Jules & Louise
   
   

Ce matin-là, je fus réveillée par le bruit du vent qui venait fouetter les volets de ma fenêtre. Dehors l’orage grondait, m’empêchant de terminer ma chère grasse matinée. A peine ai-je ouvert les yeux  qu’un affreux mal de tête se fit sentir. Mon estomac était légèrement noué. Pas besoin d’aller chez le médecin pour savoir ce que j’avais : une bonne vieille gueule de bois. Je me suis donc levée en grommelant pour me rendre la cuisine où je me suis versée un grand verre d’eau dans lequel j’ai ajouté un comprimé d’aspirine. Tandis que le médicament se diluait dans l’eau, j’essayais tant bien que mal de me souvenir de la soirée de la veille. Je m’étais éclipsée en douce de la maison, car oui malgré mes vingt ans ma mère détestait encore que je sorte le samedi soir, ma guitare sur le dos, pour rejoindre un club de la ville. Le gérant m’avait engagé pour la soirée. Pour la petite anecdote, je n’avais pas vraiment choisi ce bar au hasard, après tout, il y en avait des beaucoup plus près de chez moi. J’y étais allée en espérant croiser une certaine personne. Je savais que la personne en question aimait passer ses samedi soirs là-bas. En découvrant qu’elle n’était pas là, j’ai tout fait pour ravaler ma déception. J’ai essayé de me concentrer sur ma guitare mais le son que je produisais était beaucoup moins harmonieux que d’habitude.

Pour me remercier, on m’avait offert pas mal de verre, ce qui expliquait la douleur qui vrillait mes tempes. Heureusement pour moi, ma mère avait rendez-vous chez une de ses amies et Jules… Tiens où était-il celui-là ? Avec un sourire malicieux, j’ai rejoint sa chambre après avoir ingéré mon médicament, à pas de loup, un bol rempli d’eau dans la main. J’ai doucement ouvert la porte est ai retenu un fou rire. Mon grand-frère était allongé en étoile de mer dans son lit, en caleçon, un long filet de bave sur sa joue, ses cheveux blonds totalement en bataille. Je ne pus m’empêcher de prendre une photo. Le petit bruit que mon téléphone émit ne le réveilla pas et c’est avec fierté que j’ai posté le précieux trésor sur Instagram. J’ai ensuite compté jusqu’à trois et ai versé le contenue du récipient sur sa tête. Sa réaction fut à la hauteur de mes espérances. Il se leva d’un bond, les yeux écarquillés par la surprise. J’ai éclaté de rire, laissant tomber le bol qui tomba à terre avec un bruit sourd. « T’as bien l’air malin comme ça » me suis-je exclamée.

Bon ok, j’aurai peut-être du prévoir son autre réaction. Parce que mon frère était très rancunier et ça je le savais pertinemment. Je me rappelle d’une fois où j’avais osé lui dire que je trouvais que le foot était pour les attardés mentaux et qu’il pouvait se mettre son ballon là où je pensais.  Pour se venger, il était allé couper toutes les cordes de ma guitare, sachant très bien que jamais nos parents ne voudraient m’en payer d’autres. J’avais du mettre de l’argent de côté pendant deux mois avant de pouvoir en acquérir des nouvelles. Quel genre de monstre pouvait faire cela à sa petite sœur ?! Bon, bref revenons-en à notre histoire voulez-vous ?

En me voyant me tordre de rire, mon frère s’est levé d’un bond, les yeux menaçants. J’ai tout de suite stoppé mon ricanement, cherchant un moyen de me sortir de cette situation. J’ai alors remarqué une petite photo sur le bureau. Je m’en suis rapidement emparée. Il s’agissant en réalité d’un autographe de Zlatan Ibramachin (sérieusement ce nom est imprononçable). Sachant que Jules y tenait plus qu’à la prunelle de ses yeux, j’ai posé mes doigts dessus de sorte qu’il ne suffisait que d’un petit coup pour qu’il tombe en morceaux. « Fais un pas de plus et je le déchire »

Jules & Louise
   
   

« T’oserai pas » Un sourire triomphant s’afficha sur mes lèvres. S’il pensait vraiment que je n’en étais pas capable, il se foutait le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Je m’apprêtais d’ailleurs à lui montrer qu’il avait tord quand il se mit à parler d’Aaron « En fait, je devais le faire voir à Aaron. D'ailleurs, en ce moment, je sais pas ce qu'il a mais il est jamais dispo.  Mais j'y pense, peut être que tu l'a croisé hier, pendant ton escapade nocturne ? ».  
Il s’agissait là d’un des plus beaux coups-bas qu’il ne m’avait jamais fait. Entre nous, je ne savais pas vraiment ce qu’il avait découvert sur Aaron et moi. Sachant que mon frère était d’un égocentrisme monstre, je me demandais même s’il avait remarqué que quelque chose d’étrange s’était passé entre nous deux. Mais les quelques paroles qu’il avait prononcé avait réussi à me mettre dans le doute.  «  Je… Je ne vois pas pourquoi j’aurai vu Aaron. C’est ton ami pas le mien. »
Je me maudis intérieurement d’avoir bafouillé ces quelques mots. J’avais normalement l’habitude d’être plus douée que cela niveau mensonge. Jules ne sembla pourtant pas y prêter attention puisqu’il sauta sur moi de manière à ce que je ne pouvais tout simplement plus bouger. En y repensant, je m’étais trouvée de trop nombreuses fois dans cette position, notamment lors d’un mémorable repas de famille où je l’avais menacé de lui verser l’entièreté de mon verre de lait sur sa toute nouvelle veste de marque. Croyez-moi, des anecdotes comme ça j’en ai un tas en stock. « Tu croyais vraiment pouvoir t'en sortir comme ça, petite soeur ? »  Je détestais quand il m’appelait ainsi et il le savait très bien. Alors qu’il me proposait très gentiment d’aller faire un tour dans la salle de bain, je compris qu’il était temps de négocier. Je détestais ça mais je détestais encore plus le fait de me retrouver sous des jets d’eau glacé de bon matin, surtout avec le marteau-piqueur qui ne cessait de taper dans mon crâne.
« Ok Ok grand-frère , j’ai un marché à te proposer. Tu me lâches et j’efface la photo que j’ai pris de toi en train de dormir et que j’ai évidement postée sur les réseaux sociaux. Je pense que ta petite bande risque de bien rire en la voyant. Si tu veux mon humble avis, je pense même qu’à cause d’elle plus aucune fille n’acceptera de passer une nuit avec toi si tu vois ce que je veux dire.  »

Bon je l’avoue ma technique relevait plutôt du chantage que de la négociation, mais je vous rappelle que je connaissais ce spécimen depuis … ans. Je savais parfaitement qu’il n’y avait que cela qui marchait avec lui. Oh, j’avais bien d’autres tours dans mon sac si jamais celui ne fonctionnait pas. Car je savais beaucoup de choses sur mon frère chéri. Des choses que même lui ignorait ce qui me mettait dans une délicieuse position de force. J’étais au courant, entre autre, que monsieur avait eu une petite relation avec la fille de notre belle-mère. Cet idiot avait tellement bu ce soir là, qu’il ne s’en souvenait plus. Comme j’étais assez proche de la jeune fille en question, il m’avait quelques fois demandé pourquoi elle était si distante avec lui et je prenais un malin plaisir à lui répondre par un regard qui signifiait « je sais très bien pourquoi mais plutôt mourir que de te le dire ».

Je pense que vous devez très certainement vous dire qu’entre Jules et moi il n’y avait qu’un très très mince amour fraternel. Vous avez tord. J’aimais mon frère et je suis sûre qu’il m’aimait aussi. Mais il était tout simplement hors de question que l’on se le dise. Fierté, mesquinerie, appelez ça comme vous voulez. Pour moi, il s’agissait tout simplement d’une question de bon sens.
Comment ça ce sont d’étranges pensées pour une fille qui a le bras de son frère sous le cou ? Franchement, cette situation était tellement devenue banale au court des années que moi, ça ne m’étonnait même pas… «Alors Julius, qu’est-ce que tu as décidé de faire ? »