D’un haussement de sourcil, Abigaëlle observait le grand immeuble qui venait d’apparaître devant elle. Les murs blancs, étincelants, aux balcons de fers forgés n’avaient de cesse que de vouloir se montrer les uns plus aisés que les autres. Sur les grandes dalles caractéristiques du quartier Saint-Michel, ses bottes de cuir vielli avaient résonnés en même temps que ceux de tous les passants et touristes qui foulaient le sol de l’endroit. Les enseignes des restaurants étaient guindées, complets malgré l’heure avancée de l’après-midi. Elle qui ne s’était jamais vraiment aventuré par ici était en train de se souvenir pourquoi… C’était à qui aurait la plus belle accroche, à qui attirerait le plus l’œil, à qui montrerait d’avantage sa richesse oisive par rapport à l’autre. Avec sa robe de lin légère ceinturée d’une lanière Camel et surplombée d’une veste d’allure militaire kaki, Gaëlle faisait office de petit OVNI en farfouillant dans sa sacoche en bandoulière. Un foulard négligemment noué autour du coup pour la forme, elle avait négligemment attaché ses cheveux en arrière sans prêter attention si cela était élégant ou non. De toute façon, elle ne venait pas plaire à qui que ce soit ici, non ? Alors pourquoi s’en faire pour ça. Son regard clair croisa diverses illustrations de la population parisienne, des jeunes artistes aux filles en uniforme chic, passant par ces femmes ravissantes dont les longs manteaux sombres devaient tenir mortellement chaud. Pour en avoir déjà essayé un une fois, elle ne retenterait jamais l’expérience.
Machinalement elle ouvrit son téléphone portable, vérifiant soigneusement le message inscrit en le comparant avec celui sur son papier. C’était bien ça. La même adresse. La bonne adresse. Du genre… Sérieusement ? Pourtant le bâtiment ressemblait à tout sauf à ce à quoi elle s’imaginait. Des années. Des années qu’elle le connaissait et jamais elle n’avait mit le moindre pied chez lui. Ni même approché de près ou de loin ce genre di’nformations ; pourtant, soudoyer un peu l’un de ses collègues pour qu’il finisse par cracher le morceau n’avait pas été des plus compliqué. Il avait juste fallut qu’elle prenne son courage à deux mains et qu’elle se décide à trouver une excuse pour se diriger jusqu’ici. Gaëlle n’aimait pas les mensonges, encore moins gratuits, aussi avait-elle réellement cherché quelque chose à justifier : un livre. Elle avait été farfouillé dans les vieilles librairies en bord de Seine pour espérer trouver quelque chose et elle avait mit la main sur un de ces albums illustrés, chapitre des oiseaux. Peut-être l’aurait-il déjà mais elle avait tellement pensé à lui en le feuilletant qu’elle n’avait pas résisté à l’envie de lui l’apporter en main propre ; son alibi était tout trouvé !
Mais peut-être aurait-elle du attendre que ce soit lui qui débarque à l’improviste en fin de compte… Se mordant la lèvre en essayant de comprendre comment la porte s’ouvrait, Abigaëlle poussa un soupir résigné en se décidant à s’attaquer à la lourde poignée. Les vieilles portes en fer épais ne résistaient jamais bien longtemps quand on savait où appuyer et où tirer, aussi parvint-elle – sous quelques regards intrigués de la part de buveurs attablés non loin – à franchir la barrière naturelle qui l’empêchait d’accéder à l’intérieur du bâtiment. Une alcôve haute. Large. Réajustant sa sacoche sur son épaule, un petit air satisfait sur le visage, elle s’avança en avant. Paris lui réservait encore bien des surprises décidément, des lieux dissimulés loin des curieux et des petits secrets de ce genre. Elle parcouru brièvement les boites aux lettres alignées comme à l’époque d’après-guerre, s’engageant à la recherche d’un escalier ou quelque chose de ce genre. Il devait bien y avoir un moyen de monter dans les étages…
Le « clic » de l’ascenseur lui répondit alors qu’elle passait à côté ! S’avançant, la jeune femme se stoppa en voyant sortir de là une personne d’un certain âge au port de tête si altier qu’on aurait dit que sa nuque allait ployer sous son propre poids ! Des rides se dessinaient sous un maquillage parfaitement dessiné, la rendant plus jeune que ce qu’elle devait être réellement vu ses mains… Un manteau sombre pour allonger sa silhouette, des escarpins gucci reconnaissable entre mille et un sac griphé qui devait valoir bien plus que son salaire annuel. Abigaëlle resta interdite face à l’apparition, avant de hausser un sourcil mesquin quand la femme sembla remarquer sa présence. S’écartant un peu de sa route – vieille habitude du zoo – elle s’apprêtait à prendre sa place dans l’ascenseur lorsque la femme lui tendit un sachet en kraft. « Débarrassez-moi de ça. » Est-ce que c’était un ordre ? Aby en resta silencieuse pour le coup, méfiante en avisant du paquet. Les doigts gantés agitèrent ce dernier alors que les lèvres au rouge à lèvre fuchia se pinçaient d’agacement. « Allons ! » Quoi ? Elle voulait que…
Voyant que la blonde ne percutait pas assez rapidement, la vieille femme lui fourra le paquet dans les mains en lui jetant un coup d’œil condescendant. « Puisqu’il faut tout vous expliquez… Jetez moi ça à la poubelle. » Et sans attendre de réactions, elle tourna les talons pour se diriger vers la porte d’entrée… Est-ce que c’était un homme en costume qui venait de lui ouvrir alors qu’elle allumait son téléphone dernier cri ? Abigaëlle resta là, à la fixer, en se demandant si elle ne ferait pas mieux de lui aplatir le sachet dans la figure pour sa malpolitesse…
Mais la vieille disparue de son champ de vision, la laissant dans un mélange irritant de frustration. C’était quoi cette femme ? Tous les habitants du quartier étaient comme ça ? Et bien, Nate vivait dans un endroit suffisamment bourgeois pour qu’on la prenne pour une concierge… Pourvu qu’il ne soit pas l’homme à tout faire de l’immeuble ! Il pouvait se montrer d’assez bon fond quand il le voulait. En tout cas, elle abandonna le sac vers les poubelles un peu plus loin – sérieusement, cela aurait-il tué l’autre perruche de marcher deux mètres de plus ? – et opta pour les escaliers. Après tout, elle ne connaissait pas l’étage où elle voulait se rendre ! Pourvu que ça ne soit pas le dernier…
« Enfin ! J’ai cru que je ne trouverais jamais ton nom… Franchement, s’appeler Blondel quand on est brun, c’est un sacré piège en fait ! »
Son ton était essoufflé, comme de quelqu’un qui aurait monté toutes les marches à pied pour enfin parvenir sur le pallier. Légèrement pliée en avant, Abigaëlle prit le temps de reprendre son souffle avant de se redresser sur son séant. Elle avait réfléchi à la vitesse de l’éclair sur la meilleure manière de lui dire bonjour puis, envoyant valser ses quelques quinze hypothèses, elle s’était contentée de la manière la plus directe. Un peu comme elle quoi. D’ailleurs, qu’est-ce que c’était que cette tête qu’il lui tirait ? Ca lui faisait pas plaisir de la voir ? Elle allait se vexer, attention.
« Ton immeuble est rempli de gens bizarres… Tu savais que le type du second compte combien de fois il s’essuie les pieds sur le paillasson avant d’entrer chez lui ? »
Elle était là, à parler comme si c’était normal alors que l’homme en face d’elle restait sans mot dire. Quoi ? Elle avait quelque chose sur le visage ? Ca clochait quelque part ? Qu’il lui dise ou elle allait vraiment s’agacer de le voir aussi silencieux… D’ordinaire Natanael était plutôt une pipelette en sa compagnie alors, il n’allait pas lui faire croire qu’il n’était pas capable de dire au moins bonjour ! Son pouce en l’air pour désigner les marches derrière elle, Gaëlle ravala son sourire surpris et secoua un peu la tête comme pour qu’il se décide à réagir. Passant sa paume devant son regard, elle laissa revenir son sourire quand il sembla enfin prendre conscience.
Voyant qu’il s’écartait de l’entrée, elle s’y engouffra sans trop attendre et se retourna rapidement vers lui.
« Puis j’ai croisé une vieille, on aurait dit Miranda Presley dans « Le diable s’habille en Prada » ! Tu te rappelles, le film de la dernière fois ? Non mais, hautaine comme pas permis. Y’a des gens qui se croient les pleins pouvoirs et traitent les autres comme des moins que rien. Franchement ça m’énerve. J’ai hésité à lui rendre son sachet mais elle avait dégerpi avec une sorte de bodyguard… Sans gène. La poubelle était à deux mètres. Deux mètres ! Comme si ça l’avait blessé de jeter elle-même ses ordures. Les gens, je te jure et… Et pourquoi t’es habillé comme ça ? »
C’est vrai, tient, c’était quoi ce costume impeccable qui lui donnait l'air de sortir, lui aussi, d'un film ?
Sujet: Re: Trust Each Other :: Nate 11/3/2016, 22:53
Quand j’étais encore adolescent, à l’époque où tous les mecs de mon âge commençaient à avoir des copines, j’en avais déjà collectionné une bonne panoplie. A New-York, j’étais déjà ce genre de mec qu’on aime regarder, qui plait aux filles, et qui le sait. Et pourtant, je n’ai jamais été satisfait de ma situation, quelle qu’elle soit. Toujours prêt à me rebeller pour un oui ou pour un non, pour faire enrager ma mère -rire mon père aussi, parfois - j’étais plus incompris dans mon entourage.
Quand on a de l’argent, et que sa famille l’exhibe avec fierté, il n’est pas toujours évident de se trouver une vraie place dans la société. C’est un peu ce que je voulais renier : je suis Natanael Blondel, et non pas le fils de ma chère et tendre mère. Tous les stratagèmes sont bons pour ça. J’ai commencé par ramener une fille différente tous les soirs à la maison, mais elle était de moins en moins là pour le voir, il fallait être plus persuasif. Mais les années ont passé, entre escalade, courses folles et conneries sur conneries pour montrer à ma mère que je ne suis pas ce mec responsable qu’elle voit depuis toutes ces années en moi… j’ai fini par comprendre que si je voulais vivre la vie qui me faisait rêver, je devais le faire sans attirer l’attention.
Je suis devenu ce type quelconque la journée, à bosser avec mes bestioles à plumes. La nuit, je redeviens un homme d’affaires, et tout le monde s’en porte bien. Mais d’ailleurs, un homme d’affaires qui se respecte se doit de vivre dans de bonnes conditions. J’ai réussi à négocier le quartier vivant de Saint Michel si je prenais un bel appartement pour recevoir les clients. Et c’est chose faite, avec cet appartement d’artiste. Au moins, je me sens un peu à ma place dans tout cet espace… Et la verrière me rappelle ma volière, du coup c’est cosy.
Vous imaginez donc bien que cet appartement, j’évite au maximum d’y amener mes connaissances qui peuplent mes journées. Mais ça, c’était avant qu’Abigaëlle, ma collègue du Zoo, ne se mette dans la tête que mes nombreux passages à l’improviste chez elle ne devaient pas profiter qu’à moi. Maintenant, elle veut découvrir mon endroit à moi, pourvoir passer à l’improviste comme j’aime tant le faire pour elle. Sauf que ça, c’est un peu embêtant. Un peu beaucoup. Mais avant qu’elle ne débarque, j’ai de la marge. Respirons, hein !
Assis au centre de la verrière, un café noir dans les mains, je savoure un moment de tranquillité pendant que ma chère mère est partie se recoiffer dans la salle de bain. J’ai toujours beaucoup de mal à me faire à cette idée que même à mon âge, elle continue à me harceler. Pas simplement parce que nous avons eu un rendez-vous avec une cliente de mon âge, mais aussi parce qu’elle adore s’immiscer dans ma vie privée, me dicter ce que je dois faire, qui je dois fréquenter… Et ce nombre de fois où je l’entends dire ce qu’elle s’apprête à dire, comme à chaque fois qu’elle quitte les lieux. « Franchement Nate, avec un appartement aussi beau, tu devrais te marier, et commencer à songer à avoir des enfants… Sinon ta verrière, personne ne viendra la chérir avec toi. » Je soupire encore et toujours, la laisser ajuster ma cravate - que je compte enlever une fois que la porte se refermera.
Et le moment tant attendu arrive. Du silence, ma liberté est enfin de retour ! Enfin, presque. Ma cravate bleu nuit desserrée sur une chemise d’un blanc immaculé, la veste de costume impeccable… Je vais ouvrir à la personne qui se présente à la porte. A tous les coups ma mère qui a oublié quelque chose. Je soupire et ouvre la porte, restant un centième de seconde, ou peut-être plus, totalement immobile.
Qu’est-ce que c’est que ce délire ?
« Enfin ! J’ai cru que je ne trouverais jamais ton nom… Franchement, s’appeler Blondel quand on est brun, c’est un sacré piège en fait ! » Mon coeur sort de ma poitrine, m’arrache l’abdomen pour me montrer que oui, je suis bien dans la merde là. Abigaëlle. Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ce qu’elle fout là ? Pourvu qu’elle n’ait pas croisé ma mère. Je suis incapable d’être moi et de lui répondre un truc sorti de nulle part comme je l’aurais fait en temps normal… du coup je me tais.
« Ton immeuble est rempli de gens bizarres… Tu savais que le type du second compte combien de fois il s’essuie les pieds sur le paillasson avant d’entrer chez lui ? » Fiou, je meurs de chaud, pas vous ? Pourvu qu’elle n’ait pas croisé ma mère.
Je crois que je devrais fermer la porte et faire comme si de rien n’était pour aller prendre une douche glacée. Pourvu qu’elle n’ait pas croisé ma mère. Oui c’est une bo…
Une main passe devant mes yeux vitreux, me faisant sursauter. Merde, je ne rêvais donc pas. La petite chose énergique, blonde, devant moi… est bien la vraie. Avant même que j’ai le temps d’ouvrir la bouche pour lui dire que je n’ai pas le temps pour ces conneries, elle est déjà rentrée dans l’appartement. Me pousser ne lui a fait ni chaud ni froid, soit-dit-en-passant, petite peste.
« Oh mais quelle bonne surprise. » Je marmonne alors qu’elle continue son monologue en espérant toujours que ma mère ait disparu avant que la jeune femme en robe de lin -tenue que j’ai rarement vue sur elle- ne soit arrivée. Malheureusement, elle l’a croisée, sans trop faire de rapprochement on dirait. Par contre mon allure finit par me trahir. Plantée devant moi, elle me détaille de haut en bas, sûrement en train de réaliser où elle a mis les pieds.
« Bah, c’est mon pyjama » Finis-je quand même par répondre, fidèle à moi-même, bien que pas très à l’aise. Je n’ose même pas imaginer la tête que j’ai du faire quand je l’ai vue, j’ai honte d’y penser.
Mon visage se referme de plus belle, et je claque la porte d’entrée pour aller m’effondrer dans un des fauteuils confortables du salon. Je dénoue ma cravate avant de la balancer comme si je jouais le match de base-ball le plus important de ma vie. « Le diable est un bien faible mot, et elle déteste Prada… Chanel, c’est toute sa vie. » Finis-je par dire en croisant son regard clair que je m’écorçais d’éviter jusque là. J’observe désespérément le costume que je porte, comme pour appuyer mes dires.
« Mais vas-y hein, je t’en prie entre, fais comme chez toi. » Dis-je avec ironie pour éviter de laisser planer une ambiance trop lourde. Je vais vers la cuisine ouverte, puis sort deux bière du réfrigérateur. Les bonne habitudes ne doivent pas changer, même si j’ai un costume Chanel qui ne sent pas la bouse d’éléphant, et un appartement digne des plus grands artistes peintres, n’est-ce pas ? Je lui lance la bouteille avec un vieux décapsuleur, presque plus fonctionnel, profitant d’un moment de répit -alias le moment où elle se débat pour ouvrir sa bière - pour aller me changer à l’étage.
Je redescends quelques secondes plus tard : cette fois je suis un peu plus moi-même, en jogging confortable avec un vieux t-shirt qui a déjà bien vécu.
A mon tour, j’ouvre une bière, puis me pose à ses côtés, en essayant de plaisanter un peu de la situation. « J’ai toujours su que tu ferais un majordome exceptionnel… » Je la reluque à mon tour, bien plus habitué à la voir en tenue de travail qu’en robe… « … En culottes courtes, certes. »
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Sujet: Re: Trust Each Other :: Nate 12/3/2016, 11:09
Trust Each Other Natanael & Abigaëlle
Okay, okay… Où est-ce qu’elle avait débarqué au juste ? Parce que l’endroit ressemblait absolument à tout… Sauf à ce qu’Abigaëlle c’était imaginé. Outre la tenue chic que portait son accolyte et qui semblait toute droit sortie d’un magazine, il se trouvait que le reste de l’appartement valait lui aussi le coup d’œil : outrageusement moderne, luxueux dans sa simplicité feintée, elle s’était même reculée pour apercevoir d’en bas l’immense verrière qui surplombait la pièce principale. Un coup d’œil à la baie vitrée lui indiqua qu’il ne devait pas être trop enguirlandé par le voisinage – aussi bizarre soit-il – et plus les secondes avançaient plus elle avait l’impression d’avoir débarqué dans un univers parallèle. Comment est-ce qu’un type comme Nate pouvait se payer, avec son salaire de soigneur, un endroit pareil ? Ou bien il l’avait hérité d’un très vieil oncle ou bien… il fraudait ? Se faisait entretenir ?!
Bien des idées lui traversèrent l’esprit à toute allure avant qu’il ne l’interrompt dans une petite révélation qui valait son pesant d’or : « Le diable est un bien faible mot, et elle déteste Prada… Chanel, c’est toute sa vie. » De… Quoi ? Papillonnant du regard, se forçant à détourner les yeux d’un tableau sculptural accroché au mur comme d’une vulgaire décoration, elle mit quelques secondes avant de comprendre de quoi est-ce qu’il pouvait bien lui parler. De la vieille harpie ! Enfin, visiblement… D’où est-ce qu’il la connaissait alors qu’il n’arrivait même pas à retenir tous les prénoms des employés de Vincennes ? Suspicieuse, elle resta plantée juste après l’entrée sans trop savoir si elle avait le droit de marcher ou non dans le reste de cet endroit. Pour le coup, ses bottes et son look un peu bohème lui semblaient très, très peu appropriés. Et c’était rare qu’elle ressente une chose pareille !
« Mais vas-y hein, je t’en prie entre, fais comme chez toi. » Cela semblait un tant soit peu compliqué. Ca ne ressemblait en rien à ce qu’elle connaissait ou, en fait, un peu, si. Les seules fois où elle pouvait se permettre de côtoyer un lieu comme celui-ci, c’était quand elle rendait visite à sa propre mère ; ou que celle-ci la harcelait pour qu’elle se décide à vivre dans un lieu plus décent. C’était ça, cette impression de malaise qui planait sans qu’elle ne parvienne à mettre le doigt dessus : cela lui rappelait des souvenirs plutôt négatifs et désobligeants.
« On est réellement chez toi ? »
Demanda la jeune femme, avant de se pencher pour rattraper la bouteille de bière que Nate venait de lui passer. Oui, pas de doute, on était au moins dans un appartement qu’il connaissait puisqu’il venait de trouver le frigo. En soit l’appel du ventre était toujours le plus fort mais, tout de même. Prenant le temps de défaire la bouteille en fixant le reste des murs, Abigaëlle se pencha pour observer l’intérieur de la cuisine. Est-ce que c’était une penderie un peu plus loin ? Et une bibliothèque… Elle retint de justesse une pique quand aux capacités de lecture de l’homme disparu mais du se rendre à l’évidence : son propre alibi risquait de faire monstrueusement tache au milieu de tout ça. Dire qu’elle avait fouillé un moment avant de trouver quelque chose de satisfaisant, un peu ancien mais dans un état respectable. Elle l’avait payé moins cher que son prix d’origine mais il ne restait pas moins un cadeau. Elle se mordit la lèvre en serrant un peu la lanière de cuir de sa sacoche, se cachant derrière une gorgée de breuvage alcoolisé.
Et le voilà qui revient. Ah, enfin un look qui parlait davantage à Gaëlle que le précédent ! C’était quoi cette manie qu’avaient les costumes de rendre n’importe quel type bien plus élégant que la réalité ? Un instant elle avait été surprise mais, heureusement ou non, c’était passé dans l’appartement. Là il avait surtout l’air d’un squatteur qui se seriat trompé de scénario, au choix. Lui adressant un regard condescendant à sa réflexion, elle leva les yeux au ciel.
« De temps en temps, je fais un effort. »
Elle ne savait pas elle-même pourquoi est-ce qu’elle l’avait poussé à ce point, elle plus encline à s’habiller de manière masculine et qui ne jurait que par ses jeans ou ses pantalons. Baissant les yeux vers sa robe et son foulard, elle tapota le goulot de la bière contre ses lèvres en poussant un soupir. Sérieusement, qu’est-ce qu’elle avait cru ? Que ça allait faire mouche ? Mais mouche pour quoi ? Il l’avait vu dans les pires tenues, du pyjama des nuits maladie au vert de travail, avec une casquette sur la tête ou même avec une doudoune épaisse pendant l’hiver. Il ne l’avait pas vu en maillot de bain, mais ça il pouvait encore rêver, mais il l’avait surpris une fois en culotte et tee-shirt parce qu’il avait débarqué quand elle se brossait les dents. Rien que de repenser à cette épisode elle prit un air exaspéré. Penser à autre chose. N’importe quoi mais autre chose !
« C’était qui la harpie ? Tu la connais ? »
Mieux valait détourner le sujet de la conversation sur quelques réponses. Parce que plus elle avançait dans l’appartement lumineux, plus elle trouvait que sa place n’était absolument pas au bon endroit, ni au bon moment. Ce lieu… D’où sortait-il ? Ces costumes. Ces… Elle passa à côté de l’écran plat accroché au mur, contournant le canapé pour s’avancer vers des décorations sommaires et une grande table en verre. Des papiers étaient négligemment posés dessus, d’autres classés dans des chemises, mais elle n’osa pas poser les yeux dessus. Ou si, juste un peu. Rien qu’un peu… Ou pas. Les chaises elles-mêmes respiraient la nouveauté et le luxe, malgré un pull jeté négligemment sur le dossier de l’une d’elle et une veste de costume suspendue à une seconde.
Ses yeux clairs poursuivirent leur exploration vers d’autres tableaux accrochés. Certains lui disaient quelque chose sans qu’elle ne sache trop quoi, mais elle les avait déjà vu… Puis de nouveau la cuisine, se rendant à peine compte qu’elle n’écoutait Nate parler que d’une oreille distraite. Très distraite. C’était quoi ce truc, une machine à café ? Perplexe, Abigaëlle pencha la tête sur le côté, avisant des plaques de cuisson d’une propreté irréprochable.
« J’suis presque étonnée que tu ais une cuisine… »
Déclara-t-elle avant de se tourner dans sa direction, sa bière toujours à la main.
« … Qui êtes vous, monsieur Natanael Blondel ? »
Non parce que cet emplumé ne pouvait décemment pas… vivre ici. Cela ne pouvait pas faire des années qu'elle le "connaissait" sans savoir ça ! Ce n’était pas possible. Même ses cheveux parfaitement coiffés faisaient tâche sur son tee-shirt délavé et son jogging sombre.
Sujet: Re: Trust Each Other :: Nate 13/3/2016, 21:20
Je sais exactement ce que vous êtes en train de vous dire : je suis clairement dans la merde avec cette histoire. Dans les yeux de ma collègue se mêlent des tas d’émotions et de sentiments. Tellement que je ne pourrais les compter, ni les nommer. Elle semble ne pas y croire, avoir une immense surprise en découvrant les lieux, la décoration… Certes, l’endroit est grand, décoré avec beaucoup plus de budget que je n’en aurais voulu…
Mais le style reste le mien, avec ce côté chaleureux et lumineux qui me plait tant. Sauf que quand on habite un appartement pareil il est difficile de penser qu’on est juste soigneur dans un zoo. Sa surprise est donc largement justifiée, et c’est bien ça qui m’embête.
Je me demande même si elle n’a pas pensé à ma mère comme étant une vieille femme en manque… Je préfèrerais limite qu’elle imagine que je me fais entretenir contre quelques services en nature. Au moins, elle pourrait me juger sur quelque chose dont je suis responsable. Le fait est que oui je me fais juger, et ça m’embête d’admettre qu’après toutes ses années à me cacher, je vais devoir assumer un peu plus mes origines.
« On est réellement chez toi ? » Je hausse les épaules, un peu embarrassé. J’ai envie de lui dire que non, que je suis chez un pote temporairement, mais en fait le perroquet qu’on m’a gentiment offert décide que c’est le bon moment pour se manifester. Pourtant c’est du genre bestiole assez silencieuse en temps normal. L’oiseau au plumage cobalt se met à chantonner, dire des belles grossièretés… je soupire en le montrant, l’air las, parce que de toute façon elle ne croira jamais que je suis chez quelqu’un qui a un perroquet de cette valeur chez lui.
« Dis-lui, toi, qu’elle nous pose trop de questions, la p’tite teigne. » Fais-je en ouvrant la cage du Ara qui s’empresse de sortir pour venir se poser sur mon épaule. Et fier de lui, il répète « P’tite teigne, p’tite teigne ! », ce qui a le mérite de me détendre un peu. L’oiseau se met à trifouiller le col de mon vieux t-shirt, des fois qu’il trouve un truc à son goût à manger. J’attrape une cacahuète dans un bocal sous la table basse, puis lui tend pour l’occuper à autre chose.
« De temps en temps, je fais un effort. » Je laisse échapper un rire cynique (en fait je masque complètement ma nervosité), avant de lui répondre. « C’est pour passer me voir à l’improviste que tu fais un effort ? » Dis-je en faisant le beau, juste pour me moquer un peu d’elle. « Pas besoin de te justifier, je pense que je t’ai battue à plate couture de toute façon ». Je lui ébouriffe les cheveux, me faisant engueuler par Ysis, toujours sur mon épaule, que j’ai failli écrabouiller au passage. Pour le coup oui, elle pouvait toujours faire un effort vestimentaire… mais arriver après que ma mère soit partie, elle n’allait pas me trouver en vieux jogging comme à mon habitude.
« C’était qui la harpie ? Tu la connais ? » Olalala, si elle savait comme je redoute cette question. Si elle savait comme je serais capable de m’inventer une troisième vie pour éviter d’avoir à répondre à cette question. Oui, tiens, une troisième vie, c’est une bonne idée !
Cependant, après qu’elle ait toisé ma machine à café avec des yeux surpris, je crois que je vais devoir passer aux aveux. En plus elle commence à me faire une tête de reproche. Merde alors, j’ai déjà passé un mauvais quart d’heure (la journée, en fait) avec ma génitrice, j’ai pas envie de recommencer avec Aby. Et pour le coup, je ne sais pas qui des deux m’effraie le plus quand elle est en colère. Ma mère, je peux très bien hausser les yeux au ciel comme je ne faisais étant ado. Aby c’est une autre histoire : au zoo, les autres soigneurs préfèrent ne pas empiéter sur ses plates bandes, et je comprends bien pourquoi ! Des fois, on me demande comment ça se fait que j’arrive à la faire sourire avec mes blagues de merde, et je n’ai pas la réponse. Peut-être qu’elle est aussi chiante que moi. Ou plus, je l’ignore.
Bref, j’ai assez détourné le sujet. L’air de plus en plus dépité, j’essaie de me reprendre pour lui répondre. « Dans Le Diable s’habille en Prada, il y a un côté drôle, et puis tu la supportes pas au quotidien. Si je devais trouver un nom de film pour cette vieille pie, je dirais Ma mère est pote avec Lagerfeld. » Voilà c’est dit, j’ai plus qu’à espérer qu’elle me laisse tranquille avec ça après, parce que c’est déjà difficile d’avoir eu à lui dire.
« J’suis presque étonnée que tu aies une cuisine… » Mon estomac ayant été noué toute la journée à l’idée de passer mon unique jour de congé aux côtés de ma mère, je n’ai rien pu avaler. Je commence donc à me dire que m’alimenter serait une bonne idée. D’ailleurs, avec une unique bière dans l’estomac je pourrais être bourré ! Mauvais idée, n’est-il pas ? Je me lève donc, hésitant entre la cuisine et le hall où j’ai laissé mon téléphone. Tiens, pourquoi ne pas lui poser la question après tout ? « J’hésite à commander un jap’. T’as déjà beaucoup de mal à croire que j’ai une cuisine, alors si je me mets à l’utiliser j’ai bien peur que tu me fasses une attaque. » Fais-je avec un faux air embarrassé.
« … Qui êtes vous, monsieur Natanael Blondel ? » La première réponse qui me vient ? Un imposteur. Mon regard croise le sien, l’accroche avec sévérité. « Tu es certaine de vouloir le savoir ? » Finis-je par trancher. « Non parce que je connais très bien ton opinion sur les gens de mon espèce. » Hop, c’est dit. Et pas de la façon la plus agréable qu’il soit, j’en conviens, mais quand on cherche à découvrir mon secret, j'ai un peu de mal à déconner.
Je n’attends pas sa réponse pour la bouffe, j’ai bien trop les crocs, et ça me donne une raison de m’éloigner un peu d’elle et de ses questions. Pourtant, maintenant que c’est parti, j’ai bien d’autres choses sur le coeur à déballer. « Je suis une personne que je ne veux pas être. » Je sors quelques légumes frais du soleil, les coupant avec hargne sur une planche pour me défouler. « Je n’ai jamais accepté la vie qu’on voulait pour moi, mais je n’ai pas eu le choix, voilà tout. » Je jette la découpe dans une poêle, y incorpore de l’huile d’olive, et un émincé de poulet.
« Du coup, j’ai deux vies. Dont une que je préfère ne pas vivre. » Je me sens étrangement soulagé. C’est la première fois que je parle de ça à quelqu’un, même si la personne à qui je le dit n’est pas celle à qui j’avais pensé.
Personne ne sait ce qu’il se passe pendant mes journées. Mes amis d’enfance me croient en train de dormir pour récupérer les nuits terriblement remplies… Et les gens de mon travail me croient avachi sur mon canapé le soir, ou sortant draguer quelques dames dans les bars parisiens. Et si tout ça était vrai, et faux à la fois ? Et si tout n’était que mélange des deux idées ? Voilà, je suis ça. Un mélange. Un riche qui ne veut pas l’être !
Je mixe quelques ingrédients pour en faire un gaspacho. « Ne me juge pas sur ça. Ici, c’est aussi moi. Juste… pas comme tu en as l’habitude. Mais ça ne me change pas. » Je lui balance une nouvelle bière, qui manque presque de l’assommer -j’adore faire ça, je ne loupe jamais ma cible. « Je n’ai pas choisi ma famille. »
Et sur ceux, j’apporte deux assiettes/couverts, deux verres de vin et une bouteille un peu trop chère pour qu’elle ait le droit de la regarder, donc je la sers et repart avec. De toute façon, je l’ai achetée avec mon salaire, pas besoin de me faire la morale ! Le vin, on l’aime bon ou on ne le boit pas.
Je surveille la cuisson en silence pour la laisser digérer mes paroles, puis je viens avec une mixture parfaitement appétissante que je dépose dans les assiettes. « Ah, et je sais que je je suis ton éternel fantasme dans la vie, mais si tu comptes sur moi pour te réanimer, tu as tout faux ! Je suis une bille en bouche-à-bouche : pas de malaise, donc ! » fais-je en lui montrant mes gaspachos et ce petit plat maison qu’elle n’aurait jamais imaginé venant de MA cuisine.
Je reste à bonne distance d’elle, des fois qu’elle ait décidé de me coller la main dans la gueule pour ce que je viens de dire. Je tiens quand même un peu à ma vie. Oui oui, je vous jure !
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Sujet: Re: Trust Each Other :: Nate 29/3/2016, 12:21
Trust Each Other Natanael & Abigaëlle
Déjà, elle n’était pas chiante. Enfin, si, un peu, mais pas plus que les autres voyons ! Elle n’aimait pas qu’on lui marche sur les pieds ou qu’on se permette de la regarder de haut sous prétexte qu’elle portait une tenue de travail. Elle n’avait pas que ça à faire de comparer les échelons sociaux alors, si les clients mécontents voulaient tâter de sa pelle ils allaient être servis, elle le sentait bien… Dommage qu’elle ne l’ai pas sous la main face à l’étrange personnage qu’était Nate. Non mais très sérieusement, est-ce que la femme qu’elle avait vu passer avec une telle négligence était sa mère ? Aby haussa les sourcils en pinçant ses lèvres, partagée entre l’idée d’avoir bourdée ou celle d’en être… Agacée ? Oui, elle était agacée d’imaginer qu’il ait put lui cacher ce genre de petit détail alors qu’il avait une vague idée de qui était sa propre mère. En même temps, elle l’avait surpris une fois qu’il était chez Gaëlle et n’avait cessée de la bassiner avec lui, qu’il était un beau parti, qu’il semblait parfaitement apte à combler sa vie et tout ce genre de petit baratin. Si on omettait juste le détail qu’elle ne le connaissait pas, c’était sûr qu’elle pouvait avoir raison. Mais merci, mais non merci, Abygaëlle se contentait très bien de ce qu’elle avait, pas la peine de rajouter des couches de bizarreries au semblant de stabilité qu’elle était parvenue à installer.
A sa question elle prit un air songeuse… Est-ce qu’elle avait réellement envie de savoir qui était véritablement Nathaniel ? Sans doute. Une partie d’elle réclamait une part de mystère mais la majorité voulait savoir. Apprendre. Comprendre. Démasquer le vrai du faux et s’assurer qu’il ne restait plus de mensonges parce qu’elle avait une sainte horreur de ça. Mentir, lui mentir. Il avait osé ? Non quand même pas… Elle resta silencieuse en le suivant du regard, comme un petit faucon qui épiait sa proie malgré la présence du Ara bleu sur l’épaule de l’homme. S’appuyant sur le plan de travail, à distance tout de même, elle garda les sourcils froncés en l’écoutant.
« Je suis une personne que je ne veux pas être. Je n’ai jamais accepté la vie qu’on voulait pour moi, mais je n’ai pas eu le choix, voilà tout. Du coup, j’ai deux vies. Dont une que je préfère ne pas vivre. » C’était facile ça. Reporter la faute sur une vie que les autres auraient voulus pour eux… Mais elle se tut. Aby se tut parce qu’au fond elle savait que c’était exactement ce qu’elle avait du faire, du vivre, du affronter pour vivre comme elle l’entendait. Sauf qu’elle ne cachait pas son identité à sa mère et vice-versa, apparemment. Car vu l’allure qu’il avait quand elle était entrée et celle de maintenant, il y avait plus qu’un monde entier de décalage. Et nul doute que d’un côté comme de l’autre on ignorait la face cachée de la médaille. Un sacré jeu de miroir. Et elle se trouvait être l’un des dindons de la farce à qui il avait mentit.
Abigaëlle grogna en manquant de se prendre une bière dans la figure, la rattrapant de justesse avant qu’elle ne tombe sur le sol. Cet idiot voulait en plus se taper du ménage ou bien faisait-il exprès en sachant qu’elle la rattraperait ? « Je n’ai pas choisi ma famille. » Tiens, comme c’est étrange… C’est comme un goût amer qui s’installe dans sa gorge et ce n’est sûrement pas du à la bière puisqu’elle ne l’a pas ouverte. La reposant sur l’ilot central de la cuisine, elle s’écarte un peu quand il installe des couverts et lui serre un verre de vin. Elle repère le nom, un St Emilion… Depuis quand est-ce qu’il a les moyen de se payer un truc pareil ?! Elle-même n’en avait vu que rarement ou, plutôt, dans son enfance et désormais avec le nouveau mari de sa mère. Et encore, elle ne se serait pas permise de sortir une bouteille pareille pour la déguster en jogging et tee-shirt avec une fille habillée en hippie. Nate devait très sérieusement revoir le sens de ses priorités.
Il revint pour verser ses préparations dans les récipients adéquats. Elle observa les légumes puis huma le gaspacho, mais quelque chose enserrait sa gorge et l’empêchait d’avoir aussi fin que son nez voulait lui faire croire. Quand il s’amusa d’une dernière plaisanterie elle ne parvint pas à rire, cette fois. Pas du tout même alors qu’un regard un peu plus froid passait dans ses yeux à son attention…
« C’était donc ça ? Uniquement ça ? Je n’ai pas choisi ma famille, je suis un rebelle, je mène une double vie, l’une dans une famille très riche visiblement, et l’autre pour le plaisir d’être dans un zoo où d’autres travaillent pour vivre, mais je ne te permets pas de juger ? »
Siffla-t-elle à son attention. C’était tout ce qu’il avait à lui dire ? Pourquoi il ne l’avait pas fait plus tôt s’il l’assumait aussi bien ? Franchement, elle avait l’impression d’avoir été prise pour quelqu’un de stupide. Elle pouvait aller se rhabiller avec son livre ! Et de quoi est-ce qu’elle avait l’air en face de lui maintenant ? D’ailleurs, pourquoi il s’était changé ? Elle ne méritait pas qu’il reste habillé de la même manière qu’il avait reçu la vieille ? Non, elle, elle méritait les jogging et l’allure beaucoup moins travaillée, c’était sûr. Après tout, elle n’était qu’une soigneuse au zoo, pourquoi faire des efforts face à quelqu’un qui mettait la main à la pâte toute la journée ?
« Tu t’es pas dit, un seul instant, que ça pourrait faire mal aux gens que tu caches ça, au lieu de leur dire franchement ? »
Elle qui détestait les mensonges, voilà qu’elle était plus que servie. Elle sentait une colère en elle, une pointe de rage mais dont elle ignorait si c’était vraiment contre Nate qu’elle s’agaçait… Ou contre elle-même. Qu’il ne lui ai pas fait suffisamment confiance depuis toutes ses années pour lui dire. D’accord elle avait un caractère de cochon et sûrement pas la langue dans sa poche, mais qu’est-ce que ça aurait changé qu’il soit honnête plus tôt au lieu d’attendre d’être prit sur le vif ? Il était de ce genre là, à se planquer jusqu’à devoir tout balancer et espérer qu’on lui pardonnera ? Elle n’y croyait pas. Mais en tout cas, elle ne pouvait que constater l’inévitable.
Elle ne toucha ni à l’assiette, ni au verre de vin qu’elle savait plus qu’excellent. Toisant du regard l’oiseau qui venait d’ouvrir la bouche comme pour parler, celui-ci se tut illico en rentrant ses ailes.
« C’est quoi tout ça ? Devant les autres tu es tout bien, tout propre sur toi, absolument impeccable… Et parce que c’est moi, tu crois que ça passera mieux si tu te mets à mon niveau ? Je suis peut-être pas richissime mais je suis pas stupide, moi je travaille pour vivre depuis des années, je n’ai pas de parents qui me payent des appartements comme celui-là et je ne dois rien à personne. Je me plains pas d’une vie que d’autres ont voulus pour moi, j’ai choisi de faire ce que je voulais sans avoir à mentir à plein de monde ! T’es juste un… menteur… »
Et cette constatation était sans doute la chose la plus difficile à gérer que le reste.
« Bordel, Nate, ça t’apporte quoi de pas être honnête comme ça ? Qu’est-ce que t’as voulu prouver ? C’était un pari ou quoi ? T’es plus un ado, tu peux pas jouer avec les gens comme ça ! Tu peux pas te moquer d’eux et penser qu’on te pardonnera comme on gronderait un gosse… »
Elle se mordit la lèvre, détournant le regard en serrant la bandoulière de son sac. C’était douloureux de se rendre compte qu’on était juste une grosse mascarade. Dire qu’elle avait nécessité des efforts surhumains pour venir jusqu’ici, s’habiller et faire attention à son apparence, avoir l’air un peu plus digne parce qu’elle voulait lui plaire… Lui plaire ? Pardon ? Non elle ne voulait sûrement pas plaire à Nate, c’était quoi le délire là ?! Non et non. Elle était venue le voir comme une collègue. Comme une amie, peut-être. Mais les amis ont au moins la décence de ne pas cacher des trucs aussi gros dans leurs placards.
Pourtant c’était comme si un étau enserrait son torse alors qu’Aby commençait à avoir du mal à respirer convenablement. Elle recula encore, buta contre l’encadrement de la porte et sursauta, comme si elle s’attendait à voir quelqu’un à sa place. Personne. Non. Juste lui et elle. Et son perroquet. Alors pourquoi est-ce que ça lui tenait autant à coeur ? Pourquoi d'un coup c'était aussi important qu'il ai pu ne rien lui dire ? Ils n'avaient pas de liens, juste... Juste...
« … J’aurais vraiment pas du venir ici. »
Peut-être qu’elle aurait continué à se voiler la face plus longtemps comme ça.
Sujet: Re: Trust Each Other :: Nate 2/4/2016, 18:03
Depuis le début de mon monologue, je n’ai pas besoin de croiser son regard pour imaginer sa couleur : un noir profond, sans aucune étincelle de compassion. Et c’est à la hauteur de ce qu’elle me réplique sèchement.
« C’était donc ça ? Uniquement ça ? Je n’ai pas choisi ma famille, je suis un rebelle, je mène une double vie, l’une dans une famille très riche visiblement, et l’autre pour le plaisir d’être dans un zoo où d’autres travaillent pour vivre, mais je ne te permets pas de juger ? »
Bon, j’aurai au moins essayé. Cuisiner, parler sincèrement, en général ça joue en ma faveur pour faire passer la pilule. D’ailleurs en parlant de pilule, est-ce qu’elle n’aurait pas ses règles, la petite, à me faire une crise existentielle comme ça ? Non parce que bon, j’avais déjà une femme chiante dans ma journée, une deuxième en option n’est pas mon voeu le plus cher.
« Tu t’es pas dit, un seul instant, que ça pourrait faire mal aux gens que tu caches ça, au lieu de leur dire franchement ? »
Pardon ? Du mal de quoi ? A qui ? Une collègue de travail, qui n’a jamais été plus qu’une collègue ? Oui parce que si je sortais avec elle, ou même si j’avais couché avec elle, elle aurait eu le droit de me dire quelque chose sur mes cachoteries. Mais là, excusez-moi je ne comprends pas ce que ça peut lui foutre. Notre complicité n’est jamais allée plus loin qu’une bière et une part de pizza en racontant des blagues sur le canapé de son salon, n’exagérons rien à la situation.
Cette fois, je ne m’emporte pas, malgré la moutarde qui me monte au nez -je déteste les caprices des femmes. Et comme pour prouver que je maîtrise totalement la situation, je prends mon verre et le sirote avec une tranquillité déconcertante.
« Qu’est-ce que ça change ? Ma famille a de l’argent, et alors ? C’est bien. Mais est-ce que j’y suis pour quelque chose ? »
L’oiseau se love sur mon épaule, et marmonne des chants spéciaux, comme font les jeunes oisillons.
« C’est quoi tout ça ? Devant les autres tu es tout bien, tout propre sur toi, absolument impeccable… Et parce que c’est moi, tu crois que ça passera mieux si tu te mets à mon niveau ? Je suis peut-être pas richissime mais je suis pas stupide, moi je travaille pour vivre depuis des années, je n’ai pas de parents qui me payent des appartements comme celui-là et je ne dois rien à personne. Je me plains pas d’une vie que d’autres ont voulus pour moi, j’ai choisi de faire ce que je voulais sans avoir à mentir à plein de monde ! T’es juste un… menteur… »
Oh, très bien, tu veux jouer au jeu de la comparaison. Très bien, tu vas retrouver ce cynique Nate que tu n’as jamais aimé. Tant pis pour toi. Je ricane donc, presque amusé (je dis ça amèrement, évidemment) par le fait qu’elle pense que je ne fais pas ce que je veux.
« C’est justement pour ça que je n’en parle pas. Tu ne peux pas comprendre, parce que personne ne t’a jamais dicté ce que tu dois faire. Je ne suis pas un mec lambda à qui on a dit ‘fait ça’. Des responsabilités me tombent sur les épaules, des obligations familiales auxquelles je ne peux échapper. Mais ça ne m’empêche pas de faire un truc qui me fait plaisir sur mon temps libre. Que ça te plaise ou non, c’est ce que j’ai décidé de faire. »
Mon verre se vide doucement, et mon ton est toujours aussi posé, chaque mot bien prononcé. Je ne parle pas de mon regard, un peu trop sévère tout de même.
Plus les secondes passent, et plus je la vois se rapprocher de la porte. Peu importe, rien ne peut être pire ce le moment où on t’accuse d’être ce que tu es. Quelle manie de femme ! Qui ferait ça chez les hommes, sérieusement ?
« Bordel, Nate, ça t’apporte quoi de pas être honnête comme ça ? Qu’est-ce que t’as voulu prouver ? C’était un pari ou quoi ? T’es plus un ado, tu peux pas jouer avec les gens comme ça ! Tu peux pas te moquer d’eux et penser qu’on te pardonnera comme on gronderait un gosse… »
Mais encore une fois, qu’est-ce que ça peut lui foutre ? Une collègue quoi ! Je n’ai aucun compte à lui rendre, surtout pas sur ce que je fais de mes nuits quand je ne bosse pas. Mais finalement, je commence à y voir un peu clair. Quand elle a parlé de me mettre à son niveau, de mon jogging pourri pour traîner, contrairement à mon ancienne tenue impeccable… De plus, je n'ai jamais été aussi adulte à assumer mes responsabilités.
« Oh, mais oui, quel con, j’avais pas compris. » Fais-je en me mettent à rire à gorge déployée. « Tu t’attendais à quoi ? » Fais-je en prenant un air terriblement moqueur, le sourire narquois en mode on. « Tu pensais vraiment que j’allais rester en costard alors que tu me vois H-24 en tenue dégueulasse ? Tu croyais que j’allais te recevoir un gentlemen ? » Je m’approche encore d’elle, pas pour la toucher mais seulement pour pouvoir la regarder dans les yeux, sans qu’elle ne puisse se détourner. « Être bien habillé ne change pas ma personnalité. En revanche je te pensais réaliste. Je vois que comme tous les autres, tu juges vachement sur les apparences. »
J’avais promis de rester calme, c’est râpé. Elle va me mettre hors de moi, et elle l’aura bien mérité. Les emmerdeuses ici, on en veut pas.
« … J’aurais vraiment pas du venir ici. » Oh, voilà qui tombe à pic ! Il ne me faut pas deux secondes pour mettre ma main sur la poignée de la porte d’entrée. « Personne ne t’a forcée à venir ici. D’ailleurs personne ne te retient non plus.»
J’exécute une courbette exagérée de gentlemen raté tout en ouvrant la porte.
« Tu peux partir librement, je t’en… » J’allais dire je t’en prie, et la mettre dehors en la poussant de bon coeur… Quand je tombe nez à nez avec le valet de ma mère, dans un costume complet et avec son inimitable cravate rouge sang. Je soupire, me faisant plus grand que jamais pour le recevoir. « Qu’est-ce que vous voulez ? » Le valet se tient droit, mais tremble légèrement, comme à chaque fois qu’il doit me parler. Le pauvre, c’est toujours lui que ma chère et tendre mère envoie pour m’annoncer une mauvaise nouvelle. Un jour j’ai failli lui coller mon poing dans la gueule.
« Madame votre mère m’a chargé de vous dire que vous êtes invité à la soirée de présentation de la nouvelle collection. Serez-vous des leurs ? »
Habituellement j’aurais refusé, pas du tout cordialement. C’est d’ailleurs ce à quoi il s’attend. Mais une autre idée me vient. « Henri. » Dis-je avec sang-froid. Un second valet, tapissé dans l’ombre de l’entrée, apparaît dans l’encadrement de la porte. « Faites préparer une voiture pour dans une heure. » Le valet de ma mère me fait les yeux ronds, étonné. « Et apportez-moi un plan C. »
Un plan « C », pour « Chanel ». C’est le code que j’utilise avec le men in black qui surveille mon appartement le soir. Il me connait depuis que je suis gosse, et il a toujours été -malgré lui, mais plutôt avec amusement- impliqué dans mes conneries. En gros, c’est quand il faut que je sois d’urgence présentable pour une soirée en compagnie de gens d’une importance cruciale. Ou alors que j’ai un rencard à assurer, mais ça c’est une autre histoire.
Je me retourne vers Aby, qui ne comprend pas ce qu’il se passe, puis regarde de nouveau Henri. « Prévoyez-en deux, je suis accompagné, et elle aura besoin de beaucoup plus que moi pour rentrer. » Les yeux de l’homme me montrent qu’elle n’appréciera sûrement pas la remarque, mais je m’en tamponne. Je le chasse d’un geste de la main, claque la porte et me retourne vers la blondinette en furie dans mon entrée.
« Tu voulais voir à quoi ressemble ma vie en-dehors du Zoo ? Tu as gagné, tu vas passer la pire soirée de ta vie, mais au moins tu ne pourras pas dire que tu ne sais pas. »
Pas le temps de répondre que deux jeunes femmes armées de valises et d’une panoplies de robes entrent dans l’appartement. L’une d’elle prend le bras d’Aby sans lui demander son avis : « Navrée de vous presser, Madame, mais il y a beaucoup de travail pour que Monsieur Blondel puisse vous accompagner... sans vouloir vous offenser. »
Pour moi, rien de plus drôle que ça. L’autre femme, Isabelle, m’attend dans le salon le temps que je mette un costume. J’enfile donc une nouvelle tenue complètement sponsorisée par Chanel, pour retrouver ma styliste préférée (celle qui m’embête le moins) qui va me coiffer et m’ajuster la tenue avant de partir. Je n’ose même pas imaginer ce que l’autre fait à ma collègue, mais elle se souviendra de ça toute sa vie.
Je monte dans la voiture, attendant sagement qu’on m’amène la blondinette : ce qui me laisse le temps de me calmer.
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Sujet: Re: Trust Each Other :: Nate 6/4/2016, 11:22
Trust Each Other Natanael & Abigaëlle
Est-ce qu’elle le tuait tout de suite ou bien elle attendait encore un peu d’avoir sa tête suffisamment à portée pour l’éclater contre le chambranle de la porte ? Non parce que là, Nate ne faisait pas que pousser le bouchon trop loin… Il l’éjectait carrément de la table pour le balancer par la fenêtre. Mais Gaëlle ne savait pas si ce qui l’énervait le plus, c’était que Nate ai menti avec autant d’aplomb… Ou que ça lui fasse mal à ce point. Elle avait un profond sentiment de trahison, d’avoir été dupée alors qu’elle avait toujours été plutôt honnête avec lui, et elle ne parvenait pas à prendre la demi mesure. Tout était blanc ou noir mais les teintes grises ne semblaient pas lui aller au teint alors qu’elle le dévisageait d’un regard acide ; il fallait se rendre à l’évidence, elle le détestait. Cordialement et viscéralement. Et plus il parlait, plus il lui répondait, moins elle l’appréciait. Plus elle se trouvait idiote d’être venue. Plus elle se trouvait stupide d’y avoir accordé de l’attention. Plus elle se sentait furieuse d’avoir voulu se montrer sympathique. Plus elle se sentait… bafouée. Et perdre la face, pour Abigaëlle, était une des pires épreuves qu’on puisse lui faire subir.
Jusqu’à l’interruption de ce domestique en costume à la porte de l’appartement alors qu’elle s’apprêtait à déguerpir d’ici. Nate voulait la mettre dehors de toute façon, non ? Et une chose était sûre, elle n’était pas prête de lui adresser de nouveau la parole après tout ça. Elle avait voulu lui faire confiance. Elle avait voulu se laisser un peu plus aller avec lui. Elle s’était permise de croire qu’ils pouvaient être amis quand, visiblement, ils n’étaient rien de tout cela pour l’homme à côté d’elle. Très bien. Fort bien. Puisque c’était ainsi qu’il décidait de mettre un terme à une dizaine d’années de connaissance, elle n’allait pas l’en empêcher. Elle avait toujours été plus tranquille sans lui de toute façon !
Elle tenait son sac et fixait l’échange entre ce grand idiot de Natanael et les deux hommes – dites donc, monsieur ne se refusait rien ! – en levant les yeux au ciel. Collection. Plan C. Et bien alors, voilà qu’on communiquait en langage codé juste sous son nez ! Ce n’était pas parce qu’elle avait l’air d’une cruche dans cette tenue qu’il fallait la prendre comme tel, elle n’allait sûrement pas se laisser faire comme ça. Fermant son visage, son regard noir devint assassin lorsqu’il osa prononcer une phrase fatidique : « Prévoyez-en deux, je suis accompagné, et elle aura besoin de beaucoup plus que moi pour rentrer. » Pardon ? Attendez, quoi ?! Il y avait deux choses qui ne lui avaient pas plu dans sa phrase : qu’il lui impose quelque chose et qu’il la traite de… Bon ça, à la limite, elle s’en moquait. Les avis sur son apparence n’avaient jamais vraiment comptés. Mais là…
« Tu voulais voir à quoi ressemble ma vie en-dehors du Zoo ? » Il y avait du avoir mauvaise compréhension, elle n’avait jamais voulu connaître sa vie. Sinon elle serait venue plus tôt. « Tu as gagné, tu vas passer la pire soirée de ta vie, mais au moins tu ne pourras pas dire que tu ne sais pas. » Elle allait l’assassiner.
« De quoi est-ce que tu p… »
Elle fut interrompue par l’irruption programmée de deux femmes, les bras chargés de sacs, de valises et d’autres protections couvrant des vêtements qu’elles déposèrent dans le salon comme si elles en avaient l’habitude. Elles étaient d’une perfection étrange, avec leurs tenues bordeaux similaires et leurs cheveux bruns noués dans des chignons travaillés. Celle au regard de biche braisée s’empressa d’attraper la blonde par le bras pour l’entraîner à sa suite. « Navrée de vous presser, Madame, mais il y a beaucoup de travail pour que Monsieur Blondel puisse vous accompagner... sans vouloir vous offenser. » Ouh, mais ils s’étaient passés le mot ou quoi ?! Elle tira violemment sur son poignet pour se dégager.
« Je sais marcher toute seule. »
Trancha-t-elle, acide, lançant un regard meurtrier à Nate. Lui, il ne perdait rien pour attendre. Il était hors de question qu’elle se laisse faire de la sorte. Elle n’avait quasiment jamais cédé sous les supplications de sa propre mère pour faire ce genre de choses, elle n’allait sûrement pas commencer aujourd’hui, en présence d’un idiot pareil et avec deux perruches là pour critiquer tout et n’importe quoi. Surtout que ce genre de femmes, elle les connaissait plutôt bien : acides, amères, précises et efficaces. Un mélange désagréable de talent et de fourberie, des flatteries dissimulant des reproches et un monde qu’elle ne voulait pas approcher de près ou de loin.
A peine furent-elles dans la salle de bain qu’elle lui retirait son sac comme si c’était un vulgaire mouchoir, avisant d’un œil critique sa veste d’un kaki militaire. Pas la peine de faire la grimace, Aby savait parfaitement ce à quoi elle devait penser en la regardant. Sa mère savait très bien jouer ce genre de rôle, s’offusquant de ses choix vestimentaires de long en large et en travers. « Ca ne va pas du tout ! » S’exclama la femme avec un léger accent… Brésilien ? Elle n’aurait su dire. « Déshabillez-vous, mademoiselle. Nous n’avons pas beaucoup de temps. » Et puis quoi encore ?! Mais elle avait déjà perdu l’attention de la femme aux talons vertigineux, qui fouillait prestement dans les valises. Parfois elle lui adressait un rapide regard avant de se reconcentrer, sortant divers accessoires ou bouts de tissus qui n’avaient pas l’air d’avoir le moindre lien entre eux.
Abigaëlle fini par obtempérer, à contre cœur, retirant ses bottines et faisant passer sa robe en lin par dessus sa tête. Si Nate espérait entrer à ce moment-là, elle aurait quelque chose à lui envoyer à la figure. Voyant que l’autre femme commençait à saisir des robes pour simuler un habillage, elle l’arrêta immédiatement d’une main devant elle.
« Je vous arrête immédiatement : c’est une soirée pas un cocktail. Vous approchez cette robe saumon de moi et je vous la fais avaler. »
Si elle n’allait quasiment jamais à ce genre d’évènements, elle avait quand même reçu un minimum d’éducation ; sa mère pouvait au moins se vanter de lui avoir fait retenir les us et coutumes de la mode actuelle et de son regard particulièrement cynique. Tranchant. Combien de fois avait-elle assisté aux essayages de cette femme qui se voulait plus aisée qu’elle ne l’était ? Combien de tenue avait-elle vu défiler, surtout depuis qu’elle était de nouveau mariée à un homme riche, avec les plus ou les moins de tel choix ? Et puis il y avait son père, celui qu’elle ne voyait quasiment jamais si ce n’était… Jamais. Une fille illégitime n’a pas toujours la chance d’apparaître à ses côtés et, en un sens, elel avait remercié cet aspect. Cela lui avait évité bien des désagréments, jusqu’à ce soir.
La couturière pinça ses lèvres, avisant de la taille fine et des longues jambes de son mannequin d’un soir. Peu de poitrine, idéal. Sous son allure tranquille finalement Abygaëlle semblait dissimuler quelque chose de potable, c’est en tout cas ce qu’elle lut dans ses yeux. Elle secoua la tête en retirant quelques robes, s’intéressant de près à une blanche aux motifs de dentelle et Aby pria pour qu’elle ne la choisisse pas ; les froufrous comme ça c’était vraiment pas pour elle. Un pantalon ? Dites-lui qu’elle pourrait mettre un pantalon, juste comme ça… Non pas de cette robe rouge aux épaules larges, elle voulait qu’elle se plonge dans les années cinquante ou quoi ?!
Le temps pressait et la patience de la femme aussi. Si bien que la blonde fini par opter pour une robe bustier fourreau en dentelle noire, se retrouvant chaussée d’une paire d’escarpins peep-toe couleur chair pour se fondre avec ses jambes. Elle ferma les yeux sous la dose de laque qu’osa appliquer la costumière sur sa chevelure détachée, n’ayant jamais fait de boucles pareilles d’ordinaire, toussant légèrement sous son air courroucé. « Votre maquillage fera l’affaire. » Déclara la brune, s’empressant cependant de rehausser ses lèvres d’un rouge vif afin d’en marquer son visage. Quelques retouches dans ses cheveux blonds avant qu’elle ne lui tende une pochette signée Christian Louboutin ; elle voulait qu’elle mette quoi dedans ?! Se baissant vers son sac, elle ne put y caser que son téléphone portable et son porte-monnaie, tout le reste n’entrait pas. Et sûrement pas le livre qu’elle s’empressa de laisser à l’intérieur.
« Allez, allez, monsieur Blondel vous attend déjà ! » Oh mais il aurait pu partir sans elle voyons, cela ne l’aurait pas du tout dérangé ! Mais alors qu’elle faisait cette réflexion à voix haute, la couturière lui adressa un nouveau regard, mélange de suspicion mais aussi de surprise. Bien, elle commençait à comprendre qu’Aby n’avait aucune envie de se rendre à ce genre d’événement ou bien il lui fallait encore un ou deux dessins ? Néanmoins, passé ce petit instant, elle la poussa sans ménagement vers le salon où l’autre femme attendait. Elle la toisa sans rien dire et Gaëlle se rappela ce que pouvait ressentir l’un des animaux du zoo face aux visiteurs curieux ; heureusement que le dénommé Henri toussota pour attirer leur attention dans un soupir las.
Abygaëlle attrapa un pan de la robe pour ne pas marcher dessus, manquant de vaciller sur ses talons en descendant les marches de l’escalier – hors de question de prendre l’ascenseur – avant de se retrouver en bas. Il faisait frais et elle aurait tout donné pour remonter chercher sa veste à l’étage ! Mais pas le temps, la voiture était arrêtée un peu plus loin et Henri lui ouvrit la portière, l’aidant à monter à l’arrière d’une manière la plus gracieuse possible. On parle d’Aby là… Elle déposa la pochette à côté d’elle, adressant un regard courroucé à Nate assis de l’autre côté de la banquette arrière. Tiens, revoilà le mode séduction avec le costume et l’air soigneusement coiffé ? Tournant la tête de l’autre côté, elle s’occupa à lisser un peu les pans de la robe sombre sur ses genoux.
« Ca te couteras extrêmement cher. »
Railla-t-elle à son attention, d’un ton calme mais emprunt de verve acide, lorsque le chauffeur démarra. Fixant la vitre à sa droite, Aby décida d’ignorer toute parole qu’il pourrait lui dire pour le reste du trajet. Voilà qu’il l’entraînait dans quelque chose qu’elle ne voulait pas, qu’elle avait toujours détesté et qu’elle refusait depuis des lustres… Juste pour lui prouver quelque chose. Mais quoi ? Lui démontrer quoi ? Qu’il avait raison ou que c’était elle qui l’avait ? De cette vie elle n’en voulait pas, elle n’en avait jamais voulu. C’était celle des autres mais sûrement pas la sienne alors pourquoi Natanael semblait-il à ce point tenir à l’emmener avec lui ? Elle devait avoir l’air parfaitement ridicule par dessus le marché.
Les paroles de sa mère lui revinrent en mémoire, préventions futiles quand à ses manières et son port de tête. Par réflexe elle redressa le menton, se maudissant intérieurement d’avoir accepté de venir. Elle aurait du se rebeller. Elle aurait du refuser. En plus, de ce qu’elle avait compris, ils allaient retrouver la vieille harpie là-bas… Son visage ne lui disait absolument rien, ni sur ce qu’elle faisait ni sur qui elle était, à part la mère de cet imbécile de grand dadais. Ses mains se crispèrent quand ils remontèrent les grands boulevards, fixant les lampadaires illuminant les façades en se disant qu’elle serait sûrement mieux à marcher dessous que d’être dans cette voiture.
Un soupir lui échappa, la gorge serrée. Pourquoi est-ce que Gaëlle était venu le voir, franchement ? Pourquoi avait-elle eu une idée aussi stupide ? Pourquoi avait-elle cru lui faire plaisir alors qu’en fait, elle le dérangeait visiblement plus qu’autre chose ? C’était le monde à l’envers et un moyen de perdre la tête. Rude. Encore plus rude quand le véhicule s’engouffra dans une longue file et que les trottoirs commencèrent à se remplir petit à petit. D’abord quelques personnes. Puis de plus en plus de foule. Des gens avec des portables et des appareils photos. Le genre qu’elle reconnaissait bien… Des barrières les empêchaient de s’approcher de la chaussée mais elle eut le réflexe de se décaler légèrement, faisant peu confiance aux vitres teintées.
« Qu’est-ce que c’est que… » Sa question resta en suspens. « Qui est ta mère exactement ? J’ai rarement vu ce genre de monde pour une… collection. »
Plus elle parlait et plus elle se sentait s’empêtrer dans quelque chose qu’elle ne maîtrisait pas du tout. Sa main se serra sur la pochette Louboutin au même rythme que sa mâchoire se crispa. La soirée promettait d’être haute en couleurs. Et cette impression ne s’arrangea pas lorsque Henri ouvrit la portière du côté de Natanael pour lui permettre de sortir, le bruit l’étouffant au point qu’elle serait bien restée tapis dans le fond de la banquette. Hors de question de mettre un pied là-bas. Hors de question de sortir de la voiture. Hors de question…
Alors pourquoi venait-elle de saisir cette main que l’homme tendait vers elle de manière trop polie pour être honnête ?
Sujet: Re: Trust Each Other :: Nate 7/4/2016, 21:57
Une femme que je connais bien aurait filé, sans même se soucier de l’assistante qui lui tirait sur le chignon pour le rendre plus beau. Mon intuition m’a cependant dit qu’Aby n’oserait pas. Et j’ai eu raison, parce qu’elle débarque, le regard certes bien meurtrier, dans la voiture. Henri démarre, je m’installe confortablement sans lui dire un seul mot. Que dire de toute façon ? Elle l’a cherché, et je suis bien décidé à lui montrer que son caprice était d’une idiotie pas possible -et lui rendre la pareille me trotte un peu dans la tête, j’avoue.
« Ca te couteras extrêmement cher. » Je lui jette un regard en coin, hésitant entre lui rire au nez ou une réplique cinglante. Je me contente donc d'un « Tu es terrifiante, regarde comme je tremble ». En détournant la tête pour observer le paysage qui défile. Une belle ville, Paris, quand même.
Nous y arrivons enfin : après avoir traversé un petit morceau de Paris, nous nous retrouvons à quelques pas des Champs Elysées, dans un hôtel particulier que ma chère mère affectionne par-dessus tout dans la capitale française. C’est là que le défilé Chanel aura lieu, en toute intimité : comprenez des centaines d’invités de marque, des journalistes, des blogueuses mode -il parait qu’elles sont des stars à leur manière… Sans oublier des politiques et autres gens de la haute.
Pas tout à fait un endroit que je fréquente d’habitude, à part à contre coeur. Mais ce soir c’est différent : j’ai décidé d’être détestable, pour que ma collègue voit à quel point je suis charmant le reste du temps. Elle me prend pour un démon ? Elle n’a encore rien vu, et n’a pas justement estimé ce dont je suis capable. La blondinette semble avoir remarqué que nous n’allons pas à une vulgaire soirée de riches…
« Qu’est-ce que c’est que… » Sa question resta en suspens. « Qui est ta mère exactement ? J’ai rarement vu ce genre de monde pour une… collection. » Ah parce que tu vas voir des collections, en temps normal ? Laisse-moi rire ! Allez, je peux laisser un peu de suspens, elle ne pourra pas m’en vouloir plus de toute façon.
Je laisse Henri ouvrir la porte pour me faire sortir, et me retourne vers Abigaëlle en lui tendant une main assurée. Elle ne peut pas refuser, de toute façon, puisque des tas de paparazzis vont se dresser pour nous regarder : si elle flanche, nous ferons la une. Si elle reste zen, pas de soucis.
Avec la même assurance que si j’avais été à l’aise -ahah, très drôle hein- je presse la main de la femme dans la mienne pour la conduire en haut de l’escalier orné d’un tapis rouge pivoine. Là, une femme en tailleur -sûrement une stagiaire- vérifie les noms des invités. Henri nous suit de près, avec sa carrure et son élégance habituelles. « Bonsoir, puis-je avoir votre nom ? » Dit-elle poliment. Mais c’était sans compter l’apparition d’une autre tête derrière elle, outrée de sa question. « Tu plaisantes ou quoi ? Laisse-les entrer ! » Hurle-t-elle en s’approchant de moi, et passant une mèche blonde derrière son oreille. « Navrée Monsieur Blondel, Julia est surchargée mais elle sera ravie de vous voir… » Fait-elle. Puis elle se tourne vers Aby. « … En si bonne compagnie, c’est plutôt rare de votre part. »
Je ne fais pas attention à sa remarque douteuse, assez étonné qu’elle ose donner son avis sur celle qui m’accompagne (en fait, qui est obligée de me suivre). Je passe devant elle sans daigner lui répondre, restant fidèle à moi-même. « Au fait, ma mère dirige le groupe dédié aux cosmétiques de Chanel. Elle représentait la France au Royaume-Uni, et elle vient de conquérir Paris. D’où sa grande fierté. Et mon plus grand désarroi de la croiser si souvent. » Soupirs.
J’attrape une coupe de champagne sur un plateau, la terminant aussi rapidement pour qu’un peu d’alcool vienne m’aider à me sentir à l’aise. Nous nous faufilons parmi les invités de marque que je m’efforce d’éviter -surtout les filles des invités, qui ont tendance à être un peu trop jeunes pour être aussi peu habillées. Je m’arrête dans un coin tranquille, alors que ma mère s’avance sur une estrade pour prendre la parole. `
C’est à ce moment là que je pose mon regard sur Aby pour la première fois. Ses longs cheveux blonds sont un peu plus ondulés que d’ordinaire… Et elle porte ce bustier avec beaucoup de classe. Qui l’aurait cru ? Sans m’en cacher, je la reluque de haut en bas, avant de laisser échapper une petite remarque. « Mes assistantes n’ont pas eu tant de boulot que ça. On dirait que tu as fait ça toute ta vie : être une pimbêche c’est pas donné à tout le monde » Un petit clin d’oeil plus tard, et je me crispe en entendant ma mère qui prend la parole.
Le silence s’installe au fur et à mesure que ma génitrice s’exprime, et je ne refuse pas une seconde coupe pour ne pas penser à l’endroit où je suis. Finalement, un associé de ma mère s’approche de moi, saluant avec élégance la blonde qui se retient de m’étrangler. Son accent du Royaume Uni me surprend, quand il se met à me parler : « Bonjour Nate, c’était il y a bien longtemps, la dernière fois que je t’ai vu à l’inauguration d’une collection. » Je lui adresse un sourire presque gêné, parce que je n’arrive pas à savoir qui c’est. « Un jour j'ai eu l'âge de dire non. Je n’ai jamais été à la pointe de la mode, et ça ne changera pas. Mais ce fut également un plaisir de vous revoir. » Et sur ces quelques mots d’anglais, je détourne les yeux vers Aby, qui a encore bien des choses à découvrir sur moi, il semblerait.
« Blondel, c’est le nom de mon père, français de pure souche. Mais le nom de ma mère, c’est Maxwell. Je parle anglais oui, j’ai grandi à New York, ne me regarde pas avec ces yeux-là ! » Dis-je avec le ton d’un enfant qu’on vient de réprimander. Mais je suis interrompu par un homme, la trentaine, qui s’approche d’Aby pour lui prendre la main et y déposer un baiser poli. On fait encore ça dans les repas de stars, mais j’ai toujours trouvé ça hyper vieux jeu. « Y’en a qui fument encore la moquette hein. Comme s’il te connaissait ahah. » Je ricane dans ma barbe, et fait semblant de tousser quand un groupe de vieilles pies se retournent pour me faire comprendre que je fais trop de bruit.
Le discours se termine, laissant une Julia Maxwell resplendissante descendre dans la foule, acclamée par ses semblables. Je n’en fais rien, sachant bien qu’elle m’a repéré et qu’elle va venir donner son avis, elle aussi. « Nate, trésor, comme tu es beau ! Il faut que je te présente Emilie, elle va te plaire tu sais. » Fait-elle en me prenant le bras pour le broyer dans ses mains crochues (voyez les ongles avec la French parfaite ? Bah pour moi, ça ressemble à des griffes acérées !).
Les yeux de ma chère et adorable mère tombent finalement sur Aby. Bien que cette dernière ait quand même de quoi rivaliser largement avec les autres filles de la salle, la vielle pie n’est jamais satisfaite de mes fréquentations, même amicales. « Oh, tu as ramené une… Distraction… » Fait-elle avec dégoût. Je m’efforce de sourire comme si tout se passait au mieux, mais mon regard est aussi noir que le corbeau qui viendra la picorer quand elle sera morte. Ma vengeance ne tardera pas. Je me contente de lui répondre dans ma langue maternelle : « Elle est moins cruche qu’elle n’en a l’air. » Et elle part en ricanant. J’ai peur de tenir ça d’elle… Non vraiment, il faut que j’arrête d’y penser, sinon je vais devoir prendre quelques coupes supplémentaires. Oui d’ailleurs, bonne idée ça !
Mais l’occasion est trop belle. Je suis là, planté devant une femme plutôt pas trop mal, et observé par ma mère et son groupe de harpies. « Tu sais quoi ? Rien ne pourra être pire après, alors désolé d’avance. » Fais-je à la blondinette avant de lui attraper délicatement le menton pour déposer un baiser sensuel sur ses lèvres. Pas besoin de me retourner pour comprendre que je viens de déclencher un ras-de-marée dans les alentours. Satisfait, je me recule légèrement avant qu’elle n’ait envie de m’en coller une quand…
« Abigaëlle ? » Un homme d’une soixantaine d’année, parfaitement habillé, très élégant, s’approche avec de grands yeux ronds. Elle connaîtrait donc quelqu’un ici ? Ou plutôt, elle serait reconnue par quelqu’un ? Voilà un scoop intéressant… Il me dit vaguement un truc, ce type. Vraiment, comme si je l’avais déjà vu. Et très étrangement, ma mère qui aurait cherché un stratagème pour faire dégager Aby après ce qu’elle vient de voir, reste dans son coin à chuchoter avec deux autres filles. Là je comprends plus rien.
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Sujet: Re: Trust Each Other :: Nate 11/4/2016, 22:36
Trust Each Other Natanael & Abigaëlle
Cet endroit… Lui rappelait des souvenirs aussi agréables que désagréables en réalité ; plutôt du côté néégatif mais elle ne pouvait s’empêcher de se rappeler y avoir été, plus ou moins jeune, plus ou moins souvent. Enfant c’était certain qu’elle y avait déjà mis les pieds. Moins en grandissant et quelques fois dans sa vingtaine malgré tout ; Abigaëlle avait beau détester ce genre de lieux et de réceptions, il y avait parfois quelques demandes qui ne pouvaient pas être passées sous silence. Elle se crispa, espérant secrètement que Nate ne soit – bien évidemment – pas sur la liste des invités, mais son espoir fut de très courte durée quand on sembla le faire entrer tel un prince dans son château. Lui jetant un regard intrigué, elle eut tôt fait d’obtenir la réponse à sa question précédente : sa mère. Décidément, les surprises et les couleuvres se mélangeaient dans un mélange doux amer ce soir.
Son regard clair parcouru la foule à l’intérieur, déglutissant tout de même de se retrouver là de cette manière. Elle lâcha bien rapidement la main de son collègue, la récupérant le long de son corps en tenant sa tête haute. Redresser le buste, épaules droites, dos légèrement cambré en arrière… Pourquoi est-ce qu’elle se mettait à écouter sa mère ?! Elle manqua de se mordre la lèvre mais se rappela que le rouge à lèvre avait tendance à ne pas apprécier ça alors elle s’abstint. Pourvu qu’elle ne croise personne qui puisse la reconnaître, c’était vraiment la dernière chose qui pouvait arriver pour conduire cette soirée au delà du gouffre infernal dans lequel ils se trouvaient déjà. Gaëlle lorgna sur une des coupes de champagne mais décida de ne pas en prendre, préférant garder l’esprit clair pour espérer s’enfuir à la moindre occasion.
Les lumières se tamisèrent légèrement alors que la maîtresse de cérémonie apparaissait sur une estrade sous une salve d’applaudissements. Abigaëlle la détailla avec attention, avisant à quel point elle s’était changé rapidement depuis qu’elle l’avait croisé dans la cage d’escalier… Elle devait posséder une armada d’assistantes prêtes à tout pour répondre à ses moindres désirs. Pas étonnant que Natanael en ai eu aussi pour le coup, il était bien éduqué sur ce point au moins. Elle poussa un soupir en levant les yeux au ciel, se faisant discrète malgré les regards que certaines personnes lançaient dans leur direction. Ou elle avait quelque chose sur le visage, ou Nate attirait un peu trop l’attention pour être honnête.
« Mes assistantes n’ont pas eu tant de boulot que ça. On dirait que tu as fait ça toute ta vie : être une pimbêche c’est pas donné à tout le monde. » Seigneur, donnez-lui la force de ne pas lui rétorquer quelque chose de trop malpoli. Ah, si elle avait une pelle…
« Elles n’ont jamais réussi à te rendre aimable apparemment. »
Qu’est-ce qu’il voulait avec son clin d’œil, lui ? Bon, d’accord, c’était l’hôpital qui se moquait de la charité… Mais il fallait bien rendre à César ce qui appartenait à César parfois. Elle essaya d’écouter gracieusement le discours sur la nouvelle collection, une pointe de stresse faisant battre le sang à ses tempes alors qu’elle se sentait franchement mal à l’aise. Et si sa mère apprenait qu’elle était ici ? Elle allait lui faire une sacrée scène, dans tous les sens du terme : de la jalousie à l’indignation, en passant par la ribambelle de questions sur qui était présent et la manière dont tout un chacun était vêtu. Les collections de mode était le dernier souci d’Abigaëlle pourtant sa génitrice lui rabâchait sans cesse les oreilles avec les dernières tendances ou le look à adopter en fonction de la saison. Si ce n’était pas son propre sang, voilà bien longtemps qu’Aby l’aurait rayé de sa liste de personnes fréquentables.
Passant une main dans ses cheveux pour les repousser un peu derrière son oreille, elle fut surprise de se voir abordé par un homme à l’allure trop charmante pour être honnête. Mais la plus grande révélation vint du fait d’entendre Natanael s’exprimait dans un anglais parfait, aussi bien dans la formulation – visiblement – que dans l’accent. Cela lui rappela alors à quel point elle ne le connaissait pas beaucoup malgré les plus de dix ans qui les liaient au Zoo de Vincennes. Il semblait s’exprimer avec une facilité déconcertante, décochant des sourires aguicheurs à leur interlocuteur avant que celui-ci ne s’éloigne. Si Gaëlle ne l’avait pas eut sous les yeux, elle ne l’aura jamais cru capable de faire ça ! Il y avait… une sacrée différence entre le type qui nourrissait la volière et celui qui se tenait juste à côté d’elle dans un costume Chanel hors de prix. « Blondel, c’est le nom de mon père, français de pure souche. Mais le nom de ma mère, c’est Maxwell. Je parle anglais oui, j’ai grandi à New York, ne me regarde pas avec ces yeux-là ! » Est-ce qu’elle pouvait se décaler au cas où c’était contagieux ? Oui voilà, un petit pas sur le côté…
Elle se figea en reconnaissant un visage parmi la foule de célébrités et de mondains, s’arguant d’un faciès neutre même si elle mourrait d’envie de réagir différemment. Cet homme, elle le connaissait. Pas aussi bien que des amis proches, mais suffisamment pour qu’il se permette de venir lui rendre un baisemain – kitch, avouons-le – sans qu’elle ne puisse se résoudre à le lui refuser. Il s’agissait du rédacteur-en-chef d’un journal critique qu’elle se plaisait régulièrement à lire ; mais avant tout d’une connaissance de jeunesse que sa mère avait tenu à lui présenter. Ils s’étaient plutôt bien entendus, acerbes dans leurs propos et leurs pensées ce qui en avait facilité le courant. Il lui murmura quelques mots et elle fini par sourire légèrement ; notant dans sa tête de ne pas oublier de lui écrire pour éviter qu’il ébruite la surprise de l’avoir trouvé là. Pourvu qu’il ne déjeune pas avec sa mère et son beau-père dans le prochain siècle… « Y’en a qui fument encore la moquette hein. Comme s’il te connaissait ahah. » Aby ne prit même pas la peine de lui répondre pour le coup, tournant la tête pour suivre le dos de l’homme qui disparaissait derrière d’autres invités, avant de revenir se concentrer sur la présentation de la collection.
Le problème quand votre collègue vous annonce qu’il est le fils héritier d’un empire de cosmétique… c’est que vous avez de grandes chances, s’il vous embarque dans une soirée comme celle-ci, de rencontrer un membre ou deux de sa famille. En l’occurrence, sa mère. Abigaëlle poussa un lourd soupir en la voyant fendre la foule, adressant un regard presque compatissant à Nate quand elle parvint à leur hauteur en le qualifiant d’un sobriquet des plus ridicules. En revanche, la manière que cette femme avait de la regarder la fit hausser un sourcil. Une distraction ? Elle s’était bien regardé cette vieille harpie ? Et puis qui elle traitait de distraction exactement ?!
Serrant la mâchoire pour éviter de se montrer cinglante, elle entrouvrit la bouche pour parler lorsque l’homme en face d’elle l’interrompis : « Tu sais quoi ? Rien ne pourra être pire après, alors désolé d’avance. » Pardon ? Elle n’eut pas vraiment le temps de comprendre que le voilà penché sur elle pour lui voler un baiser sans gène aucune ! Ouvrant les yeux de surprise, elle passa de l’étonnement le plus certain… A une colère sourde qui fit trembler sa main refermée sur la pochette Louboutin qu’elle tenait. Qu’est-ce qu’il venait de faire, cet abruti ?! Non mais qu’est-ce qu’il veniat de faire, exactement ?! Elle le foudroya littéralement du regard, ignorant royalement les commérages ou autres murmures qui avaient accompagné le geste de Nate. Non mais, il jouait à quoi encore ?! C’était un coup par derrière sur le terrain miné où ils se trouvaient ? D’où il se permettait de s’amuser comme ça, à ses dépends ? C’était donc autant un jeu que ça pour lui ?! On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui. Elle n’était qu’une collègue. Qu’une connaissance. Mais même une connaissance avait droit à un minimum de respect, et ça, ça n’en était pas du tout !
« Non mais tu te prends pour qui ?! »
Siffla-t-elle dans un chuchotement à son encontre. La colère lui piqua les lèvres, ne sachant pas si elle lui en voulait d’avoir fait ça pour rendre visiblement hors d’elle sa mère… ou si elle le détestait de rire de son attitude. La tourner en ridicule semblait être son mot d’ordre de la soirée et Abigaëlle commençait à en avoir ras le pompom de n’être qu’un terrain d’amusement. Plus les secondes défilaient et plus elle le déconsidérait royalement, se maudissant d’avoir voulu être gentille et agréable avec lui. Du moins, autant qu’elle pouvait l’être avant de voir où ça l’avait mené. Franchement, il allait se prendre sa main dans la figure, histoire de bien remettre les pendules à l’heure ! Elle n’était pas de ces idiotes qui peuvent se faire manipuler par le premier bellâtre venu et.. Est-ce qu’elle avait vraiment pensé au mot « bellâtre » là ? Misère…
« Abigaëlle ? » Quoi, encore ?! Qui est-ce qui… Mais quand elle se retourna, le visage qu’elle rencontra était sans doute le dernier qu’elle se serait attendu à voir ici. Enfin, techniquement c’était extrêmement plausible de l’y croiser, elle beaucoup moins. Mais si elle s’était attendu à rencontrer Anatole Courrèges, fils du grand couturier André Courrèges et héritier familial de la maison de Haute Couture depuis que cette dernière était revenue dans la famille… Elle aurait littéralement refusé de venir. Pourquoi est-ce qu’elle était là ? Pourquoi est-ce que lui se trouvait en face d’elle ?! Interdite face à cet homme, ce dernier posa cependant sa main sur son bras avant de le serrer légèrement, marque d’affection qu’il avait l’habitude de lui rendre quand ils se voyaient.
Il rouvrit la bouche, s’exprimant dans un russe parfait et mélodieux. « Abigaëlle… C’est… étonnant ? Te voir ici. » C’était sûr. Complètement sûr. Il était temps de prendre ou la poudre d’escampette… Ou ses esprits. Elle lança un regard absolument noir à Natanael a côté d’elle en se ressaisissant, déglutissant face au visage d’un homme à la fois surpris mais souriant. Sa carrure était haute malgré son âge, des cheveux poivre et sel soigneusement ramenés en arrière lui donnait un air austère avec son dos droit et le costume sombre qu’il portait ; pourtant son regard clair, le même qu’Aby, brillait d’un éclat de malice intelligente. Ce dernier passait d’ailleurs de la jeune femme blonde à l’homme à côté d’elle, sans comprendre malgré les questions qui fusaient au cœur de ses pupilles.
« J’ai été… invitée au dernier moment. » Répondit-elle dans cette même langue apprise dans sa prime enfance. « Par un… Par… »
Mais l’homme avança sa main en direction de Nate, se fendant d’un sourire poli alors que sa poigne se faisait assurée dans celle du jeune homme. « Natanael Blondel, c'est bien cela ? Julia Maxwell n’a de cesse de vous citer lors de nos échanges, mais je vois enfin de qui elle parle. » Et en plus il le connaissait de nom ! Non mais, tout le monde avait décidé de l’enterrer ce soir ou bien aurait-elle un tant soit peu de répit pour pouvoir respirer ? Est-ce qu’elle en attrapait un pour taper sur l’autre ou comment allait-elle se débrouiller pour se dépatouiller de ces deux-là sans qu’il n’y ai de morts derrière elle ? Remettant ses idées dans l’ordre, elle secoua la tête.
« On ne va pas rester longtemps, j’ai du travail demain et tu dois être… Très occupé.»
Les dernières nouvelles qu’elle avait eut de lui remontaient à plusieurs semaines approximativement. Il affectionnait les lettres et les courriers, parfois les coups de téléphone mais il fallait avouer que les petites habitudes de cette écriture penchée la faisaient presque sourire quand elle reconnaissait le papier à lettre. Il sembla chercher quelqu’un à proximité et Aby esquissa un sourire désolé.
«Elle est à Lagos, tu n’as rien à justifier.»
Cette information sembla terminer de le détendre alors qu’il se concentrait à nouveau sur Natanael, reprenant le français comme si de rien était. « Ainsi vous connaissez Abigaëlle ? C’est, ma foi, assez surprenant… J’espère qu’elle ne vous ennuie pas trop avec son utopisme débordant. » Si elle avait pu lui mettre un coup de coude dans le ventre elle ne se serait absolument pas gêné ! Surtout que Nate devait se repaître du spectacle qu’elle lui offrait – tout comme une ribambelle d’invités qui ne manquaient absolument rien de leur échange. S’indignant en levant les yeux, Anatole s’empressa de tourner la tête vers elle en resserrant son bras autour de sa taille, quelques brèves secondes. Suffisantes.
« Quoi ? J’essaye de me montrer poli et courtois avec ton petit ami. Elle ne m’en présente absolument jamais… Peut-être pense-t-elle que je vais les dévorer ? »
Son… Quoi ?! Pardon ?!
« Ce n’est pas mon… »
Attendez une minute, vous voulez-bien ? Officiellement, personne ne la connaissait ici. En revanche, tout le monde semblait connaître Nate, Julia Maxwell et Anatole Courrèges qui se trouvait à ses côtés. Tout le monde, ou presque, avait vu le baiser que Natanael avait osé lui échanger quelques minutes auparavant. Il était donc parfaitement normal que pas mal d’oreilles indiscrètes ne se promènent à proximité et ne manquent rien de cet échange entre les différents protagonistes. Il était donc judicieux de démentir de tels propos, mais cela la ferait passer pour quoi ? Une jeune fille intéressée uniquement pas les attraits physiques ? Le genre de personnes aberrantes qui couchent pour accéder à d’autres marches ? Très bien, fort bien, elle leur laissait la place car elle n’en voulait pas le moins du monde. Mais hors de question de bafouer sa dignité même si elle n’avait rien à faire du regard que d’autres pouvaient porter sur elle. Là, c’était légèrement différent.
Son regard croisa la figure, visiblement joviale, de Nate. Dieu qu’elle avait envie de lui mettre une claque à lui en retourner le cou à 360 degrés. Qu’est-ce qui lui avait pris, sérieusement ?! « Elle a toujours été très pudique sur sa vie privée. » A qui la faute ? Qui lui avait enseigné de se montrer sage et discrète ? Qui l’avait poussé à ne pas se mêler au reste, à fuir les images et à se fondre dans la masse ? Qui lui avait appris à se protéger du reste du monde, quitte à rester seule ?
Anatole Courrèges lui adressa un nouveau sourire, de circonstance dans un ricanement amusé, mais plus doux que l’ordinaire. Il était comme un enfant qui venait de découvrir une nouvelle farce et semblait émoustillé malgré son âge. « Alors, Natanael… Puis-je savoir pourquoi vous vous permettez de courtiser publiquement Abigaëlle sans venir m’en tenir rigueur ? Je pourrais me vexer d’être ainsi ignoré. » Abigaëlle repéra une femme qui les observait un peu plus loin, sa femme qui ne prit même pas la peine de lui adresser un signe de tête avant de détourner celle-ci ; puis elle poussa un soupir résigné.
S’écartant d’un pas pour s’extraire du bras d’Anatole qui l’avait ramené un peu trop près de lui, elle leva les yeux au ciel à nouveau avant de fixer ceux de Nate.
« Nate, voici mon… père : Anatole Courrèges. »
Et si quelqu’un pouvait lui fournir la corde qu’elle venait de tresser, elle lui en serait bien reconnaissante.
Sujet: Re: Trust Each Other :: Nate 12/4/2016, 21:28
Pour me surprendre, il me faut beaucoup, beaucoup, beaucoup d’émotion. Honnêtement, ça ne m’arrive que quelques fois dans une année, voire dans plusieurs années. En revanche, entendre ma collègue répondre en Russe à cet homme -très élégant au passage- a de quoi me laisser perplexe. Pourquoi ? Oh et bien parce qu’elle vient de me bousiller ma soirée à me reprocher de lui cacher des choses. Mais à part omettre quelques détails, je n’ai pas commis un crime irréparable. Surtout que bon, ce n’est pas comme si elle me reprochait exactement ce qu’elle était en train de faire, hein.
Sans me laisser décontenancer, je les laisse discuter avec le port de tête haut, et le visage fermé. Cela ne m’empêche pas de ressentir l’étrangeté de la situation : me péter les couilles toute la soirée pour faire la même chose que moi, c’est vraiment injuste ! Je suis interrompu dans ma rêverie par l’interrogation de l’homme, dont les paroles me sont destinées. « Ainsi vous connaissez Abigaëlle ? C’est, ma foi, assez surprenant… J’espère qu’elle ne vous ennuie pas trop avec son utopisme débordant. » Je n’ai pas écouté ce qu’il se disait avant, mais il semblerait qu’il sache qui je suis.
Avec un peu de réserves car j’éprouve tout de même un peu d’amertume, je réponds : « Je ne pourrais pas la classer dans la catégorie des utopistes en ce moment-même, voyez-vous. » Elle me fusille du regard, et je le lui rend bien. Ceci dit, le fait qu’il croit que je suis son petit ami me donne presque envie de rire. Je dis bien presque.
Mon visage reste impassible, et j’évite de la regarder pour ne pas risquer de lui balancer toutes les horreurs qui me viennent en tête. Quelle emmerdeuse ! Je n’en reviens toujours pas.
« Elle a toujours été très pudique sur sa vie privée. » Ah c’est le moins qu’on puisse dire, oui ! Je suis très mal placé pour le lui reprocher, donc je décide de ne pas relever, mais je n’en pense pas moins. De toute façon je dis toujours que c'est une qualité. « Alors, Natanael… Puis-je savoir pourquoi vous vous permettez de courtiser publiquement Abigaëlle sans venir m’en tenir rigueur ? Je pourrais me vexer d’être ainsi ignoré. »
D’accord, il se trame un truc pas net. Je recule de quelques pas, puis mes yeux jonglent entre l’homme et la fille, cette dernière ne tardant pas à confirmer la pensée qui me venait à l’esprit. « Nate, voici mon… père : Anatole Courrèges. » J’explose maintenant ou tout de suite ? C’est carrément l’hôpital qui se fout de la charité ! Une petite voix dans ma tête me dit de rester calme, de rester digne. De toute façon, quoi que je fasse elle m’en voudra, alors autant la faire culpabiliser d’être dure avec moi devant son père. Mon Dieu, on parle de son PERE. Elle ne m’avait jamais dit son nom, pas plus que je lui avais dit le miens… et la surprise est de taille.
La musique d’ambiance zen ne suffit pas, j’ai besoin de prendre l’air. « Navré. Il s’est avéré que c’était une erreur de compréhension de ma part. Oh mais j’ai l’habitude des peines de coeur, ne vous en faites pas. » Je me tourne face à M. Courrèges, ce grand héritier, me faisant assez grand pour ne plus voir la petite blonde colérique me toiser. J’ai quand même gardé un sourire narquois, fidèle à moi-même. « Il semblerait qu’Abigaëlle ait omis de mentionner ce détail avant. Mais soit, je suis ravi d’avoir fait votre connaissance, Monsieur Courrèges. Ma mère ne s’était pas trompé à votre sujet : votre charisme est à l’image de votre prestigieuse maison. »
Et sur ces quelques paroles, je tourne les talons pour me fondre dans la foule. Aussi impressionnant que celui puisse paraître, le monde se presse dans une salle pourtant grandiose. J’attrape une unième coupe de Champagne, que j’avale aussitôt. Mon absence laissera à la femme une excuse parfaite pour foutre le camp, et ça me fera bien des vacances ! Je n’aime plus autant les conflits que lorsque j’étais plus jeune. Dix ans auparavant, j’étais capable d’user mes victimes jusqu’à ce qu’elle me balancent un poing dans la gueule. Ce soir j’ai juste envie de tranquillité, loin des mondanités, de ce luxe qui pullule, et de ces hypocrites à perte de vue. Pourtant, je suis satisfait de lui avoir montré qui je suis vraiment, et l’incroyable capacité que j’ai développée avec ma double vie.
Moi qui connait parfaitement les lieux, pour les avoir fréquentés des centaines et des centaines de fois étant gamin, je connais forcément les bonnes planques ! Passant devant Henri avec l’air blasé, celui-ci me colle aux baskets pour me glisser quelques mots. « Vous avez laissé votre conquête, Natanael ? » Henri est le seul à avoir le droit de m’appeler par mon prénom. Cela ne lui donne pourtant pas le droit de se foutre de ma gueule… Enfin si. Il a le droit : ça en fait au moins un qui s’amuse. « Très drôle. J’ai bien cru qu’elle allait me mordre. » Il rit de bon coeur, me suivant toujours à la trace. Nous montons un étage, avant de nous retrouver devant un escalier de service. Henri sait très bien que c’est l’endroit que je préfère -après Notre-Dame- dans Paris : les toits vus des Champs Elysée. Je compte bien tenter de sauver ma soirée avec ce petit moment entre moi et moi.
« Si elle me cherche, dites-lui qu’elle n’aura qu’à essayer de me pousser avec ses bras de fillette. » Dis-je à mon chauffeur avant de disparaître dans la nuit. Je sais qu’il ne lui dira pas, mais ça m’a fait du bien de le dire.
Dehors il fait frais, et c’est particulièrement agréable -surtout avec quelques coupes de Champagne dans le nez. Je respire un grand coup, humant l’air frais de ma ville natale. Je déteste les parisiens, la pollution, le métro, le monde… Mais le charme de la ville ne me laisse que rarement indifférent.
Ce qui j’ignore, c’est qu’à ce moment précis où une forme étrange attire mon attention, un gentleman nommé Henri renseigne une jolie blonde sur l’endroit où je me trouve. Mais de quelle forme suis-je en train de parler ? Quelque chose est tapis dans un recoin du toit : quelque chose qui tremble. Je suis tout près, et mes yeux s’habituent doucement à l’obscurité.
« Qui es-tu ? » Dis-je à l’attention d’une petite fille, mordue par le froid. Elle s’est réfugiée dans un recoin du mur pour se protéger du vent, mais quelque chose me dit qu’elle n’est pas qu’une clandestine dans ce lieu. Sa robe me semble bien trop soyeuse pour une petite curieuse. « Elsa. » Me dit-elle avec sa petite voix d’enfant. Elle n’a pas plus de 10 ans, et pas une once de peur quand un parfait inconnu s’approche d’elle.
Je laisse un silence s’installer, juste le temps de chercher mes mots pour ne pas trop la brusquer. « Qu’est-ce que tu fais sur le toit à une heure pareille, Elsa ? » Elle a les lèvres violettes. Ses grands yeux ronds sont à moitié masqués par une longue chevelure châtain, bouclée. « Mes parents me laissent toujours seule. »
Quand je disais qu’il fallait beaucoup d’émotion pour me surprendre, j’avais raison. Mais ce qu’il faut aussi savoir, c’est qu’il me faut une grande dose de surprise pour m’émouvoir. Et la surprise de trouver cette petite fille sur le toit, ayant des paroles aussi dures envers ses parents… fait manquer un battement à mon coeur. Moi, avec des cheveux longs et 30 ans de moins. « Tu voudrais pas être seule avec un manteau sur le dos ? » Fais-je en retirant ma veste pour la déposer sur ses épaules -ce qui a pour résultat de lui faire une cape à 1000 euros, rien que ça.
Je n’ai pas senti la présence nouvelle de quelqu’un derrière moi. La petite fille se relève pour se blottir dans ma veste, avec un petit sourire satisfait. « J’espère que mon amoureux sera comme toi, quand je serais grande. » Habituellement, j’aurais ris. Habituellement, oui, mais pas ce soir. « Je n'en serais pas si sûr à ta place... » Je ne peux m'empêcher de me remémorer les nombreuses nuits passées en solitaire sur ce toit, à espérer -en vain- que quelqu’un vienne me chercher. Juste une fois, j’aurais aimé que quelqu’un vienne me mettre sa veste sur les épaules, en me demandant mon prénom.
Et puis après j’ai grandi, je me suis pris au jeu de me faire la malle quand la politesse aurait voulu que je fasse pot de fleur dans une soirée.
Petit, je n’avais jamais été essentiel, alors pourquoi maintenant ? J’adresse un sourire de compassion à la petite fille, m’essayant à quelques mètres pour être là. Juste être là. Et il semblerait que le geste lui plaise, puisqu’elle vient se lover dans mes bras, prête à avoir ce réconfort qu’elle semblait attendre depuis longtemps. Peu de temps se passe, qui semble durer des heures, pourtant… Le souffle de la gamine ralentit : elle s’est endormie, comme apaisée et heureuse que je me sois intéressé à elle.
C’est à ce moment-là, et seulement à ce moment-là que je réalise qu’Abigaëlle est là. Je ne sursaute pas, gardant ma main délicatement posée sur la tête de la petite. Mon regard croise le sien. Je ne suis pas vraiment prêt à interpréter ce qu’elle pense en ce moment, vraiment pas.
« Pour certaines, la soirée est pire que la notre. » Dis-je simplement en chuchotant pour ne pas risquer de la réveiller.
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Sujet: Re: Trust Each Other :: Nate 1/5/2016, 15:54
Trust Each Other Natanael & Abigaëlle
C’était sûr, quoi qu’il allait faire, Abigaëlle allait lui en vouloir. Parce que c’était bien plus facile de reporter la faute sur Nate que d’accepter sa part de responsabilité dans cette histoire. Après tout elle était juste venue lui rendre visite au passage, et voilà où ils en étaient ! A devoir se supporter l’un et l’autre devant une foule de gens de la haute société, empêtrés dans leur situation et les mensonges qui commençaient peu à peu à se dévoiler les uns et les autres. Une chose était sûre, elle ne lui pardonnerait pas de sitôt de l’avoir embrassé sans la prévenir ! Elle était quoi ? Un moyen de plus de faire pression sur sa mère ? Une distraction ? Une tentative pour faire jaser les rumeurs ? Le simple fait d’avoir été utilisée la mettait hors d’elle et son regard ne manquait pas de le faire savoir à son accolyte. On pouvait soi-disant rire de tout, mais pas avec n’importe qui. Surtout pas d’elle.
Néanmoins, la fuite évidente de Natanael est perçue comme un soulagement envers elle. Elle se mordait l’intérieur de la joue depuis plusieurs secondes et craignais de s’en arracher la gencive tant qu’il n’avait pas tourné les talons. Poussant un soupir discret, elle baissa les yeux en sentant ses muscles se détendre un peu plus. Au moins il n’avait pas fait d’esclandre… Surprenant, elle était persuadé qu’il ne se gênerait pas. Mais ici il avait une image et un nom à tenir, elle beaucoup moins. On n’était pas au zoo, les pieds dans les bottes et les vestes trop larges de soigneur sur le épaules. On était face à ceux qui régissent le monde à leur image, mieux valait donc donner le meilleur aperçu de soit même. En un sens, partir avait été la meilleure décision qu’il ait put prendre depuis le début de cette catastrophique soirée.
« Tu crois que je lui ai fait peur ? » Lui demanda son père, une main toujours sur son bras et le visage soudain soucieux. Ils ne se parlaient pas souvent, pourtant il se comportait avec elle comme si elle était toujours présente dans sa vie. Elle ne pouvait pas lui en vouloir de tenter de se rapprocher, elle aurait juste souhaité que cela se fasse bien plus tôt sans doute… Aby lui adresse un sourire un peu nostalgique, rassurant néanmoins, en secouant la tête de droie à gauche.
« Nate n’est… Pas facilement impressionnable. Tu l’as… Surpris. »
Et elle aussi, indéniablement. Elle refuse à nouveau la coupe de champagne qu’on lui tend, se contentant de balayer la pièce du regard. Tous ces yeux qui font mine de ne rien avoir vu, blablatant sans doute déjà de leur petite idée sur leur discussion. Nate était le deuxième point important de la soirée, avec sa mère ; un type comme lui qui déguerpissait après avoir embrassé une parfaite inconnue devant tout le monde, ça sentait l’histoire croustillante à plein nez ! Heureusement, la présence d’Anatole maintenait les petites vipères et autres harpies à distance respectable de la jeune femme. Profitant de ce moment de pause, Abigaëlle fini par songer sérieusement, très, à partir d’ici. Après tout, elle n’avait rien à y faire. Elle préférait mille fois être de retour chez elle et se laisser aller dans son lit en espérant effacer cette soirée détestable. De toute façon, il était clair qu’elle n’adresserait plus la parole à Natanael, où que ce soit, même en situation forcée. Niet. Nada. Jamais.
Prenant congé de son père, elle se dirigea vers la sortie en poussant un nouveau soupir de soulagement. Tandis qu’elle franchissait la première salle, elle croisa Julia Maxwell qui revenait dans l’autre sens. Celle-ci la toisa avec tellement de dédain sur la figure qu’Aby prit un malin plaisir à incliner légèrement la tête et à lui adresser un grand sourire. Elle voulait quoi, une courbette et des yeux baissés ? Elle pouvait rêver. Ployer la nuque n’était vraiment pas son genre, rester incognito oui, mais sûrement pas se laisser dominer par qui que ce soit. La femme s’arrêta quelques instants, pinçant les lèvres comme si elle venait de relever une erreur ou une faute de goût. Perdu, la blonde savait qu’il n’y avait aucune erreur dans sa tenue. Juste dans sa présence, sans doute… « Mon fils n’aura de cesse de faire de surprenants caprices. » Un petit rire narquois échappa à Mme Maxwell avait qu’elle ne reprenne sa route. Le message était clair : elle l’avait non seulement à l’œil, mais en plus, elle ne représentait absolument pas un danger pour qui que ce soit. Tant mieux, elle n’allait pas se faire prier pour leur faire comprendre qu’elle n’avait rien à faire de leur monde et de leurs idées ! La tranquillité, rien ne valait mieux que la tranquillité.
En sortant, elle croisa la route du valet qui avait attendu Nate… Comment il s’appelait déjà ? Hervé ? André ? Ah non, Henri. C’était ça, Henri. L’ombre qui collait aux baskets de son collègue et qui n’était pas du genre à le laisser partir sans… Ah moins d’une obligation de… ? Non. Son collègue était parti, c’était évident. Il avait pris la poudre d’escampette et s’était tiré loin de tout ce grand cirque. Frissonnant sous la fraîcheur de la nuit, Abygaëlle chercha de quoi pouvoir prendre un taxi avant de se rappeler qu’à part son portable et ses papiers, elle n’avait strictement rien sur elle. Comble de la bonne nouvelle, l’intégralité de son sac et de ses affaires étaient restés à l’appartement. Superbe. Vraiment superbe. Cette soirée était vraiment, mais vraiment… Elle pesta envers elle-même et son imbécillité, envers cet idiot qui l’avait planté là, envers le monde entier et son foutu karma qui ne semblait pas décider à lui foutre la paix !
Henri toussota derrière elle alors que, les poings sur les hanches, elle se mordant les lèvres en cherchant par quel moyen elle pouvait rentrer : vendre ses chaussures pour se payer un taxi, peut-être ? Nouveau raclement de gorge pour qu’elle tourne enfin la tête. Quoi, qu’est-ce qu’il lui voulait celui-là encore ? Ça ne lui suffisait pas ? Il n’en avait pas assez vu ? Il voulait encore qu’elle se ridiculise ?! « Mademoiselle devrait prendre un peu de… hauteur, pour retrouver ses esprits. » Je t’en ficherais de la hauteur, elle était suffisamment haut perchée avec ces chaussures ! D’ailleurs pour la peine, elle les retira et poussa un nouveau soupir de satisfaction. Faisant quelques pas sur le trottoir encore chaud de la journée, elle finit par lever les yeux au ciel en voyant qu’Henri ne la lâchait pas du regard.
« Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? J’ai l’air stupide, je sais, merci. »
Comme n’importe quelle fille qui se serait fait poser un lapin par un mec, en soit. Sauf qu’Abigaëlle n’avait plus vraiment l’âge de se faire poser des lapins ou de se mettre à pleurer. Elle voulait retourner chez elle, c’était trop difficile à avoir ?
« Vous le feriez, vous, de partir comme ça sans dire au revoir ? J’ai jamais rien compris à ces comportements… Arrêtez de me regarder comme si j’étais débile, N… d’autres le font très bien pour vous. »
L’homme secoua la tête avant de désigner du menton une porte en face de sa position. « Prenez de la hauteur, mademoiselle. Vous y verrez plus clair. » Mais c’est qu’il commençait à lui courir sur le haricot ! Pourtant, elle se permit un petit instant de réflexion. Pourquoi il lui répétait un truc aussi idiot ? C’était quoi ça, le valet qui lance des phrases philosophiques ça n’arrive que dans les films ! Pourtant, n’ayant rien à perdre de toute manière, elle remonta les marches de l’immeuble particulier et abaissa la poignée. S’il se moquait d’elle, ça allait barder ! Tombant sur un escalier extérieur, Gaëlle y grimpa en tenant toujours ses chaussures dans sa main. L’air était frais mais l’adrénaline de la curiosité lui permettait, pour l’instant, de ne pas se retrouver entièrement gelée.
Une escalade jusqu’au toit. C’est en tout cas ce qu’elle comprit quand elle franchit la seconde porte et découvrit une vue de Paris by Night. Le vent soufflait un peu plus fort, pourtant son regard balaya tranquillement les immeubles et autres lumières émanant des Champs Elysées… Elle n’était jamais montée aussi haut pour pouvoir admirer ça. L’arc de Triomphe brillait sous les projecteur et si on suivait l’allée, elle devinait sans mal la dame de fer au bout de la course. C’était plus calme que ce qu’elle aurait pensé, plus tranquille aussi. Plus… Intime comme ambiance. Et ce fut comme si toute la colère qu’elle avait accumulée depuis le début de la soirée s’était soudain retirée de ses épaules, la laissant respirer plus convenablement et calmement. S’apaiser. Se calmer.
Et enfin remarquer la silhouette de Natanael un peu plus loin. Le jeune homme ne portait plus que sa chemise sur les épaules pourtant elle l’aurait reconnu entre mille sans trop savoir pourquoi. Il était donc parti se planquer ici, ce fourbe ? Abigaëlle eut envie de crier en le voyant. De l’engueuler. De le houspiller. De tout faire pour lui montrer à quel point il devrait avoir honte de l’abandonner dans un endroit pareil après l’avoir faite venir de force… Mais elle ne dit rien de tout cela. Aucun mot ne franchit la barrière de ses lèvres, même quand elle s’approcha à sa hauteur. « Pour certaines, la soirée est pire que la notre. » Ce n’était pas facile de faire pire, mais elle n’était pas défaitiste au point de croire qu’ils avaient touchés le fond.
Calmée par l’ambiance qui régnait sur le toi, elle finit par s’asseoir non loin de lui sans le regarder. Elle lui en voulait encore pour tout ça, pour tout ce dans quoi il l’avait entraîné. Mais le voir ici avec une gamine sur les genoux en train de somnoler, ça donnait encore une image différente de lui. Combien de facettes possédait-il dans sa boîte à malice ? C’était à s’y perdre et s’emmêler les pinceaux. Elle releva l’un de ses genoux contre elle pour l’enserrer de ses bras, appuyant son menton dessus. Elle n’avait pas enterré la hache de guerre mais, au moins, elle ne la brandissait pas encore trop haute.
« Y’a toujours moyen de s’améliorer, même quand on est au plus bas. »
Fit remarquer Gaëlle en lui adressant un regard en coin. Son collègue semblait être le roi des plans foireux ; elle se méfiait parfois de ses initiatives au zoo, là elle savait très bien qu’elle n’accepterait jamais plus une de ses idées. Surtout quand cette dernière lui semblait particulièrement stupide. Ecouter son instinct ne lui avait pas si souvent fait défaut dans sa vie, une preuve de plus au compteur. Elle laissa le silence revenir, ne cherchant pas immédiatement à lui sauter à la gorge et son envie de partir réfrénée quelque peu pas la présence d’une gamine endormie. Elle avait prévu de l’obliger à la ramener chez lui mais finalement, ça pourrait bien attendre une ou deux minutes de plus.
« T’aurais pas du m’amener ici. » Reprocha-t-elle, avant d’ajouter : « Et j’aurais du te dire que… Enfin, non, j’aurais pas du te dire qui était mon père, puisque j’ai pas à te donner ce genre d’infos comme ça, on se connaît pas assez. C’est pas comme si j’avais caché mon nom de toute manière ! »
Mauvaise foi, le retour. Ou presque. Maladresse quand tu nous tient… Son ton se radoucit quand elle reprit la parole.
« … Enfin, tout ça pour dire que… C’était peut-être mieux quand on ignorait tout ça. Quand on… Quand je savais pas et que toi non plus. Quand t’étais juste… Nate, collègue, et rien de plus. Quand on n’avait rien à se dire en dehors. Quand on se croisait à peine la semaine. Mais on peut pas revenir en arrière, hein ? »
C’était tellement plus facile de se voiler la face quelque fois… Si simple de faire l’autruche et de refuser d’avancer. Mais c’était trop tard, n’est-ce pas ? Il était trop tard. Le temps ne se rattrapait jamais, et sûrement pas avec ce genre de premières impressions absolument indétrônables dans la mémoire. Nate et elle étaient fichés l’un envers l’autre pour le reste de leurs jours.
Elle prit une inspiration en détournant le regard, laissant le silence s’installer au cas où il voudrait dire quelque chose. Ses pupilles claires passaient d’un lampadaire à l’autre dans la rue plus bas, ou bien suivaient le trajet d’une voiture avant que celle-ci ne disparaisse à un angle de rue. Silence. Patience. Plusieurs minutes avant qu'elle ne se résolve à lâcher ses chaussures et la pochette afin d'être un peu plus à l'aise. Ses pieds retrouvèrent le sol tandis qu'elle entrelaçait ses doigts sur ses jambes.
« … C’est donc là que tu vas quand tu fuis les mondanités ? Jolie vue. »
Sujet: Re: Trust Each Other :: Nate 9/5/2016, 20:59
« Y’a toujours moyen de s’améliorer, même quand on est au plus bas. »
Il est parfois possible de voir le côté positif des choses, même quand on le pensait impossible. Et des fois, même les femmes arrivent à relativiser - ce qui a tendance à m’étonner grandement, surtout après avoir croisé le regard d’Aby quand j’ai quitté la salle de réception. Mais dans le fond, elle n’a pas tort. Je suis plutôt bien parti pour me rattraper, en tout cas de mon côté, avec cette petite qui ne demandait qu’à être rassurée.
Ma collègue s’est assise à quelques mètres seulement de moi, mais bon, je préfère me méfier et ne pas la regarder, des fois qu’elle ait envie de me sauter à la gorge pour se venger. On ne sait jamais.
« T’aurais pas du m’amener ici. » Je ne suis pas aussi sûr qu’elle. Finalement, on a tous les deux passé une mauvaise soirée… Mais on a appris des choses l’un sur l’autre, des choses non négligeables, qu’on aurait jamais pu se raconter sans cela. Alors, est-ce que c’est vraiment une mauvaise chose ? Et puis les regrets, c’est pour les faibles, tout le monde le sait. Je reste silencieux pour la laisser continuer.
« Et j’aurais du te dire que… Enfin, non, j’aurais pas du te dire qui était mon père, puisque j’ai pas à te donner ce genre d’infos comme ça, on se connaît pas assez. C’est pas comme si j’avais caché mon nom de toute manière ! » Rire pourrait aggraver la situation alors… Non, me taire c’est bien mieux. En plus la petite risquerait de se réveiller, je n’aimerais pas lui gâcher son innocente enfance avec des disputes sans importance. Mais je ne peux m’empêcher de réagir à sa dernière parole.
« Je ne t’ai jamais caché mon nom, moi non plus. » Au zoo, on m’appelle Blondel, tout le monde le sait ! Sauf que personne n’a fait le rapprochement. C’est comme des Dupont, ou des Garnier, on en trouve à foison et personne ne fait un foin si un des noms est porté par une célébrité.
Je resserre la petite contre moi, pour me réchauffer. Tout bien réfléchi, il ne fait pas aussi chaud que je le pensais. L’alcool commençant à redescendre un peu, j’ai plutôt intérêt à me méfier de la grippe. Quoi que, si la soirée finit mal, ça me laissera une semaine chez moi pour réfléchir à une façon d’éviter ma furie de collègue.
« … Enfin, tout ça pour dire que… C’était peut-être mieux quand on ignorait tout ça. Quand on… Quand je savais pas et que toi non plus. Quand t’étais juste… Nate, collègue, et rien de plus. Quand on n’avait rien à se dire en dehors. Quand on se croisait à peine la semaine. Mais on peut pas revenir en arrière, hein ? »
Les regrets, c’est pour les faibles, je le répète. Mais je ne réponds pas, enfin pas encore. Elle laisse le silence s’installer… Ou plutôt moi, de peur d’interrompre ses pensées, ou de dire quelque chose qui pourrait faire revenir les tensions. Elle se met un peu plus à l’aise, et j’ai comme l’impression qu’elle se plait à regarder les mêmes choses que moi. Le pourquoi du comment je viens ici me ressourcer depuis que j’ai 10 ans… Quand mes parents ne s’occupent pas de moi et que j’aimerais être quelqu’un d’autre.
« … C’est donc là que tu vas quand tu fuis les mondanités ? Jolie vue. » Elle est la première à rompre le silence, ce qui n’est pas pour me déplaire, puisqu’elle valide mes pensées.
J’esquisse un sourire bref, tournant la tête pour croiser son regard. De la fumée blanche sort de son nez quand elle respire -il fait encore plus froid que je le pensais. « Celle ville est le plus bel endroit sur terre. Mais les parisiens ne le savent pas avant d’avoir mis les pieds ici. C’est pour ça que j’aime tant y aller : j’ai l’impression d’être le seul à pouvoir observer ça, et je me sens… bien. » Je donne un coup de tête pour désigner la Tour Eiffel, et tous les beaux bâtiments de Paris.
Encore un silence, plus pour la laisser penser à ce que j’ai dit qu’autre chose. Je commence à me les cailler sévère, mais c’est pas grave, je suis un peu apaisé par le lieu, et le fait que ma collègue se soit calmée. Et puis je me décide à lui répondre - mieux vaut tard que jamais.
« Ca changera quoi, de savoir tout ça sur nous ? En s'entendait bien avant ça. » Attention les yeux, le Nate raisonnable et adulte s’apprête à parler ! Chaud devant ! « Moi j’aime bien m’incruster chez toi, manger des pizzas comme des gros devant la télé, et boire des bières. » Fais-je simplement. Pourquoi est-ce que nos familles auraient un impact sur une… Amitié ? Je ne sais pas vraiment si c’est la relation que nous avons tous les deux, mais en tout cas j’aime les moments que nous passons ensemble depuis quelques semaines - même si ça m’arrache le crâne de le penser. « Pourquoi est-ce que la fortune et le nom de nos parents seraient un frein à ça ? Je suis le même mec. Si tu trouves que je suis un connard ce soir, est-ce que ça change vraiment du connard que tu connais au boulot ? » J’espère qu’elle réfléchira bien, parce que des crasses j’en fais dans ma vie de tous les jours, quand je ne suis pas le fils de mes parents.
Je suis coupé par l’arrivée d’Henri. Bien que très discret, je suis assez sur la défensive pour savoir repérer quand il arrive : il a ce pas assuré que je reconnais parmi des milliers. « J’en étais sûr. » Dit-il lorsqu’il aperçoit une petite chose blottie contre moi. « Tout le monde se presse pour la chercher. » En voilà une qui a de la chance. Gamin, je suis resté des heures seul avant que quelqu’un ne s’inquiète pour moi. Pas besoin d’échanger plus de mots, l’homme s’approche pour me la retirer. Je me relève en douceur pour ne pas risquer de la réveiller, et la confie à mon chauffeur. Il en profite pour me rendre la veste tant convoitée, et me laisse seul avec Abygaëlle. Je mets un peu de temps avant de reprendre la discussion.
« Je me fiche de ce que tu ne veux pas me dire. Je me fiche que tu aies des secrets. Je t’aime bien, toi, la soigneuse du zoo. Et crois-moi c’est pas de la tarte ! » Je me moque clairement de moi et mon antipathie. « Mais je t’aime bien parce que tu es entière, caractérielle, et sûre de toi. Pour moi le reste est sans importance. Tu pourrais être président de la république, ça ne changerait rien. J’aimerais toujours autant -voire plus- venir squatter chez toi et me servir comme à la maison. » Je suis resté debout, prêt à m’en aller. « Je comprendrai que tu ne veuilles plus me parler. Je suis peut-être un connard, mais parfois je sais être compréhensif. Et je sais aussi m’excuser quand je pense être allé trop loin. » Sur ce, je lui adresse un sourire sincère, puis tourne les talons pour m’en aller.