It's inevitable everything that's good comes to an end.

Claire Peyre & César Peyre

Devant la tombe de sa fille, César dépose les fleurs qu'il a acheté sur le chemin. Ce sont de magnifiques roses blanches. Contrairement aux autres personnes, il n'a pas amené des chrysanthèmes. Il n'aime pas ces fleurs là trop proches du deuil et de la mort pour lui. Il a préféré prendre des fleurs qui lui rappellent l’innocence de sa fille et son amour pour elle. Oui c'est paradoxal vu qu'il n'a rien fait pour l'aider à vivre lorsque les médecins se sont rendus compte qu'elle était malade. Cependant, ça n'empêche pas qu'il aimait, aime et aimera sa fille du plus profond de son cœur jusqu'à sa mort. En posant le bouquet sur la stèle, le cancérologue récupère un vieux bouquet fané et va le jeter dans la poubelle. Il revient ensuite devant le marbre où on peut clairement lire « Emma Peyre, 12 Juin 2008 – 22 Décembre 2014. A nôtre fille bien aimée. » Ça lui sert le cœur alors qu'il contemple ce morceau de roche dur, froid et qui sera la maison de son bébé pour toujours. Depuis la mort de sa fille, il y a un an et demi, c'est la première fois qu'il se rend sur sa tombe. Il l'a évité tout ce temps par peur. Par peur de craquer et de ne plus pouvoir s'arrêter de pleurer. Par peur de tomber sur Claire et qu'elle lui crache à la gueule à quel point il la dégoûte. Par peur de voir sa famille et de voir leurs mines déçues. Ouais César n'est qu'un lâche qui n'a pas su protéger sa famille. Il regrette tellement d'avoir agi de la sorte parce qu'en plus de ne pas avoir été capable de sauver son rayon de soleil, il a aussi perdu la femme de sa vie. Il est certain qu'il n'aimera jamais plus personne comme il a aimé Claire. Cette femme est tout ce qu'il a toujours voulu et même s'ils se sont battus et engueulés, ils se sont surtout aimés passionnément. Ce n'est pas le genre de chose qu'on peut oublier et que l'oncologue oubliera. Elle fait partie de lui, de sa vie, de son passé, de son présent et peut être de son futur ? César aimerait bien pouvoir se repentir de ses erreurs, mais il sait que c'est impossible. Il a laissé tomber sa famille au moment où elle avait le plus besoin de lui. C'est une erreur qu'on ne pourra jamais lui pardonner, et surtout pas Claire. Il la comprend parce qu'il sait que si ça avait été l'inverse, il n'aurait plus jamais voulu lui parler. Le trentenaire avait été con sur ce coup-là et pour la suite aussi. Il sent alors ses yeux s'humidifier et il parcourt du regard le cimetière à la recherche de personnes vivantes. Il n'y a personne. Il n'est entouré que de morts et ça le soulage un peu. Il ne veut pas qu'on le voit dans une position de faiblesse. Puisqu'il est seul, il s'assoit par terre en face de la photo souriante de sa fille. Il se rappelle que c'est Claire qui avait décidé de prendre cette photo parce qu'elle voulait qu'on se souvienne de Emma comme étant une petite fille souriante. Elle ne voulait pas que lorsque les gens viendraient se recueillir devant la tombe de leur fille ne pense à elle que par sa maladie. César sourit tristement à la photo en séchant ses yeux humides. « Je suis désolé mon cœur. Désolé d'avoir agi comme je l'ai fait. J'aurais du faire tout ce que je pouvais pour te sauver. Mais je n'arrivais pas à concevoir que toi, ce miracle de la vie, cette petite chose qui avait autant grandit soit malade. J'ai beau être confronté à la maladie tous les jours, je me suis toujours dit que ce genre de chose n'arrivait qu'aux autres. C'est faux. Ce fléau que je soigne t'as touché et j'ai rien pu faire. » Pendant qu'il parle, il ne peut empêcher les larmes de venir inondé son visage. Ça y est, il craque. Tout ce qu'il a enfoui en lui pendant cette année sort et il ne peut pas l'arrêter. Ça lui fait un bien fou de tout extérioriser mais ce n'est pas assez. Il voudrait que cette souffrance constante qu'il ressent s'en aille définitivement. Il essuie ses yeux qui continuer de pleurer et contrôle sa respiration pour ne pas qu'elle soit interrompue par des sanglots. Il a encore des choses à dire. « Je pense que ta mère te l'a sûrement dit, on est plus ensemble. On a divorcé peu de temps après ta mort... Même si on est plus marié aux yeux de la loi, elle reste ma femme parce que je l'aime. Ouais je l'aime tellement que je pourrai en mourir. Seulement, je pense qu'elle ne me voit plus comme le César qu'elle a épousé il y a quelques années. » César se stoppe se rendant compte de sa propre bêtise et se met à légèrement ricaner. « Je sais même pas pourquoi je te dis ça. Je sais même pas pourquoi je parle à ton tombe... sûrement que j'avais besoin de parler sans qu'on m'interrompe ou me fasse la morale et c'est compliqué de faire ça avec tes tantes et ton oncle... et encore plus tes grands-parents et ta mère. » reprend-il en soupirant. Les Peyre sont têtus de famille et aucun d'eux n'auraient écouté ce que le père de famille vient de confesser à sa fille sans lui faire la morale ou lui reprocher son comportement. César se relève, époussette ses affaires et lance un dernier regard à la stèle. « Je t'aime Emma, ne l'oublie jamais. » César efface les dernières traces de larmes de ses yeux et passe une main dans ses cheveux. Il espère que ça ne se voit pas trop qu'il a pleuré, surtout qu'il est susceptible de rencontrer un membre de sa famille ou même Claire elle-même. A cette idée, il lève les yeux au ciel. Il  n'a pas envie de la voir, pas aujourd'hui, pas alors qu'il a montré sa faiblesse et s'est effondré. L'oncologue est trop fier pour laisser quelqu'un le voir dans cet état et encore plus pour s'excuser de ce qu'il a fait. Il se dirige alors vers la sortie en espérant partir le plus loin d'ici et ce le plus rapidement possible. Il n'a rien de prévu de la journée et ne sait pas ce qu'il va faire. Sûrement errer dans les rues parisiennes sans but précis. Il ne veut pas rentrer chez lui et encore moins aller à l'hôpital. Il soupire en ouvrant la grille du cimetière. César ne fait pas attention et percute quelqu'un. Il baisse les yeux pour rencontrer ceux noisettes de son ex-femme. Ah merde ! Il suffit qu'il pense à ce qu'il ne veuille pas la voir pour qu'elle apparaisse devant ses yeux. Qu'est-ce qu'elle est belle ! Le médecin a toujours aimé son regard flamboyant. Ça lui donne un petit côté rebelle qu'il aime tant chez elle. Elle semble avoir un peu maigri, être fatiguée et au bout du rouleau. Il voudrait la prendre dans ses bras, mais il se retient. Elle le prendrait sûrement très mal s'il le faisait. « Claire, qu'est-ce que tu fais là ? » Mais oui bien sûr c'est totalement le genre de chose qu'il faut dire à son ex-femme qui se rend sur la tombe de sa fille... Non mais bien joué César ! Elle va sûrement encore plus le détester maintenant...