Bonnet enfoncé jusqu’aux yeux, écharpe enroulée au moins trois fois autour du cou, je cachais ma sale mine avec tous les accessoires possibles. Merde, j’avais même mis du maquillage pour cacher mes cernes. Je piquais du nez sur ma feuille, seul mon poing serré sur ma tempe m’empêchait de tomber sur mon bureau et de
dormir.
« Tu as une mine affreuse. » Je relevais la tête vers mon interlocutrice et posais mon regard sur une Candice rayonnante, comme d’habitude.
« Ça fait toujours plaisir, merci. » retorquais-je d’une voix rauque, comme si je n’avais pas dormi depuis trois semaines et que je venais de m’enfiler huit paquets de clopes d’affilé. Ce qui n’était pas si loin de la vérité tout compte fait. Il manquait juste un élément assez important que je n’étais pas encore prêt à aborder.
« Tu t’es envoyé en l’air toute la nuit ou quoi ? » Je riais jaune. Je ne m’étais pas envoyé en l’air depuis si longtemps que j’avais presque oublié comment on fait. Presque un mois ! C’était impensable. C’est comme si une force supérieure avait switché ma vie avec quelqu’un de déprimant. Mais qu’est-ce que j’avais bien fait pour mériter ça ?
« C’est exactement ça ! » répondais-je tout de même, essayant de me montrer le plus convainquant possible. Mais ce petit sursaut de sourcil que je voyais sur son visage m’indiquait qu’elle n’en croyait pas un mot. Je ne me serais pas cru non plus à sa place. Mais elle avait l’élégance de ne pas renchérir. Elle savait bien que je lui dirais la vérité en temps voulu.
« Je venais seulement te prévenir que la réunion commençait dans un quart d’heure. Ça te laisse le temps de faire une micro-sieste. » Elle terminait sur un clin d’œil et je m’effondrais sur mon bureau. Une micro-sieste, le rêve !
Je m’octroyais un repos de dix minutes et passais les cinq prochaines à enchaîner des shots de cafés très serrés. Les quelques collègues que je croisais en salle de pause me regardaient comme si j’étais fou. Non pas que c’était si anormal pour moi de me droguer comme ça. Mais il y avait quelque chose de différent et tout le monde s’en rendait compte. Mon seul avantage en ce moment, c’était que j’étais bon dans ce que je faisais et dévoué à mon travail. Fatigué, malade, fracassé par une gueule de bois, j’arrivais toujours à faire ce qu’on me demandait. La réunion se déroulait comme d’habitude, mes idées étaient entendues et approuvées, mes premières esquisses aussi. C’était comme si l’Ulrich que tout le monde connaissait était de retour. Le temps de la réunion en tout cas. Parce que lorsque tout le monde s’organisait pour décider de l’endroit où aller déjeuner, je me faufilais hors du groupe pour retourner pioncer tranquillement à mon bureau. En me réveillant un peu plus tard, je découvrais un sandwich et un café immense posés à côté de ma tête, un post-it collé sur le tout : « Mange un peu quand même. – C. ». Malgré toute la merde qui s’accumulait depuis plusieurs semaines, j’avais la chance d’avoir la meilleure des collègues. Il fallait que je me rattrape. Bientôt.
***
« Je te déteste. Je te jure que je te déteste. » Je posais un regard dur sur la petite chose que je tenais entre mes mains. Sauf qu’après une petite moue, ma révélation était accueillie par un immense sourire dont seuls les bébés ont le secret.
« Bon d’accord j’avoue, c’est pas vrai. » Voilà qu’elle rigolait maintenant. A peine quelques mois, et elle se moquait déjà de moi. Elle démarrait bien dans la vie cette petite. Je la serrais doucement contre moi, caressant sa petite tête chevelue en regardant la pluie tomber par la fenêtre. J’adorais Paris sous la pluie. J’avais envie d’attraper ma veste et d’aller me balader dans le Marais toute la soirée. Mais à cause de cette petite chose contre moi, j’étais bloqué ici. C’était comme ça depuis plus d’un mois. Et ce serait certainement comme ça pendant les dix-huit prochaines années.
« Plus jamais je coucherai avec une femme. Elles sont trop dangereuses avec leurs vagins féconds. » Au moins avec les mecs, je ne risquais pas un jour de voir débarquer l’un d’entre eux à ma porte, un bébé entre les mains. Ou alors j’avais mal suivi mes cours de SVT au collège.
Quoi qu’en y repensant, je ne savais même pas si j’aurais un jour l’occasion de ressortir lever de la belette. Je ne pouvais pas laisser Elle seule chez moi. Et j’avais une voisine adorable qui se faisait un plaisir de la garder la journée, mais je ne pouvais pas lui demander en plus de s’en occuper la soirée le temps que j’aille baiser. Elle était cool, mais quand même. Fallait pas abuser non plus. Je ne la remercierai jamais assez pour toute l’aide qu’elle m’avait apporté jusqu’à maintenant. Depuis que j’avais débarqué à Paris, il y a maintenant dix ans de ça (que le temps passe vite), elle avait été comme une seconde mère pour moi. Peut-être même une première, celle qui porte normalement ce titre n’ayant jamais été très maternelle. Décidément, les femmes de nos jours avaient bien du mal à assumer ce rôle. Ma voisine, en tout cas, c’était le genre qui t’apportait des restes de son dîner parce qu’elle savait que tu détestais cuisiner. Et quand elle avait entendu des pleurs d’enfants il y a un mois… elle avait accouru avec tout le nécessaire pour s’en occuper. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans elle.
La petite avait fini par s’endormir et je l’avais transportée jusque dans son lit. Mon dressing s’était métamorphosé en nurserie. J’avais envie de chialer dès que j’y pensais. C’était censé être mes vêtements mes bébés ! Je noyais mon chagrin avec un verre de whisky et gribouillais sur mon canapé. C’était compliqué de trouver du temps pour dessiner maintenant. Ou pour faire quoi que ce soit d’autre à vrai dire. Je n’étais pas le plus fêtard des mecs, je ne sortais pas tous les soirs comme la plupart des gens de mon âge. Mais avoir loupé la soirée organisée par le magazine ce soir, c’était quelque chose auquel personne ne voulait croire. Je ne passais jamais à côté d’une occasion de sortir mes plus beaux costumes et boire et manger aux frais de la princesse. J’avais dû inventer une histoire de grippe hyper violente et hyper soudaine. Mon teint gris et mes cernes avaient aidé à faire passer le mensonge. Mais je n’allais pas pouvoir continuer à mentir bien longtemps.
Tard dans la soirée, j’entendais quelqu’un frapper à la porte. J’arquais un sourcil, surpris qu’on vienne me voir à cette heure-ci. Ça devait être ma voisine. Qui d’autre ?
« Can… dice… Mais qu’est-ce que tu fiches ici ? » Merde. Merde merde merde. Pourquoi j’avais pas vérifié avant d’ouvrir ?
« Je suis venue t’apporter un peu de soupe, je sais que tu aimes ça quand tu es malade. » J’y croyais pas une seule seconde. La soupe chinoise entre ses mains était le pire prétexte du monde pour vérifier si j’étais effectivement malade. Merde !
« Ça a l’air d’aller mieux toi, non ? » Je forçais un sourire, conscient qu’il était trop tard pour feindre d’être malade. Je me voyais mal tousser bêtement après qu’elle m’ait dit ça. En tout cas, j’avais beau barrer l’entrée de chez moi avec mon bras, ma charmante collègue faisait comme si de rien était et passait en dessous comme si c’était tout à fait normal.
J’avais l’impression d’avoir de nouveau seize ans et d’être pris en flagrant délit par ma mère dans ma chambre, un caleçon pour seul vêtement, une meuf cachée en dessous de mon lit. Elle n’avait pas mis longtemps avant de comprendre ce qui se passait. Et là, entre les biberons dans l’évier, le parc pour enfant à côté du canapé et les bodies pliés sur la table du coin salle à manger… il fallait pas avoir fait Saint Cyr pour comprendre ce qui se tramait par ici.
« Ulrich ? » Je refermais la porte d’entrée derrière moi et traînais la patte pour rejoindre Candice qui inspectait toute la pièce à vivre. Je lui lançais mon plus beau regard de chien battu.
« T’as pas un truc à me dire ? » Je hochais négativement la tête, comme s’il restait encore un minuscule espoir pour qu’elle me croie.
« Ulrich… » Je poussais un long soupire de désespoir et écartais les bras, signe que je rendais les armes.
« Très bien. J’ai un truc à te dire. » Je réfléchissais un instant sur la manière dont aborder les choses. Comment trouver les mots justes ? Comment ne pas passer pour un connard qui fuit ses responsabilités et ment ? Je décidais de commencer par lui montrer la cause de mes mensonges. Je lui attrapais le bras et la guidais jusqu’à la chambre/dressing. Je lui indiquais de rester silencieuse en pénétrant dans la pièce dans laquelle trônait un berceau.
« Je te présente Elle… ma fille. » C’était probablement la première fois que je la décrivais comme telle.
Après ça, je l’avais faite s’asseoir sur le canapé, je lui avais offert un verre (il fallait bien ça pour encaisser le choc) et je lui racontais toute l’histoire. Comment lors d’une soirée arrosée j’avais couché avec une de mes meilleures amies et l’avais amèrement regretté. Comment six mois plus tard elle avait débarqué chez moi avec un ventre aussi gros que si elle avait avalé un ballon de foot alors qu’à peine quelques jours plus tôt elle était aussi maigre que d’habitude. Merci l’univers pour avoir créé les dénis de grossesse, comme si on avait vraiment besoin de ça.
« Fais gaffe hein, ça peut t’arriver aussi ! » J’étais très rassurant comme mec. J’avais poursuivi en lui racontant qu’elle avait bien fini par accoucher et que j’avais été… un connard. C’était le mot juste. J’en voulais pas de ce bébé. Clairement pas. Et j’étais même pas forcément sûr qu’il était de moi ! Mais Fanny était une de mes plus proches amies, elle n’aurait jamais pu me mentir sur un sujet pareil. Mais j’avais été absent pour elle. J’avais cru que malgré toutes ses crises, tous ses coups de fil me racontant combien elle n’était pas prête, pas apte, pas… mère, elle s’en sortirait très bien sans moi. Je n’étais qu’un petit con à peine capable de s’occuper de son poisson et de son ficus. Pour moi il n’y avait que deux choses qui comptaient dans ma vie, mon travail et m’amuser. Il n’y avait pas de place pour un bébé. Sauf que je m’étais trompé en pensant qu’elle finirait par y arriver. Parce qu’elle avait un jour débarquée chez moi, Elle dans les bras, quelques affaires dans l’autre et elle me l’avait laissée.
« C’est pour ça que je suis… plus vraiment moi-même depuis un mois. » résumais-je en m’effondrant dans mon canapé, avalant cul-sec le verre que j’avais dans la main.
Je laissais la jolie brune (blonde ? bronde ?) à côté de moi avaler toutes ces informations. Elle ne s’était certainement pas attendue à ça en débarquant chez moi ce soir-là. Mais c’était le moment de voir si elle était vraiment plus qu’une collègue mais également une amie. Soit elle se barrait, effrayée par l’idée de se coltiner un pote avec un gosse. Soit elle restait, écoutait la fin de mon histoire et m’apportait un soutien dont je réalisais avoir dangereusement besoin. Je ne pouvais pas continuer à vivre comme ça, terré chez moi, mentant à toutes les personnes qui me connaissaient.
Et finalement… elle était restée. Me demandant même de poursuivre la suite de ma révélation. Après avoir récupéré la petite, Fanny a complètement disparu de ma vie. Ou même de la surface de la Terre. J’ai appris qu’elle avait quitté son boulot, aucun de nos amis en commun ne savaient où elle était. Merde, elle aurait aussi bien pu sauter du Pont Neuf que j’en saurais rien. Je devais donc me démerder avec un bébé dont je ne voulais pas. Au début… j’ai pensé à m’en débarrasser. Je me suis renseigné sur l’adoption, mais on me prenait pour un fou. « Où est la mère ? On ne peut rien faire sans la mère mon cher monsieur ! » J’étais bien avancé. C’est là que ma voisine avait débarqué avec des paquets de couches, des vêtements, et à peu près tout ce dont j’avais besoin pour qu’Elle survive. C’était la bouée de sauvetage qui apparaissait dans l'océan de ma noyade.
« Mais c’est un enfer. Je dors plus, je vis plus, je baise plus. Et je sais même pas si j’en ai encore envie de toute façon. » Elle n’était pas prête pour un petit frère ou une petite sœur. Et moi non plus.
« Tout ce que je fais c’est la nourrir, lui changer ses couches… » L’horreur de cette tâche se lisait sur mon visage. C’était comme si un monstre était apparu à côté de Candice.
« Et aller bosser. C’est le seul truc normal qui me reste. » Je me sentais moi-même là-bas. Ce bon vieux Ulrich, celui que tout le monde apprécie, toujours prêt à rigoler avec ses collègues et à sortir une connerie. Celui qui s’amusait à draguer la petite réceptionniste parce que ça l’éclatait de la voir rougir à chaque fois qu’il lui adressait la parole.
« En dehors du magazine je suis… Eww… Un père ! Tu te rends compte ? » J’étais dégoûté par cette idée. C’était la pire chose qui pouvait m’arriver. J’aurais préféré choper toutes les MST du monde à la place. En même temps. Enfin, celles pas trop violentes non plus. Faut pas déconner.
« Mais je dois quand même t’avouer que je commence à l’apprécier cette petite. » Malgré tout le dégoût et l’avalanche de contraintes qu’elle avait apporté dans ma vie, il fallait que je sois honnête deux secondes. Je ne voulais plus la voir dans les bras de quelqu’un d’autre. J’étais soulagé d’avoir vite abandonné l’option « adoption ». Elle n’avait rien fait pour mériter qu’on la rejette aussi tôt dans la vie. Sa mère était partie. Son père… n'était pas parfait, mais je pouvais essayer de me montrer à la hauteur. Elle n’était certainement pas désirée à
ce moment précis de ma vie, mais j’avais déjà songé à avoir des enfants. Dans vingt ans peut-être. J’étais un mec, je pouvais en faire toute ma vie. Il me suffisait de me trouver une petite jeune de vingt cinq ans pour porter mon gosse et s’en occuper. Plus sérieusement, je savais que je ne pouvais pas me comporter avec Elle comme mes parents l’avaient fait avec moi. J’étais trop éloigné de ce qu’ils espéraient (aka mon frère) pour qu’ils m’aiment et me soutiennent. Je m’étais promis, si un jour j’avais un enfant, de ne pas le laisser tomber quelles que soient les circonstances. Alors ça m’emmerdait royalement, mais j’allais m’en occuper de cette petite. Et j’allais l’aimer comme il se doit. On n’y était pas encore, mais ça venait. Tout doucement.
***
Cette soirée « révélation » avec Candice m’avait fait un bien fou. J’avais retrouvé (voire redécouvert) mon amie grâce à toute cette histoire. Plus besoin de lui mentir, plus besoin de trouver des excuses pourries pour ne plus sortir avec elle. Tout était plus simple. Aussi parce qu’elle m’aidait. Si je ne pouvais plus sortir boire un verre avec elle… c’est elle qui emmenait le verre à moi. J’avais aussi trouvé le courage de demander à ma voisine de garder la petite un soir de temps en temps. J’avais besoin de retrouver ma jeunesse, ma folie, mes coups d’un soir ! D’accord, c’était bizarre de débuter mes plans dragues par « Tu prends la pilule sinon ? » ou « T’as pas d’allergie au latex hein ? », mais j’avais besoin d’être sûr. Ma promesse de rester sur les hommes n’avait pas tenu plus d’un soir. Je les aimais bien ces vagins féconds quand même. Ils étaient chauds et douillets. Je ne pouvais pas rester loin d’eux bien longtemps. Et lorsque je commençais à penser comme ça… je priais pour qu’Elle reste le plus longtemps possible éloignée des mecs comme moi. J’étais cool de loin. Mais une très mauvaise fréquentation pour une jeune fille de près. Suffit de voir comme je les engrosse si facilement !
Mais plus le temps passait, et plus je commençais à trouver mon rythme entre le boulot, les biberons, les sorties. Je retrouvais du temps pour dessiner. Mes nuits étaient de plus en plus normales. J’appréciais presque rentrer le soir et récupérer Elle chez ma voisine. Elle était devenue ma confidente, elle écoutait religieusement tout ce que je pouvais bien lui raconter. Elle était bon public. Jamais une critique, jamais un jugement. Parfois elle s’endormait quand je lui parlais, c’était vexant. Mais je ne pouvais pas trop lui en tenir rigueur.
Tout le monde n’était pas encore au courant, mais à chaque fois que j’annonçais la nouvelle, tout le monde passait par différentes étapes : la surprise, l’incompréhension, l’acceptation et la phase que j’appelais « la gagatitude ». Une fois qu’ils réalisaient la situation, tout le monde devenait gaga et me suppliait pour rencontrer Elle. Sauf qu’aux dernières nouvelles, ce n’était pas un animal de foire qu’on exhibait aux yeux de tous. Ils la rencontreraient, en temps et en heure. Pour l’instant je préférais la préserver de la folie de certaines personnes. Mais ce dont je voulais le plus la préserver… c’était de ses grands-parents. Elle avait déjà été abandonnée une fois, évitons de lui faire revivre ça. J’étais à peu près sûr que mes parents allaient définitivement me rayer moi et ma fille (!) de leur vie s’ils apprenaient son existence. La mienne était remplie de décisions foireuses, selon eux. « Paris, mais quelle idée, ils sont tous stressés là-bas ! », bien sûr papa. Puis « Tu veux faire du dessin… ton métier ? Mais c’est pas un métier ça Ulrich, c’est un passe-temps. Tu fonces droit dans un mur ! » Merci de croire en moi maman. Ou encore « Qu’est-ce que c’est que ça Ulrich ? Tu postes des photos de toi sur internet pendant que tu embrasses des hommes ? Toi qui aimais tellement les filles ! Tu es… gay ? » la bisexualité n’était pas encore arrivée aux oreilles de mes parents faut croire. Sans oublier les « Encore un tatouage ? C’est vraiment ça que tu veux faire du corps qu’on t’a donné ? », je ne savais même pas quoi répondre à ce genre de remarque. Alors je n’osais pas imaginer leur réaction en leur annonçant que j’avais engrossé une amie qui depuis avait disparu et que donc je me retrouvais seul à élever une petite fille. Je les voyais déjà « Tu nous les auras vraiment toutes faites Ulrich ! ». Manquait plus que je leur annonce un changement de sexe et
là ils en auraient vraiment eu pour leur argent !
Mais je retardais l’annonce à mes parents le plus longtemps possible. Dans dix-huit ans peut-être. Ce ne serait pas si compliqué de leur cacher la vérité, ce n’est pas comme si on se côtoyait très souvent. A moins de les voir débarquer devant ma porte un jour, il y avait peu de chance que le secret éclate au grand jour. Et ce n’était pas leur genre de procéder comme ça. Ils préféraient me faire du chantage pour que je retourne à Strasbourg. Ma grand-mère avait failli mourir au moins 8 fois depuis que j’avais déménagé à Paris. Pourtant, elle était au top de sa forme à chaque fois que j’arrivais chez elle.
Bizarre. Et j’aurais aimé en parler à mon frère, mais il serait incapable de garder le secret très longtemps. Je ne pouvais pas trop lui en vouloir, il était proche d’eux,
lui.
Quoi que l’avenir me réserve, je commençais à voir la lumière au bout du tunnel. Je n’étais plus seul dans cette épreuve. Je me sentais de nouveau moi. Je pouvais commencer une nouvelle étape de ma vie avec mon job, mes crayons, mes amis, mon poisson, mon ficus et ma fille. J’espérais juste qu’une nouvelle merde ne me tombe pas sur le bout du nez. Une autre fille enceinte. Un problème au boulot. Une maladie quelconque. Ou le retour de Fanny qui pourrait clairement aller se faire foutre après m’avoir fait un coup pareil. Pour son bien, j’espérais que la prochaine fois que je la verrais, ce serait sur une table à la morgue lorsqu’on me demanderait d’identifier son corps repêché dans la Seine. Je préférais annoncer à ma fille que sa mère était morte plutôt qu’elle l’avait abandonnée.
En attendant la prochaine épreuve, j’appréciais chaque moment. Je ressortais plus mature de chaque instant passé avec Elle… et je perdais de nouveaux quelques années d’âge mentale lorsque je mentais aux jolies belettes dans les bars. Non, je ne cherchais pas une maman pour Elle. Je cherchais juste de bons plans culs
protégés. Et non, je ne cherchais pas à énerver un peu plus mes parents en postant des images des hommes (nus) endormis à côté de moi sur mon Insta. C’était… pour mon plaisir personnel. Une sorte de tableau de chasse très agréable à regarder. Bon… d’accord. C’était juste pour les emmerder parce que je savais que ma mère se tenait au courant de ma vie grâce à cette appli. Triste génération quand même !