J'ouvre mon placard et j'en sors mon sac un peu poussiéreux, celui que je n'ai ouvert qu'une seule fois depuis mon retour à Paris. Il en a vécu des choses, ce sac. Il a voyagé avec moi, je me souviens du jour où je l'ai acheté. C'était à Brooklyn, peu avant qu'on parte pour le grand Ouest. Dedans, j'ai mes mousquetons, une longue corde, un baudrier et des chaussures. J'ouvre le sac à dos, et un peu de poussière s'envole. Je sors l'énorme corde qui pèse des tonnes et la laisse sur mon plancher. Je n'en aurai pas besoin, il y a ce qu'il faut là où je vais aujourd'hui. Un mur d'escalade en extérieur, aux limites de Paris, dans le 18e. Je m'y suis rendu une fois, seul, et ça m'a gavé au bout de quinze pauvres minutes. Seul, rien n'était vraiment amusant, pas même la grimpe. Alors le sac avait à nouveau fini au fond de ce placard, et je n'y avais pas touché depuis.

Je le referme et prépare vite mes affaires de sport, puis je prends le tout et me précipite hors de chez moi, me dirige vers la station de métro Saint-Paul, et me précipite pour sauter dans celui qui est à quai. Lorsque j'arrive à destination, je marche quelques minutes vers le complexe sportif dont j'ai donné l'adresse à Manon. Rendez-vous à dix heures devant l'entrée. Elle ne peut de toute façon pas rater l'immense structure. Je regarde l'heure, 9h55. Je m'installe alors tranquille sur un banc, heureux de me débarrasser du poids de mes deux sacs, particulièrement celui qui contient le matériel que j'ai amené. Je sais qu'il y a quelques paires de chaussures à louer, et que Manon en trouvera une à sa taille. Je sort donc mon téléphone, une fois de plus, enfonce mes écouteurs dans mes oreilles, et me décide à écouter un peu de musique en attendant la jeune femme. Je souris en pensant à la journée qui commence seulement. L'escalade, c'est quelque chose que j'ai fait sans arrêt pendant plusieurs mois, et ça me manque énormément. Alors même si cet endroit n'a rien de comparable aux rochers que j'ai connus, je suis tout de même surexcité comme une gosse la veille de Noël. D'un côté, j'ai peur de me mettre dans tous ces états pour rien. Manon est certes une personne fantastique, mais j'ai perdu celui avec qui j'aimais gravir les sommets. Et j'ai peur que cette journée de grimpe n'ai pas le goût que j'attendais. Je me mords la lèvre, et je décide de combattre cette négativité. Aujourd'hui sera une bonne journée, je ne penserai pas (trop) à lui, et je vais m'amuser. M'éclater même.

L'excitation est à son comble pour Manon, qui pour la première fois va enfin tenter de faire de l'escalade, grâce à son ami Icare. La jeune fille est une férue de sensation forte et d'adrénaline, et l'escalade est une discipline qu'elle a envie d'essayer depuis pas mal de temps déjà. Si elle n'a jamais passé le cap jusque-là, c'est surtout qu'elle ne voulait pas le faire seule et qu'elle n'avait jusqu'à aujourd'hui, trouvé personne pour l'accompagner. Mais voilà, le jeune homme a croisé sa route, ils ont très rapidement sympathisé et il s'avère qu'il est un adepte de l'escalade et lui a même proposé de lui montrer où en faire à Paris. Cette nouvelle réjouit beaucoup moins maman Lesca, qui bien évidemment est inquiète pour sa fille, chaque fois que cette dernière se lance dans un sport à sensation, quel qu'il soit. Déjà qu'elle avait mis du temps a accepté que son bébé veuille faire du football et plus encore en faire ses études et sa carrière. Mais Manon s'en fiche pas mal, elle a besoin de ces montées d'adrénaline, de se faire peur, de tester ses limites. Sans doute une conséquence inconsciente à sa maladie, c'est en tout cas ce que lui a dit sa psy. Mais peu importe la raison, c'est un besoin vital chez la brunette.

Alors toute excitée qu'elle est, elle agace tout le monde à la maison à ne parler que de cette sortie depuis des jours, et c'est encore pire ce matin. Elle s'est levée très tôt, plus tôt encore qu'à son habitude, elle qui n'aime déjà pas trainer le matin, elle était bien trop excitée pour arriver à dormir plus longuement. Après un petit déjeuner consistant et une bonne douche, elle prépare ses affaires de sport qu'elle range minutieusement dans son sac de sport. « Ca c'est bon OK. Bouteille d'eau, barre de céréales. » Comme elle est une sportive aguerrie, elle sait exactement quoi prendre pour tenir le temps de l'effort et après. Mais évidemment, sa mère est derrière elle à veiller, Manon se retourne, la regardant avec une mine boudeuse. « C'est bon maman, je suis une grande fille, c'est surveillé et en plus j'ai l'habitude de faire des efforts, ça ira tout seul. » Elle attrape son sac et enfile sa veste de jogging, ne laissant pas la possibilité à sa mère le temps de répliquer quoi que ce soit. « À tout à l'heure. » La porte refermée derrière elle, elle se dirige à la station de métro la plus proche de chez elle et qui l'emmènera au point de rendez-vous donné par Icare. Quand elle arrive sur place, pile à l'heure, elle l'aperçoit assis sur un banc et se dirige rapidement vers lui. Elle se plante debout devant le jeune homme, un large sourire plaqué sur le visage. « Salut ! Alors on fainéantise ? » Oui, ce mot n'existe pas, ou alors peut-être que si, elle ne sait plus mais elle s'en fiche, ça reste tout à fait compréhensible. « T'es prêt ? Moi je suis au taquet ! Au fait, je n’ai pas de matériel, vu que c'est la première fois, ça ne pose pas de soucis ? » Parce que bon, ce serait quand même un peu idiot d'être venue, d'avoir patienté tout ce temps, alors que la patience n'est absolument pas le fort de Manon, pour au final, ne pas pouvoir grimper, faute de matériel.

Je ferme les yeux un instant, me perdant un peu dans ma musique, laissant la guitare me bercer tandis que les rayons du soleil frappent la peau de mon visage. Il fait plutôt beau, un avant-goût de printemps, avec un petit vent frais. Lorsque j'ouvre les yeux, je vois Manon au loin. Elle marche d'un pas décidé, tellement enthousiaste que ça me donne un peu plus de pêche. Je ne peux m'empêcher de sourire en la voyant arriver. Lorsqu'elle arrive à ma hauteur, elle s'arrête face à moi, et je retire vite mes écouteurs avant d'éteindre ma musique. « Salut ! Alors on fainéantise ? » elle me dit, visiblement surexcitée. Je lui souris tout en enroulant mes écouteurs autour de mon téléphone, ce que je prends le temps de faire à chaque fois. Je m'apprête à lui répondre, mais elle ne me laisse pas le temps, enchaînant directement. « T'es prêt ? Moi je suis au taquet ! Au fait, je n’ai pas de matériel, vu que c'est la première fois, ça ne pose pas de soucis ? » Au moins sa bonne humeur a de quoi me motiver davantage. Ca a quelque chose de rafraichissant, de la voir dans cet état, de se dire que je vais retrouver un peu de ma passion, et ce avec quelqu'un qui y mettra tout son coeur. Ca ne me serait jamais venu à l'idée de monter seul, mais Manon va découvrir de nouveaux plaisirs aujourd'hui, et je suis content de pouvoir faire ça pour elle. Je me lève et attrape mes sacs, les arrangeant sur mes épaules. « J'suis toujours prêt » je lui réponds avec un sourire en coin. Toujours prêt pour tenter les trucs les plus fous, toujours prêt pour un peu de sensations fortes. On est un peu pareils, elle et moi, sur ce plan là. Je commence à marcher lentement vers l'entrée du complexe, Manon à mes côtés.

« T'inquiète pour le matériel, j'ai pratiquement tout ce qu'il faut, et le reste se trouve ici de toute façon » J'aime l'aventure, mais j'aime aussi mes habitudes, avoir un peu de familiarité là-dedans. Alors il me faut mes propres mousquetons, ce que je connais par coeur, et mon baudrier, que me va juste bien. Je la regarde un instant. C'est la première fois pour elle, et même si elle est à peu près aussi dingue que moi, je compte tout de même perdre un peu de temps sur les bases chiantes mais nécessaires. L'escalade ce n'est pas dangereux, ça le devient vite si on ne suit pas les règles. On entre et je paye pour nous deux un forfait qui nous donne la journée entière. Je l'emmène ensuite vers les vestiaires où je loue pour elle une paire de chaussures et un baudrier. Je change de t-shirt, m'équipe en vitesse et mets au fond de mon sac tout ce qui ne me servira à rien. « On va se trouver un casier pour mettre tout ça, et ensuite... on va s'éclater » lui dis-je en jouant avec un de mes sourcils et en prenant un air mystérieux un peu ridicule. Je balance mes affaires dans le premier casier que je trouve et l'invite à en faire autant. « Tout est ok ? Les chaussures et tout, t'es bien dedans ? » je lui demande en me tournant vers elle. Sans réfléchir plus longtemps, je me baisse pour ajuster les lanières de son baudrier, resserrer, remettre en place. J'attrappe ce qui pend et coince le tout pour que ça ne la gêne pas. « Ce truc-là, c'est pour accrocher la corde, ça doit être au niveau de ton nombril » je commente d'une voix un peu plus douce. Je me recule finalement et la laisse faire, me disant que ce serait plus intéressant pour elle et moins gênant pour moi.

Elle est tellement surexcitée qu'elle s'auto soule à parler que de ça. Mais ça y est, le jour J est arrivé, elle va enfin pouvoir tester l'escalade dont elle rêve depuis des mois. Elle chérit ce qui a permis de mettre Icare sur sa route, même si elle ignore de qui ou quoi il s'agit. Grâce à cette rencontre, elle a enfin trouvé la personne idéale pour l'accompagner et l'initier à ce sport qu'elle rêvait de faire. C'est donc toute excité et de particulièrement bonne humeur qu'elle se présente devant le jeune homme qui l'attend devant l'entrée de l'établissement comme convenu et elle est ravie de constater qu'il est tout aussi prêt qu'elle. « Super alors. T'as tout prévu. T'es un pro en fait ? » Elle le suit et est un peu gênée quand elle paye son pass aussi. « Merci. Tu n'étais pas obligé tu sais. Mais merci. » Manon pique un phare, pas trop habituée à ce qu'on paye pour elle, et puis c'est une jeune fille réservée et pudique de nature, alors forcément, c'est tout à fait le genre de situation qui peut la faire rougir. De toute façon il ne faut pas grand-chose à Manon pour la voir se mettre à rougir. Elle suit donc Icare de près, regardant un peu partout à la fois, ayant de plus en plus hâte de s'y mettre. La demoiselle hoche la tête quand il lui dit qu'ils vont aller chercher un vestiaire, pour lui montrer qu'elle l'écoute alors qu'elle le ne regarde pas à ce moment-là. Mais quand elle tourne son visage et qu'elle le voit faire un truc bizarre avec ses sourcils, dont elle ne comprend pas la signification, enfin elle devine bien l'effet qu'il cherche, mais le résultat n’étant pas très concluant, elle éclate de rire. « Je ne sais pas ce que tu cherchais vraiment à faire, mais je peux te dire que c'est raté. » Elle laisse échapper un dernier rire tout en finissant de se chausser avec les chaussures qu'il lui a trouvées, après avoir laborieusement enfilé le baudrier. Puis elle met ses affaires dans le casier vide qui se trouve à côté de celui de son ami et poste face à lui, droite comme un piquet, main près du front en signe de respect comme à l'armée. « Tout est OK chef. Je suis à l'aise dans mes baskets comme un poisson dans l'eau. » Manon esquisse un sourire mutin. Elle se laisse très facilement déridée dès qu'elle se sent plus à l'aise avec les gens. Elle laisse même ressortir ce côté plus amusant, plus fun de sa personnalité.

Heureusement que Icare ne se contente pas des dires de la miss et qu'il prend la peine de vérifier, parce qu'au vu de tout ce qu'il réarrange si elle y était allée en l'état, elle ne serait probablement pas allée bien haut. « Et bien... comment dire, merci. Je crois qu'il y a encore du boulot au niveau de la mise en place du matériel. » Elle rit une fois de plus, et Manon a bien l'impression qu'elle n'a pas fini de rire et de sourire aujourd'hui. Puis elle l'écoute avec attention ce qu'il est en train de lui expliquer, hochant la tête dans de légers mouvements de bas en haut, puis elle s'exécute selon les instructions. Une fois, elle le regarde avec fierté « Comme ça ? » Attendant avec une pointe d'anxiété le verdict. C'est surtout plus vite elle sera prête, plus vite elle pourra grimper. Manon n'est pas stupide, ni inconsciente, elle sait bien que la sécurité est primordiale dans ce genre d'activité, et elle se doute bien qu'elle va devoir encore un peu patienter avant de se lancer, qu'il va lui donner des consignes à suivre, peut-être une technique ou quelques trucs pour lui faciliter son apprentissage. « Alors, je dois savoir quoi d'autres avant qu'on en se lance ? » Elle préfère donc anticiper en posant la question. Sa manière peut-être d'accélérer les choses. En tout cas, elle ne peut cacher son enthousiasme et son impatience qui transpire de tout son être. La façon dont elle trépigne, passant son point d'équilibre d'une jambe à l'autre, ce regard qui pétille et qui brille et qui ne lâche pas Icare de son champ de vision. « Depuis combien temps tu fais de l'escalade toi. Par ce que tu as l'air vraiment calé. En fait t'es instructeur d'escalade non ? Si ce n’est pas le cas, tu devrais l'envisager. » Manon, elle a beau être réservée, elle ne peut s'empêcher d'être également curieuse et puis bon, ils ne se connaissent depuis pas si longtemps que ça, elle aimerait en apprendre plus sur lui. Et quoi de mieux que de passer une journée complète avec lui, même s'ils sont là pour l'escalade, pour tenter de le connaitre un peu plus encore. « En tout cas je ne te remercierai jamais assez de m'avoir emmenée ici et de m'apprendre à grimper alors qu'on se connait à peine. Depuis le temps que j'en rêvais. » Dans un sursaut de courage, elle entoure le jeune homme de ses bras et l'embrasse furtivement sur la joue. Manon ce n’est pas quelqu'un de tactile en règle générale, mais quand elle est vraiment heureuse pour quelque chose, elle le montre parfois de manière un peu trop expansive, un petit côté pas forcément dérangeant de sa maladie.

« Super alors. T'as tout prévu. T'es un pro en fait ? » Je ris un peu, forcément. Je suis loin d'être un pro, mais ça me fait plaisir. J'ai juste eu la chance d'avoir rencontré les bonnes personnes, d'avoir pris les bonnes décisions au bon moment. De ne jamais m'être laissé enfermer dans un système contraignant, d'avoir pris mon envol jeune et d'avoir osé tout risquer. C'est un peu comme ça qu'on vit les meilleures expériences, en choisissant de tout mettre en jeu, de partir à l'aventure et de laisser une part d'incertitude et de danger à l'intérieur de sa vie. Je secoue juste un peu la tête, puis nous entrons. Lorsque je lui paye son pass, par habitude et aussi parce que c'est la première fois qu'elle vient et que ça me semble normal de l'inviter, elle me remercie et rougit un peu. Je ne le lui fais pas remarquer, surtout que ça a tendance à m'arriver à moi aussi. A peine ai-je essayé de me rendre intéressant en faisant une mimique qui avait l'air cool dans ma tête, je réalise que ce n'est pas le cas dans la vraie vie. « Je ne sais pas ce que tu cherchais vraiment à faire, mais je peux te dire que c'est raté. » qu'elle me dit avant de rire. Je la rejoins, non sans rougir à mon tour. Décidément, on formait un sacré duo. On se prépare, chacun de son côté, puis je me tourne vers Manon qui a l'air prête et décidée. « Tout est OK chef. Je suis à l'aise dans mes baskets comme un poisson dans l'eau. » Elle est plutôt incroyable, et c'est une vraie bouffée d'air frais. J'ai envie de la remercier tout à coup, mais j'aurais du mal à expliquer pourquoi, du coup je me tais. Je vérifie tout de même son baudrier, la partie la plus importante de l'équipement puisque c'est ça, en partie, qui assurera le bon déroulement de la journée. On m'a toujours dit que les sensations fortes sont un plaisir inégalable, mais seulement si c'est en toute sécurité. Vous allez peut-être me dire que ce qui est excitant justement, c'est le danger. Mais non, c'est simuler le danger qui rend la chose géniale. Parce qu'une fois que tu es dedans, tu ne penses plus qu'il ne peut rien t'arriver. « Et bien... comment dire, merci. Je crois qu'il y a encore du boulot au niveau de la mise en place du matériel. » me dit Manon, et je lève les yeux vers elle en lui souriant doucement. « C'était pas si mal que ça. Et puis tu débutes, c'est normal » je lui dis en haussant un peu les épaules. Quand je lui explique comment placer son baudrier convenablement, elle m'écoute et s'exécute, puis lève les yeux vers moi. « Comme ça ? » J'ai bien suivi du regard, mais je tire tout de même un peu sur une sangle pour voir si c'est assez serré. Ca l'est, et je souris en levant le regard vers elle. « C'est parfait, tu gères » je lui dis avec un clin d'oeil. Je n'y peux rien, elle me met à l'aise, Manon. Elle est joyeuse et de bonne humeur, et moi ça me tire de mes humeurs un peu noires. Avec elle, je lâche prise et je redeviens un peu l'ado que j'ai été, il y a des années, juste après avoir quitté la Bretagne. Celui que j'étais en arrivant à New York. Quequ'un qui aime s'amuser et qui ne réfléchis pas trop, qui ne se censure pas. J'aimerais bien être ce mec-là à nouveau, et pour de bon. Il avait moins de soucis, moins de problèmes et de mauvais souvenirs. Il avait ses peines, mais pas autant que moi aujourd'hui. Elles étaient moins lourdes à porter.

« Alors, je dois savoir quoi d'autres avant qu'on se lance ? » elle me demande, alors qu'on commence à quitter les vestiaires pour se diriger vers la salle où se trouvent les murs de grimpe. Il me reste un tas de trucs à lui expliquer, des règles de sécurité, des conseils, mais pour ça, il faut qu'on soit devant un mur, sinon ça n'aurait aucun sens. « Depuis combien temps tu fais de l'escalade toi. Par ce que tu as l'air vraiment calé. En fait t'es instructeur d'escalade non ? Si ce n’est pas le cas, tu devrais l'envisager. » elle rajoute, et ça me fait rire. Ca me fait plaisir, bien sûr, mais je suis loin d'avoir les capacités pour devenir instructeur. Je préfère garder ça comme un passe-temps, une passion, et surtout de bons souvenirs. Paris n'a rien à voir avec les roches américaines, et grimper ici, ça me semble ridicule. Une comparaison presque malsaine, à côté de ce que j'ai vu et vécu là-bas. Pendant que je passais les meilleurs moments de ma vie avec lui. Enfin bref. « J'ai appris il y a deux ans, quand j'étais aux Etats-Unis, avec mon petit ami. » je lui réponds simplement, honnêtement. En général, je ne parle pas de lui. Aaron. J'évite le sujet parce que le simple fait de le mentionner, ça me déchire. Mais avec Manon, c'est un peu plus facile. Je ne sais pas trop pourquoi. Elle me met à l'aise, c'est tout. « En tout cas je ne te remercierai jamais assez de m'avoir emmenée ici et de m'apprendre à grimper alors qu'on se connaît à peine. Depuis le temps que j'en rêvais. » Puis elle me serre dans ses bras et dépose une bise sur ma joue. Je ne m'y attendais pas, j'avoue, mais ça fait plaisir. Vraiment, je ne suis pas du genre à sursauter au moindre contact. Cette soudaine démonstration d'affection me fait sourire, et j'essaie de maladroitement lui rendre son câlin, malgré le fait que mes bras soient coincés sous les siens. « Ca me fait vraiment plaisir. Ca fait longtemps que j'ai pas grimpé, et tout seul c'est franchement nul » je lui réponds honnêtement. Après ça, je l'emmène vers le bloc, la piste de grimpe qui s'élève à trois mètres du sol, pas plus, et qui se travaille horizontalement et sans corde. Ce sera plus simple pour prendre les bonnes habitudes et pour commencer. « Regarde, là tu vas pouvoir commencer à essayer de grimper, ça sert à rien d'aller haut, c'est juste pour prendre l'habitude. La majorité de ta force est dans tes jambes, tes mains sont surtout là pour l'équilibre, et puis le reste... tu verras en essayant » je sais bien que ce n'est pas la partie la plus excitante, que faire des traversées à un mètre du sol n'est pas très amusant. Mais c'est important, pour qu'elle ait les premières sensations une fois qu'on ira grimper sur le vrai mur qui nous fait de l'oeil depuis tout à l'heure.