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une livraison pour mademoiselle verdier, maribelle. t'as pas eu l'air con, quand t'as ouvert au livreur. t'as pas eu l'air con quand il t'a demandé où est-ce qu'il déposait ta commande. t'avais oublié, toi. tu ne voulais plus y penser, toi. il faut dire aussi que tu as eu d'autres préoccupations entre temps. ton accident, ton séjour à l'hôpital, les rendez-vous médicaux qui ont suivi, ton adaptation à ta nouvelle condition. t'as pas eu le temps de penser à cette commande que tu avais passé, quelques jours avant que tu ne finisses clouée dans ce maudit fauteuil. t'as été tellement surprise que tu n'as même pas trouvé les mots pour envoyer balader le livreur. et ce n'est pas dans tes habitudes, que l'on s'entende. depuis ce matin, tu te demandes bien ce que tu vas pouvoir faire de ces cartons. t'es toute seule chez toi et t'es plantée là, à les fixer comme s'ils contenaient la plus grande menace que le monde ait jamais affronté jusqu'aujourd'hui. tu ne les as pas ouvert, tu ne sais que trop bien ce qu'il y a dedans. après tout, c'est toi qui a passé la commande sur ce site américain. les meilleurs produits du marché, d'une qualité que tu n'aurais pas pu trouver en france. tu t'étais renseignée, t'avais cherché méticuleusement, t'avais mené une enquête approfondie pour ne pas te planter. tu savais ce que tu voulais avant. t'as passé un temps fou, silencieuse, à observer d'un œil vide ta commande. jusqu'à ce que tu te décides enfin à dégainer ton smartphone. t'as trouvé son prénom dans ton répertoire et t'as écrit un message. rapplique, c'est urgent. tout dans la délicatesse. comme d'habitude. t'abandonnes ton téléphone sur la table basse. tu ne veux pas savoir s'il va te répondre, tu ne veux même pas savoir s'il acceptera ou non. tu ne sais pas s'il est occupé et t'en as rien à faire, pour être tout à fait honnête. tu reprends ta position initiale, face à ces foutus cartons. et tu continues à les observer comme s'ils étaient une menace. t'auras même pas pris le temps de manger, bien trop obnubilée par la présence de ta commande dans l'entrée. tu as perdu la notion du temps, tu ne sais pas vraiment combien de temps tu es restée plantée là à les regarder comme s'ils étaient les jouets du diable en personne. tout ce que tu sais, c'est que tu commences à avoir faim et que s'il ne rapplique pas le plus vite possible, tu le mangeras pour lui faire payer de t'avoir fait autant attendre. c'est sur cette pensée que tu entends que l'on sonne à la porte d'entrée. et ben c'est pas trop tôt. que tu pestes en te détournant de ta hantise pour rouler jusqu'à ta destination. dans ta précipitation, tu manques de te payer le mur et tu lèves les yeux au ciel tellement tu te trouves pathétique en cet instant. t'ouvres la porte, presque à la volée, et, sans te soucier de savoir s'il s'agit bien de la personne que tu attends, tu enclenches la première. j'ai failli t'attendre tiens. t'as joué trois matchs et fait quatre fois le tour du périph avant de venir ou comment ça s'passe ? jouer la carte de l'amabilité n'a jamais vraiment été ton fort. caractère à la con. tu croises enfin son regard et tu penches la tête sur le côté. j'ai besoin d'toi, faut qu'tu m'rendes un service et j'savais pas qui d'autre appeler. haussement d'épaules de ta part, tu fait demi tour avec ton fauteuil encombrant et t'enfonces à l'intérieure de la demeure familiale, comptant sur le fait qu'il te suive, bien évidemment.