Sujet: [Prison] Il n'y a pas de hasard ◊ Théoxane 22/10/2016, 00:32
Théoxane & Andréas
Il n'y a pas de hasard
L'air pollué me semble plus pur une fois qu'il a le goût de la liberté et la vie parisienne semble un peu moins triste. Restez enfermés entre quatre murs gris et des barres en fer, si rouillées qu'elles vous filent le tétanos, pendant trois ans et l'endroit qui vous semblait le plus détestable devient un semblant d'Eden. Perché sur le haut d'un toit, l'habituel sweat à capuche noir sur le dos et le même jean bleu foncé déchiré au genou sur le cul, je pense, une bière à la main et la clope entre les lèvres. Le vent secoue mes cheveux trop longs, siffle dans mes oreilles, mais cette sensation de liberté est tellement bonne que je ne briserai ce moment pour rien au monde. Depuis que je suis sorti de la prison, je passe mes journées sur le même toit, si bien que les cadavres de bières s'amassent, comme les paquets de clopes vides et les mégots. C'est ma façon de me réadapter doucement à la vie sociale, à la vie parisienne. Bizarrement, j'ai retrouvé plus vite le chemin de la vie nocturne. J'ai l'impression que la bière au goût de pisse et les pintes dégueulasses ne remontent qu'à hier, alors qu'elles remontent bel et bien à trois ans.
Trois ans passés derrière les mêmes barreaux, entre les mêmes murs avec les mêmes gars, il ne faut pas s'étonner que la réadaptation à la vie quotidienne est assez cruelle quand elle doit être fait du jour au lendemain. Soudainement, la phrase de Sacha Guitry prend tout son sens ; « Être Parisien, ce n'est pas être né à Paris, c'est y renaître. » Ma sortie de taule, c'est un peu comme une renaissance. Enfermé, j'ai eu tout le temps de penser à ce que j'étais, à ce que je suis et à ce que je veux devenir. Pour rien au monde, je ne voudrais changer ce que je suis, mon amour pour la solitude et ma haine envers le monde ne sont pas si anodins que ça, ils font partie de moi. Simplement, je tente de remettre en cause cette haine pour la minimiser au maximum. Je participe à la vie active, là-haut, assis en haut de mon immeuble à regarder les passants se presser pour vaquer à leur propre vie. C'est l'individualisme qui me dégoûte. C'est de ça que je veux renaître, de l’individualisme.
En trois ans, la seule personne que j'ai rencontrée qui ne voit pas que le bout de son nez et un peu son nombril, c'est cette raconteuse d'histoire, présente le week-end à la prison. Quel intérêt personnel pouvait-elle bien tirer de faire la lecture à des prisonniers qui se foutent royalement des mots qu'elle prononce ? Après des heures de réflexion sur mon lit inconfortable, je n'en ai trouvé aucun. Je balance mes jambes engourdies dans le vide pour soulager le fourmillement qui les parcourt. Les fourmillements sont souvent le signe du départ de mon petit havre de paix. Le soleil commence à descendre sur l'horizon parisien et l'air se rafraîchie franchement. Les nuages noirs se pressent au-dessus de la ville des Lumières annonçant une pluie certaine. Si je me dépêche un peu, j'arriverai peut-être à l'heure.
Je passe par des raccourcis gravés dans ma mémoire, je m'étonne moi-même de connaître encore les plus petites ruelles de cette mégapole. En arrivant à la porte de l'appartement de mes parents, je m'arrête un instant pour reprendre mon souffle, lever de la fonte n'entretient pas tellement l'endurance. Je rentre sur la pointe des pieds pour ne pas faire trop de bruit, je n'aimerai pas être stoppé dans ma course pour entre les mêmes questions depuis quelques jours du genre « Tu as fait quoi aujourd'hui ? » ou « Tu as été à la fac pour demander à reprendre ton master ? ». Mes parents ne comprennent pas que j'ai besoin de temps pour m'adapter, de me réadapter à la vie normale, si le mot normal veut un tant soit peu dire quelque chose. J'attrape le bouquin, seul objet encombrant le bureau, et ressort de la demeure parentale comme j'y étais entré.
Je presse le pas, la tête enfouie dans ma capuche et la main serrée sur l'exemplaire du roman au fond de ma poche. J'en ai un peu corné les pages à force de le lire, j'espère qu'elle ne m'en voudra pas trop. Si ce n'est que ça, je lui en achèterai un autre. La lenteur du métro puis de RER m'exaspère et me fait souffler à plusieurs reprises. J'aimerais bien ne pas perdre mon temps à me rendre à la prison, surtout si elle en est déjà partie. Le samedi, elle part entre 18h30 et 19h d'habitude. Enfin, selon l'habitude quand j'y étais encore, il y a à peine quelques jours.
Je regarde l'écran de mon téléphone lorsque j'arrive sur le parking, je suis fière de moi quand j'aperçois qu'il n'est même pas encore la demie. J'évite de trop m'approcher des grilles principales. Le comble pour un libéré conditionnel est de se re pointer devant les grilles de l'enfer après avoir passé trois ans à se comporter comme un ange. Je m'assois sur le trottoir qui sépare les places de la route, un œil sur l'entrée en attendant une longue chevelure blonde.
Lef
Théoxane Fournier
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Sujet: Re: [Prison] Il n'y a pas de hasard ◊ Théoxane 23/10/2016, 14:28
IL N'Y A PAS DE HASARD
(andrexane) andréas guérin ft. théoxane fournier
Tu as appris très tôt à être responsable. Petite, tu aimais déjà t'occuper de tes plus jeunes sœurs ; tu te sentais grande, importante, presque indispensable. A ta majorité, tu as mis la main sur le permis, les jobs d'été et même quelques associations. ; tu te sentais adulte, indépendante et utile. Aujourd'hui, tu articules les services dans un bar, les danses de nuit au Moulin Rouge et les lectures à la prison de la santé de Paris ; tu te sens toi. Presque toi. La vérité, c'est que tu n'as jamais rêvé de finir serveuse et de te faire tripoter par des ivrognes mal léchés tard le soir. En revanche, tu as caressé le rêve d'une éventuelle carrière de danseuse lorsque tu étais plus jeune et que tu suivais ces fameux cours de danse qui te faisaient te sentir en vie. Et puis, aussi loin que tu t'en souviennes, tu as toujours souhaité aider les autres d'une manière toute particulière. Pas physiquement comme une infirmière le ferait. Pas psychologiquement comme un psychologue le ferait. Mais moralement, plutôt. Avec ces lectures régulières, tu as la délicieuse sensation d'offrir un appui inespéré à toutes ces personnes à l'avenir devenu incertain. Dans des cas comme celui-ci où la vie ne suffit plus parce qu'elle est vide de promesses, la littérature la dépasse toujours, et ce, dans les moments les plus nécessaires : une confession à accueillir, un refuge contre l'angoisse, une porte ouverte vers l'espoir. A ton sens, elle n'est en aucun cas une sortie de secours pour échapper aux drames ; elle n'est ni plus ni moins qu'une fenêtre que l'on aurait trop longtemps ignorée, permettant finalement à celui ou celle qui le veut de voir la vie d'une toute autre manière et peut-être de l'aborder autrement un jour. Néanmoins, au-delà de toutes ces bonnes intentions, il n'en reste pas moins que tu fatigues à cause de ces trois jobs que tu te dois d'accumuler pour vous entretenir, Enora et toi. Aussi, c'est avec un certain soulagement que tu quittes les lieux ce soir. La porte claque derrière toi malgré tes efforts pour la retenir. Tu oublies toujours qu'elle est bien trop lourde pour toi. Alors encore une fois, tu sursautes, surprise par le bruit. Dehors, il fait presque nuit alors qu'il n'est même pas dix-neuf heures. Tu détestes l'hiver pour bien des raisons, et celle-ci en fait indéniablement partie. Le froid extérieur te frappe de plein fouet. Tu ne peux réprimer un frisson tandis qu'il s'immisce sournoisement sous ton gros manteau et ton écharpe en laine. Aussi, afin de te réchauffer comme tu le peux, tu croises fermement les bras sur ta poitrine et entreprends de traverser la cour le plus rapidement possible. Un homme à la carrure imposante attend que tu arrives à sa hauteur pour t'ouvrir l'immense portail qui n'était autre que ta porte de sortie. Un sourire poli et quelques salutations d'usage plus tard, te voilà hors de cet établissement pénitentiaire qui, dans l'austérité de l'hiver, n'avait décidément rien de très rassurant. De l'autre côté, un épais brouillard s’étend à perte de vue, à tel point qu’il t’est difficile de distinguer la rue d’en face que tu dois pourtant rejoindre pour accéder à la station RER. La lumière des lampadaires, quant à elle, perce avec une difficulté certaine l’épaisse brume qui surplombe présentement le quartier. Resserrant davantage la boucle de ton manteau, tu te lances sur le trottoir perpendiculaire à la prison. Seule la cadence de tes pas est marquée par le léger claquement régulier de tes talons sur le pavé. Autour, tout est incroyablement silencieux. Même le souffle du vent est à peine audible tant il est en harmonie parfaite avec le silence qui pèse sur les environs. Pour un peu, tu croirais presque être seule à arpenter les rues parisiennes. Cette idée va cependant s'infirmer d'elle-même très rapidement puisque entre hâte et pénombre, tu ne remarques pas cette silhouette à quelques pas de là. Inévitablement, tu la bouscules. Une rencontre hasardeuse à l'arrière goût un brin cliché. Malgré le brouillard, les quelques centimètres qui vous séparent ne laissent aucune place au doute. Tu reconnais ses yeux sombres et son air désabusé. Aussi, après t'être poliment excusée et avoir hésité à poursuivre simplement ton chemin, tu te décides finalement à prendre la parole. « Bonsoir », tu commences d'une fois si peu assurée. « Si j'avais eu à me questionner à ce sujet, j'aurais pensé que vous auriez choisi d'éviter soigneusement ce quartier pendant quelques temps. », tu avoues ensuite. T'as même hésité à employer le verbe "fuir" plutôt que "éviter". Sans doute qu'à sa place, c'est ce que tu aurais fait. Tu te racles la gorge vulnérabilisée par le froid et plonges finalement tes mains dans tes poches comme pour te donner une contenance. « Ne me dites pas que vous avez le mal de cet endroit, je ne vous croirais pas. »
Sujet: Re: [Prison] Il n'y a pas de hasard ◊ Théoxane 26/10/2016, 14:19
J'entends une porte qui claque puis, au fur et à mesure, des talons frappant l'asphalte à intervalle régulier. Je me lève sans bruit, jetant mon mégot et secouant mes jambes un peu engourdies. Le froid commençait sérieusement à mordre les extrémités de mon corps et la brume descendue n'arrangeait pas les choses. Je ne l'avais pas encore vu, mais j'étais persuadée que c'était elle, qui d'autre puisque l'heure des visites était terminée depuis un moment. Et mes pensées se confirment quand ses frêles épaules rencontrent mon corps. Je la retiens inconsciemment par le bras pour ne pas qu'elle perde l'équilibre. Je balaie ces excuses d'un révère de main pour signifier que ce n'est rien. Après tout, la jolie blonde a dû se faire plus mal que moi. Quelques secondes dans le silence hivernal, coupé par un son lointain de RER qui file à toute vitesse, puis elle le rompt avec un « Bonsoir » timide auquel je réponds d'un simple signe de tête. Est-ce que je lui fais peur ? La situation a un air des plus ironiques et la réponse m'est évidente. Un ancien taulard, accusé de meurtre, qu'il soit avec ou sans préméditation n'a pas grande importance aux yeux des autres, tombant nez à nez avec la douce conteuse à la sortie de la prison. Je n'avais pas réellement réfléchi à la réaction qu'elle aurait pu avoir, mais c'est évident qu'elle a une part de réticence. À ma grande surprise, elle ne part pas en courant et engage la conversation. Je baisse la tête pour cacher le petit sourire un coin qui se forme sur mes lèvres à l'entente de sa remarque logique. Et je laisse échapper un petit rire à sa deuxième remarque. Elle serait presque drôle derrière ses allures de femme fragile.
J'enfile de nouveau mes mains dans mes poches et en retire le gros exemplaire qui lui appartient avec les pages un peu plus cornées que quand elle l'avait laissé sur le bureau froid de la cellule. « En réalité, je suis venu pour te rendre ton bouquin. » Je lui tends le volume. Je suis comme ça, je ne passe pas par quatre-chemins, je vais toujours directement au but. C'est peut-être pour cela que je suis assez associable, les discussions ça ne dure jamais bien longtemps avec moi parce que je déteste quand on parle pour ne rien dire, quand on ne fait qu'ornementer des choses qui pourraient être dites plus simplement. Mais là, sur le trottoir, mal à l'aise face à l'endroit où nous sommes, je fais l'effort de continuer la conversation pour détendre Théoxane. « C'était le seul moyen de te revoir. » Le tutoiement n'est pas une forme d'irrespect. Elle est plus jeune que moi, nous avons passé quelques heures ensemble durant ces dernières semaines, j'estime juste que nous pouvons passer outre les commodités ponctuelles auxquelles appartiennent le vouvoiement. « Et crois-moi, j'aurais préféré avoir une autre solution parce que, effectivement, traîner dans ce quartier ne me met pas totalement à l'aise. » Je tente de lui envoyer un sourire qui se limite au coin droit de ma bouche. Je tire une cigarette du paquet de Camel presque vide dans ma poche et l'allume. Elle me réchauffe un peu. « J'espère que tu ne m'en veux pas, je te le rends en un peu moins bon état. » J'ai pourtant l'habitude d'être soigneux avec les livres mais celui-là, je l'ai pas mal manipulé.
Maintenant que j'ai rempli la mission que je m'étais donné une paire d'heures plus tôt, j'aimerais bien prendre le large de cet endroit qui me plaît de moins en moins. Ce n'est pas de la peur, mais du dégoût. Et surtout, un pas en arrière dans tout ce que je me suis fixé d'entreprendre pour avoir une vie plus ou moins 'normale'. « Il commence réellement à faire froid. Tu rentres comment ? » Je termine ma cigarette et jette mégot par terre puis sans attendre sa réponse, je commence lentement à remonter la rue pour rejoindre la station du RER en espérant qu'elle me suive. Mais il fallait à tout prix que je parte de cet endroit. « Je peux peut-être t'offrir un café ou un thé ? » Une invitation à me suivre qui m'étonne moi-même, mais je n'ai pas fait tout ce chemin et pris autant sur moi pour seulement lui remettre Les misérables en main propre.
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Sujet: Re: [Prison] Il n'y a pas de hasard ◊ Théoxane 10/11/2016, 00:13
IL N'Y A PAS DE HASARD
(andrexane) andréas guérin ft. théoxane fournier
Le hasard était très certainement l'un des plus grands mystères de la vie. A la fois provocant et provocateur de la manière la plus habile qui soit, il n'en restait pas moins un guide nécessaire à tout un chacun. Au cours de ces vingt-cinq dernières années, la vie t'avait enseigné bon nombre de choses, des leçons qui t'avaient toutes un peu forgées à leur manière. Certaines avec délicatesse, d'autres avec davantage d'aplomb. De ce fait, il y avait certaines idées dont tu ne doutais plus, comme le fait qu'il ne fallait jamais sous-estimer l'influence du hasard. Pourtant, ce fameux hasard n'avait manifestement rien à voir dans cette cette rencontre toute nouvelle avec l'un des prisonniers auxquels tu faisait régulièrement la lecture. Un que tu n'avais étrangement pas oublié malgré ces nombreux visages que tu avais l'habitude de côtoyer. Celui-là-même que tu avais trouvé si particulier au point d'en parler à ta défunte meilleure amie dans une lettre qui n'avait probablement jamais été lue. Le temps d'une fraction de seconde, tu l'observes sous un angle inconnu. Ses cheveux bruns se noyaient dans l'obscurité de la nuit, ne laissant apparaître à la lumière pâle de la lune que son expression singulièrement sauvage. Ce n'est que lorsqu'il prend finalement la parole pour t'expliquer la raison de sa présence ici que tu te rends compte qu'une quelconque coïncidence n'avait en réalité rien à voir dans cette affaire. « En réalité, je suis venu pour te rendre ton bouquin. » Tu baisses vivement les yeux vers l'ouvrage qu'il te tend, comme si t'étais surprise par ce geste. En vérité, t'avais presque oublié. « Merci », tu te contentes de lâcher dans un souffle presque inaudible. Tu sens que le jeune homme en face de toi n'est clairement pas plus à l'aise que toi, et c'est précisément la raison pour laquelle tu n'ajoutes rien de plus à ce remerciement d'usage. Tu frottes tes mains avec une nervosité apparente, espérant pourtant que celle-ci passera inaperçu. Par chance, et contre toute attente, Andréas brise à nouveau le silence. « C'était le seul moyen de te revoir. Et crois-moi, j'aurais préféré avoir une autre solution parce que, effectivement, traîner dans ce quartier qui ne me met pas totalement à l'aise. » Tu tentes maladroitement de dissimuler un semblant de sourire alors qu'il te semble paradoxalement si à l'aise dans son malaise ; l'aveu franc, le tutoiement intuitif. Aussi, tu t'efforces tant bien que mal à faire de même. « J'imagine que tu as vite repris goût à la liberté », tu tentes sans toutefois essayer de te mettre à sa place. Après tout, tu en serais bien incapable et tu ne te le permettrais pas. Néanmoins, tu ne penses pas te tromper à ce sujet, et tu t'en voudrais presque de l'avoir amené à revenir sur les lieux de ses plus désagréables souvenirs. Sans doute que le mot "désagréable" était même indécemment faible en vue de la situation. « J'espère que tu ne m'en veux pas, je te le rends en un peu moins bon état. », reprend-il avant même que tu n'aies le temps d'ajouter quoi que ce soit. Tu vois ses yeux fureter maladroitement jusqu'à se poser finalement sur toi. Il fait toujours aussi sombre, mais tu parviens à deviner le sourire poli qu'il semble t'adresser. Un semblant de sourire que tu n'aurais jamais cru apercevoir sur son visage aux traits durcis par les maux de sa vie. Du moins, c'est ce que tu t'imagines. C'est vrai, tu t'es interrogée sur lui quelquefois. Tu t'es surprise à tenter d'imaginer à quoi pouvait bien ressembler sa vie du temps où il n'était pas coincé derrière les barreaux, sans même te questionner sur les raisons qui t'avaient poussées à y réfléchir. Après avoir resserré la ceinture de ton manteau, tu reprends finalement possession de ton bien. « Au contraire, je les préfère comme ça », tu lui avoues le plus simplement du monde. Tu as beau apprécier l'odeur des livres neufs, t'aimes d'autant plus les bouquins abîmés par le plaisir de leurs nombreuses lectures. Manifestement perdue dans tes pensées, tu ne remarques pas immédiatement que le jeune homme s'éloigne déjà. « Il commence réellement à faire froid. Tu rentres comment ? », tu crois entendre alors que ses paroles se noient dans l'air, quelque part devant lui. « En RER », tu réponds simplement avant de lui emboîter le pas. Tu ne prends pas la peine d'ajouter quoi que ce soit pour la simple et bonne raison que tu n'es même pas certaine qu'il t'entende. Tu presses toutefois le pas de manière à etre à sa hauteur alors que tu aurais sans doute mieux fait de rebrousser chemin en prétextant rentrer en voiture ou avec un petit-ami fictif. N'importe quelle personne sensée aurait agi ainsi. Et toi t'es là, aux cotés de ce type qui te propose même de t'offrir un verre à la plus grande de tes surprises. « Je peux peut-être t'offrir un café ou un thé ? » Tu hoches légèrement la tête avant de laisser échapper un rire que t'aurais dû retenir. « Il fait nuit noire, les rues sont anormalement désertes... et je suis sur le point de suivre un ancien prisonnier... quelque part. J'ai connu des situations bien plus rassurantes pour être honnête. » Loin de toi l'idée de paraître méprisante. D'ailleurs, il n'y a aucune once de dédain dans ta remarque bien que tu craignes tout de même qu'il le prenne mal au bout du compte. Sans doute aurais-tu mieux fait de tenir ta langue pour éviter un éventuel malaise dû à une maladresse que tu aurais dû être capable de contrôler. Tu te mords nerveusement la lèvre inférieure comme pour t'excuser de manière informelle avant de poursuivre. « J'accepterais volontiers un bon thé. » Aussi étrange que cela puisse paraître, tu ne te demande même pas pourquoi tu acceptes sa proposition aussi facilement. Dans d'autres circonstances, tu y aurais très certainement réfléchi à deux fois d'ailleurs. Cependant, et tu ignores pour quelle raison, aucune angoisse d'une quelconque sorte ne semble vouloir venir perturber ce naïf sentiment insouciant, et ce malgré tes précédents propos. « Mais à une seule condition. Que tu me dises ce que tu as pensé de ce bouquin » Ta curiosité te perdra. Probablement lorsqu'il t'aura envoyé sur les roses parce que tu lui poses trop de questions. Celle-ci n'avait rien d'indiscret, mais elle engageait un avis personnel qu'il n'avait peut-être pas envie de partager avec toi qui restais somme toute une inconnue – ou presque. « Pardon, tu dois sans doute me trouver un peu trop familière », tu finis pas lâcher avant que tes lèvres ne se déforment en une légère moue désolée. « C'est que... » Qu'il t'a anormalement marqué dans cette foule de sales types tous tellement semblables ? Peut-être, oui. Mais ce serait ridicule de l'avouer ainsi. « J'ai la sensation que tu n'appréciais pas les moments de lecture uniquement parce que ça t'occupait l'esprit. » Ce que tu penses en réalité, c'est qu'il porte un intérêt tout particulier à la littérature et si tant était que tu ne te trompes pas, tu apprécierais sans aucun doute d'écouter ce qu'il avait à dire à ce sujet. Et peut-être même d'écouter ce qu'il avait à dire tout court.
Sujet: Re: [Prison] Il n'y a pas de hasard ◊ Théoxane 20/11/2016, 00:02
J'étire un sourire discret sur mes lèvres quand j'entends ses talons se précipiter pour se mettre à ma hauteur. Elle rentre en RER, si la douce voix qui me répond ne me trompe pas. C'est dingue ce que les sons peuvent changer quand vous écoutez une personne de dos. Et même si elle refuse ma proposition un peu directe, nous aurons au moins quelques minutes pour discuter sur les sièges pourris d'une rame. Proposition directe mais sincère et c'est ce qui m'étonne le plus. En général, ou du moins avant, j'étais du genre à laisser venir celles qui veulent et ne choisir que les jeunes femmes qui me plaisent, mais avec cette douce blonde, c'est différent. Je n'ai pas envie d'attendre qu'elle me propose quoi que ce soit, déjà parce qu'elle ne le ferait sûrement pas. Mon statut de prisonnier en liberté conditionnelle m'est vite sorti de l'esprit en quelque jour et je peux comprendre que cela effraie. Après tout, elle ne connaît rien de moi. Cependant, du coin de l’œil, je la vois acquiescer à ma plus grande surprise que je ne laisse pas transparaître. À la seconde qui suit, elle rit. Une belle mélodie qui me vexe. Je resserre mes poings entre eux à travers les poches de ma veste et je sens que ma mâchoire se contracte. Il n'y a rien de drôle à accepter un café. « Il fait nuit noire, les rues sont anormalement désertes... et je suis sur le point de suivre un ancien prisonnier... quelque part. J'ai connu des situations bien plus rassurantes pour être honnête. » Si elle savait que je préfère qu'elle rentre avec moi plutôt que de rentrer seule. Puisqu'il fait justement nuit noire et que les rues sont désertes. Si elle savait pourquoi je suis un ancien taulard, toujours pas sorti d'affaires pourtant. Si elle savait que c'est parce que j'ai justement laissé Servane rentrer seul un soir comme celui-ci. Je suis partagé entre la colère, l'ironie de son rire et la compréhension de son appréhension. Peut-être que si j'avais décroché quelques mots lors de nos séances de lecture, elle saurait que je n'ai pas un mauvais fond et que j'étais là pour un acte de justice. Tentant un minimum de contenir la tension qui s'accumule en moi, alors que j'allais lui dire de laisser tomber ma proposition, elle me coupe presque en acceptant « volontiers » un thé. L'étonnement décontracte mon corps en une fraction de seconde et un sourire naît sur mon visage. Je me rends compte que je n'ai pas souris depuis trop longtemps. Ce n'était déjà pas mon fort dans ma vie « d'avant » mais alors après l'épisode prison, j'en avais même oublié la définition, la sensation.
Je me surprends à apprécier la tournure simpliste des choses. J'évite de prendre cet air niais qui m'exaspère tant sur le visage des autres, mais pour une fois, toute trace de haine à évacuer mon corps. « Mais à une seule condition. » Il en fallait bien une. Tout ne pouvait pas rouler dans mon sens sans conditions de sa part. Plutôt que de me rétracter, je lui lance un regard interrogateur se transformant vite en un regard blasé. Mon avis sur ce bouquin ? Sérieusement ? Je sais que la littérature est le principal lien qui nous unis, mais quand même. Il n'y a rien de plus désintéressant que de donner son avis sur l'un des plus gros succès du dix-neuvième siècle. S'il n'y a que ça pour qu'elle accepte de sortir avec moi malgré mon statut, je ne peux le refuser. Soit je réfléchis trop, soit elle parle beaucoup, mais je n'ai toujours pas le temps de répondre qu'elle s'excuse avec une mignonnerie qui permet à mon sourire de rester sur mes lèvres. Si toutes les nanas que j'ai rencontrés pouvais être aussi simple et humble que cette jolie demoiselle, j'aurais sûrement moins de mépris pour la jeunesse féminine. « Je peux bien t'accorder cette faveur si tu m'accordes celle de ta présence. » Je bénis Dieu -même si je n'y crois pas- de m'avoir donné cette dose de confiance en moi à ma naissance qui me permet de plonger mon regard dans ses yeux bleus. « C'est que... J'ai la sensation que tu n'appréciais pas les moments de lecture uniquement parce que ça t'occupait l'esprit. » Elle n'a pas tort. J'adorais le son de sa voix me lisant les grands classiques que je connaissais déjà par cœur, elle m'occupait l'esprit, me faisait sortir de ce trou à rat l'espace d'un instant. Mais elle n'avait pas non plus totalement raison, j'aimais entendre l'intonation et l'émotion qu'elle m'était dans les mots, si différentes des miennes qui me semblent plates aujourd'hui. « Je dirais que tu n'as ni tord, ni raison en fait. » Je laisse passer quelques secondes avant de reprendre « Un rien t'occupe l'esprit quand tu es enfermé dans ce genre d'endroit. » Je lance un rapide coup de tête vers le bâtiment de plus en plus loin derrière nous. « Mais contrairement à d'autres, je t'assure qu'il n'y a que la lecture qui m'occupait l'esprit. » Je rigole ironiquement en me remémorant les gars qui ne faisaient que la relooker. « Tu n'déplais pas aux gars de là-bas. Et je me demande bien ce qui te pousse à encore les honorer de ta présence. Tu ferais mieux d'aller lire des histoires à des gamins. » Andréas le grand-frère un peu trop bienveillant qui énerverait sans aucun doute Servane. Il n'y avait aucune once d'ordre dans mes mots, une simple mise en garde avant que ça ne dégénère trop et que je sois obligé de retourner là-bas pour casser une ou deux figures.
Lef
Théoxane Fournier
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PSEUDO : anaëlle.
Sujet: Re: [Prison] Il n'y a pas de hasard ◊ Théoxane 3/12/2016, 00:27
IL N'Y A PAS DE HASARD
(andrexane) andréas guérin ft. théoxane fournier
Les bras croisés contre ta poitrine pour empêcher le froid de s'immsicer, tu as les yeux rivés au sol comme pour éviter de devoir regarder Andréas. Tu n'as pas peur de lui, non. Au contraire, tu te sens étrangement en sécurité. La vérité, c'est que tu as peur de lire dans son regard que tes propos pourraient l'affecter. Ce n'est pas ton but, ça ne l'a jamais été. Mais force est de constater que la situation est pour le moins insolite. Pour autant, tu n'as toujours pas oublié cet éclat si particulier que t'avais pu déceler dans ses iris brunes ce jour-là, celui où il t'avait demandé de rester un peu plus longtemps. Tu n'y avais rien vu de mauvais, tu pourrais en mettre ta main au feu. C'est vrai, tu l'as toujours trouvé singulier. Pourtant, tu te surprends bien souvent à trouver cette simple impression ridicule, aussi souvent que tu te permets d'y penser à vrai dire. Le truc, c'est que tu ne le connais pas. Alors comment est-ce que tu peux descemment juger d'une telle chose ? La voix rauque d'Andréas te hisse hors de tes pensées. Même sa voix est torturée. Pourtant, elle te semble un brin plus douce qu'auparavant. « Je peux bien t'accorder cette faveur si tu m'accordes celle de ta présence. » Tu souris de la manière la plus naturelle qui soit. A vrai dire, tu n'aurais jamais pensé qu'il puisse toujours apprécier ta compagnie une fois dehors, et ce pour plusieurs raisons qui te parraissent évidentes. D'abord, tes lectures et toi n'étiez qu'une distraction pour le prisonnier qu'il était mais qu'il n'est plus aujourd'hui. Nul doute que tu représentes un bien infime intérêt pour lui désormais. Ensuite, te revoir (ou même simplement penser à toi), c'était forcément repenser à cette sale période de sa vie, période qu'il préférait sûrement oublier. L'un dans l'autre, tu te demandes sincèrement comment il peut encore tolérer ta simple présence. Peut-être était-ce simplement de la politesse ou de la reconnaissance. Ou un sympathique mélange des deux, ce qui, en soi, était gentil de sa part. « Je dirais que tu n'as ni tord, ni raison en fait. Un rien t'occupe l'esprit quand tu es enfermé dans ce genre d'endroit. » qu'il t'explique comme pour confirmer tes pensées. Ton sourire se transforme en une moue gênée. Tu te sens comme une gamine embarrassée d'avoir dit quelque chose de travers. « J'imagine, oui », tu te contente de répondre en ponctuant tes propos d'un rictus désolé. Décidémment, t'es pas franchement adroite. Ça te ressemble si peu que tu préfères rester silencieuse quelques instants, comme si ce semblant de pause pouvait te permettre de rassembler tes esprits. Andréas en profite d'ailleurs pour poursuivre. « Mais contrairement à d'autres, je t'assure qu'il n'y a que la lecture qui m'occupait l'esprit. » Tu secoues la tête. Tu n'as aucune envie de t'aventurer sur ce terrain-là. Pourtant, Andréas poursuit avant même que tu n'aies le temps de l'en empêcher de quelque manière que ce soit. « Tu n'déplais pas aux gars de là-bas. Et je me demande bien ce qui te pousse à encore les honorer de ta présence. » Tu hésites sincèrement à faire la sourde oreille parce que la vérité, c'est qu'il y a des choses que tu préfères ignorer. Tu laisses échapper un soupir las qui se mélange à un semblant de rire ; il est nerveux, ironique, un peu gêné aussi. « Je ne fais pas ça pour honorer qui que ce soit de ma présence », tu commences en prenant soin de reprendre ses propos. D'ailleurs, tu ne penses pas franchement que ta compagnie soit un honneur pour quiconque, et quand bien même, ce n'est pas ton objectif. Du moins, pas dans le sens où Andréas l'entend. « Tu ferais mieux d'aller lire des histoires à des gamins. » poursuit-il. Peut-être, oui. Ça t'arrive aussi de te poser la question de temps en temps, toi qui en a déjà suffisemment marre de te faire mettre la main aux fesses par des ours mal léchés quand tu fais la fermeture du café par exemple. Mais au fond, tu sais que tu as également de bonnes raisons de le faire. « Sans doute », tu concèdes tout de même dans un premier temps avant de reprendre. « Mais les enfants ont encore tout l'espoir du monde devant eux. Ils ont le loisir de croire en tout un tas de choses. » La naiveté de l'enfance, l'innocence. « Il me semble que ce n'est pas le cas pour les personnes qui se retrouvent là-dedans », tu termines sans prendre la peine de préciser ce que tu entends par "là-dedans". Il le sait Andréas. « Ou plutot, ce n'est plus le cas. » C'est peut-etre naïf, mais tu penses sincèrement que ce genre d'interventions pouvait avoir un certain impact sur certains. Tu te doutes que tout le monde ne peut pas comprendre ce point de vue, mais l'avis des autres ne t'as jamais empêché de défendre le tien. Et puis de toute façon, tu n'as aucune envie de parler de toi. En toute honnêteté, tu préfèrerais profiter de ce moment inattendu pour en apprendre un peu plus sur Andréas, celui-là-même qui a le regard assombri par cet espèce de mystère qui pique inévitablement ta curiosité. Celui qui te paraît aussi libre qu'emprisonné. Andréas l'intriguant. Tu n'ignores pas toutefois que le principal intéressé n'est pas très locasse. Aussi, tu te permets de poser l'une des quelques questions qui te brûlent les lèvres. « Qu'en est-il de toi ? Ce serait indiscret de te demander si tu as des projets ? » Tu pars bêtement du principe qu'il s'est déjà adapté à sa toute nouvelle liberté, et peut-être que tu as tort. Tu prends quelques secondes pour le regarder, et tu te demandes s'il est réellement ce qu'il laisse paraître, délibérément ou non. Aussi impénétrable, aussi inébranlable. Aussi impassible face à la vie, sa nouvelle vie. Tu te demandes s'il est heureux face à elle, si ses légers rictus ne sont en fait ni plus ni moins que des semblants de sourires dont il aurait oublié la sensation depuis trop longtemps. C'est vrai, tu te demandes beaucoup de choses. Peut-être plus que tu ne le devrais d'ailleurs. Mais peut-être que le fait de passer un moment avec lui sans plus un seul de ces fichus barreaux entre vous te donnait implicitement le droit de t'intéresser à sa personne d'une manière différente. En tout cas, pour une seule et unique fois sans doute, tu te permets de le faire.
Sujet: Re: [Prison] Il n'y a pas de hasard ◊ Théoxane 22/12/2016, 21:50
J'écoute Théoxane me déballer ses arguments sur les raisons qui la poussent à faire la lecture à la prison. L'oreille attentive à la douceur de sa voix, je ne la coupe pas et entends ses propos jusqu'au bout. J'ai été un peu franche avec elle en lui sortant ces phrases crues, mais tellement vrai. En aucun cas, je ne voulais la blesser, mais c'est dans mes gênes de parler franchement, sans réellement nuancer mes propos. Pourtant, quand une personne émane autant de douceur, on devrait faire gaffe à ce qu'on dit. Mais bien sûr, Andréas ne peut pas être comme tout le monde. Je la regarde lorsqu'elle me parle d'espoir sans m'arrêter de marcher, le froid mordant de plus en plus mon visage enfoui dans ma capuche. Elle veut redonner l'espoir à des gars qui, elle a raison, n'en n'ont plus. Et je me rends compte que ça a fonctionné sur moi et c'est pour cela que j'appréciais sa présence. Je garde le silence. Je balance entre approuver ses propos, comprendre ses choix, je suis la preuve qu'elle a raison de faire ça. Et désapprouver complètement parce que je connais la vie là-bas, je connais les mecs là-bas et continue de penser que mon son bien-être, pour sa santé mentale, elle ferait mieux d'aller côtoyer l'innocence enfantine. Mais après tout, qui suis-je pour lui faire la morale, pour lui imposer mon avis ? Personne, juste un ex taulard à qui elle faisait la lecture et qui vient la trouver devant la prison. De quoi faire flipper. Mes pensées dérivent vers les propos de Servane, je suis un grand-frère trop protecteur et c'est encore le rôle que je tente d'avoir auprès de la jolie blonde qui marche à mes côtés. Sauf que là, je m'en rends compte et je me retiens de ne pas être le lourdaud moralisateur. « Qu'en est-il de toi ? Ce serait indiscret de te demander si tu as des projets ? » Elle me sort de mes pensées et me surprend. Pourquoi il y a toujours un moment où il faut parler de soi aux autres. Je préférerais continuer à l'entendre parler des heures d'espoirs quitte à la trouver un peu naïve mais non pas moins charmante plutôt que de devoir de parler de moi-même. Encore pire de mes projets. Je pourrais être ironique, mais je me contiens, j'entends bien que dans sa voix il n'y a rien d'autre dans sa voix que de la curiosité. Si cette phrase était sortie de la bouche de mes parents, ça aurait tout autre chose, mais là, ce n'est rien de plus que de la curiosité et je ne peux l'en blâmer, moi-même curieux. Je prends le temps de réfléchir avant de répondre, ou je prends le temps d'inventer quoi que ce soit pour pas paraître pour un moins-que-rien. « Faire des études de médecine pour devenir un grand chirurgien ? » Je ris doucement de ce mensonge transformé en blague. J'essaye de me rattraper de ma franchise pour lui montrer que je ne suis pas qu'un con aigri bien que la prison ait fortement contribué à amplifier ce côté de moi. Les sciences naturelles ou physiques n'ont jamais été mon truc. Moi s'est la littérature, les mots, les contes, l'utopie qui permet à l'esprit de voyager, de prendre le large. J'aimerais transmettre cette idée aux autres, les faire quitter, le temps de centaines de pages, la triste réalité. Ou découvrir ceux qui permettent de la quitter un instant. « Pour l'instant, mon projet est de profiter de ma liberté. » Je réponds simplement et largement en espérant contenter sa curiosité. Je repose mes yeux sur son joli profil pour changer de sujet. « Tu fais autres choses quand tu n'es pas à la prison ? » Oui parce que le bénévolat ça ne paye pas et ça ne permet pas de vivre. Je préfère qu'on parle d'elle plutôt que de moi, sa vie est sûrement plus passionnante que la mienne. Qu'y a-t-il de passionnant dans des balades nocturnes et des piliers de comptoir ? « Je te vois bien travailler avec les enfants. » Je marque une pause et continue pour justifier mes dires « Tu as l'air assez patiente. »
Théoxane Fournier
eau de toilette
JE RESSEMBLE À : esti ginzburg, la magnificence.
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PSEUDO : anaëlle.
Sujet: Re: [Prison] Il n'y a pas de hasard ◊ Théoxane 27/1/2017, 00:14
IL N'Y A PAS DE HASARD
(andrexane) andréas guérin ft. théoxane fournier
Tu dois bien l'admettre, tu es surprise par sa courtoisie, plus encore par le fait qu'il s'intéresse poliment à toi. Non pas que tu sois du genre à mettre une étiquette sur le front des gens avant même de les connaître, mais tu as passé suffisamment de temps avec lui pour au moins affirmer qu'il ne t'a jamais paru très ouvert à la discussion. Sans doute que le contexte y était pour beaucoup. La discussion suit néanmoins son court, et le jeune homme tente même une touche d'humour, bien que ça sente davantage le sarcasme. « Faire des études de médecine pour devenir un grand chirurgien ? » Ton rire succède au sien, celui-là-même que tu entends pour la toute première fois. Il te paraît davantage railleur que naturel mais il a le mérite de te détendre un peu. Tu n'es pas idiote, pas plus qu'ignorante ; tu te doutes qu'il n'a pas dû rire depuis bien longtemps, Andréas. Tu te surprends pourtant à penser qu'il a un très beau sourire, bien que tu ne l'apprécies que du coin de l'oeil. « Ce serait une bien belle réinsertion », tu glisses entre deux semblant de sourires et une moue innocente. Tu ne le suis qu'à moitié dans sa plaisanterie parce qu'en vérité, tu le crois tout à fait capable de faire quelque chose d'au moins aussi bien que des études de médecines. Cela n'avait rien à voir avec ce que tu connaissais de lui puisque de toute évidence, tu n'en connaissais rien. En fait, cela avait à voir avec cette lueur si spéciale que tu avais si souvent aperçue dans ses yeux du temps où il était encore là-bas. Quelque chose de vif, de fin. Un éclat évident d'intelligence d'esprit à côté duquel tu n'aurais pas pu passer. T'aurais pu lui confier tes pensées à ce sujet, mais tu y renonces pour différentes raisons, l'une d'entre elles étant qu'Andréas reprend la parole avant que tu n'aies le temps de le faire. « Pour l'instant, mon projet est de profiter de ma liberté. » Tu ris pour toi-même alors que tu te sens idiote. « D'accord... c'est hyper maladroit de te bassiner avec tes projets d'avenir, n'est-ce pas ? » tu admets sans même attendre une quelconque confirmation de la part de ton interlocuteur. C'était l'évidence-même. Déjà qu'il n'avait pas l'air de beaucoup apprécier parler de lui. Ça, tu le comprends très rapidement lorsqu'il se hâte de reporter la discussion sur ta personne. « Tu fais autres choses quand tu n'es pas à la prison ? » Tu restes silencieuse un instant. C'est le problème, vous n'êtes pas franchement compatibles à ce niveau-là ; toi non plus tu n'aimes vraiment qu'une conversation tourne autour de toi, et c'est très certainement pour cette raison que tu t'intéresses tant aux autres. Toutefois, en dépit de cet état de fait, tu te surprends à plier et à lui répondre sans même broncher, surtout parce qu'au fond de toi t'as aucune envie que la discussion s'arrête là. « Il faut bien que je gagne ma vie », tu commences pour toute affirmation avant qu'il ne poursuive. « Je te vois bien travailler avec les enfants. Tu as l'air assez patiente. » Tes lèvres se déforment dans une légère moue tandis que tu hausses négligemment les épaules. « Non, rien de tout ça. Je suis loin d'avoir assez de diplômes. » Tu marques une courte pause. « Je ne suis qu'une modeste serveuse dans un café. » Tu te contentes de cette réponse, et il s'en contentera aussi car c'est la seule qu'il aura. Tes extras au Moulin Rouge, tu les gardes pour toi. « Mais peut-être qu'avant d'en arriver à parler de nous, on pourrait commencer par le début. » Ses yeux sombres se mêlent si bien à l'obscurité que tu vois à peine son regard se poser sur toi. En revanche, tu distingues étonnement bien ses sourcils froncés l'interrogation – ou l'irritation, mais tu préférerais largement la première solution. T'as envie de rire face à ses expressions toujours un brin exagérées, mais tu crains qu'il pense que tu te moques de lui alors tu te retiens avec habileté. « Monsieur aurait-il un prénom ? » Depuis tout ce temps, tu ne sais même pas comment il s'appelle – pas plus que n'importe quel autre prisonnier en réalité. Des prénoms, t'en as entendu quelques uns se glisser par-ci par-là durant les discussions sur les bouquins, mais tu serais bien incapable de les attribuer à un visage. La collectivité n'aidant pas, et la nécessité que les prisonniers régulent eux-mêmes leurs prises de paroles non plus. Qui plus est, cela faisait bien longtemps que tu n'avais pas jeté de coup d'oeil à ta liste ; de toute façon, elle changeait bien trop souvent. Alors, tu te contentes simplement d'attendre qu'il te réponde, avec une impatience que tu tentes tant bien que mal de dissimuler parce qu'en réalité, y'a tout un tas d'autres questions qui te brûlent les lèvres. Il t'intrigue plus que de raison, c'est un fait, mais il a ce côté farouche qui te pousse à ne pas aller trop vite en besogne. Du coup, tu restes silencieuse, sous l'air glacé, à côté d'un homme aux airs pas beaucoup plus chaleureux mais qui te faisait pourtant totalement oublier le froid de ce mois de janvier.