C'est avec une envie à peine voilée de détruire quelque chose, comme ce petit taille crayon automatique qui siègeait juste à côté de sa souris, qu'Ulrich accepta l'invitation reçu par mail pour "point design" créée par madame l'inquisitrice. En commentaire de l'invitation ? "Il faut revoir complètement la maquette, c'est un désastre." Elle avait cette façon d'écrire des commentaires à chacune de ses invitations en brief. Genre, le point hebdo qu'il avait fait la semaine passée était : "ulrich, es-tu toujours en poste ici ? Parce que ton travail n'avance pas. On en reparle au point hebdo." Bref, c'était le genre de réunion où il valait mieux se faire renverser par un bus la veille. Non pas que Gabrielle Delorme annulerait le point, non, elle se pointerait même à l'hôpital s'il le faut pour vous démolir psychologiquement, mais la morphine aiderait sans doute. Tiens, parlant de ça, Ulrich eut un petit sourire en coin en pensant à la douille qu'il allait faire pour oublier cette journée incroyablement merdique. D'ailleurs, en coupant son Mac et rangeant son bloc-notes dans sa mallette il commença à se faire la liste de toute les raisons qu'il avait de tout plaquer pour vivre en province. Bon, rapidement, il fut rattrapé par cette simple pensée : "Ouais mais, y a rien en province.". Il fut ronchon. A peine eut-il le temps de poser ses écouteurs sur les oreilles que Bidule (bidule c'était la fille dont le poste était assez floue genre "elle parle avec tout le monde, elle sait toujours tout, mais personne ne sait clairement ce qu'elle fait même si elle se plaint toujours d'être surbookée") surgit de nulle part. Hey, chéri, tu peux pas parler maintenant ! Y a le pot de départ d'Hélène. Ulrich eut un petit temps d'arrêt. Qui ? Ca dû d'ailleurs se lire dans son regard puisque Bidule expliqua un peu plus en profondeur : Du service juridique ! Tu lui as roulé des patins dans les chiottes à la soirée de Noël... Ulrich ouvrit la bouche pour prononcer un long "aaaaaaaaaaaaah" propre au français qui se rappelle soudainement un truc. Merde, elle quitte la boite ? Bidule acquiesça tristement. Oui, elle est en dépression, arrêt maladie, elle part se ressourcer en Bretagne. Elle va être dévastée si personne ne vient à son pot de départ ! Ulrich fit la grimace, l'image de sa boite remplie de weed qui l'attendait sagement cachée dans le meuble TV ne l'incitait pas vraiment à rester, en fait, vraiment pas. Tout ce qu'il attendait c'était que Bidule tourne le dos pour filer dans l'ascenseur de gauche. Oh tu sais je... y a ce truc avec... ma petite soeur qui... Bref, un truc familiale tu comprends, hein ? Tenta-t-il vainement de se justifier. Bidule fit les gros yeux, d'un coup elle devint ultra flippante. N'oses même pas te barrer Maubert. Sinon, je repends la rumeur comme quoi sa dépression a un lien avec cette fête de Noël... hmm.. ? D'ailleurs, tu trouves pas que c'est une sacrée coïncidence, hein ? Ulrich déglutit avec difficulté. Woo, ok. Elle était flippante cette meuf, très... très flippante !

Le voici, une pause clope sur la terrasse et un point express avec le développeur plus tard, en train de fouiller le frigo de la salle de dej du 2e étage dans l'espoir d'y trouver une bouteille d'Oasis, de coca, ou qui sait de champagne. Sauf qu'avoir de l'alcool dans les locaux serait bien trop festif pour l'antichambre de l'enfer ! Jamais Satan alias Gabrielle ne pourrait autoriser cela. JAMAIS ! Ulrich commençait vraiment à perdre patience, voyant que tout le monde essayait d'éviter Bidule qui elle, essayait au contraire de rappeler un maximum de monde. Putain, il s'était fait avoir comme un bleu, et voilà qu'il allait passer dix minutes à dire au revoir à Hélène, puis 2h30 à tenter de sortir discrètement. Loose internationale ! Et puis, alors qu'il refermait sauvagement le mini frigo il tomba sur... Candice ! Qu'il l'interpella comme si ça vit en dépendait. Tu viens hein ? Dis moi que tu viens ? elle ne semblait pas comprendre, Ulrich l'entraîna un peu en retrait et prit son air le plus grave. T'as vu, Hélène se barre, ça craint grave ! Groooos silence. Ulrich soupira et leva les yeux au ciel. Du service juridique, t'es vraiment égocentrique comme nana toi ! Aheeeemm... Ulrich tenta de se persuader qu'il était très convaincant dans le rôle du mec qui en a quelque chose à foutre de ses collègues. Même si, voyons les choses en face, à part Candice il ne s'entendait avec.. personne. Si, le type de la compta était cool... C'était quoi son nom déjà ? Y a son pot de départ au 4e dans quinze minutes. Tu viens hein ? Elle va être dévastée si tu viens pas tu sais... Ulrich fit son plus grand sourire. En fait, c'était surtout lui qui allait être dévasté, et seul, et il allait boire, et ça n'allait pas être beau à voir. Pas du tout...