Tu sais ni comment ni pourquoi, t’as atterri chez Albane en début d’après-midi. D’ailleurs, tu y serais probablement encore si Juliette ne lui avait pas proposé une soirée entre filles à la dernière minute. Et il va sans dire que « entre filles » sous-entend « sans Isaac ». T'as beau faire l'autruche quand ça t'arrange, t'as très rapidement capté le message cette fois. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir tenté de les convaincre : tu leur a promis de rester dans un coin sans parler ni bouger, de te faire tout petit, de les laisser choisir tous les films de filles gnan-gnan qu’elles voudraient… t’as même été jusqu’à leur proposer de faire la vaisselle, ce qui n’a toutefois pas fait mouche étant donné que les demoiselles avaient dans l’idée de commander McDo. En bref, rien n’y a fait, et tu t’es fait virer comme un malpropre en fin d'après-midi. Voilà pourquoi tu te retrouves à errer dans la rue, portable en main.Tu fais défiler la liste de tes contacts en quête de la bonne personne pour te tenir compagnie ce soir. Mathias ? Mauvaise idée. Une soirée avec lui pourrait bien vous mener trop loin dans cette relation déjà un peu trop régulière à ton goût. Léandre ? Encore pire. T'as envie de t'amuser, pas de te faire chier en te débattant avec des sentiments dont tu ignores encore tout. Elias ? Inconnu au bataillon. Tu ne te souviens même pas de la gueule qu'il a celui-là. Noam ? Ton pouce s'immobilise tandis que tu envisages la possibilité d'inviter le blondinet en question. Tu ne te souviens même plus de quelle façon tu as réussi à chopper son numéro mais toujours est-il que ce n'est pas la première fois que tu l'utilies, et certainement pas la dernière non plus.

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To : Noam (le type blond et mignon), le 21/10/2016 à 18h02

« On a pas fini d'écumer les bars de Paris toi et moi. Ce soir, je t'en fais découvrir un autre. Je t'envoie l'adresse. »

Evidemment, tu ne lui laisses aucune possibilité de refuser. Avec un peu de chance, il n'a rien de prévu. Et avec encore plus de chance, il pourrait tout à fait annuler ses plans pour toi, histoire que ton ego soit davantage flatté. Quoi qu'il en soit, c'est avec un sourire satisfait au coin des lèvres que tu ouvres le sms dans lequel il te confirme sa venue. Bingo. Prochaine étape de réussite : un bar gay. T'es pas idiot, si tu ne lui as pas fait part de ce détail dans ton texto, c'est que tu n'es pas certain qu'il aurait accepté si aisément. Pour cause, vous n'avez jamais réellement parlé de vos préférences sexuelles ; il faut dire que ce n'est pas le genre de sujet qui passe crème dans n'importe quelle circonstance, bien que de ton côté tu n'aies aucun tabou à ce propos. Néanmoins, tu te demandes s'il en est de même pour Noam qui, tu en es certain, partage ton goût pour le sexe masculin. Tu ne saurais pas expliquer comment tu le sais, mais tu le sais. T'as un radar à homosexuel, c'est tout.
Une première chope de bière entre les mains, t'attends impatiemment l'arrivé de Noam. Il semble vouloir se faire désirer. Contre toute attente, t'aimes bien ça. De toute façon, tu te sens bien ici, t'es un habitué. Du coup, tu papotes avec les barmen afin de faire passer le temps en attendant de démarrer la soirée comme il se doit. Enfin, au bout d'un certain temps (tu ne saurais évaluer combien, mais peu importe) Noam finit par pointer le bout de son nez. Il n'est manifestement pas très à l'aise à cause de l'ambiance environnante. Pour autant, il ne fait aucune remarque et se contente de commander une vodka avant même de te saluer. « Te voilà enfin, princesse », tu te moque afin de lui faire comprendre que tu patientes ici depuis un bon moment. Alors que tu t'attends à ce qu'il te réponde, il prend finalement la parole pour une toute autre raison. « Putain, Isaac, dis moi que tu te fous de ma gueule ou je te jure que tu vas passer un mauvais quart d'heure ! » Tu t'efforces de rester sérieux. C'est dur. Très dur. « Quoi ? » tu le questionnes en feignant l'innocence. « Qu'est-ce qu'il y a, t'avais l'air d'aimer nos petites virées dans les bars de Paris les fois précédentes, nan ? », tu ironises. A sa place, t'aurais probablement envie de te foutre une tarte dans la tronche mais t'espères y échapper. « Tu préfères les gonzesses peut-être ? » Si tu continues comme ça, tu vas te la prendre la claque dans la gueule, c'est clair. Tant pis, tu prends le risque. Noam a beau te promettre un sale quart d'heure, tu ne le vois pas du même oeil. . Après tout, une soirée dans un petit bar sympa avec un mec plutôt mignon, ça reste franchement engageant. « Allez, j'te paie un autre verre. Et j't'assure que dans pas longtemps, j'aurais plus rien à me faire pardonner. »