dix-neuf heures. ils ont rendez-vous à dix-neuf heures. est-ce que c'est vraiment un rendez-vous ? ou est-ce qu'ils doivent juste se voir ? jada est prête depuis une demi-heure et reste assise sur son lit en attendant que les minutes s'écoulent. elle ne sait pas à quelle heure elle doit partir. si arriver en avance est ridicule, ou si arriver en retard est malpoli. est-ce qu'il faut arriver pile à l'heure ? jada aimerait demander conseil à quelqu'un, poser des questions à une amie, mais elle ne l'a raconté à personne. elle a un peu honte, de s'être inscrite sur ce truc, sans trop y croire, c'est sûr, mais elle trouve que ça fait un peu désespéré, un peu loser. elle a hésité à supprimer son compte au bout d'une heure. puis elle a fini par parler avec lui. comme ça, l'air de rien. sans trop se rendre compte qu'elle s'ouvrait petit à petit et commençait réellement à lui raconter sa vie. et qu'il comprenait ses soucis, ou tout du moins qu'il en avait l'air. mais ils ne se sont jamais vus en vrai. pas une fois. alors qu'ils habitent dans la même ville, qu'ils ne vivent pas si loin. ça fait un moment déjà qu'ils parlent comme ça, qu'ils se racontent leurs journées et leurs soucis. jada lui parle même de ses histoires les plus personnelles et intimes. elle lui a parlé de son père, de ses études qu'elle haït et même de son anorexie. elle lui a raconté pour louise et ses quatre autres camarades de classe, aussi. alors ça y est, ils vont se voir. et elle se sent un peu honteuse, un peu gênée, de rencontrer quelqu'un pour la première fois qui sait déjà tout d'elle. c'est comme si elle sortait dans la rue toute nue, sans plus rien à cacher. elle est impatiente, elle a peur, elle se pose des questions, aussi. jada commence à angoisser si fort qu'elle songe à annuler. elle lui écrit un message, invente qu'elle est malade et ne peut finalement pas venir. puis elle efface. ce serait trop bête. mais et si ça se passe mal ? si depuis tout ce moment il se moquait d'elle ? jada lève les yeux vers le plafond, comme pour demander de l'aide à un être invisible qui lui donnerait les bonnes réponses. ils doivent se rejoindre au café zéphyr, pas très loin de chez elle ni de chez lui. un regard tourné vers l'horloge accrochée au mur. dix-huit heures quarante-cinq. elle doit descendre. jada souffle un grand coup, attrape son sac, met ses chaussures et descend les marches de son immeuble, lentement. elle a envie de pleurer. puis l'air du vent qui s'écrase contre ses joues l'apaise, et cela lui passe. cela va aller. cela ne peut que bien se passer, de toute façon. il la connait, elle le connait. ils se connaissent, depuis tout ce temps. elle connaît ses défauts et ses envies, il connaît ses angoisses et ses histoires. elle en est sûre, tout va aller pour le mieux. elle s'est fait jolie, un peu. elle n'a pas envie de le décevoir et puis, elle s'est quand même maquillée et apprêtée autant qu'à l'accoutumée, pour bâtir cette façade dont elle lui a tant parlé. nulle personne du monde extérieur à la bulle de sa chambre ne l'a jamais vue autrement, alors elle s'est dit qu'il devait la voir comme ça aussi. elle a peur, parce qu'elle n'a jamais fait ça auparavant. rencontrer quelqu'un qui aura connu et jugé son soi intérieur avant de voir son apparence extérieure. cela la rend vulnérable. un tas d'émotions troublantes se mêlent dans sa tête tandis qu'elle arrive devant le fameux café où ils ont rendez-vous. dix-neuf heures moins une. personne devant. peut-être est-il déjà à l'intérieur, peut-être arrivera-t-il plus tard. jada souffle un coup et puis pénètre à l'intérieur du café, sans vraiment savoir dans quoi elle vient de se lancer.

Baptiste fixe son téléphone depuis cinq minutes en silence. L’objet ne lui sert d’ordinaire à rien. Il s’en sert juste pour appeler ses parents et sa grande sœur. Mais depuis qu’il a été obligé de s’inscrire sur cet application de rencontre, il l’utilise plus qu’il ne l’aurait cru. D’ailleurs, l’heure du rendez-vous est inscrite sous ses yeux et il peine à y croire. Ce qui au début n’était qu’une connerie entre amis, était devenue plus que ça. Combien de nuits blanches a-t-il fait pour lui parler ? Combien de messages se sont-ils échangés depuis qu’ils se connaissent ? Beaucoup, et pourtant, au début, il s’amusait juste. Il s’est inscrit sur Tinder que parce que David a insisté pour ça. Il a rencontré quelques filles, couchés avec d’autres, mais elle, ELLE, elle est spéciale. Il ne saurait pas dire comment, mais il le sent. Sans jamais l’avoir vu, il la connait sûrement mieux que tout son entourage. Comme elle, elle le connait mieux que quiconque. C’est bizarre et à la fois c’est rassurant de se dire que quelqu’un nous connait réellement. Le jeune homme ne sait pas encore comment réagir à tout ça. Pourquoi, il sait qu’il va y aller, peut-être simplement pour voir si les photos qu’elle a posté sur le site la représente réellement. Il se dit qu’il y a toujours moyen de la serrer si jamais ils ne s’entendent pas dans la vie réelle. Mais est-il prêt à le faire avec quelqu’un qui connait aussi bien sa vie, ses envies et ses projets ? C’est sûrement pas la meilleure idée du siècle. Alors, il va se préparer au lieu de penser à ça alors que ce n’est pas encore arrivé. Il prend une douche, enfile une chemise et un jean. Il prend également une veste au cas où il devrait avoir froid. Il prend son paquet de clopes, son téléphone, met ses chaussures et sort de chez lui en fermant la porte à clé. Un coup d’œil à l’heure et il se rend compte qu’il va être en avance. Tant pis, vaut mieux ça que d’être en retard. Il marche jusqu’au café où ils se sont donnés rendez-vous. Depuis Lana, c’est la première fois qu’il est aussi stressé à propos de voir une fille. Sûrement encore une fois parce qu’elle connait tout de lui. C’est effrayant ce pouvoir qu’elle a sur lui alors qu’ils ne se sont encore jamais réellement vu en vrai. Pour se détendre, le blond s’allume une cigarette et tire plusieurs taffes avant de se sentir mieux, plus calme. Son téléphone vibre dans sa poche et il le tire de là pour voir que ce n’est que son meilleur ami qui lui souhaite bonne chance. Bonne chance pourquoi ? C’est pas comme s’il allait à un examen et qu’il devait donner toutes les bonnes réponses. Baptiste soupire alors qu’il range son portable sans répondre à David. Qu’est-ce qu’il devrait lui répondre ? Merci ! Certainement pas. Il continue son chemin, le cœur au bord des lèvres alors qu’il n’arrive pas à se détendre. Pourquoi est-il comme ça ? Ce n’est qu’un rendez-vous avec une énième fille. Il en a déjà fait. Qu’est-ce qu’il ne donnerait pas pour qu’il n’est jamais eu l’idée d’écouter son meilleur ami et qu’il ne se soit pas inscrit sur cet application de malheur. Il arrive avec dix minutes d’avance et ne la voit pas. Il décide donc d’entrer et d’attendre à l’intérieur. Elle va sûrement arriver, à moins que ce ne soit un fake et qu’il se soit fait piéger comme un bleu. Le serveur vient une première fois lui demander ce qu’il souhaite boire, mais Baptiste l’envoie gentiment sur les roses, prétextant qu’il attend quelqu’un. Au bout de cinq minutes, il revient et cette fois-ci, Baptiste commande un café noir. Nouveau coup d’œil à sa montre. Il ne reste qu’une seule minute avant que l’heure du rendez-vous soit passé. La cloche de l’entrée résonne dans le café pratiquement vide et instantanément, le blond lève la tête. C’est elle ! Il n’y a pas de doute, elle ressemble comme deux gouttes d’eaux à la fille de la photo. Aussitôt, il se sent mieux parce qu’il ne s’est pas fait avoir. Quand elle regarde dans sa direction, il lui fait un petit geste de la main pour l’inviter à s’asseoir. « Salut Jada… » Il sourit mal à l’aise, ne sachant pas vraiment quoi rajouter de plus. « Tu as trouvé facilement ? » Plus banal que ça tu meures. Sérieux, faudrait qu’il se foute un coup de pied au cul des fois. Heureusement, il est coupé par le serveur qui revient avec sa commande. « Désolé, j’ai commandé en t’attendant. Commande ce qui te fait envie, je t’invite. » Baptiste lui fait un sourire qui se veut sincère mais qui ressemble plus au sourire charmeur qu’il sort au fille pour les mettre dans son lit.

au moment où elle entre à l'intérieur du bar, elle a encore cette sensation d'étouffement et cette petite voix dans sa tête qui lui dit qu'elle ferait mieux de partir. que c'est pas une bonne idée. qu'elle va se ridiculiser. que ça va mal se passer. mais elle choisit de taire ses angoisses et continue à marcher, un peu comme si elle n'était qu'à demi consciente et que seul son cerveau guidait ses pas mais qu'elle n'était pas vraiment là. jada s'approche d'un des serveurs qui l'accueille à l'entrée du zéphyr. c'est blindé, comme d'habitude. le serveur lui demande "pour une personne ?" et à l'instant où elle s'apprête à répondre, non, j'attends quelqu'un, elle pose les yeux sur baptiste, assis à une table un peu plus loin. il est là. il est déjà arrivé. jada indique au serveur qu'elle va rejoindre cette table, et s'approche d'un pas qui se veut assuré alors que dans sa tête c'est la cata. salut, elle répond à son tour. comment tu vas ? elle ajoute, avant de s'asseoir en face de lui et de poser son sac. son ton paraît enjoué, mais en réalité elle panique. elle tente au mieux de ne pas le montrer, elle a l'habitude après tout. qu'est-ce qu'elle se déteste, elle-même et cette anxiété sociale qui ne la quitte jamais. oui, j'habite pas loin. enfin tu sais... elle lui sourit. c'est étrange, tellement étrange, de rencontrer quelqu'un pour la première fois qui connait déjà tout d'elle. qui connaît ses habitudes, ses peurs, ses envies, tous les détails qui font d'elle qui elle est. c'est rassurant, d'une façon. elle espère juste qu'il ne soit pas déçu de la rencontrer et de voir comment elle se comporte dans la vraie vie. pour l'instant, il est comme elle l'avait imaginé. je suis même déjà venue, je pense. le zéphyr est un endroit assez connu dans le quartier. avant que la conversation ne se poursuive, le serveur vient apporter à baptiste son café. celui-ci lui demande à son tour ce qu'elle désire commander. jada jette un coup d'oeil au café de baptiste. elle aurait bien pris un cocktail, un truc alcoolisé, pour lui donner de la force et la désinhiber un peu, c'est en tout cas ce qu'elle avait prévu, en plus c'est l'happy hour, mais elle n'a pas envie de passer pour une alcoolo qui boit toute seule non plus. la même chose, s'il vous plait. elle lâche alors enfin. c'est bête, mais c'est ce genre de détail qui la panique. elle va devoir être elle-même et assurer sans l'aide d'un cocktail, voilà qui l'angoisse encore plus. t'as pas attendu trop longtemps j'espère ? jada sourit. elle aurait pensé qu'un peu comme tous les mecs il serait arrivé nonchalamment cinq minutes "en retard", mais non, il était même arrivé avant elle, la grande stressée de l'heure. c'est bien, il était ponctuel.

Les yeux fixés sur son portable, Baptiste se demande si elle va vraiment venir. Ce serait-il fait avoir par un de ces comptes fakes dont David lui parlait ? C’est fort possible. Pourtant, il n’a pas eu cette impression quand il lui parlait pendant des heures. Il avait l’impression de parler à une personne réelle. Alors pourquoi n’est-elle pas là alors qu’il ne reste que cinq minutes avant l’heure du rendez-vous ? D’ordinaire, ce sont toujours les filles qui sont là les premières. Serait-elle une exception à la règle ? Ou alors c’est parce qu’elle est comme lui et qu’elle pense que c’est un fake. Mais peut-on vraiment se faire passer pour quelqu’un d’autre alors qu’on révèle des choses secrètes par rapport à sa vie ? Bapt a un gros doute à propos de ça. Il jette un autre coup d’œil à l’horloge et remarque qu’il ne reste qu’une minute. C’est alors que la porte s’ouvre et qu’elle apparait. Le jeune homme est soulagé qu’elle se soit montrée mais encore plus que ça, il est soulagé qu’elle ressemble réellement aux photos qu’elle a mis sur l’application. Combien de fois s’était-il fait avoir en rencontrant des plans culs ? Beaucoup trop de fois. Mais elle, il ne la voit pas comme ça. Enfin, il dirait pas non si elle en a envie, mais il se doute que ce n’est pas pour ça qu’elle a accepté qu’ils se rencontrent. Dès qu’il a capté son regard, il lui adresse un signe pour l’inviter à se joindre à lui. Il sourit en la saluant et il est mal à l’aise. Mal à l’aise parce qu’elle connait des choses de sa vie dont il n’a parlé à personne et c’est quand même vachement embarrassant. « Je vais bien merci et toi ? » répond-il en lui renvoyant la question. Pour le moment, ce n’est qu’un simple échange banal et il est surpris de ne pas la voir partir en courant. Sérieusement, qu’est-ce qu’il peut être ennuyant à lui poser des questions comme ça. C’est vraiment con quoi. Baptiste a l’impression d’être un collégien qui va à un rendez-vous que sa mère ou son père chaperonnerait. La honte totale ! « Désolé, je suis un peu nerveux, alors je pose des questions connes. Vu que tu habites Paris et dans le coin, oui c’est logique que tu sois déjà venue ici. » Le blond a envie de s’enfoncer six pieds sous terre tellement il se sent minable. Sérieusement il n’est jamais comme ça avec les femmes normalement. Ça ne lui ressemble pas de patauger autant. Heureusement, il est sauvé par le serveur qui revient avec son café. Il aurait pu commander une boisson alcoolisée mais il n’avait pas envie de passer pour un type qui boit trop, même si c’est certainement le cas quand il est en soirée. Bapt invite Jada à prendre une boisson elle aussi et elle commande la même chose que lui. Il lui sourit malgré la gêne toujours présente. « Non pas vraiment. Je suis arrivée juste deux minutes avant toi. » Mentir, toujours mentir dans ce genre de situation. S’il avait dit la vérité il aurait pu la mettre mal à l’aise. Une femme arrive toujours en premier dans ce genre de rendez-vous. Alors, Baptiste se dit qu’il ne doit pas froisser la jeune femme en lui avouant la vérité. Le silence s’installe alors entre eux, seulement coupé par les bruits qui proviennent de la cuisine et de la machine à café. Le serveur revient et dépose le café devant la belle blonde alors qu’ils sont tous les deux muets. Le jeune homme cherche un sujet de conversation pour briser le silence mais rien ne lui vient. Ils ont déjà parlé de beaucoup de choses par messages, alors ça lui semblerait con de reposer les questions. Il boit donc une gorgée de son café, toujours puisant dans sa mémoire à la recherche de quelque chose à dire. « Désolé, c’est la première fois que je rencontre une fille comme ça… D’ordinaire c’est pas pour se voir autour d’un café. » finit-il par dire pour stopper ce moment gênant. Sauf qu’il vient d’en apporter un nouveau en admettant implicitement qu’il saute sur toutes les filles qu’il rencontre. Ça, c’était un détail qu’il avait oublié de lui dire. Il ne s’est pas vanté d’être un quetard. « C’est ta première fois aussi non, si je me trompe pas. » Et hop, il essaie de noyer le poisson histoire qu’elle ne s’attarde pas trop sur ce qu’il a dit précédemment.

c'est une première. première fois qu'elle a un date avec un garçon qu'elle connait déjà. et comme toutes les premières, cela l'angoisse. bien sûr, comme toujours, aucun signe du moindre stress ou doute ne transparaît sur son visage, qui reste calme et souriant au possible. elle a ce masque, qui lui a bien des fois sauvé la vie. ils s'échangent des banalités. elle se dit que c'est normal, tout début commence ainsi. salut, salut, ça va, bien et toi. ensuite, c'est là que la vraie conversation s'installe et que l'on se dit les choses qu'on a à se dire. jusque là, elle trouve que tout va bien. bien sûr, elle a peur qu'il y ait des blancs, qu'il se barre plus tôt, qu'elle ne trouve rien à lui dire, qu'il pense qu'elle n'est pas aussi intéressante que via leurs téléphones finalement. elle a l'impression qu'il est un peu stressé, lui aussi. elle n'aurait pas pensé. elle se dit que ça doit être sûrement normal, après tout. que ce n'est pas parce que c'est un mec qu'il ne doit pas avoir de stress face à ces choses-là, face à ce type de rendez-vous somme toute assez conventionnel, assez cadré, alors qu'ils semblent pourtant se connaître depuis déjà des années. ça fait bizarre. elle finit par lâcher, le plus sincèrement du monde. elle ne veut pas dire qu'il est bizarre, ou qu'elle n'a plus envie d'être là, c'est juste la situation qui l'est. et elle sait qu'il pense la même chose. le serveur lui apporte son café. et maintenant, elle se dit que la conversation doit enfin commencer, parce que sinon ils ne vont pas s'en sortir et une gêne va vraiment finir par s'installer et cela va finir un fiasco. ça me fait plaisir de te voir. j'ai l'impression qu'on s'est déjà vus en fait, c'est bizarre. oui elle le redit, c'est bizarre. sur ce coup, elle est sincère. elle se dit qu'il la connait déjà, qu'il sait comment elle est. alors elle essaie de faire tomber un peu le masque, juste un peu, pour lui avouer comment elle se sent à cet instant précis. il ne la rencontre pas en vrai pour se retrouver face à une poupée de fer insensible et mécanique, pas vrai ? il lui dit que d'habitude ce n'est pas autour d'un café qu'il voit ses dates. elle sourit, et comprend ce qu'il veut dire. pour ne pas instaurer de malaise parce que sa phrase l'a fait rire, elle continue sur la même lancée tout en déviant un peu le sujet. peut-être qu'on aurait dû se voir dans un autre endroit, un truc moins cadré, on aurait sûrement eu l'air moins débile. elle ajoute en rigolant. c'est vrai. là, il fallait bien se tenir, ils étaient face à face comme un vrai rendez-vous, ou un entretien, un quelque chose où l'un juge l'autre tout en se faisant évaluer en retour. ils auraient pu, aller se promener dans paris, visiter des lieux, peut-être que marcher côte à côte aurait semblé plus naturel que de se retrouver face à face dans un endroit aussi bondé.

Le malaise est présent entre eux alors que lorsqu’ils sont derrière leurs écrans, tout vient naturellement. Comme si le fait de se voir en vrai, changeait leur personnalité et les faisait devenir des étrangers. C’est la première fois que Baptiste utilise Tinder de cette façon. D’ordinaire, c’est juste pour niquer à droite et à gauche et puis c’est fini. Mais là, non. Avec Jada c’est différent. Tellement différent qu’il en est nerveux. Jamais il n’a été aussi nerveux avec une femme. Pas même avec Laura quand il l’a rencontré pour la première fois et qu’ils sont sortis ensemble. De même pour Lana. Cette sensation de malaise ne lui déplait pas autant que ça et même si les sujets de conversation peinent à arriver, il passe un bon moment. Du coup, quand le silence se fait trop long, la jeune femme le brise. C’est exactement ce qu’il pensait à l’instant. « Effectivement, ça fait bizarre… » Bapt ne peut qu’acquiescer à ce que la jeune femme vient de dire. Que pourrait-il rajouter de plus ? Il n’arrive pas à trouver quelque chose pour les relancer. Heureusement ils sont coupés par le serveur qui amène le café à Jada. Elle reprend alors la parole et il sourit encore une fois mal à l’aise. Lui n’aurait pas dit ça comme ça. Au contraire, même s’ils connaissent tout l’un de l’autre, il a l’impression que justement elle est comme une inconnue à ses yeux maintenant qu’il l’a en face d’elle. « Moi aussi ça me fait plaisir de te voir. » Baptiste ne peut rien dire de plus. Il sent que s’il met des mots sur ses sentiments, la jeune femme risquerait de le prendre mal et ça serait la fin de leur rendez-vous. Or, ce n’est absolument pas le but du blond. Il veut rester avec la blonde le plus longtemps possible même si ce n’est que quelques minutes. Jada reprend la parole et Baptiste lui en est reconnaissant. « Oui je pense que ça aurait été mieux. » Cette fois pour ne pas que le silence et la gêne s’installent à nouveau entre eux, Baptiste boit d’une traite son café et se lève rapidement pour aller au comptoir et payer leurs consommations. Il revient après vers la table qu’il occupe avec Jada et lui sourit. « On y va ? Je t’attends dehors le temps que tu finisses ton café, j’ai envie d’une clope. » Bapt n’attend pas la réponse de Jada qu’il est déjà dehors, son paquet de cigarette sorti et une prête à être prise en bouche. Du bout des lèvres, dans un geste expert, il l’attrape et sort du carton son briquet pour allumer sa clope. Il espère sincèrement que le fait de faire autre chose que d’être assis comme deux pauvres cons arrivera à les dérider et à leur faire passer un bon rendez-vous. Le chômeur se perd dans ses pensées en se demandant encore une fois pourquoi il a accepté de faire ça ? Pourquoi il s’est laissé convaincre par son meilleur ami de s’inscrire sur cette application. Quand la porte s’ouvre sur Jada, il en est à la moitié de sa cigarette et lui tend le paquet en souriant. « T’en veux une ? » Il ne se souvient plus s’il lui a parlé de son addiction à la nicotine et si elle-même elle avait dit si elle fumait ou non. Alors il propose comme ça, sans savoir quelle genre de réponse elle va lui donner. « Désolé d’être parti comme ça. C’est juste qu’on était tellement mal à l’aise qu’il valait mieux qu’on le fasse. Du coup, maintenant tu veux aller où ? » Baptiste espère que cette fois, pour la deuxième partie de leur rendez-vous ça se passe bien.