CHAPITRE I
Débauche. Organisation particulière d'une vie en réaction contre l'aliénation sociale.
SCHUSTER
Après réflexion, rien ne m'a poussé à en arriver là. J'ai emprunté ce chemin sinueux moi-même et m'y suis perdu. Je ne sais pas si je regrette d'avoir choisi cette voie, mais je m'y sens bien. En regardant autour de moi, l'impression d'être supérieur ne peut me quitter. Comment une bande d'ivrognes défoncés pourrait-elle ne serait-ce que penser à un centième de ce que je pense. J'étire un côté de ma lèvre pour former un demi-sourire dénué de joie, mais rempli d'ironie. Un pote me tend une bière fraîche que je prends volontiers sans le remercier, après tout, ce sont les miennes. Je la décapsule à l'aide du premier briquet que je trouve traînant sur la table basse du petit salon. J'observe la cendre d'une cigarette s'écraser sur le parquet, mais m'en fiche royalement. L'avantage de Paris et ces habitants, c'est que même le plus petit endroit suffit à faire la fête. Et ce soir, c'est chez moi. Enfin, j'ai mes parents qui ont décidé de s'offrir un week-end loin de la capitale.
L'appartement est surpeuplé. Trônant sur le canapé depuis plusieurs heures, je profite de la fête visuellement. J'ignore la fille à ma droite qui a ses jambes à moitié nues posées sur moi, les frottant dans une tentative de drague minable. Le QI d'une huître ne m'intéresse pas. Mes parents, après avoir fait une attaque sur le capharnaüm qu'était devenu leur demeure, auraient trouvé la nouvelle jeunesse bien débauchée et ils auraient eu raison. Je me lève en laissant tomber pitoyablement les jambes de Barbie qui théâtralise un « aïe » d'un œil noir auquel je ne prête même pas une demi-seconde d'attention. En traversant la petite foule, j'attrape un joint d'un mec si défoncé que je ne suis pas sûr qu'il remarque mon geste. Je continue mon chemin en y aspirant longuement. L'herbe me brouille le cerveau une demi-seconde puis j'expire la fumée par le nez. C'est bon cette merde. Dans la cuisine, accompagnée de ma bière et ma drogue, je pose les coudes sur l'îlot central de la pièce. Des filles et des mecs s'agitent avec des cartes de cantine à tracer des lignes blanches sur le revêtement noir. Un des plus vieux me regarde avec un rictus malicieux sur le visage, une lueur de défi passe dans ses yeux et il me tend une paille. Prenant soin de poser ma bière, j'attrape l’ustensile sans attendre. Le problème quand on aime l'aventure, c'est qu'on aime toutes les aventures. Je n'hésite pas une seconde avant de fourrer la paille dans mon nez et de ne faire qu'une bouchée de ce petite ligne.
Les jeunes marginaux de Paris sont fréquentables si vous trouvez l'angle abordable. Ne pensez pas qu'ils ne font rien de leur journée, car chaque jour est, pour eux, une nouvelle aventure. J'aime à les appeler des « artistes ». Ils ne dégradent pas la ville avec leurs tags, ils mettent de la couleur à votre chère grisaille. Ils ne vous assourdissent pas avec leurs improvisations, ils partagent leur passion. Ils ne vous agressent pas avec leurs pirouettes, ils se défoulent. Et c'est l'occupation la plus intéressante que j'ai trouvée, tard le soir quand je n'avais pas envie de rentrer chez moi. Depuis la « petite » fête à la maison, mes parents ont renié toute confiance en moi. S'ils savaient pourtant que je ne suis pas comme tous ces jeunes qui n'ont aucune ambition, aucun projet d'avenir. Après tout, ce que je le fais, je le fais pour moi et pas pour eux. Je suis capable d'arriver où j'ai envie par mes propres moyens. Après tout, Lincoln a dit « Gardez toujours à l’esprit que votre propre décision de réussir est plus importante que n’importe quoi d’autre. »
C'est un type nommé Fred qui m'a initié au parkour ou si vous préférez, l'art du déplacement. Ce mec blondinet m'a expliqué simplement «
Partout où on t'interdit de passer par n'importe quel moyen, tu y passes. ». La libération que vous procure ce sport non-reconnu est inimaginable à qui ne l'a pas essayé. Ca a commencé doucement, en franchissant d'abord les tourniquets de métro. Mes parents payaient une fortune pour que je puisse circuler dans Paris librement et en règle mais l'idée de franchir des barrières me plaisait et c'était l'endroit le plus facile pour débuter, non sans conséquences. Puis, petit à petit, j'ai ajusté les difficultés. Ma mère s'inquiétait toujours de me voir revenir avec des blessures sur les genoux et les paumes de mains «
Tu traverses Paris à quatre pattes ou quoi? ». J'avoue avoir sourit franchement à sa question et répondant un «
oui » on ne peut plus franche. Le problème a été que ça ne suffisait plus à me défouler. Et j'ai pris le chemin des bars pour frapper les hommes soûls alors qu'il aurait suffit d'un sac de frappe.
CHAPITRE II
Qui a une jolie sœur a aussi beaucoup d'amis.
«
Tu soûles ! » Elle a tendance à me faire littéralement sortir de mes gonds. J'ai l'impression qu'elle le fait même exprès parfois, elle s'amuse à atteindre mes limites. Servane débarque dans ma chambre en faisant voler la porte contre le mur et se jette sur mon lit. Après avoir respiré profondément pour stabiliser mon cœur ayant loupé un battement par la surprise de son entrée fracassante, je lui balance sèchement ces deux mots. Je referme mon exemplaire d'un de mes auteurs favoris, le recueil de poèmes
Les fleurs du Mal. C'est exactement dans ces moments-là que la jolie petite brune me fatigue le plus, quand j'arrive à calmer toute la haine que j'accumule face à la société en me délectant de quelques vers. «
Qu'est-ce qui se passe, encore ? » Je regarde dans le fond de ses yeux de la pré-adolescente pour trouver une réponse à ma question lasse. «
Juste envie d'être avec toi. » Elle attrape son téléphone et plonge son attention sur l'écran. Je lève les yeux au ciel et ravale bruyamment mon agacement. Je la laisse s'installer comme elle souhaite dans mon lit puis fait de même, replongeant mon attention dans mon bouquin. Puis, je relève un instant les yeux vers elle en lui suggérant un bon roman français ou anglais plutôt que son appareil, mais elle ne daigne même pas répondre. Au moins, j'aurais essayé.
D'aussi loin que je me souvienne, on a toujours été proches. Malgré les quatre petites années qui nous séparent, je ne me remémore pas un jour où je ne l'ai pas aimé profondément. Elle représente tellement pour que parfois, j'ai tendance à vouloir prendre la place de parents en lui imposant ma propre éducation. Sujet de nombreux désaccords et de nombreuses disputes. Elle dit que je suis un vrai « pot de colle » mais j'ai besoin de la surveiller, de savoir ce qu'elle fait et si elle est en sécurité. Quand elle était plus petite, j'aimais faire ses devoirs avec elle et l'accompagner à l'école quitte à être en retard pour mes propres cours. Elle est réellement la personne à laquelle je porte un amour parfois un peu trop inconditionnel. Et même si parfois, elle se joue de moi, je ne peux pas lui en vouloir.
Deux ans plus tard, la jeune fille qui s'était jetée sur son lit pour avoir uniquement sa compagnie physique n'était plus la même, à cause d'un garçon. J'avais conscience que ce jour arriverait, mais il était encore trop tôt et je ne m'étais pas préparé psychologiquement. La voir quitter notre bulle d'amour pour se jeter dans le lit d'un autre mec, surtout d'un petit merdeux du genre de son petit ami n'avait fait qu'empirer ma haine pour le monde. Au début, je l'ai vu lâcher les cours et je me battais le plus pacifiquement possible pour qu'elle continue les efforts qu'elle avait faits jusque-là. Puis je l'ai vu revenir des cours complètement défoncée. Loin d'être un exemple pour elle à ce sujet, je ne l'ai pas sermonné, juste fait par de quelques conseils et notamment, de ne pas descendre trop bas et d'éviter les drogues dures. Mais son mec n'avait pas le même discours que moi et elle semblait l'écouter beaucoup plus. Je ne saurais pas dire lequel de nous deux est le plus malin mais le soir où elle s'est endormi -ou évanouie, j'avoue ne pas savoir- en laissant son téléphone à porter de main, je n'ai pas hésité à tirer le numéro du nouvel homme qui se voulait être son héros. Les mots sont mon truc et, pour Servane, j'utiliserai d'abord la manière douce pour résoudre ce petit problème de débauche. «
SALUT MEC, C'EST LE FRERE DE SERVANE. ARRETES DE L'EMBARQUER DANS TES CONNERIES OU TU AURAS A FAIRE A MOI. » Évidemment, elle fut au courant et qu'elle me détesta encore plus et évidemment, mon message eu l'effet inverse.
Un énième soir où elle sortait discrètement de l'appartement, je l'ai suivi jusqu'à chez ce type qu'elle considérait comme son héros. Vêtu d'un sweater et d'un jean noir, une casquette de la même couleur vissée à l'envers sur mes cheveux assez long, je me suis fait on ne peut plus discret. Je bouillais intérieurement, mais il fallait que je sois plus intelligent que de frapper dans tout ce qui bouge pour qu'elle me mène là où il était. Une fraction de seconde après avoir passé le pas d'une porte, je trouvais mes deux poings en sang face à un visage inconnaissable tant tuméfié. Et je crois qu'elle n'a jamais autant sorti d'insultes à la seconde envers moi. Quelque temps après l'accident, je l'ai vu rentrée à la maison les yeux rouges, gonflés avec le maquillage en bas des joues. Je ne sais pas si c'est son visage délabré ou un sentiment personnel, mais j'ai su qu'il était mort. Je me suis contenté de la serrer contre moi en espérant qu'elle ne me rejette pas.
CHAPITRE III
En prison, être innocent, c'est du manque de tact.
LEWINO
Pour mon vingt deuxième anniversaire, on m'a traîné dans une soirée où je ne fus pas surpris de trouver des vieux potes et … ma sœur. J'étirais le coin de ma lèvre en un demi-sourire en la voyant, presque heureux qu'elle soit là pour que je puisse y avoir un œil. Mon attitude passive à toutes soirées regroupant trop de jeunes en quête d'identité lasse mon entourage. Pourtant, il m'y traîne toujours. Je ne fais qu'observer et voyageant grâce à la drogue. Le fait que Servane ait arrêté aurait dû me pousser à faire de même pour lui montrer l'exemple, mais le problème de l'addiction, c'est qu'on ne peut pas la guérir du jour au lendemain. Pour ma défense, et pour moi-même surtout. Je ne consomme que modérément. La cave dans laquelle se déroule le bordel sent le renfermer au possible, tellement que j'en ai presque un haut-le-cœur. Ou peut-être que c'est tout l'alcool que j'ai ingéré depuis que je suis arrivé. Au loin, je vois quelques mecs qui tournent autour de la magnifique jeune femme qui me sert de sœur et plus le temps avance plus je bous intérieurement. Je suis tiraillée entre finir le mètre de shot que l'on m'a défié de boire et faire avaler les dents de ces deux trois machos.
Le mètre de shot plus tard, la haine ne fait que m'envahir un peu plus et sans plus attendre, je traverse la pièce sombre. Je chope le plus insistant par le col de sa chemise de bourgeois pour le maintenir et envoie de toute ma force mon poing dans la tête. Il encaisse le choc et ses yeux croisent les miens. J'envoie un deuxième coup plus fort et j'entends des cris derrière moi, mais n'y porte aucune attention. Je lâche le mec qui s'effondre sur le sol. Les vigiles me sortent et des menaces de plaintes fusent. Est-ce que je frappe pour défendre ma sœur ou pour soulager la haine que j'ai envers le monde ? Je ne prends pas le temps de répondre à la question et marche dans les ruelles les moins emprunter de Paris. Même quelques acrobaties ne suffirait pas à me défouler. J'entends les appels de Servane derrière moi, j'ai l'impression de les imaginer. Je m'étais promis de ne plus faire ça après l'épisode de son petit-ami, mais je ne peux pas, je ne peux clairement pas arrêter. J'aime trop la sensation de la chair qui se déchire à force d'être cognée. J'accélère le pas, je ne veux voir la haine ou la tristesse dans ses yeux. Bon anniversaire mec.
Une heure plus tard, je décide de rentrer à l'appartement de mes parents, chez moi. Ils sont partagés entre me féliciter pour mes résultats scolaires et me détester pour la haine que je dégage. J'ai besoin de lire pour m'évader de la réalité. Et je dois soigner les petites plaies sur mes phalanges qui se sont encore ouvertes. Les mains au fond des poches, la capuche sur la tête, je tourne à l'angle de ma rue. Puis j'entends des cris, des hurlements, si perçant qu'ils pourraient me percer les tympans. J'accélère le pas pour arriver à l'endroit d'où proviennent les gueulements. Je vois une chevelure sombre volée au milieu de grosses carrures. Je m’aperçois que je me suis mis à courir et mes jambes s'arrêtent nettes quand j’aperçois les yeux suppliants de Servane. Mon corps figé réagi en une seconde. Il n'y a plus d'Andréas, juste une bête. Une bête envahie par la rage. Je ne sais plus ce qui s'est passé exactement, mais les lumières des immeubles se sont allumées une par une et un groupe de Parisiens est sortie dans la rue pour former une masse autour de nous. Autour d'une Servane paniquée, d'un gars enragé et d'un corps dans une mare de sang. J'ai eu beau renier que ce couteau n'était pas le mien et que ce mec, le seul assez couillu pour ne pas prendre la fuite était en train d'agresser ma sœur. Elle a eu beau témoigner en ma faveur.
Le juge a déclaré : « Coupable » aux termes de meurtre sans préméditation. J'étais donc condamné à passer dix ans de ma vie en prison. Et à vingt-deux ans, dix ans semblent être une éternité. Je n'ai pas tenté de me rebeller, j'assumais l'entière responsabilité de la mort de cet enfoiré et ne regrettais en aucun cas mon geste. Je m'inquiétais pour deux choses : Servane qui se retrouvait seule dans le paysage sauvage parisien et mon avenir. Je voyais ma carrière littéraire s'envoler en fumer. J'étais un jeune qui se défonce, mais avec des projets.
CHAPITRE IV
La différence entre littérature et journalisme, c'est que le journalisme est illisible et que la littérature n'est pas lue.
WILDE
Le quotidien carcéral est triste, morne, encore plus gris que Paris lorsqu'il pleut. On se lève à la même heure, on bouffe une nourriture dégueulasse, on s'occupe comme on peut le matin, l'après-midi, le soir et on se couche à la même heure. Une salle de gym pour se défouler, des salles de classe pour étudier, des couloirs pour marcher. Je me suis fais quelques potes avec qui on discute, mais la plupart du temps, on fait du sport. Les visites sont quotidiennes mais lassantes. Que voulez-vous raconter à votre famille quand vos jours se ressemblent ? Je ne demande aucune nouvelle du monde extérieur parce que ça ne m'intéresse pas. Une fois par mois, je reçois un colis avec quelques livres que je lis et relis en attendant le colis prochain. Servane m'a apporté un carnet avec une couverture noire et on m'a autorisé à avoir des stylos. Alors j'écris, j'écris des centaines de mots sans cohérence. Ce qui me passe par la tête, ce que j'ai pensé d'un bouquin ou le comportement des gars avec qui je partage mon quotidien.
Un jour, j'ai entendu des gars discuter dans l'espèce de cantine grise et froide pendant que l'on déjeunait des brocolis infâmes. Un club de lecture avait ouvert. Je m'intéressais si peu à la vie en communauté que j'avais loupé cette information. Partager autour des livres, même avec le plus débile d'entre eux, pourrait me faire un peu de bien. Lorsque je m'y suis rendu, j'ai compris pourquoi tant de prisonniers s'étaient intéressés à la littérature aussi vite. La raison n'était autre qu'une jolie blonde à la voix douce. Je m'assis sur un siège inconfortable au dernier rang et fermer les yeux pour m'envahir de l'histoire.
Gasby le magnifique, un classique. « C'est tout pour aujourd'hui messieurs ! ». J'ouvre les yeux, elle sourit chaleureusement à des rats.
Le juge a autorisé une liberté conditionnelle après trois ans de galère, pour bonne conduite. Je savais que de ne pas avoir trop de contacts m'éviteraient les ennuis et m'éviteraient de cogner sur deux ou trois cons. J'étais fière de moi-même si je n'étais pas sûr de vouloir retrouver la vie à l'extérieur. Maintenant, j'attendais le samedi et le dimanche avec impatience. Non pas parce qu'ils nous servaient des frites dégueulasses, mais parce que la raconteuse d'histoire tournait de cellule en cellule pour distraire intellectuellement les hommes en rûtes. Je me suis d'ailleurs demandé plusieurs fois quel connard a pu autoriser un truc pareil. Il pourrait lui arriver n'importe quoi et je ne suis pas sûr que les gardiens pourraient faire quelque chose. Il ne restait plus que quatre week-ends avant que je puisse sortir de cette taule pour retrouver ma famille, mais surtout les toits parisiens qui, mine de rien commençaient à manger à mes petites jambes. Et encore pis, quatre week-ends avant de réintégrer la vie de Servane et de pouvoir, aller la voi faire ses dingueries au cirque.
J'attendais toujours Théoxane allongé sur mon lit, mais je ne lui ai jamais adressé un mot. Je la laissai me transporter dans un autre monde, loin du matelas dur, du plafond fissuré et de la froideur du fer. Et elle ne me parlait pas non plus, elle débitait son histoire comme elle-même sait le faire, avec une certaine conviction comme si elle vivait l'histoire de l'intérieur. Et la demi-heure accordée à chacun me semblait chaque week-end un peu plus court que la précédente séance. Le temps passait vite le samedi et le dimanche, mais horriblement lentement la semaine. Heureusement que j'avais mes propres livres pour le faire passer un peu plus vite sinon j'aurais fini fou il y a longtemps. Un samedi, en fin d'après-midi, alors qu'elle terminait son paragraphe des
Misérables, j'ai ouvert les yeux, les laissant dérivés sur le plafond craquelé. La magie était rompue à la seconde où elle s'était arrêtée, me replongeant dans la dure réalité carcérale. Après quelques minutes de silence, elle lance une « bonne soirée » et je lui demande de rester un peu plus longtemps, pour la première fois. À mon plus grand soulagement, elle accepte en reprenant sa place et cherchant quelques secondes le passage sur lequel elle avait terminé.
Les dernières semaines ont été un enfer, mais les week-ends furent une source revigorante. Elle m'accordait toujours un peu plus de son temps et la barrière du silence fut rompue par des micros discussions sur les livres. Je restais distant et froid, la prison n'arrange pas les hommes peu bavards, mais sa patience était méritait une récompense. Le dimanche soir, elle me laissait son exemplaire du roman pour que je puisse relire moi-même les passages qu'elle m'avait lus et je me forçais à ne pas lire plus pour savourer l'instant où elle le ferait. Le quatrième dimanche, elle déposa le livre sur la petite table de ma cellule, mais je l'ai arrêté en lui disant simplement que je sortais demain. Avec un petit sourire, elle est partie en m'assurant que, dans ce cas, je le lui rendrais en main propre à l'extérieur.
Le lundi arriva et bon dieu, l'air dénué de toute expression, je sentais une immense libération intérieure. J'allais reprendre le cours de ma vie, là où je l'avais laissé il y a trois ans.