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It's been a million cigarettes. [Andréas]

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MessageSujet: It's been a million cigarettes. [Andréas] It's been a million cigarettes. [Andréas] Empty21/11/2016, 15:29

This machine has no brain ...
It's been a million cigarettes.

Rouge. Un beau bonhomme rouge qui lui barrait la route en lui éclatant au passage les prunelles. Elle avait jamais remarqué à quel point les petites LED des feux piétons pouvaient agresser la rétine. Elle était sans doute trop fatiguée, ses yeux arrivaient plus à s'adapter aux lumières trop vives. C'était plus des cernes, qu'elle avait, mais des valises. Elle avait qu'une hâte : rentrer à la maison, retrouver la chaleur de ses draps, le confort de son lit. Voir si Maxime allait bien. Elle avait chopé la crève, la gamine. Une petite toux à la con, de rien du tout, mais qui faisait paniquer sa génitrice chaque fois qu'elle crachait ses poumons. Fallait s'attendre au pire avec les enfants ; et en l'occurrence, Zeno, elle s'attendait à ce que le médecin l'appelle pour lui dire qu'en réalité, c'était pas simplement une petite toux. Ça cachait un truc plus grave. Une tumeur infantile des bronches couplée à une pneumonie au troisième degré par alliance du staphylocoque de germain. Un sale mélange du genre.
Elle avait beau avoir envie de rentrer, Zeno, elle attendait malgré tout. Que le petit bonhomme passe au vert, et qu'elle puisse enfin traverser le passage clouté. On savait jamais trop, à Paris. Un chauffard pouvait surgir à n'importe quel moment pour  vous passer dessus et vous rappeler qu'il avait eu son permis dans une boîte de céréales. Ils savaient pas rouler, les Parigots. Toujours à klaxonner comme des bœufs, pas patients pour un sou, irrespectueux comme le monde. Putain elle pouvait pas les encadrer. La vérité, c'est que ça lui aurait fait sacrément mal à la gueule de crever comme ça. Dans le genre mort de merde, on pouvait pas faire mieux. Ah ça valait pas encore un Darwin Award, mais presque. Donc elle attendait. Un pied sur le plancher des vaches, l'autre sur sa planche de skate, un filtre en bouche, les mains occupées à rouler une clope alors qu'elle fredonnait l'air d'une musique entendue quelques heures plus tôt.

Vert. Elle s'élança, calant la cigarette fraîchement terminée entre ses lèvres maquillées. L'intérêt de Paris by night, c'était qu'on y circulait étrangement mieux sur des roulettes qu'en journée. Et puis Zeno était un animal nocturne, de toute manière. Ça faisait bien trop longtemps qu'elle bossait dans le monde du spectacle pour se rappeler de ce qu'était une journée normale – comprenez diurne. Le monde des vivants, c'était plus le sien.

Elle tritura ses poches à la recherche de son briquet. Rien. Sans quitter le trottoir des yeux, la demoiselle passa en revue les différents compartiments de sa ceinture utilitaire qui ceignait encore ses hanches. Que dalle. C'était bien une malédiction de fumeur ça ; y'avait qu'eux pour comprendre la détresse que c'était de penser son feu disparu. Et y'avait qu'eux pour savoir que ça arrivait aussi à tous les coups.
Zeno descendit de sa planche pour s'approcher d'une de ces poubelles nouvelle génération qui avaient une ouverture frontale et nécessitaient donc d'utiliser ses mains pour tirer sur un levier permettant l'accès aux ordures. Brillant, fallait bien l'avouer. C'était toujours agréable d'avoir à poser ses paumes sur un morceau de métal bien crade et plein de bactéries. Aussi agréable que de lécher la barre d'une rame de métro ou de se torcher le cul avec du papier déjà utilisé. Ah c'qu'ils étaient cons les nouveaux designers urbains de la Ville Lumière.

La technicienne attrapa son sac a dos qu'elle vint vider sur le dessus de la poubelle. Elle passa en revue son inventaire, ses quinze rouleaux de gaffer – ce super rouleau adhésif indispensable à sa survie dans son métier –, sa trousse de toilette, le prolon' de vingt mètres qu'elle avait tiré juste au cas où. C'était toujours utile ces merdes-là, alors autant en avoir en réserve. On savait jamais trop si on pouvait en avoir besoin ou pas.

L'illumination la frappa tant et si bien qu'elle en releva la tête, les yeux écarquillés.

« Putain mais quelle conne, qu'elle baragouina sa clope au bec. »

Elle se revit encore parfaitement filer son zippo à un de ses collègues qu'avait pas eu la présence d'esprit de lui rendre dans la seconde. Il aurait intérêt à lui refiler son bébé au plus vite s'il voulait pas qu'elle le lui carre à un endroit qu'il risquerait de pas apprécier. Zeno remballa rageusement son matériel étalé dans une composition vaguement artistique. Elle attrapa son sac qu'elle se repassa sur le dos avant de lancer son skate pour filer, peu attentive à ce qu'il se passait autour d'elle, trop occupée à ruminer ses pensées.

Le piéton qui tournait à l'intersection ? Elle l'avait pas vu, sans quoi elle aurait ralenti. Dans un réflexe venu d'on ne savait où, Zeno eut tout de même le temps de sauter de sa planche en vol. Elle courut sur quelques pas histoire de pas se casser la gueule comme elle avait l'habitude de le faire. Et pendant ce temps son skate filait droit vers les chevilles du malheureux. Ça faisait mal, ces merdes-là, surtout lancées à vive allure sur des os si fragiles.

La brune-décolorée replaça son écharpe correctement avant de faire marche-arrière pour aller s'excuser platement. En espérant qu'il soit pas trop énervé et qu'il se mette pas à lui gueuler dessus. Elle l'avait vraiment pas fait exprès. Puis elle l'avait pas renversé non plus. Elle s'arrêta en chemin pour attraper la roulée qui était tombée de sa bouche quand elle avait eu la merveilleuse idée de l'ouvrir sous l'effet de surprise.

« Désolée, je t'avais pas vu venir. Rien de cassé, s'inquiéta-t-elle sérieusement. »

Tu. Oui, tu. Zeno détestait le vouvoiement. Elle avait toujours trouvé ça trop précieux, trop pédant. Ça lui ressemblait pas. Et qu'on lui sorte pas la carte de la politesse pour justifier ça. La politesse se trouvait aussi dans le tutoiement ; fallait simplement tourner ses phrases correctement et avoir le ton qui allait avec.

Elle se pencha pour ramasser sa planche qu'elle vissa sous son bras.

« T'aurais du feu, au passage ? Juste par hasard ? »

Ouais, par hasard. Quitte à lui offrir une cigarette en échange pour se faire pardonner. Fallait qu'il en ait, sans quoi Zeno risquait de péter un câble. Rues désertes, bureaux de tabac fermés. Elle avait passé une nuit bien chiante sur un plan qui s'était plutôt mal déroulé  à cause de collègues bourrés. C'est quoi la différence entre un techos et une bière ? La bière, on la trouve sans alcool. Rires, applaudissements, tombé de rideau. Merci messieurs, dames. Toujours était-il que sa bouffée de cancer des poumons, elle en avait besoin comme une grenouille de bénitier avait besoin de son hostie. La clope, le café, la coke, la baise. C'était de sales drogues. Elle savait pas laquelle était la pire.
     
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MessageSujet: Re: It's been a million cigarettes. [Andréas] It's been a million cigarettes. [Andréas] Empty26/11/2016, 16:29

It's been a million cigarettes

Paris la nuit, avec ses rôdeurs et ses déchets humains, avec ses connasses bancales et ivres sur leurs talons hauts, avec ses lumières qui mettent un peu de couleurs à son manque d'éclat. Sans boulot et sans études, aucun rythme ne m'est imposé et je me retrouve à déambuler à une heure tardive de la nuit au milieu de la capitale. Les mains dans les poches de mon sweat noir, la capuche sur la tête pour braver le froid de cette fin de novembre et une cigarette coincée entre les lèvres, j'aire sans but réel, juste pour évacuer mon esprit, les pensées sombres qui y rôdent. L'avantage, c'est de ne pas vivre l'enfer des heures de pointe parce qu'à presque deux heures du matin il n'y a pas grand monde dans les rues. J'évite indéniablement la population parisienne, mélange de riches bourgeois et de touristes trop cons. Je traîne mes vielles baskets sur l'asphalte en emplissant mes poumons d'air frai pollué et de nicotine. Rien ne peut me rendre plus heureux et plus détendu. Les quelques bières que j'ai bues me font atteindre un stade d'euphorie suffisante pour me mettre de bonne humeur et lutter contre le froid qui se veut presque hivernal.

J’atterris devant la petite librairie dans laquelle je passais souvent avant mon séjour en prison. Je contemple la vitrine à la recherche d'un livre que je n'aurais pas encore lu. Si seulement on pouvait faire une ouverture spéciale Andréas, à deux heures du matin, j'y resterai jusqu'à l'aube. Les romans et les balades nocturnes. Deux échappatoires à la triste réalité. Je détache mes yeux de cette beauté pour continuer ma déambulation. Malgré les quelques voitures qui roulent, le quartier est calme et j'entends une légère brise dans les pauvres arbres parisiens. Une voix féminine au loin qui râle puis des roues filer à toute allure sur le trottoir. Des rollers, une trottinette, une planche ? J'en sais rien, mais je l'entends. Je remonte doucement la rue, rien ne me presse. Mes parents détestent me voir dans leur appartement et Servane n'y est pas. Je ne suis pas sans domicile fixe, mais je préfère être dans la rue quand il y a papa et maman à la maison. Cela vaut mieux pour tout le monde et ça évite les cris inutiles. Je jette mon mégot par terre sans même prendre la peine de l'écraser puis tout en continuant d'avancer je jette un coup d’œil derrière moi pour regarder la fumée suivre le chemin du vent.

Lorsque j'arrive au coin de la rue, je me fais surprendre par une planche qui me fonce dessus. Mes réflexes diminués par l'alcool dans mon sang ne me laissent pas le temps de l'arrêter avant qu'elle achève sa course sur mes chevilles. La douleur n'est pas atroce, j'ai connu pire avec les bastons. Je mets un pied sur ce truc que je ne maîtrise pas des masses et regarde autour de moi pour trouver le propriétaire. Avec cette sous-population nocturne, je remarque tout de suite la blonde peroxydée qui s'approche de moi. « Désolée, je t'avais pas vu venir. Rien de cassé » La voix qui râlait tout à l'heure. Je ne fais que secouer la tête en guise de réponse. Je l'observe se pencher pour ramasser sa planche. Elle est plutôt mignonne malgré ses cheveux peu naturels. En tout cas, elle occuperait bien la fin de ta nuit. « T'aurais du feu, au passage ? Juste par hasard ? » Elle brise mes pensées qui allaient tourner à la perversion. Je tâte les poches de mon jean et lui sors un briquet noir. Par automatisme, je sors également une cigarette de mon paquet rangé dans la même poche et la coince dans ma bouche. « Le hasard fait bien les choses. Tu envoies ta planche sur le seul individu qui se trouve sur ton chemin et se dernier à du feu. Plutôt cool non ? » J'esquisse un sourire, celui qui ne laisse aucune nana indifférente.

La curiosité toujours aux aguets, je me demande ce qu'elle peut bien faire à cette heure-ci dans un quartier assez mal fréquenté. Depuis « l'accident », n'importe qu'elle jeune femme se baladant seule la nuit lui remonte de sales souvenirs. La bière aidant autant que son charme, je lui demande « Qu'est-ce qu'une demoiselle comme toi fait dans les rues à une heure si tardive ? »
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MessageSujet: Re: It's been a million cigarettes. [Andréas] It's been a million cigarettes. [Andréas] Empty30/11/2016, 12:43

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Un sentiment infini de joie et de gratitude la grisa quand elle vit l'inconnu fouiller ses poches à la recherche de son briquet. Elle aurait pu l'embrasser pour le remercier, bordel, c'était dire à quel point elle était en manque. De clope. Pas de baisers. Quoiqu'à ce niveau-là c'était aussi le désert en ce moment. Ouais, elle était en chien. Ce qui ne signifiait pas pour autant qu'elle allait lui sauter dessus pour le violer au détour d'une ruelle. Dans l'instant, tout ce qui l'intéressait, c'était le précieux objet qu'il lui tendait. Elle le récupéra rapidement alors qu'il glissait une cigarette entre ses lèvres.

«  Le hasard fait bien les choses. Tu envoies ta planche sur le seul individu qui se trouve sur ton chemin et se dernier à du feu. Plutôt cool non ? »

Elle eut un soupir amusé.

« Ouais, 'faut croire que j'ai de la chance ce soir. C'est tant mieux. »

Elle fit claquer le briquet, se concentra sur la flamme avant de relever le regard vers son interlocuteur. Il lui offrait un sourire charmeur. Type irrésistible, avec les yeux pétillants de malice et tout ce qu'allait avec. Zeno eut un sourire en coin. Il devait en faire craquer des gonzesses avec sa belle gueule, celui-là. Ça devait se presser au portillon. La demoiselle ne put s'empêcher de faire un petit tour du propriétaire, discrètement, pour évaluer la marchandise. Il lui rappelait étrangement quelqu'un, mais elle arrivait plus à se souvenir qui. Ni quand, ni où. Puis avec la capuche qu'il avait sur la tête, ça aidait pas vraiment la reconnaissance faciale. Elle avait croisé tellement de monde, Zeno, à travers le globe, qu'elle peinait à se souvenir de tous les visages.

« Qu'est-ce qu'une demoiselle comme toi fait dans les rues à une heure si tardive ? »

La techos tiqua sur la première partie de sa phrase. Elle haussa un sourcil inquisiteur avant de lui tendre son briquet. Il entendait quoi, au juste, par « une demoiselle comme toi » ? Ouais, c'est vrai que Zeno tranchait un peu des autres donzelles qu'il avait dû croiser ce soir. Elle était pas perchée sur des talons hauts dans lesquels elle menaçait de se casser la gueule comme une merde. Elle avait pas les yeux rougis d'alcool, le cœur au bord des lèvres et l'envie de vider ses tripes remplis de mélanges foireux type champagne-martini-vodka-orange. Elle était pas là, à balle de MDMA, à se bouffer la mâchoire comme le faisaient les p'tits jeunes qu'elle voyait souvent en soirée ces dernières années. Putain de jeunesse dépravée. Et ouais, c'était ironique, de penser ça. Surtout pour elle qu'avait pas eu une vie particulièrement droite non plus. C'est juste que c'était pas la même chose, à son époque : y'avait encore un minimum de respect pour les autres et pour soi-même. C'était c'qui manquait à l'heure actuelle.

« Tardive, c't'un bien grand mot. Il est à peine deux heures, on a encore toute la nuit. »

Elle eut un sourire en coin. Dans son monde, il était encore sacrément tôt. Elle savait parfaitement qu'elle arriverait pas à pioncer avant un moment, même si elle était claqué comme pas permis. La faute à Blanche Neige qu'elle s'était joyeusement tapé pour pas tourner à deux à l'heure sur son plan.

« Je sors du taff, en fait. »

Ce qui expliquait les pompes de sécurité et le pantalon de travail qui lui faisait un cul à s'en damner. Ouais, pour le coup il y avait un monde entre les minettes qui sortaient de soirée en robe courte et elle.

« Et toi alors ? Tu devrais pas être au lit à ton âge ? »

Petite pique mignonne, parce qu'il avait l'air un poil plus jeune qu'elle. Quoi qu'il était de plus en plus difficile de donner un âge aux gens qu'on rencontrait. Entre les vieilles carnes qui s'habillaient encore comme des gamines dans la vingtaine, et les gosses en collège-lycée qui faisaient tout pour avoir l'air de caïd plus âgés ... M'enfin, ça l'empêchait pas de s'imaginer une tripotée de choses pas très catholiques ou orthodoxes à lui faire depuis qu'il lui avait servi son petit sourire.
     
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MessageSujet: Re: It's been a million cigarettes. [Andréas] It's been a million cigarettes. [Andréas] Empty18/12/2016, 19:47

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« Ouais, 'faut croire que j'ai de la chance ce soir. C'est tant mieux. » Je ne sais pas si c'est une chance, réellement, de tomber sur moi. Je ne suis pas toujours le meilleur partenaire de discussion. Mais son petit sourire en coin me laisse deviner que ce soir, c'est peut-être le cas. Après lui avoir demandé ce qu'elle faisait dans la rue à deux heures du matin, je l'observe, tentant de répondre moi-même à la question. Elle ne se cache pas de faire de même et je sens son regard sur moi. Un pantalon, des grosses godasses et un sac à dos bien plein contrastent largement avec ce que j'ai l'habitude de croiser. La jolie blonde peroxydée est loin des filles bancales en talons vertigineux. « Je sors du taff', en fait. »

Je relâche la fumée que je venais d’inhaler. Qu'est-ce qu'elle peut bien faire pour terminer aussi tard ? Presque deux heures du matin c'est trop tôt pour que ce soit une barmaid ou une serveuse, encore pire une serveuse en boîte. Et la tenue n'est pas appropriée. J'esquisse un sourire à cette pensée, j'imagine bien la tête d'un employeur si une serveuse se pointait avec une tenue pareille. Peu importe son boulot, au moins, elle en avait un contrairement à moi. Même si j'avoue que ce n'est pas en traînant dans les rues la nuit que j'allais dégoter un job, un gagne-pain. Qu'est-ce que j'ai la flemme de bosser d'un côté, je viens de perdre trois de ma vie entre quatre murs, j'ai besoin de sentir la liberté et tant que mes parents ne me foutent pas à la rue, je profite de mon temps. Je rattrape celui que j'ai perdu. Alors j'aire dans les rues, à regarder les sorties de boîtes et les demoiselles comme elle.

« Qu'est-ce que tu fais comme boulot ? » Suite naturelle de la conversation et comme la bière aide, je ne vais pas m'en priver. Avant la prison, j'aurais tendu mon feu sans un mot et j'aurais tracé ma route sans but. Aujourd'hui, je m'attarde, pose des questions et m'intéresse. Non sans but, peut-être, car c'est vrai qu'elle est plutôt canon. La tête de Théoxane apparaît dans mon arrière-pensée, mais la brume alcoolisée me permet de l'effacer pour me concentrer sur elle.
« Et toi alors ? Tu ne devrais pas être au lit à ton âge ? »

Et elle arrive à attirer une nouvelle fois mon attention et me fait presque rire. J'étouffe une espèce de bougonnement. Rire n'est pas dans mon habitude. Elle croit que j'ai dix ans pour me vanner comme ça ? Je réponds un peu du tact ou tact « A mon âge, on fait d'autre chose à c't'heure-ci. » Je lui lance sans me gêner un regard provocateur. Ce pique n'était autre que de me lancer un défi, celui de montrer que je ne suis certainement pas un gamin. « J'aire sans but, juste pour prendre l'air et profiter que les rues soient presque calmes. » Je l'observe fumer sa clope en répondant à sa question. Sa bouche sur le filtre. Mis à part Servane et Théo', je n'avais pu voir de femme depuis longtemps. Si je tente de rattraper le temps perdu ces derniers temps, ce soir, il était de reprendre du service. Même si je sais que demain, vers seize heures en me réveillant, j'éprouverai sûrement des remords. Ce soir, c'est ce soir et demain un autre jour.

« Depuis combien de temps tu montes sur ce truc ? » Demande-je en donnant un coup de tête vers la planche entre ses pieds. « Je demande ça, simplement parce que tu as l'air novice. » Je fais semblant de lever les yeux au ciel et affiche un rictus largement moqueur sur les lèvres.
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MessageSujet: Re: It's been a million cigarettes. [Andréas] It's been a million cigarettes. [Andréas] Empty24/12/2016, 01:15

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Joueur, le jeune. Ça lui plaisait bien, Elle aimait bien ça, Zeno, les échanges non programmés, les conversations tournant autour de tout et de rien à des heures peu habituelles dans le monde des vivants, des diurnes. Y'avait un côté humain qui lui parlait, dans le fait de tomber sur un inconnu, de partager une petite minute ou deux de temps avant de repartir chacun de son côté. Peut-être un peu plus, si le dieu de la luxure lui souriait ce soir. Elle était bien motivée à chasser la fatigue comme il le faudrait si l'occasion se présentait.

« À mon âge, on fait d'autre chose à ct'heure-ci. »

La demoiselle arqua un sourcil pour répondre à son regard mutin. Elle était pas franchement curieuse, Zeno. Pas de nature en tous cas. Y'avait toujours quelque chose de malsain à trop s'intéresser à la vie des gens pour les mauvaises raisons. Des vices, elle en avait déjà suffisamment cette gonzesse pour pas avoir envie d'ajouter la curiosité à la liste. Mais pour le coup, elle était bien tentée de savoir ce qu'il pouvait bien foutre dans le quartier à une heure comme celle-là. Même si le dix-huitième était grand, on avait tendance à croiser rapidement les mêmes portraits aux mêmes instants. Alors avec sa gueule d'éphèbe aux accents bad-boy-de-la-classe, forcément, ça piquait la curiosité.

« J'aire sans but, juste pour prendre l'air et profiter que les rues soient presque calmes.
- Rentre pas trop tard quand même, faudrait pas que ta rombière s'inquiète. »

De quoi tâter le terrain, discrètement, l'air de rien. Elle laissa retomber sa planche au sol, croisa les jambes, désaxa son point d'équilibre sur un seul pied puis fourra sa main libre dans sa poche, histoire de pas se cailler les extrémités. Rien de plus con que de choper des engelures parce qu'on a eu l'indécence de taper une conversation improvisée alors qu'on se gelait les miches à force de trop rester sur place, dans le frais.  

« Depuis combien de temps tu montes sur ce truc ? Je demande ça, simplement parce que tu as l'air novice. »

Un rire franc passa les lèvres de la modèle alternative. Il la connaissait clairement pas. Toutes les personnes qui la fréquentaient savaient qu'elle était quasiment née avec une planche de skate au bout des petons. Si y'avait une chose à laquelle elle tenait, sur cette foutue Terre, c'était bien son morceau de bois posé sur roulettes. Après sa fille et son tricorne, évidemment.
Elle eut une petite moue boudeuse en réponse à la pique de l'inconnu. C'était de bonne guerre, juste retour d'ascenseur après la boutade qu'elle lui avait pondue. Ça valait mieux ainsi ; elle aurait été foutue de se foutre en rogne si on lui avait sérieusement dit qu'elle avait pas l'air de maîtriser son bordel.

« T'y comprends rien : je me latte exprès, en fait. C'est une technique spécifique que je développe depuis des années. Ça me permet de tomber sur des mecs plus ou moins intéressants, comme ça. Plutôt pas mal nan ? Elle clappa sa langue, tapota le bout de sa clope pour faire tomber les cendres. J'songe à faire breveter l'idée, qu'elle ajouta, une petite risette au coin des lèvres. »

Pas que c'était volontaire, en fait. Vu sa maladresse, elle avait toutes les chances du monde de s'éclater comme une merde sur un quidam qu'avait rien demandé à la vie et qui ne méritait pas une agression du genre, de toute façon. Et si c'était pas un inconnu qui la freinait dans sa course, c'était un pavé manquant qu'elle aurait pas vu, ou une connerie du genre. Par chance, elle avait appris à se réceptionner dignement pour pas finir constamment sur le cul. Et heureusement que sa peau marquait pas vite, parce qu'à force de chuter, elle en aurait eu des bleus. Ça lui aurait fait un teint parfait pour aller se faire troncher par le Schtroumpf Costaud et sa clique, au pire.

« Et j'suis techos, pour répondre à ta question. Disons simplement que je fais en sorte que le groupe que t'aimes bien ait la technique nécessaire pour pouvoir jouer correctement, le tout sans se prendre un pont ou une lyre sur la gueule. Elle tira une bouffée de cancer des poumons. Une lyre c'est une light, si jamais … »

Pas que le terme pourrait franchement lui être utile à l'avenir. Mais savait-on jamais. Avec les années, Zeno avait développé son vocabulaire professionnel bien spécifique qui avait tendance à la suivre un peu partout. Petite déformation qui la faisait parfois passer pour une ovni, voire une conne. On l'avait plusieurs fois regardé de travers quand elle avait eu la bonne idée de formuler un « Tu me passes le prolon' qu'est à jar' ? », ou toute autre phrase du genre. Ce qui, en français correct, donnerait un « Tu me passes la multiprise qu'est à droite ? ». Comprendra qui pourra la subtilité.

« Et toi, tu fais quoi dans la vie à part charrier des inconnues sur leur conduite en skate et leur servir des sourires de tombeur ? »
     
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MessageSujet: Re: It's been a million cigarettes. [Andréas] It's been a million cigarettes. [Andréas] Empty18/1/2017, 21:32

It's been a million cigarettes

Ma rombière ? J'hésite entre rire et faire la gueule, j'hésite entre ma mère et ma sœur avant de comprendre que la jeune inconnue fait référence à une quelconque petite amie. Je rigole franchement, pour la première fois depuis un long moment. C'est pour cela que je préfère la population nocturne, on trouve toujours des personnes assez barrées pour vous faire oublier la morosité de la population diurne. Je sens naître des rides au coin de mes yeux rieurs, une sensation que je croyais perdue pour toujours. Je l'observe se poser tranquillement et laisse mon fou-rire se calmer avant de la remercier d'un coup de tête affirmatif. Si seulement elle savait que là d'où je viens, on n'a pas de « rombière ». Et qu'il n'y en a pas eu depuis un bail parce que je n'en voulais tout simplement pas. Je passe la remarque en secouant la tête toujours un sourire accroché aux lèvres.

À son tour, elle rigole quand je la taquine sur sa planche à roulettes et ses compétences à s'en servir. Visiblement, elle a compris la blague, y répond sérieusement et sa réponse, presque prévisible continue de me faire sourire. « Fais-le puisque ça marche apparemment. Tu viens de tomber sur un homme très intelligent. » Je bombe le torse pour me donner encore plus de contenance et relâche vite mon souffle, la cigarette limite mes capacités d'apnée. Mes muscles sont complètement détendus malgré le froid environnant. Je jette le mégot traînant dans mes doigts depuis quelques minutes d'un coup sec vers la route. Je regarde les étincelles s'éteindre les unes après les autres en quelques millièmes de seconde et reporte mon attention sur la rigolote inconnue lorsqu'elle reprend la discussion en m'expliquant son métier. Si professionnelle que je n'ai même pas le temps d'arquer un sourcil sous l'incompréhension des termes qu'elle emploie alors qu'elle me les explique tout de suite.

Je hoche la tête, histoire de montrer que j'ai compris ce que cette jolie blonde me dit. Je suis impressionné. Sans être misogyne, les femmes dans ce genre de métier ce n'est pas forcément très commun. Cependant, je reste de marbre, je ne veux pas qu'elle croie que je suis facilement impressionnable parce que ce n'est pas le choix. Naturellement, la discussion arrive sur moi. Ce que je fais de ma vie. Et finalement, je préfère peut-être qu'on continue de blaguer, quitte à ce que ce soit sur le fait que je suis impressionné. Je préfère rire de ce que je ne suis pas plutôt que de parler de la réalité.

Un silence de quelques secondes s'installe entre nous, meublé par les bruits parisiens de la nuit. Une sirène au loin, quelques voitures qui roulent un peu trop vite, un coup de frein. Je lui sers un clin d’œil avec le sourire dont elle parle et décide de jouer l'humoriste, ce qui n'est absolument pas dans mes habitudes, mais discuter dans un froid polaire avec une inconnue à une heure de la nuit bien passée n'est pas non plus une habitude. « Je suis pas mal occupé à charrier des inconnues en roller, en trottinette et parfois en vélo. Tu es ma première expérience en tant qu'individu sur skate, mais ça fonctionne tout aussi bien. » Laissons de côté la réalité un instant, laissons définitivement la prison derrière. Elle n'a pas besoin de savoir d'où je viens, ni ce que j'ai fait avant. « En revanche, je ne sers des sourires qu'à celles qui en valent la peine. »

Je la regarde directement dans les yeux et lui offre mon plus beau sourire de beau gosse narcissique mais assez intelligent pour montrer juste assez de confiance en soi. Les mains au fond des poches, je fais un signe de tête vers la direction qu'elle semblait prendre avant notre discussion. « J'te raccompagne sur une partie du chemin ? Il commence à cailler un peu. » Une partie du chemin ou jusqu'à chez toi, pourquoi pas.
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MessageSujet: Re: It's been a million cigarettes. [Andréas] It's been a million cigarettes. [Andréas] Empty12/2/2017, 23:44

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Ils lui plaisaient bien, ses p'tits sourires, elle pouvait pas dire le contraire. Et pourtant c'était clairement pas son type de gars, celui-là. Mais sa grande gueule lui faisait de l'effet, à Zeno. Et pour bien enfoncer le clou, il eut l'idée de la gratifier d'un petit clin d’œil plus ou moins révélateur.

« Je suis pas mal occupé à charrier des inconnues en roller, en trottinette et parfois en vélo. Tu es ma première expérience en tant qu'individu sur skate, mais ça fonctionne tout aussi bien.
- Wow, ça f'sait longtemps qu'j'avais pas été la première expérience de quelqu'un en quoi qu'ce soit. Tu m'en vois honorée ! »

La blonde tapota le bout de sa cigarette pour en faire tomber les cendres avant de reporter son cancer des poumons à ses lèvres. La clope réchauffait le corps à défaut du cœur, c'était certain.

« En revanche, je ne sers des sourires qu'à celles qui en valent la peine. »

Elle eut un petit rire, tout ce qu'il y avait de plus féminin. C'était un plan drague à deux balles, et pourtant, ça fonctionnait. Elle se serait crue de retour au collège, quand les premiers mecs qui lui tournaient autour lui faisaient du rentre-dedans de manière un peu beauf. Ça lui pinça le palpitant quelques secondes, de repenser à cette époque bénie. Elle les avait aimé, ses années de secondaire. Le monde était encore beau à cette époque. Y'avait pas tous les points noirs qu'elle se traînait à présent sur son tableau et qui l'empêchaient de fermer l’œil certains soirs. Zeno baissa les yeux, un peu nostalgique, un peu nauséeuse. Pis la voix du beau brun la ramena aux temps présents.

« J'te raccompagne sur une partie du chemin ? Il commence à cailler un peu. »

Elle hocha la tête, se pencha en avant pour ramasser sa planche à roulettes qu'elle glissa sous son bras. La techos réajusta son sac sur ses épaules et se mit en marche, n'attendant pas son surveillant du soir.

« Ok tombeur, vas pour une petite promenade au clair de lune en tête à tête ! »

Elle leva les yeux au ciel pour constater la gueule qu'il avait, d'ailleurs, le clair de lune. Faudrait repasser pour le côté romanesque de la chose. Trop de nuages, trop de pollution. On était même pas foutus d'apercevoir les étoiles.

« Vaut mieux que je te surveille de toute façon, il pourrait t'arriver quelque chose vu ta belle gueule. Le quartier est pas vraiment sûr, tu sais, qu'elle railla. J'habite plus franchement très loin. Si d'ici là t'es pas mort congelé, tu pourras toujours monter pour une bière ou un rhum. Ou même un sirop, j'suis pas raciste, tu fais c'que tu veux de ta cirrhose. »

Elle lui lança un petit regard en coin, mi-ange mi-démon. Elle l'imaginait bien tourner au chaï latte ou à une de ces conneries que les hipsters affectionnaient tout particulièrement. Ça pouvait bien être le contraire, en revanche. Elle n'en savait pas franchement grand chose. Ou plus exactement : elle ne savait foutrement rien de ce mec. Ce qu'il faisait, qui il était, comment il s'appelait. Autant de questions sans réponses, et auxquelles elle ne cherchait même pas réellement de réponse. Le courant passait bien, entre leurs deux âmes. C'était tout ce dont elle avait conscience. Cette simple information lui suffisait à lui garantir qu'elle ne craignait rien, et que le reste de la soirée serait intéressant.
Ses potes lui avaient souvent rabroué qu'elle était pas suffisamment méfiante envers la gent humaine. Qu'elle accordait trop facilement sa confiance, et que ça finirait par lui jouer des tours. En réalité, Zeno savait qu'elle n'aurait jamais vécu tant de belles choses si elle avait suivi les conseils des amis, ou même de sa famille. Elle se serait peut-être évité pas mal de couilles, malgré tout.

« T'es originaire d'ici, dis-moi ? J'demande comme ça. C'est qu'habituellement les Parigots ont pas ton humour ou ta sympathie. C'est pas désagréable de tomber sur quelqu'un qu'a l'air normalement constitué et qui est pas d'humeur constante à râler. »

Les clichés avaient la vie dure. Mais il y avait une part de vérité, là-dessous. Quand on avait passé plusieurs années à écumer les festivals trance, entourée de hippies qui respiraient l'amour et la joie de vivre, s'enfermer dans un appartement de la capitale française pouvait piquer un peu.
Fallait espérer qu'il se vexe pas s'il venait du coin.
     
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