Ca fait un bail que je me suis autant régalé avec un simple burger. De toute façon, ce restaurant est top et la carte est digne de mes fantasmes les plus fous et franchement, on pardonne tout, même la part de cheesecake à sept euros. Enfin bref, il est presque quatorze heures et je sors du restaurant, après un repas avec quelques amis. Ils doivent tous partir en vitesse pour retourner bosser, mais j'ai mon après-midi et il fait beau, alors je reste un peu planté là en pleine rue montorgueil, un peu sur le côté pour éviter le flot de touristes et ne pas gêner les gens qui passent. Je m'adosse au mur du restaurant et sors une cigarette. En l'extirpant du paquet, je regarde  l'intérieur et note qu'il m'en reste cinq. Ca pourrait me suffire pour la fin de journée, si je fais un effort. Peut-être que je devrais le faire, cet effort, me forcer à réduire le nombre de clopes que je fume dans la journée. Mais au final, je me dis que je n'aurais peut-être pas le temps d'aller racheter un paquet demain matin, et je ne préfère pas prendre le risque. Je passerai en chercher en rentrant chez moi ce soir. Je range du coup mon paquet dans ma poche et allume rapidement ma clope, coincée entre mes lèvres, en essayer d'éviter le vent qui malgré la chaleur du mois de juin souffle plutôt fort. J'ajuste le blouson de cuir que je porte et remonte un peu mon jean qui tombe bien bas sur mes hanches, et colle mon dos au mur. La terrasse du restaurant est juste à côté de moi, séparée par un simple petit buisson proprement taillé et planté dans un bac. Je fais attention à ne pas diriger ma fumée vers les gens qui mangent, même moi qui suis fumeur, ça m'écoeure en général. Alors que je tire tranquillement la première taffe, mon regard se perd un peu sur la rue, se pose sur le glacier en face. Peut-être que j'irai prendre quelques boules une fois ma clope terminée, s'il n'y a pas trop de queue. Mon regard continue son chemin, et là, je croise le regard bleu océan d'une jeune femme. Elle est fine, grande, belle, de loin en tous cas. Ses cheveux sont flamboyants et le contraste avec ses yeux ne m'est pas tout à fait étranger. Il n'y en a pas des centaines des filles comme ça, même à Paris. Elle m'intrigue, putain. Mais je détourne le regard, je préfère ne pas continuer à la regarder comme ça, c'est gênant pour elle comme pour moi. J'amène mes doigts autour de ma cigarette pour la décoller un instant de mes lèvres et souffler la fumée en penchant légèrement le visage vers le ciel. Je mets un coup dedans avec mon pouce pour faire tomber les cendres, et je remets la clope à mes lèvres.

Noélie se met à la recherche de son soutien-gorge alors que le type près d’elle se rhabille aussi. Il a fait son affaire et le préservatif posé négligemment sur le lit en est la preuve. On ne peut pas dire que Noé ait apprécié l’expérience. Ça a été rapide, trop rapide pour qu’elle puisse voir ne serait-ce qu’un bout de plaisir. A croire que le mec cherchait juste à se vider les couilles pendant sa pause déjeuner. Ça ne dérange pas Noé de servir de défouloir, mais là, il a vraiment été rapide. Attachant son soutien-gorge, elle remonte son pantalon sur son string et reboutonne son chemisier pendant que l’homme se rapproche d’elle. Automatiquement, elle se recule de quelques pas. Elle ne veut pas qu’il le touche. C’est fini, il l’a baisé, maintenant il reste loin d’elle. Il sort de sa poche quelques billets qu’il lui tend. Elle les prend et il en profite pour lui frôler le bras et avancer sa main vers son sein. Non mais il a cru quoi ? Aussitôt, un frisson de dégoût s’empare d’elle et elle essaie de faire de son mieux pour ne pas dégueuler sur le tapis de l’hôtel qu’il a choisi. « Me touche pas ! » siffle-t-elle entre ses dents alors qu’il essaie encore une fois de s’approcher d’elle. Noé le repousse dans un effort surhumain tout en s’intimant mentalement de ne pas le laisser voir qu’elle n’arrive pas à le toucher maintenant. « C’est pas parce que tu m’as baisé que tu peux me toucher impunément. T’as vidé tes couilles, tu m’as payé. Maintenant, je me casse. » Sans demander son reste, elle sort de la chambre et se précipite dans les escaliers pour sortir à l’air libre le plus rapidement possible. Noélie est claustrophobe et rester dans l’ascenseur est impensable pour elle. Mais le pire, c’est qu’elle n’a pas pu prendre de douche après son client. Elle se sent sale, malgré l’utilisation du préservatif. Ça lui rappelle trop de mauvais souvenirs et ce n’est pas bon. Noélie se met presque à courir dans les escaliers et une fois dehors, elle inspire grandement, ravalant la bile qui lui monte dans la gorge. Elle grimace sous le goût dégueulasse qui s’empare de ses papilles. Elle cherche un chewing-gum dans son sac à main en vain. Noé attrape donc son paquet de clope et peste quand elle le voit vide. Manquait plus que ça. Elle va devoir trouver un bar-tabac ou alors quelqu’un de bien gentil pour lui en passer une. Sauf qu’on est à Paris et que la plupart sont des crevards. La rousse avance dans la foule essayant d’évoluer dans des endroits où il n’y a pas trop de passages. C’est bon, elle a eu son quota de contact humain aujourd’hui. Heureusement qu’elle ne tourne pas après ça, ça l’emmerderait bien. Elle continue d’avancer et un jeune homme capte son attention. Il est adossé à un mur et a une clope au bec. Parfait, elle va aller lui en taxer une. Cependant, leur regard se croise et il reste bloqué sur elle quelques secondes avant de détourner les yeux, gêné. Noélie s’avance vers lui et arrivé à sa hauteur, elle pose son dos contre le mur comme lui. « T’aurais pas une clope à me dépanner ? » Pas de salutation, pas de s’il te plait, pas de merci. Elle veut juste une clope et elle s’en ira après.

Il y a quelque chose d'intense dans son regard, un truc glacial et brûlant à la fois. Quelque chose de fort, et ça m'attire autant que ça m'effraye. Je ne suis pas vraiment timide de nature, mais il y a des gens comme ça qui ont quelque chose dans le regard, et ça te donne l'impression d'être petit. Peut-être que sans ça, j'aurais soutenu son regard, sans détourner le mien. Même si fixer droit dans les yeux des inconnus, ça peut être gênant, ça peut même être considéré comme malpoli. En général, les gens normaux évitent de le faire. Dans le métro, alors qu'on est tous là comme des cons à attendre notre station, on prend soin de s'éviter et si par malheur nos regards se croisent, on fait en sorte de vite oublier cette petite erreur de parcours. Ou alors, on s'autorise un sourire, avant de briser le lien et de passer à autre chose. Moi, ça dépend de mon humeur, et en général le sourire passe toujours bien. On ne peut pas me reprocher d'avoir souri. Seulement, là, en pleine rue, fixer quelqu'un c'est encore plus étrange. Alors je détourne le regard, même si cette fille m'intrigue. Seulement, la jeune femme s'avance vers moi, traverse la foule pour se diriger exactement vers là où moi je suis posté. Je ne réagis pas, je la laisse faire sans pour autant tourner la tête vers elle ou donner signe d'inconfort. Elle s'adosse elle aussi au mur, un peu de la même façon que moi. « T’aurais pas une clope à me dépanner ? » elle demande alors. C'est assez sec, net, sa voix ne chante pas, elle n'a pas d'intonation particulière. Juste des mots presque noirs sur blanc. Je la fixe encore un moment, je suis sûr de la connaître, ou au moins de l'avoir croisée quelque part. C'est dingue. Son visage me revient mais je suis incapable de mettre une situation ou un décor autour de celui-ci. Je sors de mon état de rêverie, décide que je n'ai pas besoin d'avoir l'air encore plus idiot. « Euuuuh ouais bien sûr » je dis un peu maladroitement, plongeant ma main dans ma poche pour en sortir mon paquet presque vide. C'est vrai que ça me fout un peu les boules de lui en offrir une alors qu'il ne m'en reste que quelques unes, ça me met mal parce que tout simplement l'idée de ne plus avoir beaucoup de clopes -comme pour l'accroc que je suis- ça me donne une impression d'être en sursis. Pourtant je sais que ça me suffira, que ce soir j'irai en acheter. Je soulève le carton du paquet et le maintiens ouvert en tendant ma main vers elle pour qu'elle se serve, lui prêtant mon feu au passage. Je la regarde encore, profite de ce moment. Putain, je suis sûr d'avoir déjà vu ce visage. « C'est con mais... j'suis sûr qu'on s'est déjà vus » je lui sors, réalisant après coup que ma phrase pourrie ressemble à ce qu'un mec un peu trop alcoolisé a tendance à sortir en soirée quand il veut pécho. Heureusement, j'ai l'air plutôt normal, et je suis loin d'essayer de la draguer. C'est une simple remarque, depuis que je l'ai vue, je suis un peu confus, je n'arrive pas à me rappeler, c'est perturbant...

S’il y a bien une chose que Noé déteste plus que tout à part ressentir un contact humain contre sa peau, c’est de se sentir sale. Et c’est le cas, alors qu’elle dévale les escaliers pour partir le plus loin possible de ce pervers qui s’est juste servie d’elle comme de vide couilles entre deux rendez-vous pendant la pause déjeuner. Elle qui pensait qu’elle allait pouvoir prendre une douche après avoir satisfait monsieur, elle se retrouve dehors à inspirer l’air pollué de la ville en essayant de ne pas vomir. Elle se souvient de la sensation de ses mains sur son corps et si pendant l’acte, elle n’a pas eu de difficulté à le laisser la toucher, après c’est une autre histoire. La bile remonte dans son œsophage et elle la ravale tout en cherchant un chewing-gum dans son sac. N’en trouvant pas Noélie prend son paquet de clopes et l’écrase dans sa main en se rendant compte qu’il est vide. Elle a besoin de décompresser. Elle veut fumer, elle veut sentir les bienfaits de la cigarette sur son corps et son esprit. Elle avise un type qui la regarde et détourne les yeux au moment même où leurs regards se croisent. Il a une cigarette à la main, il fume donc. Sans gêne, elle se dirige vers lui et s’adosse près de lui avant de lui demander une garrot. Noé ne le salue pas, ne lui dit pas s’il te plait et sait qu’elle ne le remerciera pas quand il lui donnera. Non pas qu’elle pense que tout lui est du. C’est simplement qu’elle ne s’encombre pas de choses inutiles. Ça peut donc la faire passer pour une princesse, ce qu’elle n’est absolument pas. Après quelques hésitations, le jeune homme lui tend son paquet et Noé en pioche une avant de l’allumer avec son feu. Elle tire dessus une première fois et instantanément ses muscles se décontracte et un soupir de bien être s’échappe de ses lèvres. « Putain que c’est bon ! » Noé n’a jamais fait attention à son vocabulaire. Elle dit toujours ce qu’elle pense au moment où elle le pense et sans réellement y réfléchir. Elle dit souvent les choses comme elle le pense. Pas diplomate pour un sous, Noélie est souvent trop franche, trop directe, trop tout. La voix de l’inconnu près d’elle retentit la faisant sortir de ses pensées. Elle aurait presque oublié sa présence tiens. Noé ricane. Quelle technique de drague pourrie ! Elle est sûre qu’il peut mieux faire. « Te fatigue pas à me draguer. J’suis pas intéressée. » Une fois encore, la voix de Noé n’a pas d’intonation particulière. Elle est juste monotone et presque trop sèche. Elle ne supporte pas les gens qui essaient de flirter avec elle simplement parce qu’elle a demandé quelque chose. Elle n’est pas un bout de viande qu’on reluque et qu’on touche quand on le veut. Elle continue de tirer sur sa cigarette et d’expulser l’excès de fumée hors de ses poumons. Peut-être que si elle fumait un paquet par jour, elle se retrouverait avec un cancer et que de cette façon, elle pourrait entrevoir la possibilité de quitter ce monde vu que jusque maintenant elle n’en a pas eu l’occasion. Noé essaie tous les moyens possible et inimaginable pour se faire du mal. Mais aucun d’eux n’a fonctionné puisqu’elle est toujours ici, adossée à ce mur, le type à côté d’elle. Malgré le fait qu’elle lui ait dit ne pas être intéressée, Noé sent toujours son regard sur elle. C’est gênant, ça l’emmerde et elle a envie de lui en foutre une. « Est-ce que tu pourrais arrêter de me fixer comme ça ? On t’a jamais appris que c’était mal poli. » reprend-elle plus agacée que gênée. Elle a l’habitude d’être regardé vu le peuple qui lui est passé sur le corps que ce soit pour ses films ou les clients. « T’es peut-être un de mes clients. Je suis désolée si c’est le cas, je me souviens pas de tous les types qui me sont montés dessus… » Noé marque une pause, la cigarette au bord des lèvres alors qu’elle relève en un chignon désorganisé ses cheveux roux. Elle a toujours aimé cette couleur. C’est d’ailleurs le seul truc qu’elle aime chez elle. « Ou alors, tu m’as vu dans un film… Je suis actrice. » continue-t-elle sans préciser quel genre de film. Pour elle c’est tellement évident, qu’elle n’en voit pas l’utilité.

Je suis maladroit, ce n'est pas nouveau. Parfois, je me dis que je ferais mieux de rester enfermé chez moi et de laisser le monde vivre sa vie sans moi, parce que clairement, j'ai tendance à être un peu bizarre et embarrassant. Si ce n'est pas moi qui me retrouve ridiculisé, c'est les gens qui se trouvent avec moi, et dans les deux cas, c'est une situation que je préfère éviter. Le problème, c'est que je suis aussi quelqu'un de relativement sociable, que je supporte assez mal la solitude, et que j'aime beaucoup trop le monde pour ne pas en profiter. Je suis un peu comme ces gens anxieux en société, qui ont du mal avec les autres, mais qui n'ont envie que d'une chose au fond : être apprécié et passer de bons moments avec d'autres personnes. Alors voilà, c'est moi, je suis comme ça. Maladroit, gêné et gênant. Le type qui fait des gaffes sans arrêt et rougit pour un rien. Mais je préfère ça plutôt qu'être un connard, ou un mec dédaigneux et hautain. Disons que je pourrais être pire. « Putain que c’est bon ! » elle dit en tirant sur la cigarette que je viens de lui donner. Je souris un peu, parce que je comprends parfaitement, et cette franchise qu'elle a dans sa parole, ça me plaît bien. Mais je continue de la fixer, et je cherche, je cherche la réponse à ma question. Je suis sûr que je l'ai déjà vue quelque part, et même si je n'ai pas une mémoire redoutable, cette fille me dit quelque chose. Son visage est même plutôt clair dans mes souvenirs. Je lui pose la question, et elle rit, un rire jaune, pas très agréable. Ca contraste bizarrement avec le reste. Enfin, pas tant que ça en fait. « Te fatigue pas à me draguer. J’suis pas intéressée. » et merde, alors elle a vraiment pris ça pour de la drague. Elle doit être habituée à des mecs salement lourds. Des phrases de merde comme celle-là, elle doit en entendre souvent. « Euh... » Puis je me tais, parce que je ne sais de toute façon pas quoi dire. Que je ne suis pas en train d'essayer de la draguer... mais c'est peut-être exactement ce que dirait un mec qui vient de se prendre un râteau. Alors je lâche un petit rire et j'essaye juste d'oublier que je viens de passer pour un idiot. Je coince ma cigarette entre mes lèvres et continue de m'empoisonner, mais très vite, mes yeux se posent sur elle à nouveau. « Est-ce que tu pourrais arrêter de me fixer comme ça ? On t’a jamais appris que c’était mal poli. » elle me lance tout à coup et ça me surprend un peu, je détourne rapidement le regard, extrêmement gêné. Elle a raison, c'est mal poli. Je me serais bien excusé, mais j'ai un peu trop honte pour oser ouvrir la bouche. Comme je disais... maladroit. « T’es peut-être un de mes clients. Je suis désolée si c’est le cas, je me souviens pas de tous les types qui me sont montés dessus… » Et je... je ne me souviens pas lui être "monté dessus", non. Je crois comprendre sa phrase, ce qu'elle sous-entend assez explicitement en fait. Je ne sais pas, comme dit déjà quinze fois auparavant, je suis maladroit, alors j'ai tendance à éviter de me faire trop confiance. Comme là, par exemple, je hausse un peu les épaules, je n'ai rien à lui répondre. Je tire sur ma clope. De toute façon, moi et les filles, je ne sais pas si c'est une histoire qui a vraiment de l'avenir. J'ai été amoureux une fois, et il s'agissait d'un homme, alors maintenant, retourner vers les femmes... ça ne me donne pas très envie. Retourner vers quelqu'un tout simplement ne me donne pas envie. Et puis merde, ce n'est pas le sujet. Je regarde vaguement l'inconnue attacher ses cheveux dans un chignon. C'est beau, ce roux, et la façon qu'ont ses mèches de tomber, comment ses mains font ce noeud. Si j'étais artiste, ou un peu plus artiste que les quelques bases que j'ai par-ci par-là, ça me plairait bien de prendre ça en photo, ou de la dessiner. Je ne sais pas, c'est idiot. « Ou alors, tu m’as vu dans un film… Je suis actrice. » elle ajoute, et là, je lève la tête. Une actrice, c'est plutôt cool, c'est même très cool. Mais pourtant, je n'arrive toujours pas à la placer, si je l'avais vue au cinéma, ça me reviendrait. J'en suis certain. Je secoue un peu la tête, doucement, avec un petit sourire sur les lèvres. « T'as joué dans quoi ? » je lui demande, curieux. « J't'avoue que je reviens tout juste de sept ans aux Etats-Unis... j'suis un peu largué en ce qui concerne le cinéma français » je m'excuse, parce que c'est vrai. Peut-être que j'ai affaire à une star montante et je suis là à me comporter comme un imbécile. Mais je suis déphasé, depuis mon retour, je ne me suis pas trop intéressé à ce qui se passe ici. J'ai encore la tête ailleurs la plupart du temps. « A moins que tu sois une star internationale et là euuuh, je serais juste très fier que tu fumes une de mes clopes... ? » j'ajoute pour me rattraper, juste au cas où, transformant même ma phrase en question, parce que je ne suis pas sûr de moi du tout, j'attends un peu une confirmation, quelque chose de sa part qui me détendra.

Noé, elle est pas du genre à s’encombrer de choses inutiles. Alors, elle dit souvent, trop souvent, ce qu’il lui passe pas la tête. Du coup, elle prend les paroles du jeune homme comme de la drague et lorsqu’elle voit sa réaction, elle se rend compte que ça n’en était pas. Seulement, au lieu de se rattraper et de lui demander pardon, elle préfère ne rien faire et inspirer la fumée toxique de la cigarette comme si de rien était. Elle n’est pas du genre à s’excuser. Noélie, elle ne fait jamais rien de mal. C’est toujours la faute des autres et ce même s’ils lui prouvent par A+B que c’est elle la fautive. Elle n’a jamais tort, ne se remet jamais en question. Noé ne se trouve pas parfaite, c’est juste que certaines choses sont acquises pour elle et c’est tout. Perdue dans ses pensées, Noélie remarque quand même, que le mec qui lui a filé une clope n’arrête pas de lui lancer des regards en douce. Regards qui ne la gênent pas forcément, mais qui sont emmerdants à souhait. Elle a envie de lui foutre son poing dans la gueule. Elle a l’impression d’être une bête de foire. Alors, elle prend la parole pour lui faire la remarque et aussitôt il détourne la tête, gêné. La jeune femme sourit. Elle aime dérangé, elle aime rendre les autres mal à l’aise. Alors, ça la rend joyeuse cette situation. Elle a même esquissé un sourire sincère. Noélie est pas du genre à sourire pour rien. Mais là, aujourd’hui, elle se sent bien. Noélie continue donc de parler, elle qui n’est pas très bavarde, là, elle se surpasse. Elle donne même des indications sur sa vie à un parfait inconnu. Noé, elle est plutôt discrète à envoyer chier les gens quand ils posent trop de questions sur sa vie. Mais là, c’est elle qui abreuve la conversation. Elle avoue même qu’elle est actrice. Elle omet cependant de dire que c’est pour des films de cul. Le jeune homme lui demande dans quoi elle a joué. Noélie essaie de se remémorer les titres de ses films en vain. Elle n’est pas du genre à les garder en mémoire ou même à les regarder avec qu’ils aient été filmé. En fait, elle s’en fout. Elle ouvre la bouche pour lui répondre mais il reprend la parole et se justifie parce qu’il ne la connait pas. Devant son air, Noé ne peut s’empêcher de laisser échapper un petit ricanement. Il est mignon. On croirait voir un enfant pris au piège et qui essaie de se débattre pour prouver qu’il a rien fait. Il poursuit son raisonnement et lui demande même si elle est une star internationale. Ça, Noé ne le sait pas. A vrai dire ses films doivent être vu en France, mais pour le reste du monde, elle n’en a aucune idée. Et s’en moque pas mal à vrai dire. « Cherche pas dans les films dits « normaux ». » Noélie mime de ses mains le ‘’normaux ‘’ et adresse un regard mystérieux à son interlocuteur. « Disons que je vais des films pornographiques. J’ai une petite notoriété dans le milieu. Tu as sûrement dû me voir dans un film de ce genre. » Noé ne se vante pas. Elle fait juste une constatation. Dans l’industrie du film x, elle est plutôt demandée parce qu’elle ne rechigne jamais lorsqu’on lui demande quelque chose. Elle râle simplement si le lendemain, elle a un autre tournage et que le jour même elle doit faire quelque chose, qui ne la fera ressembler à rien pour le jour d’après. Il n’est pas rare qu’elle rencontre des gens qui la reconnaissent parce que même si la plupart n’avoue pas qu’ils se masturbent devant des films pornos, c’est le cas. Y a même des études scientifiques qui le prouvent. Alors, Noélie n’est jamais surprise quand quelqu’un la reconnait. C’est juste que ça l’emmerde parce qu’elle n’aime pas parler avec les gens. Et puis pour faire court, elle ne voulait pas être connue. C’est juste qu’elle s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Etre une prostituée lui convenait assez sans rajouter les tournages de films x. « Et toi tu fais quoi dans la vie ? » Noé demande simplement pour pas paraitre mal polie. Il lui a quand même passé une clope.

Une actrice. C'est plutôt génial à vrai dire. Je n'ai jamais rencontré d'actrices, des vraies. Quelques unes qui se disaient l'être, mais qui n'avaient en fait aucun talent particulier, pas un seul film ou projet quelconque sur leur CV. Entre Paris, New York et L.A, il avait été facile d'en croiser. Des gens qui viennent vivre dans les grandes villes, des étoiles plein les yeux et des rêves en tête, persuadés que leur talent sera reconnu dès leur arrivée et qu'ils seront propulsés au rang de star internationale. Même moi, à une époque, j'ai cru que je pourrai réussir dans l'art ou le spectacle. Jusqu'à ce que je découvre que je n'avais aucun don particulier. J'ai fait un peu de théâtre, je me débrouillais, mais ça s'arrêtait là. Celui qui m'aurait fait signer pour un rôle dans son film aurait été salement déçu. Mais cette fille est actrice, d'après ce qu'elle me dit. Et peut-être que comme les autres, elle vit sur un nuage, dans son monde de rêve. Peut-être que son CV à elle aussi est totalement vide. Mais elle a quelque chose de différent, elle a l'air drôlement terre-à-terre pour une fille qui se fait des films. Trop concrète, pas assez rêveuse. Du coup, je la crois, et je suis un peu gêné de ne pas réussir à la placer. Pourtant, son visage me dit clairement quelque chose. J'ai dû la voir dans un film, justement, et c'est un peu gênant de réaliser qu'elle ne m'a pas marqué au point que je la replace directement. Je me dis qu'au moins, si elle était une actrice minable, ça m'aurait marqué, je m'en souviendrais. Ca me rassure, ça veut dire qu'elle est juste l'une de ces personnes qui ne laissent pas de souvenir, ce qui n'est pas flatteur pour elle, mais c'est toujours mieux que de laisser un mauvais souvenir. Enfin, c'est mon avis sur la chose. « Cherche pas dans les films dits « normaux ». » elle me dit, faisant un petit signe avec ses doigts, un air mystérieux sur le visage. Ca me laisse perplexe, mais sa façon de le dire m'intrigue et je plisse un peu les yeux en essayant de me creuser le cerveau. Qu'est-ce qu'elle appelle "films normaux" ? « Disons que je vais des films pornographiques. J’ai une petite notoriété dans le milieu. Tu as sûrement dû me voir dans un film de ce genre. » elle laisse enfin tomber le suspense. Je ne sais pas exactement ce qu'est la réaction socialement acceptée quand on rencontre une personne dans la rue qui vous avoue ensuite qu'elle est une star du X. Du coup, je ne réagis pas. Je hoche la tête une fois et coince ma cigarette entre mes lèvres pour me cramer la gorge une fois de plus. Je me creuse la cervelle, parce que sa révélation ne m'aide pas vraiment. Le seul porno qu'il m'arrive de regarder, ce sont des vidéos sur des sites de porn gay. Et je ne pense pas que ce soit trop son domaine. Pendant que je tire sur ma clope, elle enchaîne. « Et toi tu fais quoi dans la vie ? » Je lui adresse un sourire. Mes boulots n'ont rien d'aussi original que le sien. J'imagine que mes deux emplois sont bien plus tranquilles que le sien. En tous cas, je ne verrais pas coucher avec des gens pendant qu'on me filme pour ensuite aller vendre tout ça à des inconnus. Mettre des produits en rayon et rester assis derrière une caisse me convient bien mieux. « Je travaille dans une librairie et un sexshop » je réponds sans réfléchir, les mots sortant tout seuls. C'est seulement une fois la phrase hors de ma bouche que je fais le lien. Bien sûr, c'est là que je l'ai vue. C'est de là que je connais son visage. C'est clair à présent, j'arrive même à me remémorer parfaitement la pochette du DVD. Je me tourne vers elle d'un coup, comme si je venais de découvrir quelque chose d'absolument renversant. Elle doit me prendre pour un dingue. « Je sais où je t'ai vue ! On a reçu tout un carton plein de DVD, au moins cinquante exemplaires du même film, surement un nouveau truc... C'est moi qui les ai mis en rayon, y'avait ta tête dessus » je lui dis, tout fier d'avoir percé le mystère. Je me souviens clairement de la pochette maintenant, parce qu'en plus de la jeune fille qui y figurait, la quantité qu'on avait reçu m'avait surpris. Avec le nombre de titres disponibles, il est plutôt rare qu'on reçoive plus d'une dizaine d'exemplaires de chacun. Celui-ci était sans doute attendu. Et c'est vrai que je me souviens en avoir vendu quelques uns. « Y'a même pas mal de clients qui sont venus le chercher le jour de la sortie » je rajoute en expirant la fumée. « Tu dois vraiment être une star en fait » je fais avec un mince sourire. Comme dit précédemment, je n'ai pas pour habitude de rencontrer des actrices, et c'est bien la première fois que je me retrouve face à une star du X. Je suis maladroit, mais vu qu'elle m'en a parlé assez simplement, sans gêne, je fais en sorte de continuer sur cette lancée.