« Je te déteste. » Ses mots tournaient dans ma tête et j’aurai pu très bien lui courir après. Mais j’étais restée plantée là avec mon chien et mon gamin qui ne comprenait. J’avais eu mal en perdant Rémi. Je ne pourrais pas comparer la douleur mais j’étais de nouveau en miettes. Assise sur le rebord de la fenêtre, les mois avaient passé de nouveau. Je n’avais pas trouvé le courage de reprendre contact avec lui. De retourner le voir et de lui dire qu’au fond, je ressentais la même chose. Il devait surement être heureux avec Sandrine à l’heure qu’il est. A coucher avec toutes les filles, à passer entre leurs draps et leur donner des caresses que je n’aurai jamais. Je n’avais pas emmené Gaël à Disneyland. J’avais donné l’argent à quelqu’un qui le méritait plus que moi. L’assistant de ma mère. Nous étions toujours en contact. Ma mère. Cette femme froide qui ne méritait pas de vivre avec un homme tel que Stellan. Cette femme que je méprisai plus que tout. Elle m’avait quasiment poussée dans les bras de son mari et pourquoi au final ? Me laisser seule. Toute seule. Alors, je me levai pour aller rejoindre mon fils qui jouait avec Nana dans l’autre pièce. « Viens mon chéri, on va voir quelqu’un de spécial. » Il était temps. Temps que je revois cette femme et que je lui fasse comprendre de la chance qu’elle avait de vivre avec Stellan. Ça avait beau faire quoi ? Deux mois que je ne l’avais pas vu ? L’amour. Sentiment débile. Sans doute avait-il pris mon silence pour de l’indifférence ? Je n’en sais rien.

« Je t’aime. » La tête baissée, je regardai les stations de métro défiler jusqu’à l’appartement de ma mère. Je ne savais pas si Stellan vivait toujours avec elle. Mais après tout, dans les films des filles s’entretuent pour un mec. Ce qui était risible c’est que ça soit mère et fille. J’arrivai donc devant l’immeuble. Il était très riche. « On va voir qui ? » Je baissai la tête vers le petit garçon qui me fixait d’un air innocent. « Mamie. » Il n’en avait jamais entendu parler. Pour lui, sa grand-mère était la mienne. Il croyait que c’était ma mère. On me fit entrer dans l’immeuble et ce n’est ni Stellan, ni Sandrine qui ouvrit la porte. Mais son assistant. Il me fixa d’un air surpris. « Où est-elle ? » Ma voix était glaciale et il m’indiqua le salon. Ma mère était assise sur son canapé crème et me fixait d’un regard surpris. « Je pensais qu’après ton échec, tu serais repartie à Nice. » Je ne vis pas l’assistant composer un numéro de téléphone, j’étais trop obnubilée par ma mère. « Et tu m’amènes ton petit bâtard c’est mignon ? Tu n’as donc pas appris de mes erreurs Lucie. » Je me contentai de déglutir. J’étais plus faible que j’aurai voulu le croire. « Bonjour à toi aussi maman. » Notre voix était la même. Il aurait fallu être fou pour ne pas s’en rendre compte. « Tu pensais me voler mon mari ? Oui, je sais tout. Tu pensais qu’un homme comme lui pourrait t’aimer ? Stellan est à moi. » Je me contentai de la regarder, droite comme un –i tandis que mon fils vit le petit chien et partit jouer avec lui. « C’est un être humain, Sandrine. PAS UN… » Et clac ! La gifle partit. Je la pris pour fixer cette marâtre. Ce diable vêtu de Chanel. « Il est à moi. Va-t’en. Tu veux combien ? Il n’y a toujours que l’argent qui t’a intéressé. » Je pourrais aisément lui sauter à la gorge mais la douleur de la gifle était si vive que je me rendis compte en mettant la main sur ma joue que je pleurai. « Je ne veux pas de ton argent, je veux Stellan. Et je ne partirai pas d’ici tant que je ne l’aurai pas vu. MAMAN. » Elle reprit alors son air nonchalant pour s’asseoir sur son canapé et me fixer. « Très bien. Nous allons donc l’attendre. Qui va-t-il choisir ? La femme qui s’occupe de lui depuis une décennie ou une gamine qui s’est foutue de lui ? » Elle esquissa un sourire mauvais. Son assistant vint alors près de nous pour me tendre un mouchoir. Il me fit un clin d’œil. Je ne compris pas sur le coup. « Sauf que c’est toi qui m’as engagé Maman. Et ça Stellan ne le sait pas. Et moi je l’aime vraiment. Pas comme toi qui le considère comme un vulgaire objet. »

gold dust

I'm with the enemy in my bed when the voice in my head tells me I should treat myself better. I know you don’t mean to be mean

Déprimé, tu dois l'avouer, c'est le mot exact. Tu te sens déprimé. Triste et trahi, c'en est pathétique. Vivre avec Sandrine n'arrange rien, tu n'arrives pas à croire que mère et fille se soient toutes deux moquées de toi. Tu as épousé l'une d'elle, non pas par amour mais par pure bêtise, et tu es tombé amoureux de l'autre. Oui, pour couronner le tout, c'est glauque. Ton épouse prend un malin plaisir à te rappeler l'incident, mais tu ne lui réponds jamais. Tu as remis ton alliance, repris les cours, es retourné au laboratoire, et pas une fois tu ne t'es écarté de Sandrine. Ton infidélité légendaire, comme l'a dit Lucie, n'est plus d'actualité. A vrai dire, elle ne l'est plus depuis ta rencontre avec Lucie. Tu as pris la décision que c'était à elle de revenir vers toi si elle était sincère en te disant qu'elle t'aimait bien, mais évidemment tu avais vu juste: elle n'en a rien à faire. Au moins, cette fois-ci, tu retiendras la leçon. Tu retiendras que rien de bon ne t'es jamais arrivé sur le plan sentimental, et ne t'arriveras jamais. Tu retiendras que cela n'en vaut pas la peine. Ce n'est pas plus mal, tu ne te laisses plus distraire, travailles d'arrache pied, progresses. Ton métier a toujours été ta seule réussite, jamais tu n'aurais dû t'en écarter. Mieux vaut te contenter de ce que tu sais faire, une valeur sûre. Au bout de deux mois, tu n'attends plus rien de Lucie.

Aujourd'hui, incapable de passer une journée de plus en compagnie de Sandrine, tu sors te changer les idées. Tu ne sais pas trop où tu vas, tu déambules. Tu marches, ce qui n'est plus chose courante avec tes voitures et tes chauffeurs. Tu marches, tentant encore de te la sortir de la tête, énième vaine tentative. C'est tellement bête, les sentiments. Tellement insensé. Tu t'arrêtes uniquement lorsque ton téléphone sonne. Cool Yule, Louis Armstrong. Le numéro de l'assistant de Sandrine s'affiche, tu lèves les yeux au ciel et décroches. « Quoi ? » Ton ton est dur, c'est plus un aboiement qu'une question. Tu ne reçois aucune réponse, mais entends une voix lointaine. Deux voix, à vrai dire. Conversation entre Sandrine et Lucie, tu n'as aucune idée de quand la dernière date. Ton épouse est désobligeante, il fallait s'y attendre. Tu ne devrais pas, mais tu fais demi-tour. Tu retournes sur tes pas, ton téléphone collé à l'oreille, écoutant attentivement chaque mot qu'elles prononcent. Une gifle part, tu l'entends très clairement, elles ne vont quand même pas se battre ? Tu soupires en entendant Sandrine proposer de l'argent, mais la réponse te cloue sur place. « Je ne veux pas de ton argent, je veux Stellan. » La réponse de ton épouse te donne la réponse à sa propre question: tu ne la choisiras certainement pas elle. Un bip sonore t'apprend que l'assistant a raccroché, et tu lèves les yeux pour réaliser que tu es quasiment arrivé. Tu grimpes bientôt les marches, quatre à quatre, et ouvres la porte à la volée. Pénétrant dans le salon, tu te retrouves face à elles. C'est pour le moins étrange. « Parfait, te voilà. » Mielleuse, elle se lève avec un sourire on ne peut plus faux. « Tais-toi, Sandrine, pour une fois. » Tu la regardes à peine. « J'ai entendu. Tout. Il m'a appelé. » Tu désignes l'assistant d'un signe de tête. C'est à peine à cet instant que tu commences à reprendre ton souffle suite à ta course dans les escaliers. Tu les regardes l'une après l'autre, mais ton regard s'arrête sur Lucie. « Tu es venue, finalement. »

On se fait face. Même taille. Même yeux bleus. Sauf que ses cheveux sont entièrement blancs et les miens blonds comme les blés. Gaël nous fixe tour à tour sans comprendre. Alors il reconnait le petit chien, l’attrape et va dans la pièce annexe. La main de ma mère vole dans les airs pour atterrir sur ma joue. Un bruit sonore tandis que l’assistant en laisse tomber son téléphone. Je me tourne vers lui pour lui faire les gros yeux. « Allez-vous en, lançai-je d’une voix qui tremblait sous l’émotion. » Puis elle s’approche de moi pour me forcer à m’asseoir dans un fauteuil et attendre que son mari revienne. Nous nous fixions du regard comme deux panthères prêtes à se bondir dessus tandis que la porte d’entrée claque. Un bruit de pas étouffé parvint à mes oreilles tandis que Sandrine sourit à son époux. Je grogne tandis que mes mains s’enfoncent dans l’accoudoir. Gaël alerté par le nouvel arrivant arrive avec le petit chien dans les bras. « ‘Lan, dit-il avant d’aller vers l’homme pour lui rendre son petit chien. Il est gentil ton petit chien. Mais la dame, elle est méchante. Elle a tapé maman. » Je fixe mon fils en même temps que ma mère. Cette dernière ouvre alors la bouche mais Stellan la fait taire. Son ton est sec. « Désolée si je suis un peu longue. Je suis blonde. » Alors Sandrine s’énerve. Je la reconnais bien là. « Non mais tu ne vas pas partir avec elle, siffla-t-elle dans ses dents. » A l’heure actuelle, elle me fait penser à un serpent. Un cobra qui danse prête à mordre.

Je me lève et elle m’imite pour s’approcher de moi. « Je te prendrai tout Stellan, dit-elle en roucoulant. Ton argent, ton nom, tout. » J’éclate alors de rire pour croiser les bras sur ma poitrine. Elle n’en fera rien. Je le sais, elle le sait. Elle bluffe mais sans doute Stellan l’ignore-t-il ? Je fais la navette entre eux pour soupirer. « Elle fera que dalle, n’est-ce pas Maman ? Parce que si tu divorces et que tu dis qu’il t’a été infidèle. Il faudra des preuves. » Je m’approche suffisamment d’elle. « Et tu n’as rien comme preuve. J’ai tout détruit. » Puis, je prends doucement la main de l’homme que j’aime dans la mienne. « Et j’annoncerai que je suis ta fille. Mamie appuiera mes déclarations. Bref, je te briserai. » Douce et gentille Lucie qui face à sa mère décide de mordre aussi. « Je me battrai, déclare-t-elle. » Je me détache alors de Stellan pour retirer mes bagues, mon bracelet. « Moi aussi. » Et sans crier gare, elle se jette sur moi pour me tirer les cheveux. Je lui colle un coup de poing et elle finit à terre. « Tu dois choisir Stellan, dit-elle au slave, elle ou moi ? Maintenant. » Et en lui démontrant ce que je viens de faire, je doute qu’il me choisisse. Elle avait raison. J’étais comme elle. « Elle l’a insulté de batard. Je suis désolée mais quand il s’agit de mon fils, je ne réponds plus de rien. Je te dirai bien de me choisir mais je ne suis pas comme elle. Je n’ai pas de fortune. Je n’ai même pas de toit, ni de boulot. Juste, je t’aime. Et autre chose. » Gaël vint me rejoindre toujours avec le petit chien dans les bras. Je me mets à sa hauteur pour passer une main dans ses cheveux. « Tu veux bien donner à Stellan ce que j’ai mis dans ta poche toute à l’heure ? Murmurai-je à son oreille. » Il me glisse le chihuahua dans la main avant d’aller face au grand brun et lui tend un morceau de papier. En carton. Avec une tête de Mickey dessus. « Moi j’veux que tu viennes à Mickey avec nous, dit-il d’une voix mal assuré. S’il te plait. »