© @mariellepoupard

Ma chère France,

Tu es le pays de la liberté. Sur tes terres, tu apprends à tes  habitants à s'envoler où ils le souhaitent, à faire ce qu'ils veulent, à rêver, parfois trop, à profiter, parfois trop aussi, à hurler leur désaccord. Tu es le pays de l'égalité. Dans tes villes, nulle religion n'est obligatoire, les croyances sont multiples, parfois inexistantes, les droits sont les mêmes pour chaque âme, le droit de s'exprimer librement, le droit d'aimer qui l'on souhaite, le droit d'être humain. Tu es le pays de la fraternité. En dehors de tes frontières, tes voisins te voit peuplée d'un peuple uniforme, guidé d'une même pensée, un peuple solidaire et qui, le temps d'après une tragédie, est intouchable. Ma chère France, tu es le pays de la liberté, de l'égalité, de la fraternité, et tu as été attaquée.

Tu as été attaquée sauvagement, par des hommes qui n'en étaient pas, qui n'avaient ni âmes ni valeurs, qui se croient protégés derrière la caricature d'une religion qui n'est pas violente, qui ne l'a jamais été, et les corps s'étalent et tu comptes tes morts, France, meurtrie et blessée comme tu ne l'as plus été depuis tant de décennies. Tu as été attaquée lâchement, près d'un stade de football, dans une salle de concert, d'un bar, dans une rue, et, ma pauvre France, tu vacilles parce que tu sais que tu ne seras plus la même. Tu as été attaquée et tu en garderas des séquelles, tu vois déjà les regards en coin vers un homme à barbe, tu entends les chuchotements près des mosquées, tu frisonnes parce qu'une partie de ta population croit qu'il faut se barricader, s'enfermer dans tes propres murs, rejeter celui qui pourrait être un "autre".

Mais tu n'es pas seule, jolie France. Derrière tes pleurs et tes cris de terreur, tes frères brandissent tes couleurs, chantent ton hymne à la saveur si douloureusement particulière. Regarde-les, France, ils sont là.

Tu n'as jamais été seule, France. N'entends-tu pas les Français se mobiliser quand les balles s'enfonçaient dans ta chair et ton esprit ? Ne vois-tu pas ces portes grandes ouvertes, ces drapeaux, ces silences, ces bougies ? Quand tu vas mal, France, tu as été portée par tes habitants, qui adore te critiquer et qui ne te lâcherait pour rien au monde. C'est de ta faute - tu ne leur a jamais appris à se laisser faire, à s'incliner. Tu leur a appris à être entêtés et c'est ce qu'ils sont. Personne ne leur prendra leurs plaisirs, leurs enfants, leurs parents, leur liberté. Ils ne sont pas seuls, et toi non plus, France. Parce que si le voisin était attaqué à son tour, tu brandirais à ton tour son drapeau et tu chanterais son hymne. Toi non plus, tu n'as jamais appris à être soumise, n'est-ce pas ?

Tu es le pays de la liberté, de l'égalité, de la fraternité. Et tu sais que tu vas en connaître d'autre, des matins dans le brouillard, des nuits de panique. Tu pleures de rage et tu pleurs tes blessés et tes morts. Ceux qui voulaient ta mort ne t'ont jamais vue aussi vivante. Parce que crois-moi, ma chère France, ce n'est pas ça qui va te mettre à genoux.