menton, les yeux brillants de malice. - Je sais, on me le dit souvent. Elle était aussi arrogante que lui, aussi prétentieuse, faussement mais sûrement, parce que cette façon qu'il avait de se penser au-dessus la mettait hors d'elle. Alors, elle s'élevait à son niveau, parce que c'était bien plus drôle comme ça. Il lâcha sa main, et elle eut le réflexe de poser ses doigts là où les siens avaient été, quelques secondes plus tôt, autour du bracelet. - J'avais pas besoin de ton aide, elle rétorqua, regard de défi à l'appui. Elle n'avait jamais besoin de personne, Alice, indépendante et forte, elle était une armée à elle seule. Elle leva les yeux au ciel lorsqu'il parla de confiance en soi, faussement exaspérée. - Évidemment. Elle se pencha pour observer sa meute, à quelques mètres, les regards tournés vers l'attraction de la soirée : Alice, et leur adressa un petit signe de la main. Elle fixa ensuite son regard au loin, le menton relevé. - T'en fais pas pour moi, merci, je peux me défendre toute seule. La nonchalance qu'ils feignaient, tous les deux, était si fausse qu'elle en paraissait presque naturelle. Ils se fichaient bien de l'un ou de l'autre, si bien qu'ils étaient obligés de s'adresser des regards ou d'échanger quelques mots à chaque fois que leurs chemins se croisaient. Mais Alice n'aurait jamais avoué, ni à elle-même ni à quiconque, que sa présence lui faisait quelque chose. Nina revint avec deux verres, et Alice se surpris à vouloir la voir repartir aussitôt. Hadrien la salua, poli et courtois, fidèle à lui même, le fils à papa typique, et ne se garda pas d'ajouter une remarque sur la tenue vestimentaire d'Alice, ce qui la fit rouler des yeux. Elle soupira, exaspérée, puis secoua la tête et leva son verre pour en boire une gorgée lorsqu'il se pencha à son oreille. Son souffle chaud dans son cou la fit frissonner, et elle bloqua inconsciemment sa respiration, un peu crispée alors qu'il complimentait Nina. Elle serra la mâchoire, un feu ardent lui brûlant le corps entier alors qu'elle le regardait s'éloigner, et rejoindre ses amis. Nina en profita pour le reluquer avec insistance, ce qui ne manqua pas d'alimenter la brûlure. - Encore le beau-gosse ? Décidément, il va pas te lâcher. Alice plongea le nez dans son verre dans un soupir, concentrant son attention sur Nina, quand bien même tout son corps voulait qu'elle garde les yeux rivés sur lui. - Ouais, quel crétin. Il est insupportable. Nina ricana, mais n'ajouta rien, se contentant d'observer les gens autour d'elles dans l'obscurité. - Bon, on va danser. Elle n'attendit pas de réponse, et attrapa Alice par le poignet au moment où elle avalait sa gorgée d'alcool, la faisant avaler de travers. Elle souffla, et bu cul sec la fin de son verre et eu à peine le temps de le poser sur le bar qu'elle était déjà entraînée sur la piste de danse, pas encore envahie de mousse, pour son plus grand bonheur. Coincée entre des corps en sueur, elle se déhanchait près de son amie, l'esprit un peu embrouillé d'avoir bu trop vite. Si bien qu'elle cru à une vision, lorsque son regard se posa sur Hadrien, collé-serré contre une jeune femme, membre de sa bande, et pas mal du tout. Elle n'eut pas le temps de bloquer sur le couple, qu'elle était déjà entraînée par Nina dans des pas de danse endiablés. Elle secoua doucement la tête, comme pour reprendre ses esprits, et essaya de se concentrer sur la petite blonde près d'elle. Mais c'était peine perdue. Parce qu'il était là, tout près, elle pouvait sentir son aura, et celle de la jeune femme avec lui, collée contre son corps, un peu trop avenante à son goût. Ni une ni deux, elle s'approcha d'un grand blond, membre lui aussi de sa meute et – sans être trop aguicheuse – l'invita implicitement à danser. C'était idiot, c'était inutile, c'était une simple pulsion menée par un jeu entre Hadrien et elle. S'il tenait à la rendre jalouse, ça ne fonctionnerait pas, se disait-elle. Mais ça ne l'empêchait pas de faire de même.

Le verre qu'elle s'était enfilé juste avant d'être entraînée de force sur la piste commençait à faire son petit bout de chemin dans son organisme. Elle n'avait pas l'habitude de boire, et ça étonnait toujours de la voir se lâcher autant avec très peu d'alcool. Pourtant, il fallait s'y habituer. Parce que c'était Alice, sûre d'elle, imposante, indomptable. Elle avait bu trop vite, peut-être, et sa spontanéité s'était accentuée, elle ne s'en rendit compte qu'en sentant la main du blond sur sa taille. Elle releva les yeux vers son partenaire de danse, dont elle connaissait le visage mais pas le nom, et se pencha à son oreille, tout sourire. - Alice. Pure politesse ou espoir qu'Hadrien interpréterait son geste autrement, elle ne savait plus. - Jules. Elle l'entendit à peine entre la musique, les conversations autour d'eux et le bourdonnement dans ses oreilles, mais elle sourit sans cesser de danser, jetant tout de même un coup d’œil à Nina, pour s'assurer que tout allait bien de son côté. Elle la trouva apparemment en bonne compagnie, lui adressant un geste de la main, accompagné d'une phrase silencieuse : il est canon ! Alice éclata de rire, et concentra de nouveau son attention sur Jules.
Il s'écoula une minute, ou trente, elle ne savait pas, elle avait perdu le fil. Ses cheveux collés à sa nuque, Jules qui se faisait plus avenant, et elle décida qu'il était temps de faire une pause. Elle s'éloigna sans un mot, attrapant Nina par le poignet et l'entraîna à l'écart. - Eh, j'allais conclure. Alice leva les yeux au ciel. - C'est bon, tu le retrouveras tout à l'heure. Elle scanna la pièce du regard, ce qui n'échappa pas à son ami. - Tu cherches quelqu'un ? Alice secoua la tête, non non, mais personne n'était dupe. Elle cherchait Hadrien. Malgré toute la volonté du monde, elle n'arrivait pas à se l'enlever de la tête. Et c'était sans compter sur sa capacité à étaler sa richesse à tout va, elle n'eut pas besoin de le voir pour comprendre que l'énorme bouteille de champagne avec tout ses effets bling-bling était pour lui et… Sa compagnie. Elle l'apercevait seulement de dos, et lui ne semblait même pas l'avoir vue, ou faire attention, et elle aurait ruminé en silence si Nina n'avait pas eu la bonne idée de la traîner de nouveau jusqu'au bar. A quelques mètres à peine du canapé où il était aguiché par une bombe atomique qu'il avait sans doute aguiché le premier. Elle détourna le regard, bien trop fière pour montrer quoi que ce soit, et se pencha sur le bar pour passer commande. - C'est pour moi. Elle tourna vivement la tête vers la voix, grave et inconnue, qui venait de lui offrir un verre. Il était grand, très brun, et aux yeux noirs, et lui offrit un sourire digne d'un acteur hollywoodien. - Merci, mais je peux me payer un verre toute seule. Il leva les yeux au ciel, insistant jusqu'à ce qu'elle accepte, ce qu'elle fit, et il entama une conversation dont Nina était éclipsée, pour son bon plaisir puisqu'elle avait déjà retrouvé son partenaire de danse.
Alice sirotait son verre, hochant la tête de temps à autre, posant des questions sur l'homme, l'adolescent, le garçon, s'il était de Paris, ce qu'il faisait dans la vie – et c'était sans surprise qu'il annonça venir d'un milieu bien différent de la Toulousaine. Elle était curieuse, Alice, bien trop pour laisser passer une occasion de connaître de nouvelles personnes, et tant pis s'il croyait qu'il l'avait dans la poche, parce que personne n'avait Alice dans la poche, tant que Costume Armani étanchait sa soif de découverte. Pourtant, elle n'arrivait qu'à écouter à moitié, l'autre moitié de sa concentration portée sur le soin qu'elle mettait à ignorer dignement Hadrien, pourtant à quelques mètres seulement. S'il avait de la compagnie, elle en avait aussi. Jusqu'à ce que sa compagnie soit tirée par les bras d'une bande de potes visiblement trop éméchés pour se rendre compte que leur ami était en pleine discussion. Alice rit et termina son verre avant de le poser sur le comptoir, et tenter de s'échapper de l'entassement qui s'était formé autour du bar. Elle avait perdu Nina de vue, et c'était pas si grave, mais elle se retrouvait seule et n'avait plus envie de danser, pour l'instant. Elle jouait difficilement des coudes, et lorsqu'on la heurta, elle se tourna, les sourcils froncés, prête à affronter celle qui était trop pressée de boire pour faire attention. Ou plutôt celui. Instantanément son visage changea à la vue de celui d'Hadrien, qu'elle pensait dans un coin de la boîte à conclure avec la belle blonde de tout à l'heure. - Encore toi. Elle ne put retenir un sourire en coin, elle aussi, et fit la moue. - Décidément, on me laissera pas payer mon propre verre ce soir. Mais bon, si tu m'offres une bouteille de champagne comme à la bombasse là-bas, pourquoi pas ? Elle le fixait droit dans les yeux, presque un air de défi dans le visage, l'esprit embrumé par l'alcool, et incapable de mettre de l'ordre dans ce qui se passait dans son crâne. Elle attrapa sa main et fit demi-tour, se faufilant docilement à travers les corps en ébullition, jusqu'au bar sur lequel elle s'appuya. - Alors, Hadrien, qu'est-ce que tu vas choisir pour rendre ta présence supportable? Elle appuya son menton dans le creux de sa main, sourire aux lèvres et regard malicieux. La soirée venait tout juste de commencer, et elle s'amusait déjà bien trop.

Il était imposant, Hadrien. Le centre de l'attention, toujours, entouré de jolies filles, bouteilles de champagnes hors de prix, goûts de luxe et une nonchalance qui en déstabilisait plus d'un. Alors Alice, elle ne voyait plus que lui, au milieu de tout ces visages inconnus qu'elle prenait le temps d'observer, pour se sortir le sien de la tête. Mais quand bien même elle s'occupait ailleurs, il était là, imprévisible, surprenant, lui et ses yeux bleus, et ses cheveux trop bien coiffés et sa chemise de créateur, sans doute. Elle n'était pas impressionnée, Alice, pour tout ces artifices qu'il étalait à la vue de la population, ni par son compte en banque ni par ses manières de gosse de riche. Ce qui l'intriguait, pourtant, c'était autre chose. C'était ce qu'elle avait vu, cette nuit-là, partageant ses draps, lorsqu'elle s'était levée le matin, pour disparaître comme toujours. Il y avait eu autre chose, et non, elle n'était pas impressionnée, elle était déstabilisée. Prise au piège de ses yeux océans, elle détestait ça, elle le détestait pour ça, et elle levait les yeux au ciel lorsqu'il lui parlait, et elle le défiait du regard. Comme s'il importait. Parce qu'il importait. - Intéressant, comme vision des choses. Un peu Moyenâgeux, par contre. Elle n'était pas d'accord, Alice. Elle croyait en l'indépendance, la fille qui invite le garçon, les femmes qui buvaient seules. L'émancipation, la liberté, elle n'avait besoin de rien, ni personne dans ce monde. Juste elle, son esprit vagabond et son avenir incertain. - Exact, et c'est parce que je suis plus maline que je vais accepter l'arnaque, déclara-t-elle en l'attrapant par la main. Elle était tactile, Alice, parfois trop, parfois pas assez, elle aimait toucher les gens, le contact, un lien de la pulpe des doigts. Et Hadrien, elle l'avait touché, autrement. Mais là, c'était juste sa main dans la sienne, pour quelques secondes à peine. Elle le laissa commander, un sourire moqueur aux lèvres. - Il faudra plus d'un shot pour que j'arrive à tolérer ta présence. Elle le provoquait, le taquinait, parce qu'elle aimait sa répartie, et ce petit jeu, et qu'elle aimait le pousser dans ses retranchements. Elle se redressa, comme pour accepter le défi. Les tequilas paf, elle connaissait bien, et elle allait le lui montrer. Il compta jusqu'à trois, et elle l'avala d'une traite, sans grimace, juste la brûlure dans la gorge et le sourire victorieux aux lèvres. Elle se pencha pour lui chuchoter : - Je suis pas une débutante, Hadrien.Elle se redressa, jetant d'un coup de main sa chevelure brune sur son épaule, et détourna le regard vers le serveur. L'ignorance était ce qui fonctionnait le mieux, avec ceux qui ne rêvaient que de l'attention de tous. Elle observa le barman préparer deux cocktails, sans réellement faire attention aux ingrédients, et fixa les deux breuvages lorsqu'il les posa sur le comptoir. Elle l'écouta avec un peu trop d'attention présenter les deux verres. Elle afficha un demi-sourire à l'évocation de l'avocat, puis un sourire entier, tentant vainement de le cacher lorsqu'il annonça le deuxième. Une petite feuille d’or et de la truffe. Ne dis rien, je te vois déjà sourire. Goûte avant de juger mes choix de fils à papa. Elle releva le menton, se mordant la lèvre inférieure pour ne pas effectivement rire à ses choix. Elle leva les mains devant elle, comme pour dire promis, je me moque pas quand bien même ses yeux brillants prouvaient le contraire. Étrangement, elle ne le trouvait plus prétentieux, à ce moment-là. Elle le trouvait authentique, malgré ses goûts de luxe. Et c'était agréable. Elle hésita un instant, son regard se portant sur les deux verres tour à tour, et elle prit entre ses doigts le plus luxueux. Elle le porta à ses lèvres, en sentit le parfum – rien de spécial, il fallait bien l'avouer, et leva ses yeux verts vers Hadrien en en buvant une gorgée. Elle ne le quitta pas du regard alors qu'elle laissait l'alcool disparaître sur sa langue, lui laissant un goût amer mais particulièrement agréable. Elle reposa le verre sur le comptoir, détournant finalement le regard de celui d'Hadrien, et hocha la tête. - Ok, j'avoue, celui-là est pas mal. Elle attendit une seconde que le goût s'évanouisse et goûta le deuxième. Là encore, elle patienta un instant avant de rendre son verdict. - Celui-là, décréta-t-elle simplement en posant son doigt sur le breuvage vert. - Désolée, les champignons c'est pas mon truc. Elle vrilla un regard malicieux sur Hadrien, rabaissant délibérément les truffes au statut de simple champignon. Parce qu'elle voulait que ça l'énerve, elle voulait qu'il réplique, et qu'elle puisse sourire de plus belle et le charrier sur ses goûts haut de gamme. - C'est lequel, ton préféré? Sa question n'avait aucun sous-entendu, aucune accusation dans la voix, juste la curiosité de quelqu'un qui n'avait pas grand-chose, et pourtant pensait avoir tout. L'argent, pour Alice, ça n'était rien. Il pouvait bien payer des mille et des cents pour un morceau d'avocat, grand bien lui fasse, ce qu'elle ne comprenait pas, c'était son besoin incessant de montrer à tout le monde qu'il avait les moyens. La musique laissa soudainement place à une annonce, celle de l'arrivée de la mousse quelques minutes plus tard, ce qui arracha une grimace à Alice, qui grommela : - C'est quoi l'intérêt de mettre de la mousse dans une soirée pareil ? Elle leva les yeux au ciel, très peu enchantée par cet aspect de la soirée que lui avait caché Nina, et encore moins par le sourire satisfait qu'affichait Hadrien. Elle était bien trop plongée dans elle ne savait quoi pour remarquer la grande blonde qui s'était glissée sur un siège à quelques mètres d'eux. Pourtant, il semblait à son regard hésitant mais foudroyant qu'elle n'était pas une inconnue. Une fois repérée, Alice plissa les yeux et la désigna d'un signe de tête. - Tu la connais, la jolie blonde ? Parce que elle, on dirait bien qu'elle te connaît.

Tout dans cette soirée paraissait surréaliste, si loin des échanges habituels entre Alice et Hadrien. Ils jouaient, plus que d'habitude, plus subtil, moins agressif. Il leva les yeux au ciel, et elle sourit de plus belle, un sourire malicieux, le regard brillant. Elle adorait le provoquer, lui et ses manières faussement gentlemen, lui et son étalage de sa richesse, de son savoir, de ses goûts de luxe. Elle haussa les épaules, sirotant à nouveau une gorgée du cocktail à l'avocat. - Hm, si tu le dis. Pour moi ça reste un champignon. Elle marqua une pause et ajouta : - Sans vouloir te vexer, bien sûr. Elle avait envie de rire, se retenait du mieux qu'elle pouvait. Tout dans la bouche de Hadrien sonnait prétentieux, et pourtant, ça n'avait pas l'air d'être son objectif lorsqu'il lui parlait. - Rassure-moi t'as déjà mangé une pizza basique ? Elle était prête à lui en faire une, s'il répondait non. Du moins, ça ne serait pas une pizza si basique que ça, puisqu'elle n'aurait ni viande ni fromage, mais elle avait l'impression qu'elle aussi, elle devait partager son monde à elle. Elle avait gardé son menton planté dans sa main, et feignit une moue impressionnée : - Ça alors, si je m'y attendais. Elle sourit à son clin d’œil, et ajouta : - Pas sûre que je garde ton secret, cela dit. Elle poussa du doigt le verre vers son interlocuteur, n'étant pas égoïste pour un sou, elle tenait à le partager, d'autant plus qu'il l'avait payé et que c'était son préféré des deux. Elle leva les yeux au ciel à sa remarque concernant la mousse. Typique d'Hadrien. - Des jolies filles en talon et une excuse pour draguer, c'est ton paradis, ça. Elle haussa les épaules ensuite, un soupir s'échappant de ses lèvres. - De toute façon, je vais devoir faire un effort. Tant pis pour les mains baladeuses. Elle ne parlait pas de celles d'Hadrien, parce qu'elle voulait qu'il tique, que son regard faiblisse, qu'il se passe quelque chose en l'imaginant collée à un homme qui n'était pas lui. Ça l'amusait, un peu trop peut-être.
Elle n'eut pas le temps de réagir, en un regard incertaine et intrigué lancé à Hadrien, il avait glissé sa main dans la sienne – elle en frissonna, mais n'en tint pas rigueur, et l'entraînait plus loin. C'était sans compter sur la fameuse blonde, qui était une bombe dans tous les sens du terme, et Alice s'en rendit compte lorsqu'elle ouvrit la bouche. - Tu vas faire comme si je n’existais pas? T’es vraiment un sale type! C’est qui elle maintenant? Surprise, Alice leva la main et agita les doigts dans un signe poli, à deux doigts de se présenter, mais Hadrien ne lui laissa pas en placer une. Une ex. La mâchoire d'Alice se serra, à mesure que ça faisait son petit bout de chemin jusqu'à sa conscience. Elle ne lâchait pas la main d'Hadrien, trop concentrée sur le regard furieux que leur lançait Victoria. Ses yeux voguaient de visage en visage, essayant de suivre comme elle pouvait la conversation des plus animées. Mais ce fut les derniers mots de Victoria qui lui firent froncer les sourcils et se mordre la lèvres. Pourtant, là encore – et il semblait que le sort voulait l'empêcher de trop penser à Hadrien et Victoria ensemble – elle fut stoppée dans sa réflexion par l'alcool qui venait de lui sauter au visage. Elle recula d'un pas, par réflexe, et lança un regard empli de pitié à Victoria. Elle venait de se ridiculiser, en public, et semblait s'en satisfaire. Elle sentit la main d'Hadrien sur son ventre lorsqu'il l'écarta du verre que venait de jeter la furie au sol, et elle ne put s'empêcher de jeter un regard perplexe à Hadrien. Son geste, protecteur, doux, c'était si différent de ce qu'elle avait connu de lui jusqu'à maintenant, qu'elle eut du mal à accepter qu'il vienne réellement de lui. Elle regarda ensuite Victoria disparaître dans une démarche trop dramatique pour être crédible, et soupira en se concentrant à nouveau sur Hadrien. Elle hocha la tête, un sourire rassurant au visage, qui se changea en un petit rire à l'évocation de leurs drames quotidiens. - C'est toi qui les attire à moi. Va falloir qu'on arrête de se côtoyer. Elle le fixa un instant, sa main dans la sienne, ses doigts sur sa hanche, et les paroles de Victoria résonnèrent dans son crâne. Elle ne savait pas si elle la croyait, après tout, elle avait l'air d'en faire des tonnes pour tout et rien, et pourtant, elle ne pouvait s'empêcher d'être déçue. Comme si elle se rendait compte qu'elle ne le connaissait pas, comme s'il était quelqu'un d'autre. Elle ne devrait pas, elle ne savait pas grand-chose de lui et en était consciente. Alors elle cacha tout ce qui semblait être de la déception au fond d'elle, n'en tenant pas rigueur, ne voulant pas l'humilier plus qu'il ne devait déjà se sentir. Elle n'était pas cruelle, Alice. Alors elle sourit de son sourire malicieux, et murmura à son oreille : - T'as beaucoup d'ex qui risquent de passer ? Que je me prépare. Puis elle se détacha de lui, essuyant du revers de la main les gouttes d'alcool sur sa joue, et son bras. Tant pis pour sa robe, elle y mettrait du détachant en rentrant. - Décidément, même tes ex copines sont extravagantes. Est-ce qu'il y a une seule chose chez toi qui ne soit pas compliquée, Hadrien Delauney ? Ça m'intéresse. Puis elle avança de quelques pas avant de se tourner vers lui, et lui lança un regard impatient. - Tu viens ? Je croyais qu'on allait danser. A moins que tu aies changé d'avis. Elle haussa les épaules et sans attendre sa réponse elle ajouta : - Tant pis, je trouverais bien quelqu'un d'autre. Et elle se faufila entre les corps jusqu'à la piste de danse, espérant qu'il la suivait à la trace.

Il semblait que tout tendait à vouloir les séparer. Pourtant, et malgré les diverses interventions des connaissances de l'un ou de l'autre, ils avaient réussi à partager une discussion, écourtée mais intéressante, pendant laquelle elle avait appris certaines choses sur Hadrien. Elle ne savait pas sur quel pied danser avec lui, il lui avait parut spontané, pendant leur échange. Et elle s'était rendue compte que, finalement, elle avait connu son corps, mais ne connaissait pas son esprit. L'apparition de la créature de chair et d'os qui avait visiblement une dent contre Hadrien avait coupé court à leur petite promenade vers la piste de danse, et bien qu'elle n'aie pas pris la peine de répliquer ou de poser de questions, les mots de Victoria avait laissé leur trace quelque part dans son crâne. Pourtant, elle n'avait pas son mot à dire. S'il était un crétin, un connard, même, elle en était bien heureuse, elle n'était rien pour lui, et l'inverse était tout aussi vrai. Juste une aventure d'un soir, ils n'avaient aucun compte à se rendre. Et pourtant, elle avait serré les mâchoires en l'imaginant avec une autre femme. Ça n'était pas tant l'idée qu'il aie pu tromper sa copine de l'époque, bien que c'était quelque chose qu'Alice détestait, mais bien l'image d'un autre corps dans ses draps qui lui avait fait bouillonner les tempes.
Elle leva les yeux au ciel d'un air blasé. - Mais bien sûr, continue de rêver. Elle avait les yeux brillants de malice et le sourire en coin en essuyant sa robe. Ils étaient dans le même bateau, ne cessaient de se croiser, encore et toujours, de jouer, de se tourner autour, de rabaisser l'autre, de l'élever parfois aussi. Ils jouaient à tout et à rien, ils s'attiraient et se repoussaient et bon dieu, Alice adorait ça. Elle releva son regard vert sur le visage d'Hadrien, et se redressa entièrement. - Je suis un mystère, que veux-tu. Il faut être tenace pour me percer à jour. Elle leva les sourcils dans un air malicieux et espiègle, riant au passage. Elle aimait ça, Alice, être un secret, ténébreuse et palpitante. Elle était une averse de pluie, glaciale et intrigante, et souvent, on se prenait au jeu, dans ses filets. Hadrien, il semblait être à deux doigts de plonger, depuis toujours, pourtant, il parvenait à rester au bord de la falaise, et elle n'arrivait pas à l'y faire tomber. Juste avant de disparaître dans la foule, elle secoua la tête. - Pas besoin, pour la robe. Je m'en occupe moi-même.
Elle se glissa sur la piste de danse, espérant évidemment qu'il n'était qu'à quelques mètres derrière, rendu fou par sa disparition subite. Elle dansait comme jamais, se laissant aller à la musique, sans attendre qu'il n'arrive. Elle sentit une main sur son bras, et se tourna, déçue de tomber nez à nez avec Nina, dont Alice avait presque oublié l'existence. Elles dansaient ensemble, repoussant n'importe quel homme tentant une approche. Elles étaient biens, ensemble, juste Alice et Nina, en plein milieu de la piste, et pour la première fois de la soirée, elle oublia Hadrien. Ce n'est que lorsque la mousse s’abattit sur elles qu'elle songea à lui, et sans quitter Nina, elle fit un tour d'horizon pour le trouver. En vain. La mousse se collait à sa nuque, glissait sur sa peau, et finalement, elle se dit que ça n'était pas si désagréable, malgré les risques de glisser ou d'avaler du savon. La foule s'était presque jetée sur la piste de danse, et elle s'était retrouvée collée à Nina, qui dans l'oreille lui racontait ses quelques minutes avec son Dom Juan. Alice ne put s'empêcher de sourire, la vue brouillée par les lumières stroboscopiques, et se pencha pour lui répondre. - Et il est où, là ? Nina lui annonça, pas peu fière, qu'il était en faculté de médecine, et qu'il était rentré pour se reposer pour ses examens. Alice ne put retenir un rire, surprise qu'elle aie pu tomber sur un homme pareil dans une boîte de nuit. - Et toi, t'étais où ? Elle haussa les épaules, ne cessant pas de danser, entraînée par les mouvements des autres. - Je buvais un verre, c'est tout. Le regard que lui lança Nina lui fit comprendre qu'elle ne la croyait pas, mais elle ne releva pas, et Alice l'en remercia intérieurement. Hadrien n'avait pas montré signe de vie, et elle commençait à croire qu'il avait simplement changé d'avis. Elle arrivait à passer outre, jusqu'à ce qu'elle l'aperçut collé à une autre fille, à quelques mètres seulement. Elle l'avait reconnu du premier coup d’œil, ses épaules larges et musclées, ses cheveux en bataille, il surplombait presque tout le monde de quelques centimètres, et malgré les lumières et l'alcool, elle l'avait reconnu. Pourtant, elle ne s'en approcha pas, le laissant vaquer à ses occupations en tentant de penser à autre chose, et de ne pas trop maudire celle collée à lui comme s'il était un dieu vivant. La mousse commençait à lui piquer les yeux, et elle était bien moins enthousiaste qu'elle avait pu l'être quelques minutes auparavant. Elle fit un signe à Nina et tenta de se faufiler entre les corps humides pour sortir de la piste, sans savoir même si elle allait dans la bonne direction. Elle poussait les gens, jouait des coudes, rendait des sourires polis, jusqu'à presque atteindre le bord de la piste, prête à s'enfuir, mais arrêtée par une main autour de son poignet. Elle fit volte-face, prête à rembarrer gentiment quiconque voulait l'inviter à danser, et tomba sur les regard bleu perçant d'Hadrien. - Tiens, t'as de nouveau changé d'avis ? Elle parlait d'une voix neutre. Ni malicieuse, ni énervée. C'était un constat, il jouait avec tout le monde, dansait avec tout le monde. Pouvait-elle lui en vouloir, elle agissait de la même façon. Elle l'avait fait avec Jules plus tôt dans la soirée, parce qu'elle savait qu'ils étaient amis et, sans se l'avouer, elle avait espéré qu'il l'aurait vue. Elle ne savait pas ce qu'il pensait, Hadrien, ni ce qu'elle même pensait, elle avait l'alcool qui lui montait à la tête et ça l'embrouillait d'autant plus. - C'est nul, la mousse. Définitivement. Ça colle et sent mauvais. Elle grimaça, se rendant subitement compte qu'elle devait en avoir plein des cheveux, les épaules, la robe.