Un autre de ces rendez-vous barbants, démoralisants. Charlotte s'était vue obligée de retourner à l'hôpital, rien de mieux (pire) que de commencer la journée ainsi, avec un rendez-vous médical pour un truc qu'elle "abhorrait" plus que tout au monde. Sa prothèse. Elle lui rappelait tout ce qu'elle avait perdu, tout ce qui lui était désormais impossible -certes plus parce qu'elle les pensait impossibles. Sinon, elle tolérait sa ... différence -comment appeler cela autrement ?. L'acceptait, y voyait des avantages. Pas aujourd'hui cependant. Très certainement parce qu'elle avait dû sortir du lit deux heures plus tôt qu'elle ne l'aurait souhaité. Mais, bon, que pouvait-elle y faire ? Sa soeur avait fait tout son possible pour lui obtenir un rendez-vous le plus tôt possible, ça lui faisait mal au coeur de voir sa cadette grimacer lors de mouvements du quotidien. C'était gentil en soi, vraiment, alors elle s'y était résigné. Et, puis, elle commençait vraiment à être gênée par sa prothèse ; il fallait la régler à nouveau. Peut-être même discuter d'un nouveau modèle. Elle n'en savait rien et essayait souvent de ne pas trop y penser.
Charlotte poussa les portes qui menaient à la sorte de salle d'attente de son prothésiste, une salle d'attente de fortune, la fin d'un long couloir d'hôpital plus qu'autre chose. Au moins, ils n'étaient jamais dérangés par des va-et-vient de personnels, patients, visiteurs et cela était plutôt agréable. Il fallait l'admettre. C'était ce qu'il y avait de plus agréable lors de ses visites, le calme que cet endroit isolé, à l'écart de tout, procurait. Charlotte y retrouvait bien souvent son calme après l'agitation que passer par certains anciens services qu'elle avait occupé après l'accident laissait en elle. Inévitablement un amas de souvenirs remontaient à la surface, se trouvaient ravivés. L'adolescente était encore marquée par ce qui lui était arrivé, à l'évidence. Alors, il fallait qu'elle les repousse au fin fond de son esprit, qu'elle les refoule. À chaque fois. Pas le truc le plus agréable au monde. C'était ce qu'elle faisait à cet instant précis, laissant un soupir s'échapper de ses lèvres. Son téléphone s'était retrouvé dans ses mains, le bout de ses doigts blanchis par la pression qu'elle exerçait, les yeux vissés sur l'écran. C'était toujours une bonne distraction. Pendant deux minutes. Charlotte n'était pas très portée technologie, ça la gonflait rapidement. L'adolescente se stoppa quelques instants avant de reprendre ses pas, un des sièges était occupé. Il y avait quelqu'un d'autre.
Une autre fille, blonde, elle la gratifie à peine d'un regard. Lui adresse encore moins la parole, ce n'est pas très poli, elle le sait, mais Charlotte veut juste que ça soit terminé. Elle veut simplement en avoir terminé avec ce rendez-vous et sortir de l'hôpital afin de respirer l'air, pollué, parisien dont elle manque cruellement à cet instant. Char prend place le plus loin d'elle, pas tout à fait volontairement. Plus pas instinct, réflexe, qu'autre chose. La Parisienne jette un coup d'oeil vers ses pieds, pour s'assurer que sa prothèse n'est pas apparente et pousse un soupir de soulagement quand elle constate que c'est heureusement le cas. Peut-être un peu trop fort. Charlie tente un coup d'oeil vers l'inconnue, elle ne semble pas avoir entendu ou en avoir été gênée, thank god. L'adolescente ne peut s'empêcher de se demander ce qu'elle fait là, dans cette partie de l'hôpital, bien qu'elle se doute de la raison. Elle sait. Les yeux de l'inconnue se posent sur elle comme si elle avait senti le regard de l'adolescente sur elle. Charlotte lui décoche un simple sourire et détourne le regard, gênée. Le visage probablement rougi d’embarras. Elle n'est pas douée pour communiquer avec les autres. Ou se comporter en leur présence.