Mines défaites. Entrainement sous la pluie merdique. Remontrances insupportables. Mauvais jour comme diraient certains - ou mauvais karma. Ils trainent tous des pieds dans les vestiaires, frissonnant dans leurs fringues trempées par un abat d'eau. Ils papotent doucement, loin de la frénésie qui peut se dérouler dans leurs vestiaires lors des matchs importants. C'est plus calme, plus intimiste, plus...familiale. Il se laisse tomber sur l'un des bancs, glissant une main dans ses cheveux pour tenter de faire partir les gouttes de pluie. Y'a Vincent à sa gauche qui lui raconte une histoire sur cette fille qu'il a rencontré et ramené chez lui. Un peu folle. Effrayante. Une fille qui lui a volé trois de ses slips Calvin Klein offert par la marque, qui doivent probablement déjà être sur le boncoin. Ça fait rire Florian et quelques uns de ses coéquipiers qui ne peuvent s'empêcher de faire des remarques sur son incapacité à dire non à une fille. Florian ne dit rien, parce qu'il a tendance à faire la même chose en ce moment. Ramener des inconnues dans son lit pour partager quelques heures. Les faire disparaitre au petit-matin, jetant leur numéro de portable dans la poubelle. Y'a quelqu'un qui propose d'aller boire une bière quelque part. Il hoche la tête en souriant, pourquoi pas. Ils se retrouvent devant le bar habituel, défilé de voitures de luxe et motos hors de prix. Florian n'a pas pris la peine de passer par chez lui comme la plupart des autres gars. Ils portent leurs fringues habituelles, cachés derrières leurs lunettes de soleil et casquettes - inconvénient de la célébrité. Y'a un peu de monde dans le bar mais ils se frayent un chemin jusqu'au carré VIP, attirant les regards et les murmures, s'affalant les uns à coté des autres dans les canapés mis à disposition - privilège de la célébrité. Y'a pas vraiment à attendre longtemps avant que la jolie serveuse n'arrive. Une brune qu'ils reconnaissent par habitude. Ça fait pas bien longtemps qu'elle est là. Elle est étudiante apparemment. Florian n'a jamais demandé mais Vincent a mené son enquête, probablement dans l'optique de la ramener chez lui, elle aussi. Ses yeux se baladent sur ses courbes, puis sur son visage, il lui lance un sourire charmeur, un regard appuyé. « Notre serveuse préférée ! » Une exclamation s'élève de leur table, tous souriant et la saluant avec fougue. Elle finira probablement sa soirée les poches pleines de pourboires. « Tu nous as manqué l'autre fois. Benoit est moins jolie que toi ! » Il esquisse un sourire en coin, mi-amusé, mi-aguicheur. Y'a Vincent, son coéquipier, qui lui file un coup de coude dans les côtes, probablement peu ravi qu'il tente de lui voler sa serveuse. Y'en a un qui lui demande d'aller chercher une bouteille de champagne, y'a rien à fêter mais c'est comme ça. Un pichet de bière, la meilleure. Une bouteille de vin blanc. Un mojito. Un truc au nom imprononçable. Une putain de limonade pour Florian, parce qu'il boit pas lui. « Et ramène-nous des trucs à manger... s'il te plait. »

Adélaïde, elle est plutôt jolie, faut pas se mentir. Toujours souriante et ce, même quand ils sont chiants. Parce qu'ils ne sont pas des plus faciles à vivre. Parce qu'ils sont probablement fatiguant. Parce qu'ils pensent que le monde leur appartient, défaut professionnel. Y'a trop d'argent. Trop d'attention. Trop de fans. Trop de luxe. C'est toxique ce genre de truc. Et Florian, il n'y a pas échappé. Il est différent du gamin sans sous. Il claque un peu trop d'argent dans tout et n'importe quoi. Il achète ce qu'on a toujours refusé de lui offrir. Des trucs de merde. Des trucs inutiles. Il balance un sourire à leur jolie serveuse, se faisant une fois de plus frapper par son voisin de table. Ils se penchent dans un même mouvement, parfaitement synchronisés, quand elle quitte leur table, leurs yeux rivés sur ses fesses. Un sourire stupide sur leur lèvre. « Un shifumi pour savoir qui la ramène ? » Vincent. Sa grande beauté. Dans toute sa gloire. Ça fait ricaner Florian, rouler des yeux les autres. Les deux hommes se tournent l'un vers l'autre, poings fermés. Shifumi. En trois manches. Florian gagne. Facile. « Tu peux toujours rentrer avec nous, si ça te tente. » Haussement de sourcils. Clin d'oeil aguicheur. Sourire pleins de promesse. L'autre a un mouvement de recule, mimant le dégout. « Je m'approche pas à moins d'un mètre d'une bite, mec. » Ils rient, amusés. « Propose à Ronan ! » Le dit Ronan lève les yeux au ciel, pas du tout intéressé. Florian, il calque un joli sourire sur son visage lorsqu'Adélaïde réapparait, les mains chargées d'un plateau. Il l'observe sagement servir chacun d'entre eux, la remerciant lorsqu'elle dépose les biscuits et son propre verre. Elle fait mine de les abandonner et il la rattrape par les hanches, la forçant à faire demi-tour. « Tu vas pas déjà nous abandonner ! » Sourire railleur, il se décale sur la banquette, faisant de la place entre lui et son coéquipier. De sa main, il tape le cuir pour lui demander silencieusement de s'asseoir entre eux. C'est pas vraiment rare de les voir s'accaparer un ou une serveuse - oui, même Benoit a posé ses fesses avec eux. « Tu veux boire un truc ? On te l'offre. » Il la tire légèrement vers lui, sourire en coin. C'est probablement pas méchant. Mais c'est pas vraiment respectueux. Se l'imaginer acquise. Trop docile pour riposter. Parce que c'est un putain de footeux. Parce qu'il est client et riche. Parce qu'il a peut-être bien jamais été élevé correctement. Parce qu'il a grandi tout seul. Parce qu'on ne lui a jamais mis de barrière - enfin, si y'a Lina, mais Lina, c'est autre chose.

Elle a l'air un peu réticente à les rejoindre, la jolie Adélaïde. Cette jolie de bande de rustres armée de cartes visa infinite. Mais elle finit par s'installer à leur côté, arguant qu'elle ne les abandonnerait pas mais juste quelques minutes. Florian, il s'en fout du patron du bar. À eux tous, ils déboursent assez d'argent pour s'accaparer une serveuse. Y'a ses collègues pour s'occuper des autres. Peut-être qu'il abuse de sa gentillesse, de sa position à lui, de son argent. Ou peut-être que ça part d'une bonne intention au fond. Parce qu'il apprécie Adélaïde. Elle est jolie, souriante, motivée, intelligente et bandante. Y'a pas besoin de beaucoup plus pour lui plaire. Florian, il est du genre à collectionner... un peu. Y'a pas une nana tous les soirs dans son plumard mais il se gène pas vraiment. Il cherche probablement quelque chose qu'il n'a pas encore trouvé, se contentant de butiner un peu partout pour gouter. Et c'est facile quand on s'appelle Juliard. Qu'on pose à moitié nu pour des marques de sous-vêtements. Qu'on fait fantasmer avec ses tatouages et sa tronche de sale gosse. Qu'on est un footballeur professionnel. Une putain de star à Paname. En France. Dans le monde. « T'es pas obligée d'aller servir les autres. J'suis sûr il dira rien ton patron. » Parce qu'ils sont blindés. Parce qu'ils sont des stars. Parce qu'ils rameutent du monde. Elle s'installe entre Florian et Vincent, il lui sourit. Et se vexe quand elle fait mine de l'ignorer pour faire les yeux doux à son voisin. Sans aucune discrétion, il passe son bras derrière elle et frappe son coéquipier d'un coup de poing dans l'épaule, avertissement brutal. Ils ont joué, l'autre a perdu. La jolie serveuse est à lui. Ils se chamaillent un peu comme des gamins,  pendant qu'un autre raconte leur entrainement de merde et leur décision de venir ici, juste pour décompresser un peu avant de rejoindre le plateau d'une émission à laquelle ils sont invités dans la soirée. « J'y vais probablement pas, si ça t’intéresse. » Qu'il balance Florian. Il va rarement aux interviews, de temps en temps. Parait qu'il casse un peu trop les micros. Parait qu'il n'est pas génial à interviewer.  « Je vais passer la soirée tout seul. Avec le chat. » Il insiste sur tout seul, sourire en coin, regard flamboyant. Invitation silencieuse à passer la soirée avec lui, dans son lit. Nus. « Si t'veux te joindre à nous. J'ai Netflix. » Il sourit diaboliquement, son coéquipier ricane. Amusé.

Elle se moque de lui la jolie Adélaïde. De l'interview. Florian, il n'en fait que très rarement. C'est devenu de notoriété publique qu'il est un très mauvais invité. Peu bavard. Pas sympa. Vite énervé. Il compte plus le nombre d'appareil photo qu'il a cassé depuis le début de sa carrière. Le nombre de journalistes qu'il a failli défigurer. Il ne met que rarement les pieds sur un plateau. De temps en temps pour entretenir l'image de vilain garçon. Rarement. Parait que ça lui donne un certain genre d'après sa manageur. Que l'avoir en interview devient quelque chose de vraiment cher. Quasi hors de prix. Mais Florian, il s'en branle. Parce que ça le fait chier de sourire et jouer les gentils footballeurs. D'essayer de discuter de trucs sans aucun rapport. Qu'on lui demande son avis sur des trucs de merde. « Apprend, jolie Adé, que je fais rarement des interviews. Ça fait parti du mythe Juliard. » Sourire suffisant, yeux rieurs. Il avale une gorgée de sa boisson, attentif à la nana. Y'a Vincent qui se moque de lui et renchérit en arguant qu'il n'y a aucun mythe, juste qu'il déteste les interviews. Dirty dancing, il l'a déjà vu. Torture de sa petite-soeur. Film horrible pour nanas en manque de romantisme ou oubliées par leur petit-ami. Il hoche pourtant la tête. « J'adore Patrick Swayze quoi. » Et les conversations reprirent. Blagues pourries. Piques enfantines. Sourires et rires. Y'a toujours eu une bonne ambiance dans l'équipe et c'est probablement pour ça qu'ils sont si bons. Parce qu'ils se connaissent, se complètent, s'entraident. Parce qu'ils ne sont pas juste une équipe mais bien plus. Ils sont potes, ils sont frangins. Les verres descendent, les visages s'échauffent, les yeux brillent. Et Florian se rapproche d'Adélaïde, un peu, beaucoup. « Tu veux vraiment pas me tenir compagnie ce soir ? J'serai sage. » Ou peut-être pas.

Elle rit. Elle le taquine. Elle le fait chier avec Dirty Dancing. Horripilent film qu'il a du voir une bonne dizaine de fois, une dizaine de fois de trop. Ouais, Patrick machin-truc est beau. Ouais, Bébé est bonne. Ouais, ils dansent super bien. Non, c'est un film de merde. Et peut-être bien que dans un élan de folie, il a déjà essayé le porté avec l'une de ses ex, ne récoltant qu'un putain de bleu sur la hanche et la déception de la nana. « J'suis démasqué. J'suis pas super fan de ce film. » L'amour. La danse. Tout ça. Lui c'est plus les blockbusters. Les séries. Ces trucs à gros budget où y'a pas besoin de trop réfléchir, juste regarder et apprécier. Puis merde, il passe son temps sur bein sport. Cliché. « C'est un truc de nana. » Il rit doucement, amusé. Elle lui caresse le bras, il sourit. Ne peut s'empêcher d'envoyer un sourire victorieux à son équipier, dépité. Il a gagné ce soir. Enfin presque. Il se penche vers elle, prédateur. Son souffle à quelques centimètres de son oreille. « T'es partante alors ? » Elle est jolie Adélaïde. Et il est persuadé qu'il ne peut que passer un agréable moment. Pas de prise de tête. Pas d'attache. « Tu finis à quelle heure ? »

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