Comment tu t'étais retrouvé là ? A vrai dire, tu n'en savais rien toi même. C'était une nouvelle folie d'Howard, ton supérieur et ami. Peut-être bien un des rares amis que tu aies et, sachant que la vie n'avait pas toujours été clémente avec toi et combien tu pouvais être solitaire et pudique, il avait décrété qu'il te décoincerait d'une manière ou d'une autre. Howard, c'est un quadragénaire sympathique, séduisant, qui le sait et s'en sert. Il est en instance de divorce et profite de la vie comme elle vient. Tu l'avais bien compris. Mais là, l'homme avait fait fort. Il y a quelques mois, son petit jeu était encore gentillet : "allons boire un coup par là Olivier, et si tu venais faire un tour et que je conduisais à 150 sur le périphérique à minuit... J'appellerai Martin pour faire sauter la contravention si on se fait gauler..." Bref, tout autant de choses qui n'auraient jamais traversé ta caboche de jeune premier.

Ce soir-là, Howard t'avait embarqué dans le 19ème arrondissement après avoir bu un apéritif dans un café du coin. Tu ne t'étais pas méfié, de toute façon, l'homme était plutôt imprévisible. Tu en étais venu à cette conclusion et suivait tant bien que mal. Cela t'occuperait le temps d'un soir et peut être que Delphine cessera de s'immiscer dans tes pensées. De cela aussi, Howard était au courant. Il était plutôt bon à te tirer les vers du nez, surtout avec une pinte de bière en trop dans l'aile. Petite nature. Il était tard et vous étiez installés dans un salon aux couleurs chaudes. La lumière était tamisée. Tu ne compris ce qui t'attendait que lorsque des demoiselles habillées légèrement pointèrent le bout de leur nez dans un coin de la salle. Tu te sentis pâlir d'un seul coup. Ah non décidément Howard avait été trop loin ! Tu n'étais pas innocent, la chose était sûre mais ce genre d'activité te met mal à l'aise d'abord. S'acoquiner en public, c'est n'importe quoi, les demoiselles méritaient tellement plus de considération que cela. Tu adresses un regard peu amène à ton ami. On ne t'y reprendrai plus. C'était certain.

Ton ami te répond par un regard équivoque et adresse un signe de tête aux demoiselles de joie. L'une d'entre elle, une jeune rousse se dirige vers toi. Elle est belle, c'est sûr mais cela ne t'évoque rien. Mais enfin, il semblerait que tu étais coincé là, malgré l'envie irrésistible de prendre tes jambes à ton cou. Tu voulais rentrer chez toi, te glisser dans une tenue plus détendue, te faire une tisane et bouquiner, Vagabond sur tes genoux. C'était à cela que ressemblaient tes nuits, quand toi même ne vagabondais pas dans les rues de Paris dans le confort de la nuit. Des plaisirs bien plus simples et plus sages que ceux proposés en ces lieux.

 

Ce soir, c’est soirée spéciale. Un mec avait appelé pour dire qu’il voulait plusieurs filles et Noé fait partie de la ‘’sélection’’. La requête demandait des vêtements habillés mais pas trop. Comment on peut être habillés mais pas trop ? Noélie déteste les devinettes et encore plus quand c’est pour satisfaire des clients qui ne pensent qu’avec leur bite. Elle enfile donc simplement un corset et des jambières qui lui montent jusqu’à mi-cuisses avant de passer ses escarpins. Ainsi parée, il le lui reste plus qu’à mettre son perfecto en cuir et la voilà parée pour se rendre au bar. C’est une de ses collègues dont elle a oublié le nom qui vient la chercher en voiture. Noé ouvre la fenêtre pour allumer une clope et tire quelques taffes, le regard dans le vide. Le vent vient frapper ses joues, les teintant d’une jolie couleur rose. Elle soupire tout en laissant son regard vagabonder sur les passants dans les rues de la capitale. Et puis, elle en vient à penser à lui, à ce type qui a toujours tout fait pour qu’elle se sente bien. Celui qui a toujours été là pour elle-même si elle le rejetait encore et encore. Elle n’arrive pas à savoir s’il fait ça par pitié ou s’il a autre chose derrière la tête. Noélie voudrait que ce soit la deuxième solution. Elle voudrait que ce soit parce qu’il tient à elle plus qu’il ne le dit. Seulement elle sait que ce n’est pas possible. Pourquoi voudrait-il d’un déchet comme elle ? Que dirait-il s’il apprenait qu’elle a été violée à douze ans et qu’elle n’a rien pu faire ? Non définitivement, ils ne sont pas du même monde et hors de question qu’elle le souille avec le sien. Noé soupire alors qu’elle sort de son sac un joint. Elle jette le mégot de sa cigarette par la fenêtre et allume le joint avant de le faire tourner à sa collègue. Elle refuse et Noélie le récupère sans rien dire. Elle s’ennuie déjà alors que la soirée n’a pas commencé. Alors, elle tire sur son joint en se délectant de ce sentiment qui s’empare d’elle. Elle se sent bien et en même temps si mal. Noé c’est le genre de fille a être tout en paradoxe. Elle-même ne se comprend pas à chaque fois. Elle sort de ses pensées, quand elles arrivent devant le bar, se garent et passent par derrière pour entrer dans l’établissement. Là, elles ont le droit à un petit briefing. Noélie n’écoute pas, préférant se préparer mentalement à être en contact avec un autre humain, elle qui répugne être touchée et toucher en retour. Seulement, encore une fois, paradoxalement quand elle couche avec quelqu’un que ce soit dans les films ou pour son travail de prostituée, elle ne ressent aucun dégoût à être au contact d’un autre corps humain. C’est bizarre, elle-même ne l’explique pas. Peut-être est-ce une conséquence de son viol ? Elle ne sait pas et ne cherche pas à savoir. Elle fait ce qu’on lui demande et c’est tout. Le propriétaire du bar leur dit alors d’entrer dans un des salons privés et de se diriger vers les deux hommes. L’un d’eux fait un signe de tête à Noélie qui s’avance sans réelle sensualité vers celui qui semble avoir un balai dans le cul. Elle s’assoit donc près de lui et sa main vient se poser sur sa cuisse. Noé retient un frisson de dégoût et de peur s’emparer d’elle alors qu’elle s’approche encore un peu du jeune homme. « Je m’appelle Nikita, mais tu peux m’appeler Niki. » Noélie se présente toujours avec son nom d’actrice porno même quand elle fait la pute. Les gens avec qui elle couche n’ont pas besoin de savoir son vrai prénom. Ils n’ont pas non plus besoin de savoir de prénom du tout. Mais souvent, ils ont besoin d’un prénom pour jouir. Parce que oui, c’est son prénom qu’ils gueulent quand ils explosent dans la capote. « Dis moi ce que je dois te faire mon beau ce soir. » reprend-elle en essayant de paraitre le plus sexy possible. Bon, il faut dire que sa tenue aide. Noé se lèche les lèvres et commence doucement à remonter sa main sur la cuisse de son client du soir. Plus vite ce sera fait, plus vite elle partira d’ici.