Je le savais. Je le sais à chaque fois et pourtant je me fais constamment avoir. Entourée d’une foule gigantesque, je m’avance petit à petit vers le chapiteau tentant aussi bien que mal de ne pas m’enfoncer dans le purin de cheval alentour. Vraiment, je trouve cela magnifique les chevaux, c’est grand, beau, majestueux mais pourquoi diable avoir ce besoin d’en être si proche ? Je crois être la seule et unique personne de ma famille a ne pas avoir une passion pour les animaux et pourtant, je dois être étrangement celle qui les conserve le plus, mais ce n’est qu’un détail… Je préfère réellement me passer d’avoir un petit agneau dans mon assiette, plutôt que de les enfermer à longueur de journée pour en prendre « soin ». Malgré tout, même si la manière de faire n’est pas la plus éthique, je suis fière de cet endroit, fière de ce qu’il représente car pour moi, il symbolise la renaissance de ma grande sœur et pour cela, je ne lui serais jamais assez reconnaissante. J’aime cet espace – si on lui enlève un peu de boue les jours où je me suis mise en talon…- , j’aime l’ambiance qu’il y a autour et surtout, j’aime voir ce spectacle où tout sourire, je peux suivre ma sœur des yeux, et voir son regard s’illuminer comme à chaque entrée sur la scène. Je viens ici, presque deux fois par mois en saison pour l’admirer. La plupart du temps, je force des amis à venir avec moi, mais aujourd’hui, je veux simplement être seule avec elle, même si pour le moment elle n’est pas au courant de son plan de soirée. Une fois le clap de fin annoncé, je me faufile discrètement par l’arrière pour accéder aux loges des stars. Je sais qu’en ce moment, le salue final à lieu et que ma sœur explose de joie. Je crois un des gardiens du chapiteau qui commence à me connaître et me laisse entrer sans problème et m’installe dans la loge de notre étoile montante après avoir installée des bouquets de fleurs.

Les rires se font entendre dans le couloir à côté, celui de ma sœur s’entend parfaitement. Je ne sais pas si c’est parce qu’il est vraiment atypique ou bien si c’est parce qu’elle est ma sœur qu’à chaque fois que je l’entends, mon cœur se pince et un sourire s’affiche sur mon visage. J’ai toujours souhaité que ma famille s’illumine et qu’elle soit comme elle souhaite être, qu’elle affiche sa propre perfection, et en ce moment, j’ai cette impression que Clémentine est en plein dedans. Lâchant mon carnet et mon stylo, je stoppe net mon dessin alors que la porte s’ouvre. Je me lève et me met à applaudir quand son regard monte enfin à mon niveau. A moi seule, je dois faire le bruit d’une foule, en tout cas, c’est ainsi que je le ressens. Mes mains s’agitent tandis que je siffle comme pour accueillir un héro en fin d’une course. C’est absolument tout ce qu’elle est. Mes lèvres s’étendent et en la voyant aussi belle dans sa tenue d’ange, j’ai ce sentiment de fierté profond en moi qui ressurgi. J’arrête mon délire, ouvrant largement mes bras afin de l’accueillir contre moi, soufflant à son oreille. « Tu as été magnifique encore ce soir. » Je suis une de ses plus grandes supportrices, parce que je sais qu’elle l’aurait été pour moi si je lui en avais laissé la place. Je ne l’ai jamais fait déjà bien protégé par mon jumeau, je ne m’autorisais à m’ouvrir davantage même aux membres de ma famille. C’est pour cela qu’aujourd’hui, je veux lui montrer que je suis là et avec elle à chaque instant, chaque gloire et chaque peine… Je lui dépose un baiser sur la joue, me collant des paillettes sur les lèvres au passage et m’éloigne d’elle, tournant doucement dans la pièce et m’asseyant sur le bord d’une table où se trouve du matériel innommable pour les chevaux. « Vous avez été super ! Tu nous as encore bien fait rêvé, j’suis fière de toi, babe... » A chaque fin de représentation, je garde ce sentiment de fierté en moi, comme une maman face à son enfant et pourtant, je suis la cadette de le demoiselle face à moi. Mais j’ai cette boule qui me prend au cœur et me bouleverse à chaque représentation.