Sujet: Can you save my heavydirtysoul ~ 21/4/2017, 23:46
COLTON & MARIA - LUISA
Tu nous entend l'blizzard, tu nous entend ? Si tu nous entend, va t'faire enculer...
Tout ton être tremblait alors que tu avançais trop doucement sur le carelage blanc, froid, impersonnel de l'hôpital. Tu te sentais, étrangère, jugée. Tu n'étais pas à ta place dans ce monde aseptisé, toi l'artiste qui imprimais de milles couleurs chacun de tes passages quelque part. Ce n'est que la pression sur ton bras caramel d'une vieille dame rayonnante, aux cheveux noirs et bouclés si semblables aux tiens, à cette stature de danseuse d'un autre temps, qui te rappela le motif de ta présence dans ce couloir. Ta ligne verte. King avait raison. Les infirmiers et autres aides soignants traversaient le corridor comme si vous étiez invisibles. Oh vous l'étiez. Deux inconnues de plus à marquer de leurs souffles ce temple du destin qu'était la clinique. Le sang battait à tes oreilles, et toi, sourde, privée de sens, tu coulais presque. « Maria ? Tu as pensé à nourrir le Chat avant de quitter l'appartement ? » Tes yeux se perdent dans les étagères de seringues. Ça recommence. Une boule de panique te serre le ventre. Le Chat, c'était votre animal de compagnie lorsque tu avais onze ans. Une vieille bestiole des rues aux vibrisses immenses, une vieille carcasse rouillée et amaigrie, qui n'avait jamais répondu à d'autre patronymes que le Chat. Ta mère avait été tellement fière de te l'offrir pour ton anniversaire... Il était mort, il y a cinq ans. Écrasé par une voiture, la fin commune d'un animal dans votre département insalubre de lumières insoupçonnées. Vous n'en aviez plus jamais eu après. Tu avais cherché à comprendre. Tu avais trouvé, compris. Alzhameir précoce. Ça avait commencé avec de petits oublis, de ceux qui font rires dans ces moments de douce complicité. La page d'un vieux livre de Beaudelaire, le côté chaud du robinet, les jours de la semaine, le nom du voisin... Ça allait crescendo, l'horreur n'était qu'exponentielle. Tu ne t'étais pas inquiétée au début, rassurée par les appels neutres de la maison de quartier pour retraités de ta mère, mais depuis quelques semaines, Elena Delgado ne reconnaissait plus le personnel. Les résultats des analyses étaient tombés, sans concession. Alzhameir précoce. À peine une soixantaine d'années et déjà classée sénile par cette masse grouillante d'échardes pavée de bonnes intentions qu'était la société. Malade. Morte et enterrée tant que vous y étiez. « Maria, ma chérie, la salle d'attente est ici. » Ton regard émeraude croisa celui irisé de noir de ta génitrice. Comment ? Était - ce possible qu'elle soit réellement atteinte ? Elle semblait si... normale, à se rappeler des choses insignifiantes comme le numéro de la salle d'attente ou le dernier épisode d'une vieille série portugaise. La femme que tu aimais depuis le début de ta vie, ton étoile, ta galaxie, ta muse. Différente ? Merde. La boule dans ton bas ventre se resserre de plus en plus. Tu es livide. « Niña, tu vas bien ma chérie ? Tu es un peu pâle, il faut manger ! » Son ton mi amusé - mi sérieux, cette habitude entre vous deux, ces jours heureux coulés entre deux insultes à l'étage du dessus. Tu donnerais tout pour revenir quelques années en arrière, insouciante jeunesse payée au plus fort. Toi, t'étais terrifiée. Inexorablement paralysée par l'idée d'un futur hypothétique, non idyllique. Quand elle t'oubliera toi aussi... Quand elle ne se rappellera plus de sa fille, de toi et de ton rire à faire sourire les vivants. Parce que tu savais que ça allait arriver, cette perte complète du contrôle, cet abandon des souvenirs, de la mémoire, de l'identité. Qui es - tu ? « Le Chat a mangé... Et je vais bien, t'inquiètes pas. Et je mange, regarde, j'ai de grosses joues ! » Tu ris, tu t'accroche à cette planche de salut. Tes joues sont creuses, tout n'est que façades et canulars, mais tu joues le jeu, comédienne sans filet pour te retenir, sans applaudissements du public à la fin de la représentation. Sans la brusquer, tu assois ta mère sur un fauteuil. Dieu merci, elle sait qu'elle va chez le médecin, mais le motif est flou. Toi, tu ne te sens pas le courage de lui dire, tu te sens trop faible et fatiguée, dépassée, désabusée, déstabilisée. Soufflant pour évacuer la pression, tu attrapes un magasine, digne miroir de ta mère et le feuillette sans grande envie. Tu ne te sens pas à ta place, stressée comme si c'était à toi de passer l'examen. La porte s'ouvre, un couple de petits vieux s'égare dans la salle. Eux au moins, ils ont l'âge pour cette maladie. Tu te lèves et attrape ta mère par la main, la faisant passer directement dans le bureau du neurochirurgien, sans un regard pour le médecin. Tu baisses la tête, honteuse, qu'on en finisse. La porte se ferme, tu respires un grand coup. « Docteur...Dumerle ? Je suis Maria - Luisa, la fille d'Elena Delgado. » Alzhameir précoce, ça sort pas la barrière de tes lèvres, tes dents déchirent les mots. « Je...On est là... pour... pour... » Tu bégayes, tu hésites. Tes pupilles vertes se lèvent et croisent pour la première fois celles brunes, or liquide, de l'homme qui te fait face. « Bonjour... » Aidez nous s'il vous plaît.
@Colton Dumerle
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Sujet: Re: Can you save my heavydirtysoul ~ 23/4/2017, 17:34
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Can you save my heavydirtysoul
Maria - Luisa et Colton.
Emergency call. C'est ce que son portable personnel a affiché au beau milieu de la nuit en vibrant frénétiquement sur sa table de chevet. Les yeux nuancés du chirurgien ont mis quelques secondes à s'adapter à l'éclairage, bien que réduit, de son mobile et il a sauté de son lit l'instant suivant. Il n'est pas de garde cette nuit-là, mais en l’occurrence il est titulaire d'un métier qui s'offre quelques écarts sur ce point. En une vingtaine de minutes, il quittait son appartement du dix-huitième pour gagner d'un bon pas sa voiture et se mettre à rouler un peu trop vite dans les périphéries. Il est passé quatre heures, les premiers habitants de la capitale commencent à sortir dans une petite demie-heure pour les plus matinaux. Cela lui laisse tout juste de quoi gagner le onzième, puis l'hôpital où il bosse. Un couinement de pneus le fait grimacer lorsqu'il entre dans le souterrain, et il monte sans plus tarder à l'accueil de la clinique. Les ambulanciers de nuit déambulent déjà avec des brancards, et lorsqu'il demande à en savoir un peu plus on lui dit simplement que voici ce qui se passe quand un bus en rencontre un autre à contre-sens sur l'autoroute. Une infirmière un peu paniquée qui passe par là lui tend sa blouse qu'il prend en laissant sa veste sur le dossier de la première chaise qui lui tombe sous la main. En trottinant, il passe auprès des blessés jusqu'à tomber sur un cas de dernière chance. Un cas pour qui il peut faire quelque chose. C'est un jeune garçon, surement d'une quinzaine d'années est touché à l'arrière de la tête et en vu de l'état de cette dernière c'est une chance qu'il ne soit pas resté sur le lieu de l'accident pour une autre équipe bien moins appréciée des familles. « On l'emmène au bloc, allez. » Si il ne sauve pas la vie de ce gosse maintenant, personne ne le fera à temps.
Neuf heures. L'heure où il est censé arriver à l'hôpital, et il sort seulement du bloc. Il faut dire que ce n'est pas tous les jours, fort heureusement par ailleurs, qu'un tel accident a lieu. Au moins, il est parvenu à sauver la vie de ce petit. Ces jours sont hors de danger, et c'est une belle récompense. La plus belle satisfaction qu'il puisse bien avoir. Le personnel commence à envahir les couloirs, les proches des patients aussi. Et si certains prennent dans leurs bras des chirurgiens, d'autres s'écroulent en larmes. De légers frissons désagréables parcourent son bras, et il se prend un café avant de partir souffler un peu. Sur le toit. Colton prend l'ascenseur, puis finit les derniers étages à pied. Le chemin peut paraître assez long, mais pour l'habitué qu'il est il ne s'en rend pas compte. Il passe ses journées à arpenter les couloirs de la clinique, ce n'est pas de se rendre au dernier étage qui lui fait bien peur. En arrivant devant la porte qui mène à l'extérieur, il sort un double des clés qu'il s'est procuré il y a quelques mois, puis ouvre la double porte vitrée et se glisse sur l'un des plus hauts toit de Paris. Pour accueillir l'hélicoptère des urgences, il faut de la place. Un vent frais ondule sur ses mains, et un peu de fumée s'échappe de sa boisson. Le brun s'avance jusqu'aux barrières qui délimitent le vide, et il s'appuie distraitement sur ces dernières. Il ne considérerait pas ce moment de silencieux ou reposant, mais c'est le premier instant depuis ce matin où il peut prendre cinq minutes pour respirer un bon coup. Il vient ici à chaque fois qu'il a besoin de décompresser un peu, de quitter la fourmilière pour rassembler ses idées. Et, aussi étrange et atypique que cela puisse paraître, être ici lui donne la sensation de se qui se rapproche le plus d'une bouffée d'air frais. Le grand air, on ne connaît pas trop dans les environs. Pas à moins d'une ou deux heures de route du moins.
Après un début de journée mouvementé et une longue pause de midi et deux, le chirurgien est à nouveau un dossier dans les mains entrain d'arpenter le véritable labyrinthe qu'est la clinique pour quiconque ne connaissant pas les lieux. Il déambule avec fluidité d'un endroit à un autre, jusqu'à regagner son bureau pour ses consultations. Avec un peu d'avance, il s'installe et prend en charge ses premières visites. Avant chacune d'entre elles, il se remet le cas du patient en tête avant de procéder. La durée de ces échanges varie d'une personne à une autre selon beaucoup de facteurs. Régulièrement, il reçoit des visages familiers qui viennent réaliser leur bilan suite à une intervention qu'il a lui-même réalisée. C'est toujours agréable de revoir des patients en pleine forme, ça fait du bien au moral. Les visites s'enchaînent, jusqu'à celle de madame Delgado. La femme est atteinte d'un Alzheimer précoce alors qu'elle approche la soixantaine. Une foutue maladie incurable, dont les causes sont toujours recherchées par des scientifiques qui dédient leur vie à ces recherches. Il se lève après avoir refermé le dossier, et va dans la salle d'attente pour prendre en charge sa patiente. Colton découvre qu'elle est accompagnée, une demoiselle avec qui la ressemblance est évidente, et il en déduit au premier coup qu'un lien de parenté fort les unies. Il les guide jusqu'à son bureau, referme posément la porte et retourne vers elles. « Moi même. Asseyez vous Maria - Luisa, vous aussi madame Delgado. » Un léger sourire passe en coup de vent sur les lèvres du chirurgien, qui vient s'asseoir en face. « Je sais pourquoi vous êtes ici. » Même aveugle, la voix hésitante de la plus jeune trahissait à quel point c'était difficile pour elle. Prononcer le nom, être ici, tout ce qui se rapportait au pourquoi du comment. Et c'est normal, ils sont humains. Finalement, elle releva ses yeux couleur absinthe vers lui et il lui offrit un léger sourire pour la rassurer. Il comprenait, elle n'était pas obligée de le prononcer tout haut. « Bonjour... » souffle t'il avec un léger retard, sa voix empreinte de la compassion qu'il peut bien ressentir à l'égard de ses patients. Ce n'est pas de la pitié non, loin de lui ce rapport avec ceux qu'il souhaite aider. Son attention se reporte sur la femme assise près de sa fille. « Madame Delgado. » Il marque une courte pause, puis reprend. « Savez vous pourquoi vous êtes ici ? » Même si il en doute, il veut s'assurer de partir sur le bon pied. Il le faut pour qu'il puisse les aider comme il le souhaite.