Février 2002 à Barrie en Ontario (Canada)« Désolé, je vais être AFK un instant, le téléphone sonne. » Je me levai de ma chaise d’ordi tout en suivant le son du combiné qui était sans doute enfouit en-dessous d’une pile de linge sale dans ma chambre. Deux sonneries plus tard, je trouvai celui-ci mais je restai sous le choc tout en voyant le nom de mon père sur l’afficheur. Disons que nous n’avons jamais eu une très bonne relation tous les deux. Mes parents sont séparés depuis que j’ai 4 ans et on ne peut pas dire qu’il ait vraiment démontré un intérêt en ma personne. Y’a bien une fois où j’ai cru qu’il s’intéressait enfin à moi mais j’ai été naïf. La seule raison pour laquelle il m’a demandé d’aller habiter chez lui, c’est sans doute pour ne plus avoir à payer la pension à ma mère. Quoiqu’il ne la payait pas la moitié du temps, de toute façon, c’était son père qui remettait les sous à ma mère.
« Allô? » Je m’installai sur ma chaise d’ordinateur pour au moins tenter d’aider mes coéquipiers malgré que je n’aie aucun son puisque mon casque d’écoute était posé sur mon bureau.
« Julian? C’est ton père. » dit-il presque à la Darth Vador. Il ressentait sans doute le besoin de préciser qui il était au cas où j’aurais oublié sa voix.
« Qu’est-ce que tu veux? » Je m’imaginais déjà tout un tas de scénario qui pouvait justifier son appel. Je sais que ça fait au moins un an qu’il est de retour en ville et c’est quand même la première fois qu’il se manifeste. Je me suis toujours demandé pourquoi il avait décidé d’avoir un enfant.
« Ton grand-père est mort vendredi. » Ah. J’avais le pressentiment que cette nouvelle sortirait bientôt. Grand-papa était rendu à 88 ans et cela fait au moins une bonne dizaine d’année qu’il habite à l’hôpital, incapable de prendre soin de lui. La dernière fois que je suis allée le voir, il fixait la télévision, incapable de parler. Je me demande s’il avait conscience que j’étais là.
« Les funérailles vont être samedi prochain. Ça commence à 13h00 mais je vais être là à 12h30 si jamais tu vas arriver avant. On pourrait parler, ça fait quand même un bon bout de temps qu’on ne s’est pas vu. » La faute à qui?
« Uhm, ouais. Ok. Je vais être là. » Une chance que le reste de sa famille n’est pas comme lui. C’est sans doute pour ça que personne n’aime mon père, d’ailleurs. Heureusement qu’ils sont assez intelligents pour ne pas me mettre dans le même bateau que lui.
« Bon bah, à samedi. » « À samedi. » Je raccrochai le combiné sans plus attendre et je remis mon casque d’écoute sur ma tête pour retourner me perdre dans mon jeu.
« Désolé, je suis revenu. » Comme si de rien n’était, je continuai à jouer avec mon clan tout en me ressassant mes souvenirs avec mon grand-père entre les manches. J’avais commencé à jouer aux jeux vidéo lorsque j’habitais chez mon père. C’était mon moyen à moi de m’évader de la réalité, du fait qu’il se foutait de moi. J’avais presque décroché de l’école, cette année-là, à cause de lui. Et le pire, c’est que ça ne lui avait rien fait. Je pense que j’aurais pu me gelé la face dans son salon qu’il n’aurait rien dit. Ce n’est pas pour rien que je suis retourné vivre chez ma mère l’an suivant. Je n’ai juste pas perdu le réflexe d’aller jouer sur les jeux. Eux, ils ne m’abandonneront pas.
{ ... }
(J'espère que ça ne vous dérange pas qu'il y ait des dialogues en anglais dans cet extrait. Je trouvais ça moins compliqué vu que ça change du français à l'anglais. Rassuez-vous, cela dit, le français de Julian est meilleur qu'à cette époque donc en RP ce sera en français.)
Mars 2014 à ParisDernière partie du tournoi, c’est maintenant ou jamais. Nous avons réussi à se rendre en final et on aimerait bien ramener le grand prix au pays. Nous sommes tous les 5 hyper concentrés et la communication se fait bien. La manche se passe hyper vite jusqu’à ce qu’on se retrouve en 2 contre 1.
« Last one is upper tunnels. » Je me plaçai à l’arrière du site pendant que mon allié est en bas du tunnel au cas où l’ennemi tenterait de passer par un autre chemin. Il est encerclé. Je l’entendis finalement s’approcher de moi et je le tue d’une balle en pleine tête.
« YES. » On se lève les 5 en criant, se tapant dans les mains. La victoire est à nous, je suis bien content. Nous serrâmes les mains de l’équipe adverse pour ensuite nous faire interviewer pendant quelques minutes après quoi je décidai d’aller me promener un peu dans le bâtiment, histoire de voir quoi d’autre il y avait. Je m’arrêtai dans la section des arcades, devant le jeu de dance dance revolution. Deux filles sont en train de s’affronter et je ne pu m’empêcher de regarder celle de droite. Ses longs cheveux bruns et son sourire innocent m’hypnotisaient. La chanson terminée, son adversaire accepta sa défaite et descendit de la plateforme.
« Allez, une dernière! » Son amie secoua la tête négativement, refusant une deuxième manche.
« Je vais jouer contre qui alors? » Je ne comprenais pas grand chose de ce qu’elles disaient mais j’imaginais très bien qu’elle essayait de convaincre son amie de revenir.
« I’ll come. » Spontanément, je montai sur la plateforme à côté d’elle. Elle n’avait pas l’air certaine de vouloir jouer avec un inconnu.
« Go! » dis-je en pointant le bouton pour commencer. Elle haussa les épaules et lança le jeu. Je n’avais pas peur du ridicule alors ça ne me dérangeait pas du tout de me lancer dans une bataille comme celle-ci. La bataille fût serrée mais elle remporta la partie. Nous descendîmes tous les deux je m’approchai d’elle.
« You did a good job! » Je lui serrai ensuite la main, en bon joueur.
« Julian. » « Diane. You speak french? » Je secouai ma main devant moi tout en grimaçant. Ça voulait tout dire.
« Voulez-vous coucher avec moi, ce soir? » Je rigolai ensuite un peu. C’était la seule chose que je savais dire en français. En plus des mots de base comme oui, non, merci et ... baguette.
« Pourquoi pas? But you need to beat me first. » répondit-elle avec un grand sourire. Je fronçai les sourcils tout en penchant la tête un peu.
« What ? I have no idea what I’ve just said. » C’était sans doute la première phrase que tout touriste apprenait en premier. Je ne savais même pas ce que ça voulait dire, cependant.
« You just asked me if I wanted to have sex with you. » Je figeai. Vraiment?
« Oh. And what was your answer? » demandai-je un peu gêné.
« Win and you’ll see. » Elle se pencha et m’embrassa au coin des lèvres.
« Ok. Go. » Je ne refusais jamais quand on me lançait un défi. Surtout pas quand j’avais une motivation comme celle-là. Une motivation assez grande pour que je réussisse à la battre, cette fois-ci. Et c’est en plein ce qui arriva. Lorsque le pointage final s’afficha à l’écran, je la pointai immédiatement :
« OHHHHHH! » Je fis même une petite danse de gagnant, tout en faisant claquer des bretelles imaginaires sur mes épaules. Je descendis de la plateforme dans sa direction.
« So ? » Et puis si elle n’était pas sérieuse? Au pire, ce n’est pas comme si nous allions nous croiser souvent une fois que j’allais être de retour au Canada.
« Tu viens? » Elle fait un petit mouvement de tête vers l’arrière, comme quand on demande à quelqu’un de nous suivre. Je regardai au-dessus de mes épaules, comme pour vérifier si ce signal était vraiment adressé à moi, puis je reposai mes yeux sur elle :
« Sure. ».
***
Le bruit de la vie parisienne finit par m’arracher des bras de Morphée. Heureusement, j’avais encore ceux de Diane pour quelques heures. Le temps passait trop vite, c’était déjà le temps pour moi de retourner au Canada et à vraie dire, je n’en avais pas envie. Cela faisait un moment que je ne m’étais pas sentie comme ça et je n’avais pas envie de retourner à ma vie routinière. Ça me faisait vraiment drôle de me sentir comme ça étant donné que ça ne faisait que deux jours que nous nous connaissions.
« Julian? » grogna-t-elle tout en se retournant vers moi, à moitié endormie.
« Bon matin. » dis-je en souriant, tassant une mèche de cheveux de son front. Elle m’avait appris quelques petites choses les deux derniers jours.
« You’re so beautiful. » J’avais du mal à m’imaginer que son visage ne serait que souvenirs dans quelques heures. Et la vue de mes valises, à côté de sa porte, ne faisait que me le rappeler. Diane posa sa tête sur mon torse avec sa main sur mon ventre. De mon côté, je passai ma main dans son dos tout en fixant le mur.
« What if I move here? » C’était une idée jetée en l’air mais ça me plaisait bien d’y penser. Ce n’est pas comme si mon père me retenait de partir et ma mère était décédée d’un cancer du sein il y a quelques années. Je n’avais plus aucune attache au Canada. Diane releva aussitôt la tête, me sondant du regard. Elle devait se demander si j’étais sérieux.
« What? I have nothing waiting for me at home. And now I have you here... » Sauf si elle ne me voyait que comme une baise passagère. On ne partageait peut-être pas le même avis sur l’autre. Mon coeur se mit à battre un peu plus rapidement à l’attente de sa réponse.
« The appartment is big enough for two... » Mon sourire s’agrantit instantannément.
« Seriously? » Elle me fit comprendre que ce n’était que le temps que je me trouve quelque chose mais c’était déjà beaucoup et ça faisait mon affaire. Je savais sur quoi j’allais me lancer une fois à la maison. Il suffisait juste qu’elle ne trouve pas un autre homme jusqu’à ce que j’arrive.
{ ... }
Juin 2015 à ParisChercher un appartement pendant la période de déménagement, c’est vraiment l’enfer. Il reste presque rien et je dois me contenter d’un appartement minable ou d’un appartement qui coûte la peau du cul.
« Alors, vous en pensez quoi? » Je fis le tour de l’appartement une dernière fois avant de me décider.
« je prends. » dis-je en souriant à peine. L’agente me serra la main, contente que j’accepte finalement de prendre l’appartement. De mon côté, ça ne voulait rien dire de positif. Si je me cherchais un appartement aujourd’hui, c’était parce que Diane avait décidé de mettre fin à notre histoire. Elle avait trop de mal à accepter que je gagnais ma vie en jouant aux jeux vidéo je pense. Pour elle, ce n’était qu’un passe-temps et quand elle arrivait à la maison, elle voulait que j’arrête tout pour lui donner de l’attention. Et le pire dans tout ça, c’est que je sais qu’elle n’aurait jamais pu accepter de venir prendre une bouchée avec moi si j’étais débarqué en plein milieu d’un procès. Mais vu que moi je travaillais à la maison et que je gagnais ma vie en jouant, je le pouvais. C’était un peu ironique mais elle n’était pas la première à qui ça énervait. Que pouvais-je faire de plus? Si ça se trouvait, j’allais finir ma vie avec 40 chats.
« Vous pourrez déménager à partir du lundi prochain, propriétaires seront partis. » J’hochai de la tête et je la suivis jusqu’à la cage d’escalier pour redescendre en bas. Sur notre chemin, nous croisâmes une femme qui montait.
« Je vous présente Romy, votre future voisine. » Je serrai la main de la jeune femme qui se présenta officiellement. Je fis de même :
« Julian Marr. » « Meurs? » Je secouai la tête négativement et je répétai mon nom. Elle retenta encore une fois de prononcer mon nom :
« Marre? » « Marr. » Oh et puis fuck. Elle pouvait bien le prononcer comme elle le voulait, moi j’abandonnais. C’était un combat de tous les jours depuis que j’habitais Paris et je devais bien me faire à l’idée que personne ne prononcerait mon nom comme il faut.
« Content de connaitre toi. » dis-je avec mon français un peu brisé. Je commençais à être capable d’avoir des discussions mais il ne fallait pas s’attendre à un français parfait.